La dispute des économistes Gilles Raveaud, ed. Le bord de l'eau, 2013 Les économistes ne sont jamais d'accord entre eux. Chaque économiste a un parcours différent. Selon ce parcours, on va avoir des idées différentes. Il n'y a pas de vérité absolue dans la représentation de l'économie. Il n'y a pas qu'une seule façon de voir l'économie : on peut porter plusieurs lunettes différentes pour voir la réalité. Quoi que l'on fasse il y a un lien fort entre économie et politique. 4 parties : 1. Représentation de l'économie en tant que marché (Smith) 2. Économie en terme de circuit (Keynes). Rôle de la monnaie. Il faut que les revenus puissent absorber la production. Besoin de consommation. Lutte contre le chômage et les déséquilibres. 3. Rapports de domination (Marx). Exploitation des différents travailleurs. 4. Approche humaine et environnementale (Karl Polanyi). Critique du tout marchand. Besoin d'un système durable. Certaines choses doivent rester non-marchandes. I)L'économie comme marché (Smith) But de Smith = « enrichir le peuple et le souverain ». L'homme a besoin du secours de ses semblables. Chaque homme est un marchand car pour pouvoir acheter il faut vendre avant. Échange via marché, permet le lien social. Plus le marché est étendu, plus l'interdépendance envers les hommes est forte, ce qui renforce leurs intérêts communs. Marché = ciment d'une société d'individus libres. Malgré ce que l'on pense couramment, Smith insistait sur l'âpreté des conflits entre patrons et ouvriers. Il était en faveur d'un salaire minimum permettant aux ouvriers de vivre décemment. Pr ofit chez Smith = part du produit du travail de l'ouvrier que le capitaliste lui prend. Pour Smith il faut se méfier des recommandations politiques des chefs d'entreprises : toute proposition de loi provenant de cette catégorie sociale « doit être reçue avec la plus grande défiance » puisqu'elle émane de gens « qui ont, en général, intérêt à tromper le public ». Prix chez les libéraux, équilibre de marché. Si O>D prix diminue. Si D>O prix augmente → des personnes vont arriver sur le marché attirées par les perspectives de profit. Ne pouvaient pas avant car les coûts de production étaient trop élevés. Même si avec le nouveau prix des personnes peuvent être exclues de l'achat, leurs revenus étant trop faible, pour les libéraux c'est pas grave, ils achèteront autre chose et auront la même satisfaction. Libéralisme économique = liberté des prix. L’État ne doit pas trop taxer les produits ou fixer un prix. II)L'économie comme circuit (Keynes) Si toutes les richesses produites sont achetées cela ne garantit pas le plein-emploi. Les individus et le chômage sont des caractéristiques habituelles des économies de marché. Le déséquilibre est la règle. L'argent circule, c'est là le mouvement essentiel. La Banque Centrale créée de la monnaie qu'elle prête aux banques commerciales, qui prêtent à leur tour aux entreprises, qui achètent des machines et versent des salaires à leurs salariés. En retour, les salariés achètent des biens et services produits par ces entreprises et empruntent auprès des banques. BCE = garante de la valeur de la monnaie. Sa mission essentielle est de garantir aux citoyens de la zone euro que leurs billets seront toujours valables demain et que leur épargne ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Lorsqu'une banque dispose de 100€ dans ses caisses, elle peut prêter non pas 100€ mais 1 000€. En effet la réglementation impose aux banques de ne garder en réserve qu'environ 10 % du montant des prêts qu'elles accordent. La quantité de monnaie, initialement crée par la Banque Centrale, est donc multipliée par les banques commerciales par les prêts qu'elles accordent. Les entrepreneurs sont au cœur du circuit. Durant les années 30', leurs produits ne se vendent pas donc on a une spirale déflationniste qui se met en place : Baisse des prix Baisse des profits Baisse du salaire ou licenciement Baisse des ventes jusqu'à fermeture de l'usine Hausse chômage Baisse du pouvoir d'achat des consommateurs Les anticipations des entrepreneurs vont motiver leurs décisions. Si on est dans la spirale au-dessus, le marché ne peut pas trouver de solution. Besoin de la puissance publique qui va soutenir l'économie de marché. La Banque Centrale (via son taux d'intérêt) ou l’État doivent intervenir. Taux d'intérêt bas Coût des crédits faibles Inflation se met en place Gens vont acheter des voitures, partir en voyages etc. Hausse demande donc producteurs augmentent leurs prix Peu à peu tous les prix de l'économie augmentent Travailleurs vont réclamer des hausses de salaires Si intervention de l’État : Effet multiplicateur des investissements publics. 1€ dépensé va rapporter 3 ou 4€. Investissement de 10 milliards → versement dans salaires et constructions de 10 millions → Consommation des salaires (nouveau flux d'argent généré) → producteurs vont donner des primes, investir, etc. Au final les ventes totales sont > 10 milliards d'euros. Par ailleurs on a une augmentation des recettes fiscales (TVA) donc État peut récupérer son argent initial. Mais : Beau sur le papier tout cela or il y a des fuites dans l'économie : l'épargne ainsi que la consommation de produits importés. Le multiplicateur est estimé à 1,25 en fait, pas mal mais insuffisant à la résorption totale du chômage et ne permet pas le remboursement des dépenses initiales avec les rentrées fiscales. Keynes est en faveur d'une redistribution fiscale car cela permet de dynamiser l'activité. En effet, ce sont les ménages pauvres qui consomment le plus (propension à consommer la plus forte) alors que les ménages aisés épargnent. Plus il y a d'inégalités, plus l'épargne des riches augmente, ce qui diminue la consommation. Par ailleurs il souhaitait limiter le pouvoir de la Bourse qu'il assimilait à un « casino ». III)L'économie comme lieu de rapports de force (Marx) Capitalisme : système où les moyens de production sont dans les mains de quelques individus. Force de travail devenue une marchandise. Chaque travailleur doit se vendre pour obtenir un emploi. Concurrence forte entre les chômeurs : armée de réserve qui évite que les salaires augmentent. Les salaires sont fixés par le marché et non en fonction de la richesse produite par les salariés. Les travailleurs travaillent une journée mais seront payés moins que cette journée : mise en place de l'exploitation. Celle-ci permet l'accumulation du capital. Problème : Vu que les salaires sont trop bas, au bout d'un moment la production n'est plus absorbée → crise. Lutte intense entre « le petit nombre des accapareurs » et « l'immense majorité travailleuse ». Triple aliénation du travailleur : 1. Il n'exprime pas sa personnalité vu qu'il travaille comme un animal 2. Il est séparé des autres ouvriers, pas d'organisation possible 3. Il est détaché de la société Dimension géographique de la domination : accaparement des terres, les paysans vont vers les villes + conflits entre Centre (Angleterre) et colonies (Inde). Les échanges Nord/Sud sont inégaux. Le Nord dispose de biens à forte valeur ajoutée et le Sud a des biens primaires. Division internationale du travail se met en place avec toujours un Empire qui domine (Angleterre au XIX, USA au XX, Chine XXI?) avec imposition de sa monnaie. Le pouvoir économique confère le pouvoir politique. IV)L'économie dans son environnement naturel et humain Karl Polanyi (1887-1964). Ouvrage majeur : La Grande Transformation : la sphère économique absorbe l'ensemble de la société. Situation qui constitue une exception au regard de l'histoire humaine. Pendant longtemps les échanges n'étaient pas organisés par le marché mais par la famille, la religion, la tradition. Concevoir le travail, la terre et la monnaie comme des marchandises est une erreur profonde : • Le travail met en jeu des êtres humains, • la terre constitue le milieu naturel dans lequel chaque société existe, • la monnaie est une création de la Banque Centrale. → Aucun de ces attributs de toute société humaine n'a été produit pour être vendu sur un marché. L'échange sur un marché n'est pas le seul mode d'organisation de la société. Deux autres types : 1. La réciprocité : s'observe entre amis, en famille, entre voisins. On considère l'autre comme son égal à qui on fait confiance pour rendre l'équivalent de ce qui lui a été donné. 2. La redistribution : nécessite une autorité verticale (État, chef de clan, prêtre...) qui va prélever des ressources et les redistribuer. → Dans ces deux situations chaque homme reconnaît une égale dignité aux autres. À l'inverse, dans l'échange marchand, les autres êtres humains ne sont que des moyens pour arriver à nos fins. Prolongements de Polanyi : l'économie sociale et solidaire ; pour une économie avec moins d'inégalités et qui conserve l'environnement ; économie du bien-être.