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La Monnaie, Le Marché Des Changes Et Le Pouvoir Á
Travers l’histoire De La Première Banque Nationale
D’Haïti
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(1880-1910)
Une Lecture Iconoclaste De La Crise Actuelle Faussement Perçue Comme
« Fatalité Monétaire »
Par :
Michelet MICHEL
Gestionnaire financier | Consultant Indépendant
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Michelet MICHEL : « La Banque, la Monnaie et le Pouvoir ou l’état de mal-développement en Haïti » | Dépôt
légal : Bibliothèque Nationale 89-03-101, Les Éditions SOHADIF, Port-au-Prince, Haïti, 1989
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Table des Matières
1.0 Prolégomènes .................................................................................................................................... 3
2.0 Critères D’identification .................................................................................................................... 4
3.0 Dépistages Et Questionnements ....................................................................................................... 5
3.1 Rétrospectives sur l’Histoire De La Banque Nationale d’Haïti ...................................................... 5
3.2 Une indépendance financièrement compromise .......................................................................... 6
3.3 Les Premiers Essais ........................................................................................................................ 6
4.0 La « Banque De Salomon » (1880-1910) ........................................................................................... 7
4.1 La Banque D’émission Et Le Problème Monétaire ........................................................................ 7
4.2 La Banque Commerciale ................................................................................................................ 7
4.3 La Banque Nationale Et Le Marché Des Changes .......................................................................... 8
4.4 Un « Syndicat Financier » Dénommé « Le Haut Commerce »....................................................... 8
4.5 La Banque Nationale, Un Allié Naturel Du « Haut Commerce » ................................................... 9
5.0 La Banque Nationale, Le Pouvoir, La Monnaie .................................................................................. 9
5.1 Le piège « financier »................................................................................................................... 10
6.0 Mise A Mort De La Première Banque Nationale ............................................................................. 10
7.0 La Question Monétaire Et le Change: Alerte Rouge ! ..................................................................... 11
8.0 Banque, Monnaie Et Pouvoir : Un Contentieux Non Résolu .......................................................... 12
9.0 Épilogue : contre la dualité monétaire Gourde/Dollar en Haïti ...................................................... 13
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1.0 Prolégomènes
LE TAUX DE CHANGE flambe
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. La gourde décroche par rapport au dollar américain. Le
marché implose. La dérive monétaire évolue à un train d’enfer. Une vitesse supersonique. La
spéculation tous azimuts s’en donne à cœur joie. Les riches deviennent plus riches tandis que les
pauvres n’en finissent pas de s’appauvrir chaque jour un peu plus. La spirale inflationniste,
grimaçante et hideuse, lamine le pouvoir d’achat. Pervertit irrémédiablement les paramètres
classiques de qualité de vie. Menace même la survie des populations. Tous les clignotants sont au
rouge. Aujourd’hui, la misère, la malnutrition, le chômage (ces « 4 Cavaliers de l’Apocalypse » de
l’Ancien Testament) se bousculent aux portes de la Cité. Sorciers, démiurges, charlatans, faux-
prophètes, démagogues, « spécialistes autoproclamés », s’agitent et se trémoussent de façon
obscène sur la scène politico-médiatique. Chacun y va de son explication « savante ! » De son
tour de passe-passe! De son remède-miracle ! De sa potion magique !
Expliquer la crise actuelle comme « fatalité monétaire » par le déficit structurel de la balance des
paiements? Le dérèglement des mécanismes de création monétaire ? Le développement du
processus d’inflation structurelle sans en référer aux caractéristiques de structure du monde
contemporain ? Á la concentration du capital et la cartellisation de la production qui ont fait de
l’oligopole la forme dominante d’organisation de la production et des marchés à l’intérieur de
chaque espace économique national ? Et, plus encore, à l’échelle internationale ? Aux rapports de
pouvoirs et aux luttes sociales intra et internationales
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? Les explications pullulent. Qu’importe !
Peu ou prou, on ne doit oublier ni occulter le fait que la MONNAIE par delà ses trois fonctions
micro-économiques traditionnelles d’intermédiaire des échanges, d’unité de mesure des valeurs et
de réserve de pouvoir d’achat, remplit une fonction beaucoup plus générale comme élément
fondamental d’équilibre d’un certain ordre politique et social.
En ce sens, la MONNAIE est d’abord un instrument de POUVOIR et de solution au moins
temporaire des conflits entre groupes sociaux et ou entre générations. Un moyen de dissiper ou
mieux de discipliner la violence inhérente à toute société. « Un espace de paix dans un univers de
pacification locale.
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» Processus social ou facteur de socialisation, la monnaie substitue « le
pouvoir d’échange » au « pouvoir de violence. »
En Haïti, aujourd’hui, s’interroger sur la nature de la crise monétaire contemporaine et ses
impacts sur le marché des changes totalement dérégulé, n’est pas un simple exercice
philosophique. Et encore moins un luxe intellectuel.
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Le taux de change moyen qui était de HTG 47.00 contre 1 USD, en décembre 2014, est passé à 57.005
gourdes
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pour un (1) dollar américain, soit une décote de la gourde (ou une appréciation du dollar par rapport
à la gourde) de 21.287% au 21 décembre 2015.
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René SANDRETTO : « Le Pouvoir et la Monnaie », Éditions Économica, Paris, 1983
4
Jacques ATTALI, Préface de l’ouvrage « La violence de la monnaie », PUF, Paris, 1982 (p.9).
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La démarche adoptée est au contraire pénétrée d’une intention nettement opératoire qui conduit
à « convoquer l’Histoire par le Présent.» Á questionner les rapports de pouvoirs que la monnaie
véhicule à travers l’histoire de la première Banque Nationale d’Haïti ou la « Banque de Salomon »
dans l’intention de rendre intelligible aux lecteurs non initiés aux questions monétaires, la nature
et la cause profonde de cette crise en saisissant à travers l’intimité de la monnaie et du pouvoir,
les liens qui unissent les transformations des structures réelles de l’économie et la dynamique du
système monétaire national.
2.0 Critères D’identification
L’ÉCONOMIE HAÏTIENNE SURNAGE difficilement dans une crise aigüe de liquidités
internationales qui a désarticulé de manière durable les automatismes régulateurs classiques. Cette
situation constitue le révélateur par excellence des inégalités intérieures, des déséquilibres
structurels des paiements extérieurs et du mode d’allocation inéquitable des ressources nationales
que charrie l’Histoire nationale depuis deux (2) siècles.
Touché de plein fouet par les turbulences de l’économie mondiale et la crise du Système
Monétaire International (SMI), le Pays a vu les clivages et les distorsions s’accentuer jusqu’au
seuil fatidique du non-retour. Singulièrement, la situation actuelle traduit sur le plan national
l’ampleur du naufrage du multilatéralisme des paiements et de la liberté des changes mis en place
par les Institutions de BRETTON-WOODS
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nonobstant les fréquents réajustements,
reformulations ou réinterprétations qui en ont jalonné le parcours par la prise en compte « du
nécessaire respect des légitimités locales. » En l’espèce, l’Article IV des Statuts amendés du FMI
relatif aux dispositions contractuelles des pays-membres en matière de change stipulait que « le
but du Système Monétaire International (SMI) est de fournir un cadre qui facilite les échanges de
biens, de services et de capitaux entre nations, et qui favorise une croissance économique saine
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. »
En conséquence de quoi dans tous les pays, pour rer au mieux des intérêts de la collectivité les
besoins de liquidités internationales, les institutions du système bancaire ont, sous la houlette
d’une Banque centrale, organisé un marché national des changes institutionnalisé, structuré
autour d’un cadre juridique formel grâce auquel s’effectue la compensation entre les besoins et les
excédents de monnaies étrangères manifestés par les agents économiques. Qu’en est-il de la
Banque de la publique d’Haïti ci après désignée BRH, Institut d’émission et Banque Centrale
créée par les Pouvoirs Publics par la Loi du 17 août 1979, Moniteur Numéro 72 du 11 septembre
1979) ?
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L’évolution du Système Monétaire International (SMI) a conduit le Fonds Monétaire International (FMI), l’une
des deux grandes institutions de BRETTON-WOODS, à renier le principe de stabilité des changes et la libre
convertibilité des monnaies par l’étalon de change-or. Depuis 1971, les taux de change sont devenus flottants
et le dollar américain a cessé d’être convertible en or. Une monnaie internationale a été créée, les Droits de
Tirages Spéciaux (DTS). Avec la montée de l’endettement du Tiers-monde et la crise financière internationale
caractérisée par la multiplicité et l’anarchie des sources de liquidités, a émergé une tendance au polycentrisme
monétaire qui a mis en péril la crédibilité du système de convertibilité illimitée dans les régimes de change des
monnaies, et marqué son agonie.
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Fonds Monétaire International, Statuts amendés de 1976, Article IV
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Dans cette praxis, la Banque Centrale tente de réagir par un train de mesures conjoncturelles sous
forme d’instruments techniques de régulation, à la recherche des conditions optimales d’une
politique monétaire en harmonie avec l’orthodoxie libérale dans le cadre d’une stratégie
d’ajustement ponctuel de l’offre à la demande de monnaie. Ou, vice, versa ! Comme, par exemple
les « Réserves obligatoires » des banques commerciales et le Taux de base bancaire (TBB).
3.0 Dépistages Et Questionnements
Á CE CARREFOUR du raisonnement, l’analyste averti se trouve confronté à deux propositions
dialectiques résolument antagonistes. « Faut-il brûler les banques en Haïti ?
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» Ou plutôt, face à
l’appel croissant aux services bancaires et la marginalisation des plus pauvres qui représentent
plus quatre-vingts (80%) de la population quant à l’accès à des services financiers appropriés,
doit-on œuvrer dans le sens d’une évolution parallèle de la législation correspondante ? Identifier,
structurer et appliquer un modèle de libéralisme autoritaire susceptible de viabiliser la dynamique
du développement durable ? Alternative qui conduira nécessairement à redéfinir le libéralisme
économique conçu comme le marché dans l’ordre économique politique et social ? Enfin, ce que
Tocqueville
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appelait « les mœurs » c’est-à-dire l’existence dans la société d’un certain esprit
public, de certaines pratiques mocratiques dans l’objectif d’arrêter une stratégie économique
nationale susceptible d’accélérer la croissance et d’améliorer l’utilisation du capital financier ?
La réponse est multidimensionnelle. Polymorphique. Plurielle. L’HISTOIRE est convoquée par
le PRÉSENT ! Questionnée ! Interpellée ! Non pas cette histoire « zombifiée », momifiée et
aliénante enseignée dans les manuels classiques. Mais bien, l’Histoire vivante, mémoire du temps
pour tenter de retracer et de dépister les origines et le fondement des politiques ponctuelles de la
Banque Nationale d’Haïti en réponse au problème lancinant de l’insuffisance de liquidités
internationales sur le MARCHÉ DES CHANGES.
3.1 Rétrospectives sur l’Histoire De La Banque Nationale d’Haïti
LE 1ER JANVIER 1804, le Général Jean-Jacques Dessalines, Chef de l’Armée indigène insurgée
proclame solennellement l’indépendance d’Haïti, Première République Nègre de l’Hémisphère
Occidentale.
Cet acte historique a consacré, pour reprendre l’expression heureuse de Frantz Fanon, la «remise
en question intégrale de la situation coloniale » en rupture violente avec le système esclavagiste
qui perpétuait l’hégémonie capitaliste caractérisée dans son essence même par la maximalisation
du profit fondée sur l’exploitation absolue et sur l’esclavage érigé en système de production, de
plusieurs centaines de milliers d’africains jetés dans « le creuset colonial » dans un contexte qui
leur était inconnu et hostile.
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Hebdomadaire L’Information, Numéro 14 du 12 avril 1984
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Alexis de Tocqueville: “De la démocratie en Amérique », Les Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade,
Paris
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