1
Dr NZONGANG Joseph
1
Et
Dr NZOMO Tcheunta Joseph C
2
.,
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion
Université de Dschang (Cameroun).
Une alternative interne pour le financement
des investissements publics dans le cadre du
Document de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté (DSRP) au Cameroun.
I- Introduction
La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) ont lancé fin 1999 une
initiative conjointe qui place la lutte contre la pauvreté au centre des politiques de
développement. Tous les pays à bas revenu désireux de bénéficier d’une aide financière
d’une des deux organisations, ou d’un allègement de la dette dans le cadre de l’Initiative
PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), sont appelés à préparer un programme de lutte contre
la pauvreté, désigné sous le terme de Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté
(DSRP).
Depuis lors, ces institutions ont mobilisé des moyens humains et financiers
considérables pour mettre en œuvre cette Initiative et en assurer le succès. Les programmes
d’aide de ces institutions ont d’abord été modifiés et rebaptisés pour inclure la lutte contre
la pauvreté parmi leurs objectifs.
Les financements concessionnels de la Banque Mondiale en faveur des pays à faible
revenu, opérés par l’Agence Internationale pour le Développement (AID), s’intègrent
désormais dans le cadre des Crédits de Soutien à la Réduction de la Pauvreté, ceux du FMI
dans celui de la facilité de Réduction de la Pauvreté et de Croissance. Parallèlement, une
intense réflexion a été engagée afin de définir des orientations précises susceptibles de
guider les pays éligibles dans l’élaboration du DSRP. De plus, un effort considérable a été
fait pour consulter les gouvernements des pays en développement et de leur société civile à
travers des séminaires internationaux et régionaux.
Rapidement, tous les autres donateurs ont emboîté le pas et décidé de placer leur
politique d’aide sous l’égide des DSRP.
Sous la pression de la campagne mondiale des organisations non gouvernementales les
dirigeants du monde réunis en septembre 2000 à New York ont adopté la Déclaration du
1
E -mail : jnzongang@yahoo.fr , téléphone (237) 998 01 90.
2
E mail : [email protected], téléphone (237) 751 49 46.
2
Millénaire pour le développement international. Cette déclaration jetait les bases politiques
de lutte planétaire contre la pauvreté dans les pays en développement.
En considérant la pauvreté et la faim en particulier comme objet premier des objectifs
du millénaire pour le développement, ceux-ci devraient être réduits de moitié de 2 000 à
2015 ; et pour soutenir un tel effort, il faudrait que pendant cette période, un taux de
croissance économique de plus de 7% par an.
La croissance économique constitue donc la base autour de laquelle s’articulent les
réponses au défi de réduction de la pauvreté. Cette croissance est elle-même tributaire d’un
certains nombres de facteurs clés qui en déterminent la dynamique et l’amplitude parmi
lesquels les investissements productifs et les infrastructures.
La réalisation des investissements productifs et les infrastructures est subordonnée à la
disponibilité des financements appropriés. Autrement dit, c’est de la disponibilité des
ressources appropriées pour le financement de l’économie que se détermine le profil de
croissance et partant l’ampleur de réduction de la pauvreté. Ainsi, l’aptitude à atteindre les
objectifs de croissance, de relance de l’économie ou des secteurs particuliers de celle-ci
dépend du niveau des investissements qui y sont réalisés.
Les économies les plus dynamiques et les plus performantes de par le monde
3
sont
celles dans lesquelles il y a plus d’investissements, qu’ils soient réalisés par des nationaux ou
par des étrangers à travers les investissements directs étrangers (IDE). On constate que
dans les pays l’investissement privé a été le plus important, la croissance économique a
été rapide.
Le Cameroun dans l’esprit de la déclaration du millénaire a adopté son DSRP qui
s’articule autour des mêmes objectifs, particulièrement en ce qui concerne la réduction de la
pauvreté.
Le DSRP préconise un taux de croissance économique au moins égal à 7%. Cet objectif
de croissance nécessite de réaliser entre autres un taux d’investissement productif compris
entre 25 et 30% pendant la période de mise en œuvre du DSRP.
Au Cameroun, depuis l’exercice 1994/1995, le taux de croissance économique se situe
autour d’une moyenne de 4%
4
par an et le taux brut d’investissement moyen pour les
années 2001-2004 est d’environ 18,9% dont 16,7% pour le secteur privé (entreprises et
ménages) et 2,2% pour le secteur public.
Pour atteindre les objectifs de croissance du DSRP, compatibles avec ceux des Objectifs
du Millénaire pour le Développement (OMD), il faut :
- que le volume global des investissements atteigne le seuil de 25 à 30% du PIB
sinon- c’est le cas actuellement- le niveau des investissements publics indispensable
pour soutenir la performance des investissements privés ne permettrait pas de
soutenir la croissance économique ;
3
Les exemples les plus récents en matière d’attrait des investissements sont ceux des pays d’Asie du Sud
Est, et principalement de la Chine ; les taux d’investissement global y ont été de 30% du PIB durant les
années 1980, dont 18% en moyenne pour l’investissement privé, soit 60% de l’investissement total. De
même dans les pays les moins développés d’Asie de l’Est Philippines, Sri Lanka, Indonésie la part de
l’investissement privé s’est située généralement à 70, 60 et 58% de l’investissement total respectivement
au long des années 1990. plus proche de nous, il y a lieu de citer le cas du Tchad et surtout de la Guinée
Equatoriale. Ce dernier pays réalise depuis plus de cinq ans un taux de croissance annuel à deux chiffres,
résultat de l’importance et du soutien des investissements principalement dans le secteur pétrolier et des
infrastructures. Au Tchad, le taux de croissance est supérieur à 20% en 2004, conséquence de la manne
tirée de l’exploitation pétrolière des champs de Doba, et des investissements de près de 4 milliards de
US$ réalisés par les compagnies pétrolières.
4
Voir Institut National de la Statistique
3
- et que les investissements productifs soient réalisés prioritairement dans le secteur
des micro/petites entreprises (MPE)
5
à fort potentiel de création d’emplois.
L’objet de cette étude est de montrer que le financement des investissements publics
est conditionné par l’accroissement du niveau des investissements productifs (privés)
déterminants de la croissance économique. En d’autres termes l’atteinte des objectifs de
croissance dans l’esprit des objectifs du millénaire pour le développement est
subordonnée à la réallocation des ressources issues de l’initiative PPTE au profit du
secteur productif.
La première partie de l’étude présente la stratégie de réduction de la pauvreté et met
l’accent sur le financement des investissements publics et la réallocation des ressources
PPTE. Elle met en évidence la nécessité d’inclure des micro/petites entreprises à
l’éligibilité des ressources PPTE.
La deuxième partie est consacrée au financement des micro/petites entreprises. Elle
identifie les principales contraintes à l’expansion de celles-ci.
La troisième partie propose un modèle alternatif de financement pour la création et le
renforcement des MPE et analyse leur contribution pour le financement des
investissements publics.
II- L’initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun.
Lancée en 1996, par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, l’initiative
PPTE a pour objectif de rendre soutenable la dette des pays pauvres très endettés, dans
une dynamique de redéploiement des dépenses publiques en faveur des secteurs sociaux, et
de création des conditions favorables à la croissance économique. L’objectif fondamental
est de reconstituer la capacité productive des pays traités dans une logique de
développement durable.
La rédaction d’un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) est alors
devenue une condition d’éligibilité pour les pays candidats à l’Initiative. La Cameroun a
atteint le point de décision
6
en octobre 2000 et le point d’achèvement
7
pendant la période
octobre -décembre 2004.
II-1. Les objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
La prise de conscience du problème de pauvreté dans les pays en développement est
l’aboutissement d’un long processus de maturation initié dès la fin des années quatre vingt
8
.
Les Nations Unies, notamment l’UNICEF et le PNUD, ont joué un rôle précurseur dans
ce domaine. En effet, l’UNICEF a ainsi publié un ouvrage retentissant intitulé
« l’ajustement à visage humain », cet ouvrage alertait sur les conséquences sociales néfastes
des politiques d’ajustement structurel et proposait des pistes pour y remédier.
Tout au long des années 1990, plusieurs conférences internationales des Nations Unies ont
par la suite contribué à une prise de conscience dans ce domaine. Le Sommet mondial pour
le développement humain, qui s’est tenu à Copenhague en 1995, représente sans doute la
plus importante de ces conférences. La Déclaration et le Programme d’action ratifiés à
5
Au Cameroun, les MPE contribuent à plus de 30% du PNB, 70% à la consommation totale des
ménages, regroupent près de 34% de l’ensemble des ménages du pays, emploient près de 46% de la
population active et 60% des jeunes urbains, soient 80% de la population active si l’on inclue les secteurs
de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.( BOMDA, 2006)
6
Le point de décision décrète de manière irrévocable l’éligibilité d ‘un pays à l’initiative et déclenche une
assistance intérimaire qui permet de réduire le service de la dette.
7
Le point d’achèvement est le niveau où les performances satisfaisantes du pays dans la lutte contre la
pauvreté permettent d’engager les mesures de réduction portant sur l’ensemble du stock de la dette.
8
Pour plus de détail voir CLING J.P., RAZAFINDRAKOTO M., et ROUBAUD F , (2003).
4
l’issue de ce sommet ont fait de la réduction de la pauvreté une priorité du développement.
Dans la foulée, l’Assemblée Générale des Nations Unies a proclamé 1996, « Année
internationale de l’éradication de la pauvreté » et la décennie 1997-2006 « Première
décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté ». Toujours en 1996, le
Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE a mis la pauvreté au centre de ses
préoccupations ce qui a conduit à la définition des Objectifs Internationaux du
Développement. Ceux-ci ont été élargis et rebaptisés Objectifs de Développement du
Millénaire par les Nations Unies en 2000. Le premier de ces huit objectifs se propose de
diviser par deux la population mondiale vivant dans une situation d’extrême pauvreté entre
1990-2015.
II-2. La stratégie camerounaise de réduction de la pauvreté .
II-2.1 Le contexte économique.
L’économie camerounaise a connu un développement en progression forte et soutenue de
1970 à 1985 ; période au cours de laquelle elle a enregistré un taux de croissance moyen de
près de 8% en terme réel par an et un taux d’investissement de près de 25% du PIB
9
.
Au cours de l’année 1986 des chocs exogènes conséquence de la chute drastique des cours
des produits de base : (café, cacao, banane, pétrole, bois…) et endogènes (contraction des
revenus de l’Etat, poids importants des charges des sociétés d’Etat sur les finances
publiques, mauvais résultats des politiques économiques…) ont eu pour effet de casser
cette dynamique et mettre en exergue les faiblesses structurelles de l’économie
camerounaise.
La baisse continue des revenus induits une chute de 40% de la consommation par habitant
entre 1985/1986 et 1992/1993. L’encours de la dette extérieure passe de moins de 1/ 3 à
plus de ¾ du PIB entre 1984/1985 et 1992/1993. Le taux d’investissement quant à lui
passe de 27% à moins de 11% du PIB.
La décennie 1986- 1995 a été marquée par une récession sévère qui va profondément
affecter les fondements de cette économie et la plonger à partir de 1986 dans une crise
économique aigue se traduisant par un taux de croissance négatif tout au long de cette
période.
Pour faire face à cette situation difficile, les pouvoirs publics élaborent une politique de
sortie de crise articulée sur un programme d’ajustement structurel dont le premier plan est
adopté et mis en œuvre à partir de septembre 1988. Ce programme d’ajustement va
permettre, avec l’impulsion de la dévaluation intervenue en janvier 1994, de replacer
l’économie camerounaise sur le chemin de la croissance dès 1995, situation qui sera
consolidée par les différents programmes économiques post dévaluation, faisant de la
décennie 1995-2005 celle de la croissance de l’économie nationale.
Cependant, on note que le taux de croissance qui est de 3,8% en 2004 n’a évolué depuis
lors que confinée dans une bande comprise entre 5,5% et 3,3% contredisant ainsi la
conviction qui a sous-tendu l’esprit du programme d’ajustement structurel et selon laquelle
la stabilité macroéconomique engendrerait à terme le décollage économique.
La croissance économique quoique positive depuis l’exercice 1994/1995, avec un taux se
situant autour d’une moyenne de 4% l’an, est restée faible et structurellement inapte à
générer un niveau suffisant de ressources pour stabiliser et réduire le phénomène de
pauvreté
10
.
9
Le PIB est passé de 1000 milliards de FCFA en 1978/1979 à 2172 milliards en 1981/1982 et à 4135
milliards en 1985/1986. voir Institut .National de la .Statistique.
10
Une enquête menée sur les conditions de vie des ménages en 1996 a révélé que la pauvreté touchait 50,
5% de la population camerounaise soit plus de six millions et demi de personnes. L’indice de
développement humain (IDH) se situe à 0, 536 plaçant le Cameroun au 134ème rang sur 174 pays en 1997,
5
II-2.2.Le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté.
Conçue dans l’esprit des OMD, les autorités camerounaises ont souscrits à la nouvelle
approche de réduction de la pauvreté adoptée par la communauté internationale et
apprécient le lien entre cette nouvelle stratégie et la réduction de la dette au titre de
l’initiative PPTE, dont le bénéfice effectif permettra au Cameroun de renforcer ses moyens
de lutte contre la pauvreté.
La stratégie camerounaise de réduction de la pauvreté a été élaborée à partir des
enseignements de consultations participatives menées à travers l’ensemble du territoire
national. Il expose les caractéristiques et déterminants de la pauvreté au Cameroun , avec
leurs disparités régionales, ainsi que les grands axes stratégiques retenus pour asseoir une
croissance économique forte, durable et équitable d’une part et réduire progressivement le
niveau de pauvreté d’autre part. la stratégie retenue par les autorités camerounaises est
sous-tendue par la recherche d’une adhésion totale et d’une contribution forte de
l’ensemble des acteurs sociaux au programme de réduction de la pauvreté. Elle fait
également du soutien des partenaires au développement un élément clé de réussite de ce
vaste programme. Dans ce domaine, les autorités entendent mettre en œuvre un
programme de réformes crédibles et bien ciblées, permettant de bénéficier pleinement de
l’allègement de dette au titre de l’initiative PPTE renforcée, en utilisant efficacement les
ressources additionnelles ainsi obtenues pour agir sur les principaux axes de réduction de la
pauvreté relevés par les populations lors de la phase des consultations participatives
notamment :
- renforcer l’offre des services sociaux essentiels que sont la santé et l’éducation ;
- améliorer l’approvisionnement en eau potable des populations ;
- et réhabiliter l’infrastructure de communication, notamment les routes et pistes
rurales.
Il est à noter que la promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption
constituent des facteurs essentiels de la réussite du programme de réduction de la pauvreté
car la corruption et plus généralement les manquements à la bonne gestion des affaires
publiques ont été relevés comme des déterminants importants de la pauvreté au Cameroun.
Cependant il se pose le problème de financement de cette stratégie.
II-2.3.Le financement du DSRP.
Le DSRP préconise un taux de croissance économique au moins égal à 7%. Or ces
objectifs de croissance nécessitent de réaliser entre autres, un taux d’investissement
compris entre 25 et 30% pendant la période de mise en œuvre du DSRP ; investissements
qui doivent être de surcroît de qualité, c’est-dire réalisés principalement dans les secteurs
ou filières de production qui contribuent efficacement à la lutte contre la pauvreté
monétaire.
L’une des faiblesses du DSRP et qui en constitue en même temps un défi se situe au niveau
de son plan de financement. En effet, si le cadrage global de cette stratégie ne pose aucun
problème, il en va autrement pour la cohérence interne et sectorielle. Il se pose un
problème au niveau du financement des investissements nécessaires à la réalisation des
objectifs de croissance projetés. L’investissement suppose la disponibilité de financement.
l’indice de la pauvreté humaine (IPH) atteint 38, 1%. Voir Cameroun, Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté, Document intérimaire, 2000, Page 8.
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