Contrairement à Walras et aux autres, Marshall a le souci d

Histoire de la pensée économique 1
Introduction générale
Il existe deux façons de faire de l'histoire de la pensée économique:
La première dite relativiste ou culturaliste consiste à étudier les théories au sein des
contextes historiques, en rapport avec les enjeux, idées, sentiments de l'époque. Elle a donc
pour but de retrouver le sens perdu de ces théories. Cette méthode est limitée: impossibilité
pour le contexte historique d'expliquer à lui seul les idées économiques. Autrement dit, si les
idées étaient uniquement déterminées par le temps, le lieu et le milieu: comment alors
expliquer que le même contexte ait pu produire des idées différentes, voire parfois
totalement contradictoires et antagonistes?
Il existe alors une seconde façon qui est de type analytique: étude des théories par rapport
aux enjeux d'aujourd'hui. On va juger les théories en fonction de la conception que l'on a
aujourd'hui en économie. Cette seconde méthode est souvent préférée à la première car elle
permet de rester dans une certaine actualité sans se perdre dans l'Histoire. Quand on procède
de façon analytique, on ne va pas étudier les théories et les auteurs de façon chronologique
mais plutôt sous la forme de grands courants, ce qui permet de retenir des auteurs que ce que
l'on considère comme valable. Leurs erreurs, notamment théoriques, sont aussi analysées car
elles peuvent permettre une certain compréhension.
Cette seconde manière de procéder est également limitée: on est souvent obligé d'être dans
l'impossibilité de voir la cohérence d'un auteur; de plus, on peut faire dire aux auteurs ce qu'ils n'ont
pas dit, en faisant comme ci deux propos identiques au plan analytique étaient équivalents au plan
théorique et cela, dans deux contextes historiques difrents. Exemple: La distinction entre valeur
d'usage (utilité)/valeur d'échange (prix) d'une marchandise se retrouve déjà chez Aristote. Il s'agit
d'une équivalence analytique avec Adam Smith qui reprendre ce concept, mais cela ne veut pas dire
qu'il y a une équivalence théorique. Le danger d'une démarche analytique est l'anachronisme. Pour
éviter ce dernier, il faut réintroduire l'histoire, donc la première façon de faire de l'histoire de la
pensée économique.
=> L'histoire de la pensée économique est un compromis entre ces deux méthodes.
Plan du cours
I Une histoire des idées économiques au XIXème siècle
A/ L'économie politique des classiques
ADAM SMITH, DAVID RICARDO, THOMAS ROBERT MALTHUS, JEAN-
BAPTISTE SAY, KARL MARX
B/ La révolution marginaliste et théorie néoclassique
STANLEY GEVENS, KARL MENGER, LÉON WALRAS, ALFRED MARSHALL
C/ L'école historique allemande
Histoire de la pensée économique 2
II Une histoire des idées économiques au XXème siècle
A/ L'institutionnalisme américain et le néo-institutionnalisme
THOMAS VEBLEN, COMMONS ; WILLIAMSON, NORTH
B/ La révolution keynésienne
JOHN MAYNARD KEYNES
C/ Le monétarisme et les néoclassiques
MILTON FRIEDMAN, LUCAS, BARO
D/ La nouvelle économie keynésienne
Bibliographie générale
Marc Blaug, La pensée économique: origines et développement
Joseph A. Schumpeter, Histoire de l'analyse économique
Alain Barrère, Histoire de la pensée et de l'analyse économiques
Alain Beraud & Gilbert Faccarello, Nouvelle histoire de la pensée économique
Claude Jessua, Histoire de la pensée économique
Jean Boncoeur & Hervé Thouemont, Histoire des idées économiques
Histoire de la pensée économique 3
Première partie
Une histoire des idées économiques au
XIXème siècle
L'analyse économique remonte à l'Antiquité et n'a donc pas débuté au XIXème siècle. Il y a
eu de nombreuses réflexions économiques produises par les Grecs, Aristote notamment; ensuite par
les pères de l'Eglise, au début du Moyen-Âge, dont une critique du prêt à intérêt, qui est, en fait,
dans le prolongement d'Aristote. A la fin du XVème siècle, on voit la naissance de la doctrine
mercantiliste, partisan d'un excèdent de la balance commerciale. On peut également faire référence
à François Quesnay, fondateur de la physiocratie, courant de l'histoire de la pensée économique
datant du milieu du XVIIIème siècle, née en France et qui ne s'est pas développée ailleurs. Quesnay
s'est rendu célèbre par son tableau économique publié en 1758 et dont les premières épreuves ont
été tirées par son célèbre patient (il était médecin), Louis XV.
A/ L'économie politique des classiques
La pensée économique ne commence donc pas avec les classiques et le premier d'entre eux:
Adam Smith. Il n'en demeure pas moins que la pensée de ce dernier fait rupture et doit être
considérée comme l'acte fondateur de la science économique moderne. En 1776, Adam Smith
publie Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations (La richesse des nations). Si
Smith constitue une rupture, cela tient tout d'abord à ce qu'à la différence de ses prédécesseurs, le
champ de l'économie est étudié dans toute sa généralité et non pas sous un unique aspect particulier.
L'économie devient ainsi un champ autonome de connaissance, indépendant de toutes
considérations morales, religieuses ou politiques. Tout ce qui a trait au fonctionnement d'une
économie moderne de marché (le problème des prix, de la division du travail, de la monnaie, des
capitaux ou de l'accumulation du capital, de l'équilibre sur un marché, de la répartition des revenus,
…) sont présents chez Smith. Ses idées, prises une par une, ne sont pas nouvelles. Ce qui est
novateur est en fait l'assemblage de ces idées et sa vision globale de l'économie. Adam Smith
instaure d'ailleurs l'économie politique: tous les économistes qui l'ont suivi ont commencé en le
lisant. Il a transmis ses concepts et ses problématiques à tous les autres, notamment sa réflexion sur
le problème de la valeur (et de la répartition), d'autant plus que Smith avoue qu'il ne l'a pas résolu.
Jusqu'à Keynes, la science économique va être travaillée par le problème de la valeur: c'est
l'influence majeure de Smith.
Smith est considéré comme le fondateur de la science économique moderne, mais il
peut aussi être considéré comme le fondateur d'un courant particulier: les classiques, qui va
dominer l'économie politique jusqu'à la fin du XIXème siècle, c'est-à-dire jusque dans les années
1870, date à laquelle le marginalisme supplante l'économie classique.
Histoire de la pensée économique 4
Le courant classique est une dénomination a posteriori. Smith n'a pas donné son nom à ce
courant car étaient absentes de sa théorie la clarté et sa simplicité. Il n'a pas vraiment eu de disciples
à proprement parler mais on note entre Smith et d'autres auteurs des caractéristiques communes de
pensées. On en compte quatre auxquelles les auteurs adhérent:
Un ordre économique naturel assuet engendré par la liberté individuelle et l'intérêt
particulier
Ce mécanisme permet l'autorégulation du marché par une loi d'équilibre entre l'offre et la demande
=> Les classiques sont adeptes du libéralisme économique et donc partisans d'une
intervention minimum de l'Etat, hormis Marx.
Une représentation de l'économie ni microéconomique ni macroéconomique
Les classiques ont plutôt une représentation macroscopique et non macroéconomique (théorie
fondée par Keynes). L'unité de base n'est ni un individu (micro), ni un agrégat (macro) mais des
groupes sociaux. La représentation du fonctionnement de l'économie était, aussi, chez Quesnay, en
terme de groupes sociaux. Les classiques distinguent trois groupes sociaux: propriétaires
fonciers, les travailleurs, les capitalistes/les financiers/entrepreneurs. En cela, l'économie chez
les classiques reste politique, dans le sens elle réfléchit au plan de la cité et pose des questions
qui intéressent l'ensemble de la société. Ces questions sont: quelles sont les conditions de la
croissance économique?, faut-il aider les pauvres?, qu'est-ce qui détermine la répartition des
revenus?, le fonctionnement de l'économie est-il équilibré?, faut-il limiter la concurrence?, faut-il
accepter ou encourager le libre-échange?. Sur ces grandes questions, les auteurs n'ont d'ailleurs pas
forcément les mêmes réponses.
Une théorie de la valeur travail (dénominateur presque commun)
Les prix relatifs des marchandises sont plus ou moins fonction des quantités de travail
nécessaires à leur production. Jean-Baptiste Say n'y adhère pas et est partisan de la théorie de
l'utilité. Tous les autres classiques sont partisans de la théorie de la valeur travail avec certaines
restrictions, qui peuvent amener à contredire cette même théorie pour lui trouver des substituts.
Malthus a trouvé comme substitut la loi de l'offre et la demande, équilibrant ainsi les prix. On
dénote un flottement voire des contradictions sur la théorie de la valeur et des prix. De ces
contradictions va naître le marginalisme.
Une faible place accordée au phénomène monétaire et donc un faible rôle joué par la
monnaie
La monnaie est considérée comme un voile ou une entité économiquement neutre, elle n'affecterait
pas de manière significative le fonctionnement de l'économie: elle serait économiquement neutre.
Cette faible importance de la monnaie se retrouvera également chez les néoclassiques. John
Maynard Keynes la remettra justement en cause. Dans leurs représentations de l'économie, la
monnaie n'apparaît pas: elle n'est qu'un simple intermédiaire des échanges.
1. Adam Smith: ses cinq contributions analytiques majeures
La division du travail
C'est le thème que Smith aborde au titre I, du chapitre 1 de la Richesse des nations. La division du
travail est étudiée chez Smith dans le cadre d'une manufacture d'épingles, exemple que Smith a tiré
d'un article de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. La division du travail serait l'élément
Histoire de la pensée économique 5
moteur de la productivité et de la croissance économique, avec l'accumulation du capital. Quand
Smith parle de division du travail, il entend tout aussi bien ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui la
division sociale du travail que la division technique du travail. Il ne les distingue pas et les confond.
La division technique du travail serait l'origine de l'accroissement de la productivité. Ce qui va le
permettre est l'accroissement dans l'habileté et la vitesse d'exécution ainsi que la production de gain
de temps dans le passage d'une tâche à une autre. La division du travail chez Smith a pour
conséquence l'introduction des machines.
La théorie de la main invisible
Smith s'interroge dans son chapitre 2 sur l'origine de la division sociale du travail. Il considère que
cette division n'est pas le résultat d'une volonté intentionnelle de conduire à l'opulence, mais un
simple résultat mécanique de l'intérêt individuel. De cette mécanique de l'intérêt individuel, en
découle une première formulation au sein d'une théorie de l'échange de la notion de « main
invisible ». Cette notion n'est qu'une parabole qui apparaît dans une seule phrase dans le livre IV.
Néanmoins, l'idée de la main invisible est déjà présente dès le début. L'individu en suivant son
intérêt particulier va en même temps contribuer à l'intérêt général: théorie de la main
invisible. Le problème que pose cette théorie est son principe à savoir qu'il y a harmonie entre
intérêt particulier et intérêt général. Ceci est possible au niveau de l'échange. S'il n'y a pas
satisfaction d'autrui, il ne peut y avoir d'échange et donc de propre satisfaction.
=> Caractère autorégulateur du marché.
La notion de main invisible n'existe chez Smith qu'au niveau de l'échange. Elle n'apparaît pas
au niveau de la théorie de la répartition: dans cette théorie, ce qui domine c'est l'idée d'un
antagonisme d'intérêt entre salaires, profits et rentes.
La différence avec la théorie néoclassique est que cette dernière aura pour but de généraliser
la main invisible au fonctionnement de l'ensemble de l'économie.
La distinction entre capital fixe et capital circulant
La différence entre capital fixe et capital circulant est une contribution majeure de Smith, qui ne se
retrouvera pas ultérieurement chez les néoclassiques qui en resteront qu'à une seule définition du
capital: celle du capital fixe.
Cette distinction ne peut être comprise qu'à la lumière de la définition du capital chez Smith,
comme l'ensemble des avances monétaires qui sont nécessaires à la mise en place d'un
processus de production et dont la raison d'être est le formation d'un revenu. A la différence de
la théorie néoclassique, le capital n'est pas pour Smith un facteur de production qui existerait
séparément du travail. Le capital est une quantité d'argent qui circule, qui se valorise en vu de créer
un profit qui sera le revenu du propriétaire. Cet argent se valorise, circule, par l'intermédiaire de
l'achat de la totalité des facteurs de production. Le capital se définit par son lien avec l'acquisition
d'un revenu et cela, en opposition à l'utilisation d'un revenu dans la sphère de la consommation. En
effet, la consommation fait disparaître le revenu qui a permis l'achat de biens de
consommation alors que le capital est l'affectation d'une partie du revenu par le biais de
l'investissement à l'affiliation d'une activité et en vue de la création d'un autre revenu. Dans
l'axe de consommation, le revenu est détruit alors que dans l'axe d'investissement, le revenu se
trouve non seulement conservé mais augmenté par un supplément qui constitue le profit. Ce qui
définit le capital est un processus, un cycle et non pas quelque chose de figé qui
s'apparenterait par exemple aux seules machines. Le capital n'est pas quelque chose de
purement et uniquement matériel. La distinction est trompeuse, le capital fixe et le capital
circulant circulent mais pas de la même façon. Smith désigne par capital circulant tout capital
qui circule en une seule fois, autrement dit qui revient au propriétaire en une seule fois, après
la vente des marchandises, ce qui correspond alors à la partie du capital qui sert à l'achat des
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