Au cours du XXe siècle, l'importance des problèmes d'économie publique s’est fortement
amplifiée sous l'influence de deux grands facteurs, apparemment contradictoires mais en fait
logiquement liés :
- le succès grandissant de l'interventionnisme public jusque dans les années
1970. Avec la domination des idées « d'ingénierie sociale », de planification, de contrôle
réglementaire des marchés, de redistribution par le budget public (au nom de la « justice sociale »),
de politique macro-économique contracyclique. L'objectif était soit de contrôler, soit de remplacer
"scientifiquement" l'« ordre spontané » du marché, avec l'hypothèse implicite que cette politique
était non seulement souhaitable mais facile à mettre en œuvre ;
- les problèmes de plus en plus aigus rencontrés dans le dernier tiers du XXe
siècle par les "Welfare States" constitués sous l'influence des idées précédentes. Appliquées à
une large échelle, les interventions publiques ont produit des résultats imprévus, pour lesquels il
n’existait pas d'outils d'analyse. La « crise de l’Etat » que connaissent la plupart des pays
industrialisés depuis la fin des années 1970 a été un révélateur intense de la fragilité des
constructions antérieures. Le ralentissement de la croissance a tout d’abord provoqué une explosion
des transferts : les règles « généreuses » adoptées antérieurement en matière de redistribution ont
provoqué des difficultés budgétaires très sérieuses. Cela a conduit à une forte hausse des
prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales), qui a eu plus pour effet d’à amplifier les
problèmes que de les résoudre. Par ailleurs, l'interventionnisme public des années 50-60 a provoqué
des effets de cliquet néfastes, notamment en matière d’emploi et de croissance, qui ont eu tendance
à retarder les « sorties de crise ». En longue période, ce sont surtout les distorsions volontaristes des
prix relatifs, dont la finalité avouée était de « corriger le marché », qui ont provoqué les rigidités et
les inefficacités les plus graves.
Section II : Economie publique normative, économie publique positive
La période "optimiste" de l'économie publique, du début du XXe siècle aux années 1970, a
correspondu à une large domination de l’optique normative. L'objectif était de rechercher la
politique publique qui devrait être appliquée, en se fondant sur la maximisation d'une fonction
d'objectifs explicite, compte tenu des contraintes de l'environnement. En général, cette fonction était
soit une fonction de bien-être collectif, soit, à un niveau moins ambitieux, une fonction de
préférence du seul Etat, c'est-à-dire une fonction d’utilité des décideurs publics. Cette optique
normative a eu d'autant plus de succès qu'elle était très liée, depuis Alfred Marshall, à une
perception nouvelle de la fonction sociale de l'économiste. Celui-ci était considéré moins comme un
observateur scientifique des faits sociaux que comme un "mélioriste social", chargé d'indiquer à la
société la voie « rationnelle » de son bien-être, c'est-à-dire une voie éthiquement et politiquement
neutre. L'économie publique est donc devenue presque exclusivement un lieu de définition des
politiques optimales, visant à proposer aux décideurs publics les actions les plus cohérentes avec
les objectifs sociaux qu’ils révélaient officiellement. Elle se jugeait ainsi moins à sa capacité