Dieu et du sens de l'homme
21. Les communautés chrétiennes peuvent se laisser gagner par cet
état d'esprit et en perdant le sens de Dieu, elles tendent à perdre le sens
de la dignité de l'homme ; et, à son tour, la violation systématique de la
loi morale diminue la capacité de percevoir la présence de Dieu. Après
le meurtre d’Abel, si Caïn parvient à confesser que sa faute est « trop
grande », c'est parce qu'il a conscience de se trouver confronté au
Seigneur et à son juste jugement. En réalité, l'homme ne peut
reconnaître son péché et en saisir toute la gravité que devant Dieu.
22. « La créature sans son Créateur s'évanouit ». L'homme se considère
alors comme l'un des nombreux êtres vivants à un stade de perfection
très élevé. Il ne considère plus la vie comme un don de Dieu, mais
simplement « une chose » qu'il peut totalement dominer et manipuler.
L'angoisse devant les conséquences de cette « liberté sans loi » amène
certains à la position inverse d'une « loi sans liberté », comme par
exemple dans des idéologies qui contestent la légitimité de toute
intervention sur la nature « divinisée ». En réalité, l'homme perd le sens
du mystère de Dieu, de son être et du monde.
23. L'éclipse du sens de Dieu et de l'homme conduit inévitablement au
matérialisme pratique qui mène à l'individualisme, à l'utilitarisme et à
l'hédonisme. C'est ainsi que les valeurs de l'être sont remplacées par
celles de l'avoir. La prétendue qualité de la vie se mesure à l'efficacité
économique, à la consommation désordonnée, à la beauté et la
jouissance de la vie physique, en oubliant les dimensions les plus
profondes de l'existence, d'ordre relationnel, spirituel et religieux. La
souffrance, poids qui pèse inévitablement sur l'existence humaine mais
aussi possibilité de croissance personnelle, est rejetée comme inutile et
même combattue comme un mal à éviter. Lorsque disparaît la
perspective du bien être, alors il semble que la vie ait perdu tout son
sens et la tentation grandit en l'homme de revendiquer le droit de la
supprimer. Le corps est réduit à n’être qu'un moyen de procurer le
plaisir et le profit. En conséquence, la sexualité, au lieu d'être signe du
don de soi et de l'accueil de l'autre, devient occasion et instrument de
satisfaction égoïste. Les deux significations de l'acte conjugal, union et
procréation, sont artificiellement disjointes; de cette manière, l'union
est faussée et la fécondité soumise à l'arbitraire de l'homme et de la
femme. La procréation n’est acceptée que dans la mesure où elle
correspond au désir de la personne.
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24. La conscience de chaque personne est en cause, car dans son unité
intérieure et avec son caractère unique, elle se trouve seule face à Dieu.
Mais celle de la société est aussi concernée parce qu'elle favorise des
comportements contraires à la vie. La conscience morale, individuelle
et sociale, est aujourd'hui exposée à un danger très grave et mortel de la
confusion entre le bien et le mal. La société actuelle est tristement
semblable à une humanité faite d'« hommes qui tiennent la vérité
captive dans l'injustice », ayant renié Dieu et croyant pouvoir
construire sans lui la cité terrestre ; ils sont « auteurs d’actions dignes
de mort et approuvent ceux qui les commettent ». Quand la conscience
appelle « bien le mal et mal le bien », elle est aveuglée. Cependant, la
voix du Seigneur résonne en elle et l’appelle à respecter la vie humaine.
« Vous vous êtes approchés d'un sang purificateur » (cf. He 12, 22.
24) : signes d'espérance et appel à l'engagement
25. Comme le sang d'Abel et de tout homme mis à mort, le sang du
Christ également, mais d’une manière unique, crie vers Dieu. Le sang
des sacrifices de l'Ancienne Alliance montrait la volonté de Dieu de
communiquer sa vie aux hommes. C’est désormais le sang du
Médiateur de la Nouvelle Alliance qui implore la miséricorde du Père
pour les hommes. Source de la rédemption parfaite, il révèle la
grandeur de l'amour du Père et la dignité quasi divine de tout homme.
C'est en contemplant le sacrifice du Christ que le croyant rend grâce à
Dieu de lui avoir donné un si grand Rédempteur. S’il demeure en Jésus,
il est entraîné à donner sa vie à son tour, afin d’accomplir sa vocation à
l'amour. Il puise alors la force de s'engager en faveur de la vie avec la
certitude absolue que, selon le plan de Dieu, la vie remportera la victoire.
26. Parmi les signes positifs d’une culture de la vie, beaucoup
d'initiatives pour aider les personnes les plus faibles et sans défense
sont prises dans la communauté chrétienne et dans la société civile. De
nombreux époux prennent généreusement la responsabilité d’accueillir
des enfants. Beaucoup de familles savent s'ouvrir à l'accueil d'enfants
abandonnés, de jeunes en difficulté, de personnes handicapées ou
âgées. Des centres d'aide à la vie apportent un soutien moral et matériel
à des mères en difficulté. Des bénévoles s'engagent à donner
l'hospitalité à ceux qui n'ont pas de famille, qui sont dans des
conditions pénibles ou ont besoin d’être aidés à surmonter des
habitudes nuisibles et à revenir à un vrai sens de la vie. Chercheurs et
membres des professions médicales poursuivent leurs efforts en faveur
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