Pourquoi conserver une théorie qui s’appuie sur des hypothèses très restrictives et qui
ne rend pas compte du fonctionnement des entreprises ?
Il y a au moins deux types de réponses possibles :
- Le « As if » de Milton Friedman : dans « Essays in Positive Economics » (1953),
Milton Friedman estime que l’aspect irréaliste des hypothèses de l’analyse
néoclassique ne remet pas en cause sa pertinence puisque ses prédictions sont
correctes. En effet, d’après lui, la sélection « naturelle » qui s’opère sur les marchés ne
permet qu’aux entreprises qui maximisent leur profit de survivre. Dès lors, peu
importe les hypothèses de la théorie du producteur à partir du moment où ce modèle
aboutit à la même conclusion que ce qu’on peut observer dans la réalité, à savoir que
seules les entreprises qui maximisent leur profit réussissent. Friedman justifie la
théorie du producteur, malgré des hypothèses irréalistes, et recommande de faire
« comme si » les entreprises maximisaient leur profit.
- Le « pantin abstrait » de Machlup : Dans « Essai de sémantique économique »
(1972), Fritz Machlup affirme qu’on ne peut pas reprocher à l’analyse néoclassique de
la firme d’être une « boîte noire » puisque ce n’est pas son objectif. La théorie du
producteur prend place dans un ensemble théorique plus large qui est celui de
l’équilibre général. La théorie du producteur constitue un maillon de la théorie de
l’équilibre général dont le but premier est de montrer que cet équilibre est possible.
Elle n’a pas pour but de décrire fidèlement le comportement d’une entreprise.
Machlup écrit alors que « la firme néoclassique est un pantin abstrait sorti d’une
éprouvette intellectuelle et arbitrairement doté de quelques traits humains, choisis
d’après les services qu’il pouvait rendre dans un certain type d’explication », en
l’occurrence, la théorie de l’équilibre général.
Plusieurs courants se sont distingués de l’analyse néoclassique pour faire de la firme un objet
central de l’étude et non pas un outil au service d’une théorie plus large.
II. Les approches transactionnelles : firme ou marché ?
Les analyses transactionnelles constituent une des premières alternatives à l’analyse
néoclassique. Elles démarrent avec l’article fondateur de Ronald Coase en 1937 « The
Nature of the Firm ». Elles ont pour objectif d’expliquer les déterminants du choix de
l’alternative entre la firme et le marché. Autrement dit, dans quelle mesure, pour fabriquer
un même produit, une entreprise a-t-elle intérêt à le faire elle-même ou à l’acheter sur le
marché auprès d’une autre entreprise ?
Ces approches présentent un double intérêt. D’une part, elle permet d’ouvrir la « boîte
noire » de la firme néoclassique en étudiant les déterminants du choix de la structure de
gouvernance (firme, marché, structure hybride). D’autre part, elle permet également de penser
la question des frontières de l’entreprise. Jusqu’où l’entreprise doit croître en fabricant elle-
même les produits qu’elle vend ? Où commence sa relation au marché et, partant, aux autres
entreprises ?