
Mais la désinflation s’explique aussi par la réduction de la hausse des coûts des produits importés (baisse du dollar,
baisse du prix du pétrole). (…) Enfin, un dernier élément important modère les hausses de prix, le ralentissement
des prix agricoles. (….)
L’un des objectifs de la politique de « désinflation compétitive » était de restaurer la compétitivité-prix des produits
français pour rétablir l’équilibre des échanges extérieurs. (…) On peut ainsi constater un rétablissement
spectaculaire du solde des échanges de biens avec le reste du monde (le solde commercial redevient positif en
1993). (…) La rigueur économique respectée depuis 1983 aurait donc bien porté ses fruits après 10 années
d’efforts. (…)
L’autre objectif principal de la politique de désinflation était de rétablir la rentabilité des entreprises françaises. (…)
Or, la rentabilité des entreprises semble très sensible au rythme de l’inflation. Constate-t-on un impact de
l’amélioration de la rentabilité sur l’investissement ? Cette amélioration de la rentabilité s’est-elle traduite par une
reprise des investissements ? Il faut distinguer une première période durant laquelle l’amélioration des comptes des
entreprises n’a pas entraîné une hausse de l’investissement (période durant laquelle l’épargne des entreprises était
supérieure à leur investissement) ; il faut attendre la seconde moitié des années 1990, pour voir le taux
d’investissement augmenté. La désinflation compétitive réussie n’a donc pas pleinement atteint l’objectif évoqué
dans la fameuse formule, prêtée à Helmut Schmidt « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et
les emplois d’après-demain ».
Sur le plan patrimonial, les agents qui bénéficient le plus de la désinflation sont les ménages, puisque ce sont eux
qui détiennent des avoirs liquides non rémunérés ou peu rémunérés. (…) ainsi, la désinflation réduit la perte du
pouvoir d’achat de leurs avoirs liquides, et la hausse des taux d’intérêt réels améliore la rémunération de leurs
placements. Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.91-103
Document 4 : la déflation japonaise
Depuis 1998, le Japon a connu une expérience unique dans l'histoire récente des grands pays industriels, celle d'une
déflation prolongée, le niveau général des prix baissant durant sept années consécutives. Cela n'a pas empêché que
la croissance du produit intérieur brut en volume soit satisfaisante durant plusieurs années (2000, 2003) et même
relativement élevée en 2004 (+4%). Mais si l'on considère l'ensemble de la période 1998-2004, le taux de
croissance réel moyen est resté faible (+ 1,2 %), le pays a même connu deux années de récession (1998 et 2002),
deux autres de quasi-stagnation (1999 et 2001) et cinq ans de baisse de la valeur du PIB nominal (1998, 1999,2001,
2002 et 2003), ce qui est mal ressenti par les agents économiques, voyant les prix et les revenus baisser. Cela s'est
accompagné d'une augmentation du taux de chômage, passant de 2,1 % en 1991 à 3,4 % en 1997 et plus de 5 % en
2001-2003. Cette situation marque une profonde différence avec les années 1980, durant lesquelles le taux de
croissance était en moyenne de l'ordre de 4% par an, et le taux de chômage de 2 %. De plus, la dette publique
japonaise est passée d'environ 60% du PIB au début des années 1990, à plus de 160 % en 2004-2005, l'Etat
cherchant (vainement) à relancer l'économie par le biais des dépenses publiques. On peut toutefois se demander si
la récession n'aurait pas été plus sévère si cette politique active n'avait pas été menée. Ainsi, même si la situation
économique du Japon n'était pas catastrophique, la déflation fut mal vécue, et considérée comme le signe visible
d'un mal profond, celui d'une véritable incapacité à retrouver le dynamisme qu'avait connu le pays depuis la fin de
la Seconde Guerre mondiale. Source : P. Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2011
Document 5 : la politique monétaire contre la déflation
Le Japon a décidé de « sortir l’artillerie lourde », avec l’annonce par le nouveau gouverneur de la BoJ, d’une
politique d’assouplissement quantitatif de grande ampleur visant à atteindre 2% d’inflation dans les deux
prochaines années. Le défi n’est pas mince pour une économie qui a connu une baisse de son PIB nominal depuis
1997 : en effet, si le PIB réel a progressé de 9% sur 15 ans, le PIB nominal a décru de 10% compte tenu d’une
déflation cumulée de 18% ! La persistance de cette déflation est liée à la faiblesse de la demande interne, qui a
maintenu l’économie japonaise en deçà de son potentiel et des capacités de production sous-utilisées, tout en
alimentant le chômage. (…)
Les attentes d’inflation - mesurées par le point mort d’inflation que reflètent les obligations indexées sur l’inflation
à 5 ans - ont en effet nettement progressé fin 2012 et se rapprochant de 1,5%. Par ailleurs, le yen s’est fortement
déprécié, comme en témoigne la parité dollar/yen passée de moins de 80 yens à la fin octobre à près de 99 yens
aujourd’hui.
Il reste que l’objectif sera difficile à atteindre au cours des deux prochaines années. On estime qu’une dépréciation
du yen de 10% doperait la croissance de seulement 0,25% par an sur les deux prochaines années. La baisse du yen
déjà acquise ne devrait permettre que d’enrayer la déflation, mais ne suffira pas à engendrer une évolution des prix
positive. Il faudrait pour cela que le Yen se déprécie davantage, et que cette dépréciation s’accompagne d’une
résurgence de tensions sur les facteurs de production, capital et travail. Il semble en effet que la sous-utilisation des