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disparités au niveau des revenus et au niveau régional, la capitale bénéficiant d’un degré de
développement beaucoup plus élevé que les campagnes et les villes provinciales. Le nombre de
chômeurs augmentant, les autorités furent bientôt incapables – en raison de la situation
budgétaire – de fournir un soutien financier pour rallier à leur cause des jeunes gens mécontents,
désormais contraints de vivoter en marge de l’économie nationale. Les conditions du soulèvement
à venir étaient ainsi réunies.
9. Bien que la structure économique de la région MOAN se prête mal à une généralisation,
certaines caractéristiques se retrouvent dans la plupart des pays. En premier lieu, la région MOAN
est, du point de vue économique, l’une des plus divisées au monde. Les échanges commerciaux
entre les pays arabes sont très faibles ; 10 % seulement des échanges totaux de marchandises
s’effectuent avec d’autres pays de la région MOAN et plusieurs études révèlent que les échanges
dans la région ont été de 60 à 70 % inférieurs à ce qu’ils auraient pu être au cours de la dernière
décennie. En comparaison, les échanges commerciaux intrarégionaux atteignent 25 % entre les
pays de l’ASEAN et 66 % environ dans l'Union européenne (UE). (Caroline Freund) En dépit de la
progression des échanges commerciaux avec d’autres régions du monde depuis quelques
années, le niveau de l’intégration commerciale régionale stagne au niveau atteint dans les
années 60. (Adeel Malik, 2012) Cette situation représente presque l’antithèse de celle qui prévaut
dans les régions émergentes plus dynamiques de la planète, telles que l’Asie de l’Est, où le niveau
d’intégration des échanges commerciaux n’a fait que se renforcer lorsque la région a décollé.
10. Les obstacles aux échanges commerciaux au sein de la région MOAN sont nombreux. Il
existe tout un éventail de barrières non douanières qui faussent les prix relatifs, excluent les
produits de la région des marchés mondiaux et nuisent à la prospérité des différents pays. L’une
des conséquences de ces restrictions commerciales est que les économies de la région ne sont
guère diversifiées et ne parviennent pas à se mondialiser. L’absence de structure intégratrice, la
corruption mesquine et la mauvaise administration des frontières régionales peuvent coûter très
cher à ceux qui les franchissent et, de l’avis de certaines entreprises, tous ces efforts n’en valent
tout simplement pas la peine. Les barrières douanières et non douanières minent davantage
encore les efforts d’édification d’un marché régional. Dans la plupart des pays de la région MOAN,
les droits de douane sont proches des 12 %, soit le double de ceux des économies émergentes
asiatiques, et ces restrictions aux échanges commerciaux s’avèrent extraordinairement
onéreuses. De nombreuses entreprises sont moins concurrentielles que celles n’appartenant pas
à la région MOAN, précisément parce qu’elles sont handicapées par ces charges et ne disposent
pas des économies d’échelle dont bénéficient les négociants internationaux d’Asie. Les firmes
asiatiques sont, en comparaison, bien intégrées aux niveaux régional et mondial, ce qui implique
une âpre concurrence et un marché d’une taille considérable, deux conditions essentielles à la
réduction des prix et au renforcement de la qualité.
11. Parmi les importateurs nets de pétrole de la région, la Jordanie et la Syrie étaient les deux
plus importants exportateurs de biens vers l’Egypte et la Tunisie, mais ces exportations vers des
pays voisins ne généraient que 5 % de leur PIB. L’Algérie et le Maroc partagent une longue
frontière commune, mais entretiennent des relations commerciales très peu développées, signe
révélateur du faible niveau des échanges commerciaux entre les pays de la région. La seule
exception concerne naturellement les producteurs locaux de pétrole et de gaz qui vendent leur
énergie aux importateurs nets de la région. La Libye, par exemple, ne vend pratiquement rien
d’autre que de l’énergie dans la région.
12. Ce faible niveau d’échanges commerciaux est particulièrement surprenant lorsqu’on sait que
la région MOAN est en réalité géographiquement très bien située pour faire du commerce. Elle se
trouve au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie ; la grande majorité de sa population vit
non loin de la mer, dans des zones urbaines où les emplois sont les plus nombreux et le climat
agréable. Ces caractéristiques, auxquelles s’ajoutent des voies de navigation aisément
accessibles et bon marché, confèrent à la région des avantages naturels indéniables d’un point de