Université Montesquieu – Bordeaux IV LAREFI Quatrième Séminaire International des Doctorants en Intégration Economique Thème : Secteur privé dans l’espace Ouest Africain: quels enjeux pour le NEPAD ? Directeur de Thèse : Bernard YVARS Présenté par : Sèmako Alfred HODONOU (Doctorant en économie du développement à l’Université – Montesquieu – Bordeaux IV.) Tél : 229 97 60 11 29 / 229 90 03 19 85 /229 95 86 58 34 05 BP 1239 Cotonou BENIN Email : [email protected] 9 et 10 juin 2006 Avec le soutien de : - Commission européenne, Direction de l’Education et de la Culture ; - Ecole doctorale de Sciences Economiques et de Gestion de l'Université Montesquieu - Bordeaux IV. RESUME Dans ce travail, nous analysons la relation positive et favorable à la réussite du NEPAD qui peut exister entre secteur productif et secteur public. Le cadre théorique adopté met en évidence le fait selon lequel le secteur privé ouest africain à travers sa composition, son organisation et sa capacité à saisir les opportunités qui s’offrent à lui constitue non seulement une source additionnelle de financement de la croissance, mais aussi et surtout favorise l’augmentation de la productivité. Mots clés : NEPAD, Capacité de Transformation Financière, secteur privé. Abstract This paper investigates the best relationship between private productive sector and public sector. The theorical framework used her underscores the stylized fact that west africa productive sector not only provides additionnel ressources of financing for growth, but more important its promotes productivivity growth and imposing good financing disciplines and providing a more competitivity external environnemnt. 1- Problématique et objectifs de l’étude 1-1 : Problématique Même si le flux des investissements ne rime pas toujours avec croissance économique et réduction de la pauvreté, il est tout de même reconnu que l’augmentation des flux de capitaux est un indicateur fort de vitalité et de dynamisme d’une économie. Ainsi, pour apprécier la vitalité des économies africaines, la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement ( CNUCED) a, dans un rapport publié en juillet 2000 sous le titre « le flux de capitaux et la croissance économique en Afrique », a fait remarquer que, « Dans la période 1975-82, les entrées de capitaux privés représentaient 3,9% du Produit National Brut (PNB) des pays d’Afrique subsaharienne, qu’entre 19831998, période de la généralisation de l’ajustement, ils ne représentent pas plus que 1,8% du PNB, soit une chute de plus de 50% par rapport à la période 1975-82 qui a précédé la crise de la dette et le début des politiques d’ajustement ». Aussi, ce rapport conclut-il que la part de l’Afrique dans les investissements directs est passée de 3% au début des années 1990 à moins de 2% en 2000. Il s’en suit que de façon particulière, les pays de l’Afrique de l’Ouest n’attirent pas beaucoup les investisseurs qui préfèrent en général les paradis fiscaux1. Au nombre des obstacles à la croissance des investissements dans cette zone, on peut relever entre autres freins, l’exiguïté des marchés des pays de la sous région, la difficulté d’accès de l’investisseur privé à l’information nécessaire, l’insuffisance d’infrastructures indispensables, l’existence de législations opportunes, l’inadaptation des codes des investissements, le manque de transparence des législations adoptées et l’insuffisance des systèmes de protection et de garantie des investissements, l’absence d’une véritable Seuls un pays qui recèle du reste d’importants gisements pétrolifères tire son épingle du jeu. Il s’agit du Nigéria qui figure pratiquement toujours depuis 1978 au top 10 des principaux pays bénéficiaires d’investissements directs au niveau de l’Afrique des Caraïbes et du Pacifique. Il convient de rappeler que d’autres pays apparaissent également au moins une fois dans le Top 10 entre 1978 et 1997. Il s’agit de la Côte d’Ivoire, du Libéria et du Ghana. De source proche de la Banque mondiale, deux de ces pays maintiennent la cadence et occupent le peloton de tête en Afrique de l’Ouest. Le Nigeria ne faillit pas à sa réputation de locomotive de cette région. Il a enregistré 1005 millions de dollars d’investissements étrangers directs en 1999 contre 350 millions de dollars pour la Côte d’Ivoire, l’autre géant de cette région. La Guinée et le Sénégal avec respectivement 63 millions de dollars et 60 millions de dollars d’investissements enregistrés prennent de l’ascendant. Le Cap-Vert , le Ghana, le Bénin, le Togo, le Niger et le Burkina enregistrent respectivement pour leur part 15 millions des dollars, 17 millions de dollars, 31 millions de dollars, 30 millions de dollars, 15 millions de dollars et 10 millions de dollars. Quant à la Sierra Leone, elle n’en a attiré qu’un million de dollars. Ces performances sont en réalité nettement en deçà des potentialités de la sous région qui regorge tant de ressources minières que pétrolières. 1 politique de soutien au secteur privé qui serait pris par beaucoup comme la véritable pierre d’achoppement. La situation est telle que la Commission Economique pour l’Afrique (CEA) a organisé du 24 au 27 juin 2001, une conférence internationale intitulée : « Relance de l’investissement privé en Afrique : partenariat pour la croissance et le développement ». Cette conférence patronnée par la table ronde des hommes d’affaires africains, la coalition mondiale pour l’Afrique, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), etc…avait connu la participation de plusieurs Chefs d’Etats et de gouvernements mais aussi de plus de 600 personnes. Il y avait été demandé aux gouvernements d’établir un climat socio-économique stable, pluraliste et favorable pour que les investisseurs africains et étrangers prennent et tiennent des engagements productifs en Afrique »2. Cinq ans après, le tableau n’est pas très reluisant bien que l’Afrique de l’Ouest représente à la date d’aujourd’hui un marché d’un peu plus de 250 millions d’habitants et que l’intégration sous régionale entamée constitue déjà une des solutions à l’étroitesse des marchés nationaux3. Il s’en suit que le niveau des investissements privés n’a pas encore atteint le niveau requis et que d’autres paris restent encore à gagner et constituent pour ces Etats, la dure épreuve du passage en vue de la convergence des efforts tant sur le plan économique que financier. En effet, pour la mise en œuvre des programmes communautaires susceptibles d’accroître et de diversifier la production, les échanges sous-régionaux, un accent particulier est mis sur le secteur privé tant local qu’international. Tous les espoirs sont portés sur le secteur privé pour assurer le développement économique des nations alors que l’expérience des pays développés montrent que c’est avec la concordance des actions de l’Etat et des initiatives privées que le développement a été amorcé et ce, avec le capital national contrairement aux investissements exclusivement étrangers qui seraient le cheval de bataille pour la réussite du NEPAD. Or, l’accumulation interne des capitaux ainsi qu’une politique de financement de long terme ne peuvent être faciles que si le secteur privé africain se donne les moyens et le mérite de recueillir et de mettre à 2 Ce fut la déclaration de M K Y Amoako secrétaire exécutif de la CEAO Car, sur les quinze Etats que regroupent la Communauté organisée de cette zone, onze ( Cap-Vert, Burkina, Sénégal, Gambie, Mali, Bénin, Guinée, Niger, Togo, Sierra Leone, Guinée Bissau) appartiennent à la catégorie des 43 Pays les Moins Avancés (PMA). 3 son profit, le dispositif que lui aurait octroyé ou proposé l’environnement international qui malgré tout est en recherche de partenariats et de secteurs dynamiques et porteurs. Lorsqu’on sait que ce processus ne peut être mené convenablement à terme et intéresser au mieux l’extérieur sans un effort propre doublé d’une cohérence interne crédible et d’un effort endogène, il nous semble indispensable de faire une étude dynamique sur la capacité interne du secteur privé des économies africaines quant à leur composition, leur organisation et leur capacité à tirer des ressources financières en quête de meilleurs placements. Il s’agira ici de présenter une recherche documentaire et de faire ressortir les résultats diagnostiques de l’environnement des Affaires en vue d’une analyse critique croisée de la synthèse narrative produite et des données documentaires en vue de la formulation de recommandations pour la revisatation du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique ( NOPADA ou NEPAD). 1-2 : Objectifs d’étude et méthode d’analyse 1-2-1 : Objectif de l’étude 1-2-1-1 : Objectif général La présente étude permettra de présenter l’environnement des Affaires en Afrique de l’ouest et débouchera sur des propositions de stratégies visant à assoire les bases véritables d’un environnement de développement du secteur privé et des autres acteurs tels que la société civile et l’administration publiques. 1-2-1-1 : Objectif spécifique De façon particulière, il nous reviendra d’évaluer le potentiel de croissance du secteur privé qui est pris dans les nouveaux modèles de développement des économies africaines comme la pierre d’angle au développement socio-économique. 1-2-2 : Hypothèse de recherche L’unique proposition de recherche associée à cette étude prend le secteur privé de l’Afrique de l’ouest comme porteur de développement des économies. 1-2-3 : Méthode d’analyse Il s’agira pour nous de mener une enquête sur le secteur privé ouest africain. Dans l’impossibilité de rencontrer de façon continuelle et ce, dans une période de temps définie tous les acteurs du secteur privé de cette sous-région, nous avons étendu notre étude dans le temps à travers des entrevues que nous avons réalisées avec les opérateurs économiques lors des différents sommets tenus à Cotonou, mais aussi au cours de nos déplacements en Côte d’Ivoire, au Togo, au Burkina-Faso et au Nigéria. Lesdites discussions ont porté sur les centres d’intérêt tels que la motivation et la détermination des acteurs à exercer dans le secteur privé, leur niveau d’instruction, leurs différents partenaires économiques, leur relation avec les institutions financières ainsi que le pouvoir public. 2: Fondements théoriques. Cette revue de littérature est orientée suivant deux axes. Après avoir situé la démarche de gestion et de développement antérieur utilisé par les Etats, il sera question de préciser le concept de secteur privé et ses démembrements en Afrique de l’Ouest. 2.1 : Démarche de gestion antérieure des économies En dépit des différences notables de politiques et de stratégies, voire d’idéologies de développement entre les Etats de la sous-région, l’interventionnisme des pouvoirs publics est apparu comme la démarche de gestion la plus répandue. Ces interventions ont pris au fil des années, la forme de stratégie réformiste (avec des variantes collectivistes et libérales) et ont débouché sur une sorte de partage des rôles entre trois catégories d’acteurs. Tout d’abord, l’Etat est partout et, quel que soit le système expérimenté, il est resté le garant de la mise en œuvre de la politique. Au-delà de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de développement des secteurs ou de la création d’un environnement propice à l’exercice des activités, l’Etat s’est clairement positionné comme le principal (et parfois l’unique) acteur de la réalisation de certaines fonctions critiques ; il s’agit de la recherche, de la vulgarisation technologique et de la commercialisation primaire de nombreux produits. La seconde catégorie d’acteurs est représentée par les structures relais d’exécution et d’encadrement qui prescrivent le transfert de certaines activités et compétences de l’Etat aux acteurs privés qui, en dernier ressort, représentent la troisième catégorie d’acteurs et qui d’ailleurs commence à avoir une importance de choix dans les politiques mais aussi dans la société et ceci, compte tenu de la proportion des populations qu’il englobe. Cette catégorie d’acteurs fera l’objet d’une étude particulière. 2.2 : Concept de secteur privé La littérature économique est encore peu fournie sur la définition claire du concept de secteur privé. La clarification précisée ici provient d’une analyse synthétique de l’enquête réalisée au niveau des opérateurs économiques africains lors de plusieurs sommets tenus à Cotonou au Bénin ainsi que des séminaires réalisés en Amérique du nord ( Québec, Montréal, 2006) et des cadres du ministère en charge du secteur privé au Bénin, au Togo, au Burkina-Faso et en Côte d’Ivoire au cours des années 2002, 2003 et 2004. Nous présenterons ici les contours du secteur privé ainsi que ses diverses composantes. 2.2.1 : Définition et composantes Il s’agira pour nous ici de cerner le concept ainsi que ses différentes ramifications ou composantes essentielles. 2.2.1.1 : Définition Le secteur privé regroupe le monde des acteurs ou agents économiques dont le rôle ne consiste ni a légiférer le monde des affaires, ni à veiller à l’application des textes et lois réglementant l’exercice des activités commerciales, industrielles, agricoles, artisanales ou culturelles. C’est le monde des personnes qui exercent des activités en vue d’en tirer des profits à titre personnel et même au détriment de l’Etat. Dans l’exercice de leurs activités, ces acteurs collectent au profit des Etats locaux, centraux ou fédérés ( ceci s’observent beaucoup plus dans les provinces du canada où tout consommateur peut connaître systématiquement, la part de charge fiscale induite par son acte d’achat), des recettes para fiscales ou fiscales. Aussi, le revenu de ces personnes physiques ou morales représente des sources de recettes fiscales et parafiscales. Il va s’en dire que la contribution de ce secteur aux recettes fiscales est relativement élevée dans le budget des Etats. A ce titre, il est important d’analyser la réelle composition de ce secteur pourvoyeur de ressources pour l’Etat mais aussi pour l’immense majorité de la population. 2.2.1.2 : Composantes du secteur privé Regroupant ce monde immense de la population active occupée non employé par l’Etat, le secteur privé se compose des différents acteurs économiques, n’émargeant ni au budget de l’Etat central encore moins au niveau de ses démembrements déconcentrés ou locaux. Les activités réalisées par ces personnes qui font pratiquement tout le revenu national des Etats, part de la cordonnerie des rues jusqu’à l’industriel dont la majorité des moyens de production fait l’objet d’une technologie à la limite redoutable. C’est dire donc que le secteur privé africain constitue un réservoir où se côtoient artisans et manœuvres, tâcherons et agriculteurs, producteur de produits vivriers, de rentiers mais aussi de biens manufacturés. Ce secteur est distingué en formel et informel. 2.2.12.1. Le secteur privé formel Il se compose de deux réseaux marchands de nationaux et d’étrangers qui s’interfèrent. a) Les réseaux marchands nationaux Il regroupe : - le réseau afro besilien de l’ethnie fon qui tire son origine de la traite de l’huile de palme ; - le réseau des ethnies Yoruba et Goun fortement impliquées dans les échanges avec le Nigeria avec comme base, Porto-Novo, Capitale de la République du Bénin et ville frontalière du Nigeria ; - le réseau des ethnies Haoussa et Dendi qui trouve leur source dans le commerce caravanier et qui sont très actif dans le commerce des produits vivriers de gros et de semi-gros. b) Les réseaux marchands étrangers Pour ce qui compose ces réseaux, on distingue : - les vieilles sociétés de traite qui, à la faveur du libéralisme économique, redynamisent leurs activités ; - le réseau libano syrien qui suite à la guerre de Biafra au Nigéria, au conflit libérien et à la crise économique survenue au Togo, ont élargi leurs activités ; - les Indiens venus dès les années 1970 du Nigeria et du Ghana et qui ont étendu leurs activités sur toute la zone ouest africaine; - le groupe des Sahéliens ( Maliens, Sénégalais et Nigériens) spécialisés dans la commercialisation des produits électriques et électroniques ; - les Indo Pakistanais spécialisés en import-export vers le canada et l’Asie ; - les Libanais qui investissent l’alimentation générale et la vente des tissus. 2.2.1.2.2 Le secteur privé informel Il s’agit de l’économie souterraine qui s’organise en de complexes réseaux de contrebandes, de fraude et de trafics clandestins. C’est un réservoir illimité au développement incontrôlé d’activités non réglementaires. Ces acteurs embrassent le micro commerce qui s’exerce dans les marches, les rues, les carrefours et les échanges clandestins avec les pays limitrophes dont le Nigeria en particulier. Si les uns emploient le terme informel, d’autres le citent en guillemets comme si le terme n’était pas scientifique ou l’évitent systématiquement en se référant par exemple au concept de secteur non structuré. Au total, on peut retenir trois critères pour identifier ce secteur : - le critère d’informalité juridique qui permet d’assimiler comme informelle, toute activité qui occupe à plein temps (ou à temps partiels), des personnes qui ne figurent pas dans les statistiques de l’emploi parce que leur entreprise n’est pas enregistrée et donc n’a pas remplit un formulaire sur les effectifs ; - le critère de faible intensité capitalistique : il est considéré ici le capital matériel par actif (Km/L) et le capital humain (Kh/L). Dans ce dernier sous-critère, il est pris en considération, le nombre d’années d’étude, la qualification professionnelle ; - la taille qui exclu du secteur informel, toute entreprise de plus de 10 actifs. Il convient de faire observer que ce concept, ne fait pas l’objet d’unanimité désigne des réalités différentes d’un pays à un autre. En Thaïlande par exemple, on l’utilise le concept informel pour désigner les activités marginales. Ainsi, en partant d’une analyse des données d’enquête dans sept pays4 auprès de 2 200 unités, MORRISON C. et MEAD (1996), montrent que la conjonction de ces trois critères n’est pas vérifiée dans la mesure où beaucoup d’unités respectent une partie des règlements et que nombre d’entreprises ont un niveau de formation satisfaisant. A cet égard, et en se fondant sur l’analyse micro-économique standard, ils proposent une autre définition du secteur informelle comme une structure de l’emploi dominée par les non –salariés. Nous reviendrons par la suite sur ce concept. Mais qu’il soit formel ou informel, on distingue un secteur privé productif et un secteur privé non productif ou de service. a) Le secteur privé productif Il s’agit de toute initiative privée à même de susciter et de drainer toutes autres activités socialement organisées ou d’en générer d’autres se réalisant sous forme de dérivées. Le secteur privé productif regroupe des activités relevant du secteur primaire ( extraction des ressources naturelles du sous-sol et production des ressources du sol tels que les produits de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de la culture ou du tourisme), secondaires (transformation des ressources naturelles ou des produits semi-finis. 4 Il s’agit de l’Algérie, de la Tunisie, du Niger, du Swaziland, de la Thaïlande, de l’Equateur et de la Jamaïque. b) Le secteur privé non productif Constitué des activités du secteur tertiaire, ce domaine regroupe pour l’essentiel le sous secteur des transports avec les autres activités connexes ( transit, distribution, négoce…) et les services ( cabinets d’Avocats, de consultance ou autres professions libérales). Malgré ces différentes initiatives, nombreux sont les obstacles qu’il faut encore surmonter et cela se remarque surtout au niveau des indicateurs de mesure du bien-être social. Le seuil de la pauvreté globale5 au niveau des nations est en pleine décroissance passant de 1182 FF par an en moyenne par habitant en 1994/1995 à 1299 FF par an et par habitant en 1999/2000 impliquant une incidence de pauvreté aux niveaux nationaux de 29,6% en 1999/2000 contre 28,9% en 1994/1995 d’où une quasi-stagnation de la pauvreté. Cet état de choses pose le problème de l’efficacité des différentes actions qui ont été menées dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Il y a donc lieu de s’interroger sur les effets du financement des Micro, Moyenne et Petites Entreprises (MPE) qui souffrent généralement de la non-disponibilité de moyens financiers et mieux, du financement bancaire du secteur productif. En effet, depuis les travaux précurseurs de Mc KINNON et SHAW en 1973 (Confère FRY, 1995) qui ont démontré que le développement de la sphère financière constitue une condition nécessaire au développement économique, de nombreux travaux théoriques ont par la suite montré que l’intermédiation financière est susceptible d’avoir des effets positifs sur la croissance car, par leurs capacités d’expertises spécifiques et leur accès privilégié à l’information, les banques sont à même d’assurer le financement optimal des projets d’investissement. Selon BERNARD (2000)6, un système financier développé est capable de jouer sur le taux de croissance à travers des canaux bien distincts à savoir l’assurance de la liquidité et une meilleure maîtrise des risques inhérents aux projets d’investissement. L’idée de BERNARD est assez intéressante car dans une économie sans système 5 6 Le seuil de pauvreté globale est la somme des seuils de pauvreté alimentaire et non alimentaire. - On entend par seuil de pauvreté alimentaire la dépense minimale nécessaire à un individu ou à un ménage pour se procurer d’un panier de biens alimentaires qui respecte à la fois les normes nutritionnelles d’un régime alimentaire équilibré et les habitudes de consommation de la population concernée. - Quant au seuil de pauvreté non alimentaire, il désigne la dépense minimale nécessaire pour acquérir les biens non alimentaires et les services publics essentiels à la population. BERNARD Eric est allocataire de recherche au Laboratoire d’Economie d’Orléans. UMR 6586 CNRS. financier, chaque agent ne pourrait investir son épargne que dans ses propres projets. Ainsi certains d’entre eux pourraient ne pas être financés alors même qu’une épargne existante serait inutilisée. En outre rien ne garantit que ce soit les projets les plus rentables qui voient le jour car, le système financier sert à remédier à ces problèmes et les banques permettent de sélectionner, puis de financer les bons projets. PAGANO (1993) propose une formule reprise et complétée par VAROUDAKIS (1999). Pour ces auteurs, il est possible de modéliser le développement des intermédiaires financiers par un paramètre , l’investissement tel que l’on ait : I qui joue sur l’allocation de l’épargne vers S (1) De cette équation, on en déduit que l’investissement–et par ricochet la croissance économique–est une fonction croissante de la performance des intermédiaires financiers. Cette liaison pourra être vérifiée dans l’hypothèse selon laquelle l’investissement productif étranger est une fonction croissance du niveau de performance du secteur privé local. LEVINE (1996) de son côté recense cinq arguments qui peuvent fonder théoriquement l’existence d’une liaison positive et forte entre l’approfondissement financier et croissance, le système financier faciliterait la protection contre le risque et le partage de celui-ci et permettrait une allocation optimale des ressources et par la même occasion, permettrait un meilleur contrôle des dirigeants et de l’entreprise par les actionnaires ainsi que la mobilisation de l’épargne domestique. Enfin, la présence d’un système financier suffisamment développé faciliterait l’échange des bien et services. Pour JOSEPH, RAFFINOT et VENET (2003), tout investisseur est principalement confronté à deux types de risques : un risque de liquidité et un risque individuel. Le premier est lié à l’incertitude concernant la conversion d’un actif financier en moyen d’échange est plus difficile lorsqu’il existe des asymétries d’information ou des coûts de transaction. L’existence d’un secteur financier peut réduire l’importance des imperfections du marché, réduire le risque de liquidité et favoriser ainsi le développement de la sphère réelle. Le second est lié au choix des projets à financer. Un investisseur individuel peut préférer financer des projets à faibles risques donc à faibles rendements. La présence du système financier favorise la diversification du portefeuille de l’investisseur et l’incite à financer des projets plus risqués (parce que plus longs) mais également plus rémunérateurs. De plus, la présence d'asymétrie d’information ou de coût de transaction rend difficile l’allocation optimale des ressources. La présence d’un coût individuel élevé d’acquisition de l’information sur les projets d’investissements peut inciter les agents à se regrouper pour socialiser la dépense ou à déléguer à une institution (une banque par exemple), le soin d’obtenir ces informations (DIAMOND (1984) ou BOYD et PRESCOTT (1986)). L’économie ainsi réalisée peut conduire à une meilleure allocation des ressources et favoriser le développement de la sphère réelle. GREENWOOD et JOVANOVIC (1990). Ce constat fera dire aux auteurs du “DOCUMENT N°19866 BEN (1999) de la Banque Mondiale que" the bank is well positioned to assist all stakeholders in Benin achieve a long –term shared vision for economic growth and private sector development.” L’ensemble de ces arguments plaide en faveur d’un sens univoque de causalité entre le développement financier et la croissance de la sphère réelle. C’est l ‘approfondissement financier qui faciliterait l’accumulation du capital et donc du développement. Et pourtant à la suite des travaux de JOSEPH, RAFFINOT et VENET (2003), il convient de s’interroger sur un sens de causalité en sens inverse ; en quoi le développement économique peut–il alors induire le développement financier ? On distingue deux étapes dans le développement économique d’un pays. Dans la première c’est le développement financier qui induit le développement économique. C’est la phase de « supply leading » où l’approfondissement financier permet, le transfert des ressources d’un secteur traditionnel peu productif vers un secteur moderne plus efficace. Une fois cette étape franchie, le sens de la causalité s’inverserait. C’est la phase de « demand following » où le système financier répond de manière passive à la demande de services qui s ‘adresse à lui. Cependant, compte tenu du faible niveau du revenu par habitant dans les pays d’Afrique sub-saharienne, la causalité doit aller du financier au réel plutôt que l’inverse RAFFINOT et VENET (1998), JOSEPH, RAFFINOT et VENET (2003). Au total, cette littérature milite en faveur de la nécessité pour les banques de financer le développement. Aujourd’hui avec le concept des « 3D» (Désintermédiation, Décloisonnement et Déréglementation), il est admis qu’une banque commerciale peut financer le développement. (Voir d’AMBRIERE (1985), de COUSSEGUES (1997), DAUTRESME (1985), JACOUD (1994) et PATAT (1993)). C’est justement dans cette optique qu’il faut comprendre les efforts de la Banque Mondiale visant à la recapitalisation des banques commerciales comme ce fut le cas en THAILANDE où la Banque Mondiale a fourni 560 millions de dollars7. De même dans le souci de contraindre les banques à assumer leurs responsabilités, des Etats prennent de plus en plus des actes juridiques afin que les banques ne soient pas reléguées au second plan les besoins de crédit du public. C’est le cas par exemple de la législation américaine « Riegle-Neal Interstate Banking and Branching Efficiency Act » de 1994 qui interdit aux banques d’ouvrir des succursales dans l’unique but de collecter des dépôts ; en particulier, la banque doit avoir après la première année d’exercice d’une succursale un ratio de Prêts/ Dépôts au minimum à 50 % de la moyenne des banques domiciliées dans l’Etat d’implantation ou d’accueil. En dessous de ce seuil et si la banque ne fait pas des efforts remarquables et raisonnables pour répondre au besoin de crédit de la communauté locale, elle peut subir des pénalités allant jusqu’au retrait de l’autorisation d’exploitation de la succursale. (MIKDASHI (1998)8. A l’étape actuelle de nos investigations, nous n’avons pas eu connaissance d’une telle loi dans l’espace UEMOA. 3 : Présentation et analyse des résultats Il nous revient ici de présenter l’organisation et l’analyse de la capacité du secteur privé en Afrique de l’ouest. 3.1 : Organisation du secteur privé en Afrique de l’ouest Il s’agira ici de présenter les caractéristiques du secteur privé et les enjeux qui sont les siens dans cette stratégie d’intégration régionale. 3.1.1 : Caractéristiques Comparée aux régions connaissant une croissance rapide dans le monde en développement, l’attitude générale des investisseurs vis-à-vis de l’Afrique de l’ouest semble être caractérisée par le « wait and see » dans la mesure où les spécificités du contexte économique exercent un rôle dissuasif sur les entreprises mais à géométrie variable. Le fait qu’aucun pays ouest-africain ne puisse prétendre au rang de pays émergent en matière de la structure de la consommation, participe au désintérêt des investisseurs étrangers qui préfèrent pour le moment concentrer prioritairement, moyens et expatriés sur les grands marchés en devenir d’Amérique Latine (Brésil, Argentine, 7 Rapport annuel de la Banque Mondiale (1999). Pour plus de d’information, le lecteur pourra consulter : Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) « Joint Final Rule to Prohibit Interstate Branching Primarily for Deposit Production » 8 WASHINGTON D.C, 23 septembre 1997, page 12 Mexique, Chili) et d’Asie orientale (BOST 2003). Ainsi, l’Afrique de l’ouest développe une économie populaire qui s’est appuyée d’abord sur des groupes ethniques développant de grandes capacités entrepreunariales dans le commerce national et transnational. De nombreuses populations (jeunes diplômés, adultes, femmes, chômeurs) constituent de nouveaux agents du trafic populaire orienté vers l’exploitation des différences de potentiels dans les zones frontalières DEMBELE (2003). Aussi, le secteur privé se caractérise-t-il par : - le mimétisme sauvage de la plupart des acteurs économiques dans les entreprises commerciales, industrielles, artisanales ou culturelles; ce qui leur vaut le nom d’hommes ou de femmes d’affaires au lieu d’entrepreneurs ou d’opérateurs économiques parce que le cycle des activités est de très court terme. En effet, les agents économiques cherchent le plus souvent et de façon permanente, les filières ou activités qui marchent le mieux pour s’investir ; ce qui conduit à la saturation rapide des créneaux porteurs et à la déstabilisation des entrepreneurs spécialisés. Cette tendance à sacrifier au bon moment les activités traditionnelles pour se rabattre sur une « niche », rend les opérateurs économiques polyvalents, mais pèche par la nuisance qu’elle apporte aux secteurs traditionnels ainsi abandonnés. En écho, l’entrepreneur prive est souvent considéré comme suspect par l’opinion publique ; - un goût avéré pour le contournement des normes et règles commerciales ( le même commerçant peut être à la fois grossiste, demi-grossiste et détaillant) et fiscales (fraude et évasion fiscale). Selon GREGOIRE (2003), ces marchands canalisent les flux, forment de véritables groupes identitaires, des solidarités extra-territoriales parcourent, vivent et pensent l’espace en jouant des opportunités offertes par l’économie moderne. Selon lui, les dynamiques de régionalisation de l’Afrique de l’ouest ne reposent pas sur un démantèlement des contraintes frontalières (constitution d’un marché unique, une monnaie commune) mais sur l’exploitation des opportunités qu’engendre la segmentation des territoires : la porosité des frontières consécutive à la faiblesse et aux défaillances des encadrements étatiques territoriaux. Selon l’auteur, ce phénomène donne naissance à deux sortes de zones économiques : des zones légales et des zones économiques réelles, largement trans-étatiques et illégales avec l complicités des responsables des Etats. Au Bénin et dans la plupart des pays africains, le secteur privé est hétéroclite et difficile à contrôler par les pouvoirs publics. Mais en dehors des entrepreneurs nationaux et étrangers, le secteur privé africain regroupe aussi des acteurs évoluant dans le monde de l’informel. En effet, l’informalisation se caractérise par le goût de ces acteurs pour le contournement de l’administration fiscale et des règlements grâce à la complexité de certains fonctionnaires. Au sein du secteur informel, l'évaluation des soldes intermédiaires de gestion n'est pas toujours aisée. Il s'agit, pour la plupart, d'entreprises qui ne tiennent pas une comptabilité et ne disposent pas souvent de documents susceptibles de faciliter ces évaluations. Les enquêtes révèlent que 73% des entreprises n'ont aucun moyen d'enregistrement de leurs activités. C'est donc par des manières indirectes que la contribution du secteur informel sera le plus souvent évaluée. Ici, nous ne disposons pas de chiffres suffisamment précis pour pouvoir mener plus loin l'analyse et plus particulièrement pour pouvoir décrire la dynamique de la production macroéconomique du secteur informel. D'une façon générale, les unités économiques du secteur informel font montre d'un faible niveau de capital aggravé par l'absence de réserves liquides. D'après les données de l'enquête réalisée dans six villes en octobre 1992, on peut chiffrer à 2015 FF en moyenne l'investissement par unité économique, cependant ce niveau masque de fortes disparités. Tous secteurs confondus, la moyenne la plus faible d'actifs immobilisés, par strate d'entreprises, appartient aux entreprises unipersonnelles (956 FF), suivie de celle des entreprises familiales qui est deux fois plus élevée (2102 FF). Comme on pouvait s'y attendre, la moyenne des micro-entreprises est quatre fois plus importante (8180 FF) que celle des entreprises familiales. Par ailleurs, l'âge des entreprises agit favorablement sur le niveau de capitalisation: celles dont l'ancienneté est entre cinq et neuf ans ont un niveau d'investissement supérieur à celui des autres. Un effet négatif notable est que la création d'emplois diminue avec l'accroissement du capital. L'étude du comportement des investissements révèle qu'il y a eu croissance du capital dans 33,4% des cas, stagnation dans 2% des cas et contraction dans 65% des cas. Le taux moyen annuel est néanmoins négatif (0,004 pour cent), ce qui pose de sérieux problèmes de reproduction de l'outil de travail et, par conséquent, de développement de l'entreprise à long terme. Notons que l'on distingue cinq modes de rémunération distincts au sein du secteur informel. La rémunération au salaire fixe qui concerne 14,2 % des travailleurs, la rémunération à la pièce ou à la tâche 8,4%, la rémunération selon les recettes réalisées 12,7%, la rémunération selon le pourcentage de recette réalisée 1,4%) et enfin l'argent de poche qui concerne quelques 55 % des travailleurs, apprentis et aides familiaux particulièrement. Au regard de cette caractéristique peu dynamique du secteur privé, il s’avère important de mesurer la capacité dudit secteur. 3.2 : Capacité du secteur privé en Afrique de l’ouest Cette capacité sera mesurée par la Capacité de Transformation Financière de quelques pays de la zone mais aussi, en tenant compte du dynamisme fonctionnel du secteur privé dans son ensemble. 3.2.1 : Capacité de transformation financière En dehors de ce que l’Afrique souffre d’une fuite relative des capitaux étrangers doublé du spectaculaire éparpillement des capitaux internes9 qui entraîne la perpétuation de la dépendance de la région et son appauvrissement, cette incursion des capitaux privés dans la région risque d'accentuer ce phénomène, car les craintes d'insolvabilité qui inhibaient les investisseurs privés n'ont plus leur raison d'être depuis l'apparition des prêts hypothéqués sur les actifs et les liquidités des emprunteurs. Aussi, convient-il de faire remarquer que la Capacité de Transformation Financière (CTF) qui est le rapport en pourcentage des Crédits à Moyen et Long Termes (CRMLT) sur les Dépôts à Terme des Particuliers et Entreprises (DTPE) , nous donne les résultats suivants pour l'ensemble de cinq pays; soit CTF CRMLT *100 DTPE TABLEAU 1 : Calcul des CTF ANNEE 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 9 BENIN 53,8359752 39,8106571 28,7956179 22,2165054 20,7160302 22,4378835 25,3988624 29,4678619 31,9080787 BURKINAFASO 86,0835265 73,3238323 56,5836687 44,7446123 20,4735374 28,4478266 34,4635107 42,9648842 49,6080033 CÔTE D'IVOIRE 67,8557042 78,8569388 71,1303891 94,634643 68,3859164 62,4676978 56,0328542 52,9319195 63,5972772 MALI 79,3997156 73,5439002 69,40336 67,4066684 21,6083559 48,3797019 77,5128186 69,6819621 64,8559983 SENEGAL 114,269531 104,699769 105,924988 132,214558 87,493757 77,2803773 81,9460383 77,3291429 65,447076 En 1991, les fuites de capitaux africains étaient estimées à 135 milliards de dollars, cinq fois le montant total des investissements, onze fois les investissements du secteur privé et cent vingt fois les investissements étrangers ; le retour de 10 % de ces capitaux représenterait plus du double des capitaux privés investis en Afrique subsaharienne. 1999 2000 2001 2002 38,6017437 56,2103481 44,6625722 42,5992346 38,7493546 41,2308528 47,3408052 44,8693669 69,4950007 65,6288505 54,7639812 40,1459527 57,1357609 41,2951524 54,5966246 56,3479492 64,1318685 64,6106868 65,3771016 60,0157013 SOURCE: Réalisation de l'auteur à partir des NIS où les données sont en millions de franc CFA. Avec CTF crédits.à.moyen.et.long .termes *100(19) dépôts.à.moyen.et.long .termes L’analyse de ce tableau montre que le Bénin est le pays qui, globalement finance moins le développement du secteur productif. En effet, si la comparaison des crédits à moyen et long termes sur l’ensemble des crédits à l’économie montre parfois des pourcentages des banques du Bénin supérieurs à ceux des banques de la Côte d’Ivoire au cours de cette période, la comparaison des CTF révèle une grande différence entre les banques des deux pays. Le même constat s’étend sur l’ensemble des autres pays de l’UEMOA. Il serait alors intéressant de visualiser cette tendance à travers un graphique. GRAPHIQUE1 : Evolution comparative des CTF en pourcentage 140 120 100 80 60 40 20 0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 BENIN BURKINA-FASO CÔTE D'IVOIRE MALI SENEGAL SSOU RCE:Réalisation de l'auteur à partir des données des NIS A travers ce graphique, pour l’ensemble des pays et sur l’ensemble de la période d’étude, le Sénégal est le premier pays dont les banques consentent plus d’effort dans le financement du secteur productif. Il est suivi de la Côte d’Ivoire. Ensuite viennent respectivement le Mali, le Burkina-Faso et enfin le Bénin qui est le dernier du groupe. Deux phénomènes ont particulièrement retenu notre attention dans l’analyse de ce graphique. Il s’agit d’abord de la chute conjointe du Bénin, du Burkina-Faso et du Mali observée au cours de l’année 1994. Cette chute vertigineuse pourrait s’expliquer par le phénomène de la dévaluation enregistré au cours de la même année. Il s’agit là des effets pervers de la dévaluation qui a contraint certaines banques à rationner les crédits à moyen et long termes. Ce rationnement maintient la CTF à 20 % pour ces trois pays identifiés. Ce niveau est le plancher que les banques n’ont jamais enregistré au cours de la période d'étudie. Cependant, le constat est que les banques de ces trois pays ont repris une croissance régulière dans l’octroi des crédits à moyen et à long termes, en témoignent les banques du Mali qui passent de 20 % en 1994 à près de 80 % en 1996 donnant une « courbe en J ».Quant aux banques de la Côte d’Ivoire et du Sénégal elles n’ont pas été sérieusement ébranlées par la dévaluation. On peut alors en déduire que le modèle CFT est très sensible pour la dévaluation en ce qui concerne le Bénin, le Burkina- Faso et le Mali tandis qu'il l'est très faiblement pour la Côte d'Ivoire et le Sénégal Le second phénomène qui a également retenu notre attention est l’exemple de la Côte d’Ivoire qui a abordé un plongeon depuis 2000 et qui s’est accentué en 2002 au point de se faire dépasser par les banques du Bénin. On peut donc en déduire que la Capacité de Transformation Financière (CTF) est sensible aux crises politiques. D’une manière générale, le Bénin est le dernier du groupe des cinq pays étudiés. Il a entrepris un timide effort en 1999. Ce qui a lui a permis de devancer le Mali et le Burkina-Faso en 2000, date à partir de laquelle l’on a observé à nouveau une régression en terme du financement bancaire du secteur productif. Cette analyse permet alors de dire que les banques du Bénin ont une faible capacité de transformation de l’épargne ; elles sont suivi des banques du Burkina-Faso et du Mali. Les banques de la Côte d’Ivoire et du Sénégal en font exception. Après cette analyse du secteur privé à travers la capacité de transformation financière de l’économie africaine, l’étude aura à aborder les problèmes du secteur privé ouest africain du point de vue fonctionnel au regard de sa dynamique. 3.2.2 : Dynamique fonctionnelle du secteur privé ouest africain Marqué par la présence marginale des firmes multinationales, le secteur privé africain ne connaît pas encore la dynamique contemporaine de l’économie puisqu’elle y est exclue. La politique d’attractivité des investisseurs étrangers ainsi que la diversification des structures de l’économie semble ne pas encore modifier le type de relation asymétrique que la pléiade de ces pays du continent noire ont avec la triade constituée par les USA, l’Europe et le Japon. Il convient de faire remarquer que sur les seize (16) pays de la sous-région ouest africaine, treize parmi elles sont classés PMA et sont rangés dans la même catégorie d’infortune. Les trois10 d’entre elles qui n’en font pas partie, se retrouvent dans le peloton de queue des Pays A Revenu Intermédiaire (PARI). Même si des progrès indéniables ont été enregistrés sur le plan institutionnel (OHADA), les firmes butent toujours sur des problèmes importants et très concrets : déficience des infrastructures à l’échelle régionale ( peu de routes interconnectées et en bon état, réseaux ferreux peu nombreux lents et dans un état déplorable, ports en eau profonde peu efficaces et faiblement attractifs…), obstacles nombreux à la fluidité des échanges (droits de douanes, barrage sauvages sur les routes, corruption. Selon BOST (2003), le risque-pays est partout élevé en Afrique de l’ouest tant pour les activités bancaires qu’industrielles ; ce qui limite la stratégie des firmes aux seuls court terme et, plus rarement, moyen termes, faute de visibilité. Aussi, la sous-région apparaît-elle comme un petit marché de consommation, un agrégat de « micro marchés » nationaux très mal reliés entre eux comme en témoigne la faiblesse des échanges entre Etats en raison du maintien de barrières fortes à la circulation des marchandises. A la suite de l’auteur, nous concluons sur le fait que les secteurs offerts à l’investissement sont très peu variés en Afrique de l’ouest et même dans toute l’Afrique et concernent les activités peu dynamiques à l’échelle internationale, plus ou moins délaissées par les firmes des pays industrialisés et à la rentabilité faible ou aléatoire qui font plus ou moins le bonheur de certains opérateurs nationaux depuis la fameuse libéralisation du secteur des activités économiques. En effet, en dehors des opérateurs économiques traditionnels qui focalisent leurs activités dans le secteur purement commercial (achats et ventes), les privatisations ont fait émerger certains autres entrepreneurs qui ont élargi leurs investissements dans les domaines stratégiques ou considérés comme tels par les pouvoirs publics. Il s’agit de la télécommunication, de l’énergie électrique et de l’eau, de l’hydrocarbure et du secteur 10 Il s’agit de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Nigéria cotonnier. Mais force est de constater que ces repreneurs nationaux n’ont pas pu donner les résultats tant attendus de cette stratégie de privatisation dans la mesure où certaines de ces entreprises sont déjà l’objet de réquisition puisqu’elles ont été pendant des mois incapables de satisfaire les consommateurs. Cette situation qui repose en fait tout le problème de la gouvernance des organisations privées montre en outre les inconvénients ou méfaits du flirt économique11 entre l’Etat et le privé dans un partenariat économique très ambiguë. Le problème réel ici se pose à deux niveau : il s’agit du niveau et des habitudes de gestion du principal actionnaire privé et du rôle réel de l’Etat. 3.2.2.1. Des habitudes ou du niveau de gestion de l’actionnaire privé En nous basant sur les résultats d’enquête qui établissent que pour la plupart, les opérateurs économiques privés de cette zone font une application approximative des méthodes modernes de gestion et que même dans les cas où leurs affaires sont gérés par des cadres bien formés dans ledit domaine, ceux-ci bénéficient d’une autonomie très réduite du fait des pesanteurs sociaux, du granfrérisme et de la pratique du retour de l’ascenseur. Par ailleurs, il est à constater que l’actionnaire privé se comporte comme « un colon » dans l’entreprise et en qualité de PDG, gère l’organisation comme une propriété familiale. D’ailleurs, l’Etat ou son représentant est quasi-inexistant puisque l’entreprise aurait financé des actions politiques et le retour de cet investissement ne serait point la conquête de nouveaux marchés ou l’élargissement des parts de marchés, mais plutôt le contournement des normes et règles, la gestion solitaire. 3.2.2.2. Du rôle réel des pouvoirs publics Dans ce partenariat où l’Etat est à la fois organe de régulation et actionnaire stratégique, le constat réel est que ce dernier abdique tant qu’il y a des échéances électorales incertaines. L’actionnaire stratégique ou fort, laisse faire tant que peu se faire et son rôle se limite à la collecte de quelques recettes fiscales et à la négociation de certains marchés. Dans ce cas, on part d’un monopole public désorganisé à un monopole privé de même envergure et on assiste dans de tels partenariats à la formalisation de l’informel et à un secteur privé presque de façade ou à la solde des pouvoirs publics où il n’est véritablement plus question de dissocier les deux. Dans la réalité, les marchés publics qui encouragent le plus les acteurs économiques à satisfaire dans les délais aux exigences fiscales devient un marché de who you know ; ce qui tue ou décourage les Nous entendons par là, le partenariat déguisé établi entre le monde des affaires et l’Etat dans l’actionnariat de certaines sociétés privatisées. 11 initiatives nouvelles en matière d’entreprises. Ainsi, la participation du secteur privé à la croissance économique devient sans enjeu majeur. En effet, le rapport de la Commission Economique pour l’Afrique (CEA, 2004), dans la plupart des Etats africains établi que le secteur privé est exclu du processus d’identification, de formulation et de mise en œuvre des politiques et programmes d’intégration car la plupart des communautés économiques régionales n’abordent pas spécifiquement la question de la participation du secteur privé alors que ce dernier peut être un partenaire de poids dans le processus d’intégration en fournissant des ressources humaines et financières à l’appui des projets régionaux. Le rapport 2005 sur le développement dans le monde souligne que l’entreprise privé est au cœur du développement car, mues par la recherche du profit, les entreprises, quelle que soit la catégorie à laquelle elles appartiennent, depuis les agriculteurs et les micro entreprises jusqu’aux industries manufacturières locales et aux multinationales de l’économie informelle, investissent dans de nouvelles idées et de nouvelles installations qui renforcent les fondements de la croissance économique et de la prospérité. Elles fournissent plus de 90% des emplois offrant aux agents économiques la possibilité de mettre leurs talents en pratique et d’améliorer leur situation. Dans ce contexte et au regard de l’intérêt croissant porté au secteur privé, notre contribution se veut d’apporter un éclairage sur la compréhension des facteurs de blocage au développement du secteur privé qui a progressivement dépassé la simple dimension macroéconomique puisque la réflexion s’est aujourd’hui enrichie parce que les populations défavorisées, voire même les pauvres, sont des producteurs privés (dans l’agriculture, l’artisanat et plus généralement le secteur informel). De ce fait, appuyer le secteur privé à travers certaines de ces composantes et réduire la pauvreté vont de pair puisque la croissance favorable aux pauvres repose sur une dynamique accrue du secteur privé et des actions adaptées en sa faveur. A cet égard, le secteur privé peut contribuer à la réalisation des objectifs de réduction de la pauvreté humaine par son implication dans la mise en œuvre des politiques définies par le gouvernement dans le domaine social (éducation, santé et eau) ou encore des infrastructures. Cette implication selon nous, doit prendre la forme de relations contractuelles entre le secteur privé et l’Etat à travers le développement de l’approche partenariale. En effet et grâce à ses représentants et à la façon dont il est organisé, le secteur privé peut influencer les processus décisionnels et inciter les gouvernements à ratifier et appliquer les protocoles, stabiliser les situations macroéconomiques, améliorer la qualité des institutions et garantir l’efficacité et la fiabilité des services ainsi que le respect de l’Etat de droit. 4 : Propositions de l’étude Au bout de cette recherche, il en sort que le devenir du secteur privé en Afrique de l’ouest est synonyme de la participation des pauvres au processus de développement et de l’augmentation du niveau de vie des populations. Avec le NEPAD qui se veut être un élément déterminant d’un meilleur positionnement de l’Afrique à travers notamment l’importance du rôle du secteur privé qui doit être un partenaire prioritaire pour la réalisation de ses objectifs à travers l’instauration d’un dialogue politique entre tous les acteurs concernés et la définition des stratégies globales de développement, la question centrale est de savoir comment ce secteur peut favoriser une telle ambition ? Au terme de cette brève analyse et à la suite des propositions du Club du Sahel et la cellule CINERGIE, il nous semble opportun, voire capitale l'initiative de créer un réseau de l'entreprise en Afrique de l'ouest puisque la création progressive d'un tissu d'entreprises africaines qui se modernisent est l'une des conditions principales de l'amélioration des revenus citadins et indirectement des revenus ruraux. Il est estimé également qu'une meilleure organisation des entrepreneurs peut faire évoluer les attitudes et les comportements de l'Etat vis-à-vis de l'entreprise et aider les entrepreneurs à se prendre en main. L’autre aspect non moins négligeable à relever surtout en ce qui concerne la réussite et la réorientation du NEPAD est l’établissement d’un véritable partenariat économique entre l’Etat avec ses démembrements et le secteur privé où le rôle de chaque acteur sera précisé sous l’égide de la société civile. Il s’agira ici d’un accord où chaque partie, dans le respect des règles et tenant compte de sa dotation spécifique ( moyens financiers, libertés d’entreprise en ce qui concerne le secteur privé ; établissement de règles et son application à tous, bon suivi et promotion des initiatives privées pour le cas de l’Etat et de ses démembrements). Dans ce contrat d’agence a double sens (twice agence theory), où chaque acteur est à la fois principal et agent, les comportements déviants, nous semble-t-il, seront moindres et on observera moins de passagers clandestins à même de désorganiser le jeu économique et par conséquent, l’établissement d’un secteur privé africain capable de soutenir sur le moyen et le long terme, le développement économique et social tant souhaité en Afrique de l'ouest. CONCLUSION Somme toute, l’importance d’un contexte propice au développement du secteur privé, condition nécessaire pour relancer la croissance et parvenir à une plus grande cohésion sociale, fait l’objet d’un consensus grandissant et l’exploitation d’un tel potentiel passe par des actions visant à améliorer l’environnement des affaires, nouer des partenariats constructifs entre pouvoirs publics, entreprises et société civile afin d’améliorer et de renforcer les atouts des pays et de consolider l’intégration économique régionale. 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