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Le CRI des travailleurs n° 19 — septembre-octobre 2005
à consulter de nouveau les Français et
les Néerlandais plus tard, après peut-
être quelques amendements minimes.
Rejet croissant de l’Union
européenne et des gouvernements
Mais les chefs de l’Union
européenne et de tous les pays
membres mesurent bien que la victoire
du Non ouvrier et populaire en France
et aux Pays-Bas ne fait qu’exprimer le
rejet grandissant de cette « Europe »
capitaliste et des gouvernements
nationaux par les prolétariats et les
classes populaires dans un nombre
croissant de pays. Cette victoire, en
effet, n’intervient pas par hasard après
la défaite de Berlusconi aux
municipales italiennes, le net recul de
Blair aux dernières législatives
britanniques et surtout l’effondrement
du SPD en Rhénanie du Nord-
Westphalie (région industrielle et
bastion de ce parti), effet différé de la
mobilisation contre le plan Hartz et la
politique de Schröder l’an passé
…
Cela prouve que, s’il n’y a pas à ce
jour de peuple européen, faute d’un
véritable État européen, ni de
prolétariat européen, en l’absence
d’organisations de classe européennes,
il y a néanmoins une forte
interdépendance, une nette
contemporanéité entre les évolutions
sociales et politiques que connaissent
les différents pays de l’UE. Dans cette
situation, la victoire du Oui dans le
riche, mais très petit « Grand-Duché »
du Luxembourg (malgré, là encore, un
fort Non ouvrier), ne pèse évidemment
pas lourd et ne saurait suffire à
redonner de l’élan à la « construction
européenne » bourgeoise… C’est ainsi
que Blair a renoncé à organiser un
référendum au Royaume-Uni, que la
date des référendums a été reculée au
Portugal, au Danemark, en République
tchèque, en Irlande et en Pologne, et
que, au niveau de l’UE, la date-limite
de ratification a été reportée d’un an, à
2007, pour éviter la multiplication des
Non ouvriers et populaires…
Échec du sommet de Bruxelles
Le premier effet de la victoire du
Non aux référendums français et
néerlandais a été l’échec du sommet
européen de Bruxelles des 16-17 juin.
On a en effet assisté à une résurgence
des antagonismes nationaux,
Cf. notre article dans Le CRI des
travailleurs n° 15 de nov.-déc. 2004.
notamment à l’occasion de la
discussion sur le budget de l’UE pour
la période 2007-2013. Bien sûr, de
telles discussions budgétaires sont
toujours tendues ; mais cette fois la
tension a été amplifiée par la situation
politique générale. Blair a lancé
l’offensive contre la PAC, dont la
Grande-Bretagne ne bénéficie que très
peu, en s’arc-boutant sur la
« ristourne » obtenue par son pays
dans les années 1980 pour cette raison
même. De son côté, Chirac, en
refusant que la PAC soit mise en
cause, s’est fait le défenseur inflexible
des gros agriculteurs français, c’est-à-
dire en fait avant tout des grandes
banques françaises qui tiennent ces
agriculteurs sous leur coupe, quand
elles ne sont pas elles-mêmes
propriétaires fonciers. Ce sommet
européen a ainsi montré que, affaibli
par un rejet ouvrier et populaire massif
de sa politique et confronté aux
dangers d’une recrudescence de la
lutte de classe directe, le
gouvernement français, en particulier,
n’avait pas la force suffisante pour
accepter les compromis indispensables
au renforcement politique de l’Union
européenne dont il est pourtant, avec
Schröder mais contre Blair, l’un des
principaux partisans.
Cela ne signifie certes pas que
l’UE elle-même soit en crise, dans le
sens où son cadre et sa politique
seraient remis en cause : de plus en
plus rejetée par le prolétariat, elle n’est
aucunement menacée par les
bourgeoisies nationales, pour qui
l’ensemble de ses « acquis » (marché
commun, Traités de Maastricht,
d’Amsterdam et de Nice, monnaie
unique, directives européennes…) sont
irremplaçables. Ils sont en effet
indispensables tant pour les aider à
mener de brutales attaques contre leurs
prolétariats respectifs, que pour leur
permettre de limiter les dégâts face à
la concurrence internationale dominée
par les États-Unis et avivée
notamment par la croissance et les
exportations chinoises. C’est pourquoi
les chefs d’État et de gouvernement
réunis à Bruxelles ont approuvé à
l’unanimité les « lignes directrices
intégrées pour la croissance et
l’emploi 2005-2008 » élaborées par la
Commission européenne, et ils sont
tombés tout aussi d’accord pour
prendre des mesures de répression
policière et judiciaire concertées.
Mais, d’autre part, il est indéniable
que la victoire du Non en France et
aux Pays-Bas, ajoutée au rejet
grandissant des gouvernements en
place, et exprimée par l’échec du
sommet de Bruxelles, ouvre une
situation de blocage en ce qui
concerne le renforcement politique de
l’Union européenne. Toute la question
est de savoir si elle sera capable d’être
autre chose qu’un espace économique
et monétaire, c’est-à-dire de surmonter
les oppositions nationales pour devenir
une force impérialiste unifiée, apte
dans un premier temps à assister les
États-Unis dans le maintien de l’ordre
mondial mieux que ne le font
actuellement les puissances
impérialistes européennes encore trop
souvent divisées, et capable dans un
second temps, à plus long terme, de
s’imposer comme un pôle impérialiste
réellement concurrent de ces mêmes
États-Unis sur la scène internationale.
À cet égard, la situation actuelle de
blocage signifie indéniablement une
fragilisation politique des bourgeoisies
européennes, aussi bien sur le plan
international que dans chaque pays.
Dans un tel contexte, les organisations
ouvrières et populaires auraient pu et
dû, si elles l’avaient voulu, profiter de
cette situation pour passer à
l’offensive contre l’ennemi blessé,
c’est-à-dire infliger de véritables
reculs aux bourgeoisies. Cela est tout
particulièrement vrai dans le cas de la
France.
Soumission à l’Union européenne
des forces du « Non de gauche »
Or, dès le soir du 29 mai, la plupart
des forces qui avaient contribué à la
victoire du Non ouvrier et populaire
ont tout au contraire volé au secours
de l’Union européenne capitaliste.
Les responsables du PCF,
d’ATTAC, des courants de gauche du
PS, des syndicats CGT, FO et FSU
(suivis de manière opportuniste par la
LCR), se sont tous répandus en
déclarations disant leur attachement
indéfectible à « l’Europe » et à la
« construction européenne », alors que
celle-ci est si évidemment capitaliste
et venait d’être si massivement rejetée
par le prolétariat et les classes
populaires. Ces gens-là ont tous voulu
faire croire que la signification
majeure du référendum aurait été la
nécessité de poursuivre la construction
de l’Union européenne capitaliste,
mais en y injectant du « social » et en
rompant avec le « libéralisme ». Ils
nous ont donc expliqué les uns que