NETCOM, vol. 25, n° 1-2, 2011
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Ainsi, le géocyberespace peut se définir comme le produit d’un système
complexe dont la dynamique résulte de la boucle de rétroaction entre d’une part, un
ensemble d’acteurs et d’autre part, un ensemble de territoires et de réseaux que les
acteurs utilisent, aménagent et gèrent (voir Figure 1). Le géocyberespace est une vision
globale de l’espace, dépassant la dichotomie entre le géoespace et l’espace
technologique des réseaux et des flux. Un acteur est ici « tout homme ou toute femme qui
participe de façon intentionnelle à un processus ayant des implications territoriales » (Gumuchian,
2003). Les acteurs interagissent à travers les processus de négociation et de décision à
une même échelle de l’espace géographique et aux différentes échelles. Ils
appréhendent l’espace selon un système de représentation avec des perceptions
personnelles (relatives au vécu), collectives (relatives aux valeurs d’une société) et/ou
idéologiques (selon des théories ou des modèles) (Moine, 2006). Ces perceptions
influencent les acteurs dans leurs prises de décisions concernant les cinq domaines
d’actions fondamentaux de toute société dans l’espace géographique : habiter,
s’approprier, exploiter, échanger et gérer dans les meilleures conditions et surtout de
manière cohérente (Brunet, 2001).
Afin de mieux comprendre les interactions entre acteurs, réseaux et territoires,
nous avons souhaité analyser l’exemple des minorités culturelles (Bakis, 1994 et 1996).
Souvent analysés en sciences économiques et plus modestement, en sciences sociales
et politiques, les TIC sont en revanche peu étudiés à travers la dimension culturelle. Il
s’agit ainsi d’analyser les perceptions et pratiques spatiales des immigrants de la
diaspora chinoise générées par l’usage des TIC. Les minorités culturelles, et plus
précisément les communautés de la diaspora, constituent un objet d’étude
particulièrement intéressant pour mettre en évidence les nouvelles perceptions et
pratiques des immigrants (Bakis, 2007b). La diaspora chinoise constitue la plus grande,
la plus ancienne et la plus prospère diaspora au monde, avec 30 millions de chinois
hors de Chine, présents dans plus de cent trente-cinq pays, dispersés sur les cinq
continents (Ma Mung Kuang, 2000). Structurée en réseaux d’entraide très anciens, elle
est issue d’une tradition migratoire datant du début de notre ère chrétienne, lui
permettant la création de puissants réseaux économiques (Sanjuan, 2008). Ces derniers
favorisent le développement des réseaux culturels et réciproquement, ce qui participe à
la construction d’une identité chinoise partagée (McKeown, 2005). E. Ma Mung
Kuang (2000) définit la diaspora comme la multipolarité de la migration d’un même
groupe national, ethnique ou religieux entre différents pays ainsi que l’interpolarité de
leurs relations. Il démontre que les diasporas ont deux spécificités : d’une part, une
identité sociale des caractères ethniques et d’autre part, un territoire discontinu
comprenant trois types de communautés : celle du pays d’accueil, celles des autres
foyers de la diaspora dans le monde et celle du pays d’origine. De part leur migration
et leur insertion dans une nouvelle culture, celle du pays d’accueil, les immigrants
interrogent leurs spécificités culturelles à travers un vaste réseau social d’étendue
mondiale. Ainsi, les individus utilisent les TIC pour s’affranchir des distances et
renforcer leurs liens avec le pays d’origine et les autres membres de la diaspora. A cet
égard, Froment et Bakis (2005) ont démontré que les TIC facilitent l’insertion des
Réunionnais en France métropolitaine et leur procurent une plus grande accessibilité à