CHRONIQUE ECONOMIQUE
PAR HUBERT TASSIN
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2 28 février 2017
Des statistiques de janvier qui montrent un retour de la dérive
des prix
La statistique marquante est l'inflation américaine de janvier : 2,5 % en rythme
annuel. Évidemment, la forte croissance sur un an des prix de l'énergie a apporté 0,9
% à la dérive, mais le chiffre brut marque assez clairement le changement
conjoncturel. L'objectif de la Réserve Fédérale de 2 % se calcule sur l'évolution des
prix liés à la consommation des ménages. On n'y est pas mais on s'en rapproche.
Croissance économique et plein emploi amplifient l'effet matières premières (malgré
une pression persistante sur les prix alimentaires).
En Europe la tendance est aussi engagée : + 1,8 % en janvier au Royaume-Uni où
les conséquences du Brexit jouent, mais + 1,8 % également dans la zone euro de la
rigueur salariale. Évidemment, les carburants et l'agroalimentaire ont apporté un peu
plus du tiers (0,64 %), mais le sujet n'est vraiment plus la déflation et février pourrait
marquer une légère accélération.
Les marchés obligataires ont pris en compte cette évolution : les rendements à 10
ans se sont renchéris depuis six mois. On pointe +0,7 % pour le Treasury Bond
américain, +0,5% pour les Gilts britanniques, +0,3% pour le Bund allemand et même
+0,13% pour les JGB japonais. Les incertitudes au sein de la zone euro ont pu
amplifier la remontée des dettes souveraines des pays au gré des variations de l'écart
avec l'Allemagne (spread). Ainsi le rendement de l'OAT 10 ans française affiche une
progression de 0,77 % depuis la fin du mois d'août dernier.
La question pour les investisseurs et, en particulier pour les gérants des contrats
d'assurance-vie, est de s'adapter : l'environnement est-il durablement marqué par le
retour de l'inflation ?
À court terme, pas d'emballement, à moyen terme des
pressions de désinflation
L'exercice de prévision est particulièrement difficile car il s'agirait d'une rupture et que
les ruptures ne sont pas faciles à percevoir en amont. On peut essayer de se placer
dans une optique de court terme et une vision plus longue.
À court terme, le regain d'inflation a toutes les chances de se trouver sur un pic en
Europe. La croissance économique est réelle mais trop faible pour que des effets de
second tour prolongent la hausse des cours de l'énergie. Sur les niveaux actuels, elle
produirait sur l'année un effet de 0,5 % à 0,7 % sur le rythme annuel de hausse des
prix en zone euro. Malgré l'affichage flatteur de janvier, le rythme de l'inflation sous-
jacente reste au-dessous de 1% depuis l'automne de 2013 et n'en sort pas. En
données publiées, on doit s'attendre à un pic en février ou en mars, puis à un net
reflux, pour un score annuel peu supérieur à 1,5 %. En revanche, aux États-Unis la
politique Trump et le plein emploi permettent à l'inverse de viser un taux affiché de
2,4-2,5 % cette année et l'année prochaine.
A plus long terme, les données générales ne plaident pas sur un emballement : la
démographie des pays développés est le grand frein. S'y ajoute la numérisation de
l'économie qui se traduit par une rémunération du capital (les logiciels, les machines)
supérieure à celle du travail, qui coiffe la croissance et freine, sinon empêche, un effet
boule de neige salaires-pouvoir d'achat- prix.
Il y a bien sûr des facteurs exogènes d'inflation, en particulier géopolitiques et même
politiques, on le sait particulièrement bien en France. Mais les gestions ne semblent
pas avoir de raisons de s'emballer en intégrant dans les stratégies un univers
inflationniste retrouvé.