SOCRATE- Y a-t-il quelque chose que tu appelles corps et une autre que tu appelles âme ?
GORGIAS- Oui, bien sûr.
SOCRATE- Or, crois-tu qu'il existe une bonne santé du corps et un bon état de l'âme ?
GORGIAS- Oui, je le crois.
SOCRATE- Et ne crois-tu pas que cette bonne santé puisse n'être qu'une apparence, sans rien de réel ? Je vais te
donner un exemple : il y a bien des gens qui ont l'air d'être en bonne santé, et on aurait du mal à comprendre
qu'ils sont en fait en fort mauvais état si on n'était soi-même maître de gymnastique ou médecin.
GORGIAS- C'est vrai.
SOCRATE- Je soutiens qu'il existe un état du corps et un état de l'âme, qui donnent au corps et à l'âme, l'air
d'être en bonne santé, alors qu'ils n'ont aucune santé.
GORGIAS- Cet état existe, oui.
SOCRATE- Bien, je vais essayer, comme je peux, de te voir plus clairement ce que je veux dire. Il y a donc deux
genres de choses, et je soutiens qu'il y a deux formes d'arts. L'art qui s'occupe de l'âme, je l'appelle politique.
Pour l'art qui s'occupe du corps, je ne suis pas à même, comme cela, de lui trouver un nom, mais j'affirme que
tout l'entretien du corps forme une seule réalité, composée de deux parties : la gymnastique et la médecine. Or,
dans le domaine de la politique, l'institution des lois correspond à la gymnastique, et la justice à la médecine.
PLATON, Gorgias, 464 a- c. Trad. Canto.
Quand on est jeune, il ne faut pas hésiter à s'adonner à la philosophie, et quand on est vieux, il ne faut
pas s'en lasser d'en poursuivre l'étude. Car personne ne peut soutenir qu'il est trop jeune ou trop vieux pour
acquérir la santé de l'âme. Celui qui prétendrait que l'heure de philosopher n'est pas encore venue ou qu'elle est
déjà passée ressemblerait à celui qui dirait que l'heure n'est pas encore arrivée d'être heureux ou qu'elle est déjà
passée.
EPICURE, Lettre à Ménécée. Trad. Solovine.
L'art apparaît lorsque, d'une multitude de notions expérimentales, se dégage un seul jugement universel.
En effet, former le jugement que tel remède a soulagé Callias, atteint de telle maladie, puis Socrate, puis
plusieurs autres pris individuellement, c'est le fait de l'expérience ; mais juger que tel remède a soulagé tous les
individus atteints de telle maladie, déterminé par un concept unique, comme les phlegmatiques, les bilieux ou les
fiévreux, cela appartient à l'art. Or, par rapport à la vie pratique, l'expérience ne paraît différer en rien de l'art ;
nous voyons même les hommes d'expérience l'emporter sur ceux qui ont la notion sans l'expérience. La cause en
est que l'expérience est la cause des choses individuelles, et l'art celle des choses universelles, et, d'autre part, que
toute pratique porte sur l'individuel : ce n'est pas l'homme en général, en effet, que guérit le médecin, mais
Callias, ou Socrate, ou quelque individu ainsi désigné, qui se trouve, en même temps, être un homme. Si donc on
possède la notion sans l'expérience, et que, connaissant l'universel, on ignore l'individuel qui y est contenu, on
commettra souvent des erreurs de traitement, car ce qu'il faut guérir avant tout, c'est l'individu. Toutefois nous
pensons d'ordinaire que le sacoir et la faculté de comprendre appartiennent plut^to à l'art qu'à l'expérience, et
nous considérons les hommes d'art comme supérieurs aux hommes d'expérience, la sagesse, chez tous les
hommes, accompagnant plutôt le savoir : c'est parce que les uns connaissent la cause et que les autres ne la
connaissent pas. En effet, les hommes d'expérience connaissent qu'une chose est, mais ils ignorent le pourquoi ;
les hommes d'art savent à la fois le pourquoi et la cause.
ARISTOTE, Métaphysique, A1. Trad. Tricot.