Ainsi comme on le sait, l’abrogation d’une constitution n’engendre pas,
immédiatement et automatiquement, l’effondrement de tout le système juridique,
lequel, en partie, demeure en vigueur jusqu’à ce qu’une nouvelle constitution soit
adoptée, et même après, dans la mesure où il est compatible avec les règles et
les principes de celle-ci.
En Roumanie, la dernière constitution, adoptée sous le gouvernement
communiste, celle de l’année 1965, a été formellement et totalement abrogée par
l’article 149 de la Constitution de 1991 (devenu, comme suite de la nouvelle
numérotation, après la révision de la Constitution, article 153). En partie, respectivement
dans les sections visant les principes de l’organisation de l’État, la structure et la
compétence des institutions de l’État, la Constitution de 1965 avait été, implicitement,
abrogée ou modifiée par les actes normatifs à contenu organique adoptés par les
organes du pouvoir instauré sur la voie révolutionnaire, durant la troisième décade de
décembre 1989, par les actes des organes représentant le pouvoir ultérieurement créé,
par l’intermédiaire de la négociation, par les partis politiques démocratiques, récrés ou
de fraîche date, ainsi que par les actes normatifs adoptés par le Parlement résulté à la
suite des élections de mai 1990. En outre, quelques autres actes normatifs adoptés lors
de l’ancien régime sont devenus inefficaces, aussi. Pourtant, la plupart des lois de droit
privé, adoptées en vertu de la Constitution de 1965, des autres constitutions datant de
l’époque du gouvernement communiste ou même en vertu des constitutions antérieures,
étaient encore en vigueur. Ainsi, on a continué d’appliquer le Code civil et le Code de
procédure civile, adoptés en vertu de la Constitution de 1864 et amendés, par la suite,
sous toutes les autres constitutions, le Code de la famille, adopté en 1954, le Code du
travail, adopté en 1972. Il a existé aussi une continuation quant à l’application d’actes
normatifs de droit public, tel que le Code pénal et le Code de procédure pénale, adoptés
en 1969. Il s’y agit uniquement de quelques exemples…
En ce qui concerne ces actes normatifs, la Constitution de la Roumanie de
l’année 1991 a réglé, par l’article 150 alinéa (1), «qu’ils resteront en vigueur tant qu’ils
ne contreviennent pas à la présente Constitution». À la fois, par l’alinéa (2) dudit article,
il incombe au Conseil législatif de réviser, dans les 12 mois à compter de la date
d’entrée en vigueur de la loi relative à son organisation, la conformité de la législation
par rapport à la Constitution et «d’avancer au Parlement ou, le cas échéant, au
Gouvernement des propositions adéquates ». Par ces dispositions de la Constitution de
1991, il a été octroyé, aussi, au Conseil législatif un pouvoir de contrôle constitutionnel,
limité, durant un laps de temps déterminé, ayant un objet précis et un but spécifique –
celui de saisir les autorités compétentes pour qu’elles décident d’abroger les actes
normatifs contraires à la Constitution. La Loi no 73/1993 pour la création, l’organisation
et le fonctionnement du Conseil législatif est entrée en vigueur le 5 novembre 1993,
après sa publication au Journal Officiel (Monitorul Oficial) de la Roumanie. Ainsi qu’il a
été prévu, compte tenu du volume considérable de textes législatifs susceptibles d’être
analysés, il a été impossible d’examiner en entier l’héritage législatif et de le clarifier
dans les conditions stipulées par l’article 150 alinéa (1) de la Constitution. En outre, en
établissant le principe de l’abrogation des lois et de tous les autres actes normatifs visés
par le texte constitutionnel cité, la Loi fondamentale n’a prévu pas de procédures de
transition par lesquelles ait été jugée leur inconstitutionnalité et soit réalisée leur
élimination de l’ordre normatif, lors du laps de temps situé entre l’entrée en vigueur de la
Constitution et l’entrée dans l’exercice de ses pouvoirs du Conseil législatif. Avant la
création de la Cour Constitutionnelle, la question devait être résolue par les cours
judiciaires, avec des effets inter partes, en se fondant sur le principe de la suprématie de
la Constitution et sur les règles visant la succession des lois à travers le temps. À
Voir à cet égard, Philippe Ardant, Institutions politiques et Droit constitutionnel, 17e édition, L.G.D.J.,
2005, p.92.