Dr NZONGANG Joseph1 Et Dr NZOMO Tcheunta Joseph C2., Faculté des Sciences Economiques et de Gestion Université de Dschang (Cameroun). Une alternative interne pour le financement des investissements publics dans le cadre du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) au Cameroun. I- Introduction La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) ont lancé fin 1999 une initiative conjointe qui place la lutte contre la pauvreté au centre des politiques de développement. Tous les pays à bas revenu désireux de bénéficier d’une aide financière d’une des deux organisations, ou d’un allègement de la dette dans le cadre de l’Initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), sont appelés à préparer un programme de lutte contre la pauvreté, désigné sous le terme de Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP). Depuis lors, ces institutions ont mobilisé des moyens humains et financiers considérables pour mettre en œuvre cette Initiative et en assurer le succès. Les programmes d’aide de ces institutions ont d’abord été modifiés et rebaptisés pour inclure la lutte contre la pauvreté parmi leurs objectifs. Les financements concessionnels de la Banque Mondiale en faveur des pays à faible revenu, opérés par l’Agence Internationale pour le Développement (AID), s’intègrent désormais dans le cadre des Crédits de Soutien à la Réduction de la Pauvreté, ceux du FMI dans celui de la facilité de Réduction de la Pauvreté et de Croissance. Parallèlement, une intense réflexion a été engagée afin de définir des orientations précises susceptibles de guider les pays éligibles dans l’élaboration du DSRP. De plus, un effort considérable a été fait pour consulter les gouvernements des pays en développement et de leur société civile à travers des séminaires internationaux et régionaux. Rapidement, tous les autres donateurs ont emboîté le pas et décidé de placer leur politique d’aide sous l’égide des DSRP. Sous la pression de la campagne mondiale des organisations non gouvernementales les dirigeants du monde réunis en septembre 2000 à New York ont adopté la Déclaration du 1 2 E -mail : [email protected] , téléphone (237) 998 01 90. E – mail : [email protected], téléphone (237) 751 49 46. 1 Millénaire pour le développement international. Cette déclaration jetait les bases politiques de lutte planétaire contre la pauvreté dans les pays en développement. En considérant la pauvreté et la faim en particulier comme objet premier des objectifs du millénaire pour le développement, ceux-ci devraient être réduits de moitié de 2 000 à 2015 ; et pour soutenir un tel effort, il faudrait que pendant cette période, un taux de croissance économique de plus de 7% par an. La croissance économique constitue donc la base autour de laquelle s’articulent les réponses au défi de réduction de la pauvreté. Cette croissance est elle-même tributaire d’un certains nombres de facteurs clés qui en déterminent la dynamique et l’amplitude parmi lesquels les investissements productifs et les infrastructures. La réalisation des investissements productifs et les infrastructures est subordonnée à la disponibilité des financements appropriés. Autrement dit, c’est de la disponibilité des ressources appropriées pour le financement de l’économie que se détermine le profil de croissance et partant l’ampleur de réduction de la pauvreté. Ainsi, l’aptitude à atteindre les objectifs de croissance, de relance de l’économie ou des secteurs particuliers de celle-ci dépend du niveau des investissements qui y sont réalisés. Les économies les plus dynamiques et les plus performantes de par le monde3 sont celles dans lesquelles il y a plus d’investissements, qu’ils soient réalisés par des nationaux ou par des étrangers à travers les investissements directs étrangers (IDE). On constate que dans les pays où l’investissement privé a été le plus important, la croissance économique a été rapide. Le Cameroun dans l’esprit de la déclaration du millénaire a adopté son DSRP qui s’articule autour des mêmes objectifs, particulièrement en ce qui concerne la réduction de la pauvreté. Le DSRP préconise un taux de croissance économique au moins égal à 7%. Cet objectif de croissance nécessite de réaliser entre autres un taux d’investissement productif compris entre 25 et 30% pendant la période de mise en œuvre du DSRP. Au Cameroun, depuis l’exercice 1994/1995, le taux de croissance économique se situe autour d’une moyenne de 4%4 par an et le taux brut d’investissement moyen pour les années 2001-2004 est d’environ 18,9% dont 16,7% pour le secteur privé (entreprises et ménages) et 2,2% pour le secteur public. Pour atteindre les objectifs de croissance du DSRP, compatibles avec ceux des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), il faut : - que le volume global des investissements atteigne le seuil de 25 à 30% du PIB sinon- c’est le cas actuellement- le niveau des investissements publics indispensable pour soutenir la performance des investissements privés ne permettrait pas de soutenir la croissance économique ; Les exemples les plus récents en matière d’attrait des investissements sont ceux des pays d’Asie du Sud Est, et principalement de la Chine ; les taux d’investissement global y ont été de 30% du PIB durant les années 1980, dont 18% en moyenne pour l’investissement privé, soit 60% de l’investissement total. De même dans les pays les moins développés d’Asie de l’Est – Philippines, Sri Lanka, Indonésie – la part de l’investissement privé s’est située généralement à 70, 60 et 58% de l’investissement total respectivement au long des années 1990. plus proche de nous, il y a lieu de citer le cas du Tchad et surtout de la Guinée Equatoriale. Ce dernier pays réalise depuis plus de cinq ans un taux de croissance annuel à deux chiffres, résultat de l’importance et du soutien des investissements principalement dans le secteur pétrolier et des infrastructures. Au Tchad, le taux de croissance est supérieur à 20% en 2004, conséquence de la manne tirée de l’exploitation pétrolière des champs de Doba, et des investissements de près de 4 milliards de US$ réalisés par les compagnies pétrolières. 4 Voir Institut National de la Statistique 3 2 - et que les investissements productifs soient réalisés prioritairement dans le secteur des micro/petites entreprises (MPE)5 à fort potentiel de création d’emplois. L’objet de cette étude est de montrer que le financement des investissements publics est conditionné par l’accroissement du niveau des investissements productifs (privés) déterminants de la croissance économique. En d’autres termes l’atteinte des objectifs de croissance dans l’esprit des objectifs du millénaire pour le développement est subordonnée à la réallocation des ressources issues de l’initiative PPTE au profit du secteur productif. La première partie de l’étude présente la stratégie de réduction de la pauvreté et met l’accent sur le financement des investissements publics et la réallocation des ressources PPTE. Elle met en évidence la nécessité d’inclure des micro/petites entreprises à l’éligibilité des ressources PPTE. La deuxième partie est consacrée au financement des micro/petites entreprises. Elle identifie les principales contraintes à l’expansion de celles-ci. La troisième partie propose un modèle alternatif de financement pour la création et le renforcement des MPE et analyse leur contribution pour le financement des investissements publics. IIL’initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Lancée en 1996, par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, l’initiative PPTE a pour objectif de rendre soutenable la dette des pays pauvres très endettés, dans une dynamique de redéploiement des dépenses publiques en faveur des secteurs sociaux, et de création des conditions favorables à la croissance économique. L’objectif fondamental est de reconstituer la capacité productive des pays traités dans une logique de développement durable. La rédaction d’un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) est alors devenue une condition d’éligibilité pour les pays candidats à l’Initiative. La Cameroun a atteint le point de décision6 en octobre 2000 et le point d’achèvement7 pendant la période octobre -décembre 2004. II-1. Les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). La prise de conscience du problème de pauvreté dans les pays en développement est l’aboutissement d’un long processus de maturation initié dès la fin des années quatre vingt8. Les Nations Unies, notamment l’UNICEF et le PNUD, ont joué un rôle précurseur dans ce domaine. En effet, l’UNICEF a ainsi publié un ouvrage retentissant intitulé « l’ajustement à visage humain », cet ouvrage alertait sur les conséquences sociales néfastes des politiques d’ajustement structurel et proposait des pistes pour y remédier. Tout au long des années 1990, plusieurs conférences internationales des Nations Unies ont par la suite contribué à une prise de conscience dans ce domaine. Le Sommet mondial pour le développement humain, qui s’est tenu à Copenhague en 1995, représente sans doute la plus importante de ces conférences. La Déclaration et le Programme d’action ratifiés à 5 Au Cameroun, les MPE contribuent à plus de 30% du PNB, 70% à la consommation totale des ménages, regroupent près de 34% de l’ensemble des ménages du pays, emploient près de 46% de la population active et 60% des jeunes urbains, soient 80% de la population active si l’on inclue les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.( BOMDA, 2006) 6 Le point de décision décrète de manière irrévocable l’éligibilité d ‘un pays à l’initiative et déclenche une assistance intérimaire qui permet de réduire le service de la dette. 7 Le point d’achèvement est le niveau où les performances satisfaisantes du pays dans la lutte contre la pauvreté permettent d’engager les mesures de réduction portant sur l’ensemble du stock de la dette. 8 Pour plus de détail voir CLING J.P., RAZAFINDRAKOTO M., et ROUBAUD F , (2003). 3 l’issue de ce sommet ont fait de la réduction de la pauvreté une priorité du développement. Dans la foulée, l’Assemblée Générale des Nations Unies a proclamé 1996, « Année internationale de l’éradication de la pauvreté » et la décennie 1997-2006 « Première décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté ». Toujours en 1996, le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE a mis la pauvreté au centre de ses préoccupations ce qui a conduit à la définition des Objectifs Internationaux du Développement. Ceux-ci ont été élargis et rebaptisés Objectifs de Développement du Millénaire par les Nations Unies en 2000. Le premier de ces huit objectifs se propose de diviser par deux la population mondiale vivant dans une situation d’extrême pauvreté entre 1990-2015. II-2. La stratégie camerounaise de réduction de la pauvreté . II-2.1 Le contexte économique. L’économie camerounaise a connu un développement en progression forte et soutenue de 1970 à 1985 ; période au cours de laquelle elle a enregistré un taux de croissance moyen de près de 8% en terme réel par an et un taux d’investissement de près de 25% du PIB9. Au cours de l’année 1986 des chocs exogènes conséquence de la chute drastique des cours des produits de base : (café, cacao, banane, pétrole, bois…) et endogènes (contraction des revenus de l’Etat, poids importants des charges des sociétés d’Etat sur les finances publiques, mauvais résultats des politiques économiques…) ont eu pour effet de casser cette dynamique et mettre en exergue les faiblesses structurelles de l’économie camerounaise. La baisse continue des revenus induits une chute de 40% de la consommation par habitant entre 1985/1986 et 1992/1993. L’encours de la dette extérieure passe de moins de 1/ 3 à plus de ¾ du PIB entre 1984/1985 et 1992/1993. Le taux d’investissement quant à lui passe de 27% à moins de 11% du PIB. La décennie 1986- 1995 a été marquée par une récession sévère qui va profondément affecter les fondements de cette économie et la plonger à partir de 1986 dans une crise économique aigue se traduisant par un taux de croissance négatif tout au long de cette période. Pour faire face à cette situation difficile, les pouvoirs publics élaborent une politique de sortie de crise articulée sur un programme d’ajustement structurel dont le premier plan est adopté et mis en œuvre à partir de septembre 1988. Ce programme d’ajustement va permettre, avec l’impulsion de la dévaluation intervenue en janvier 1994, de replacer l’économie camerounaise sur le chemin de la croissance dès 1995, situation qui sera consolidée par les différents programmes économiques post dévaluation, faisant de la décennie 1995-2005 celle de la croissance de l’économie nationale. Cependant, on note que le taux de croissance qui est de 3,8% en 2004 n’a évolué depuis lors que confinée dans une bande comprise entre 5,5% et 3,3% contredisant ainsi la conviction qui a sous-tendu l’esprit du programme d’ajustement structurel et selon laquelle la stabilité macroéconomique engendrerait à terme le décollage économique. La croissance économique quoique positive depuis l’exercice 1994/1995, avec un taux se situant autour d’une moyenne de 4% l’an, est restée faible et structurellement inapte à générer un niveau suffisant de ressources pour stabiliser et réduire le phénomène de pauvreté10. 9 Le PIB est passé de 1000 milliards de FCFA en 1978/1979 à 2172 milliards en 1981/1982 et à 4135 milliards en 1985/1986. voir Institut .National de la .Statistique. 10 Une enquête menée sur les conditions de vie des ménages en 1996 a révélé que la pauvreté touchait 50, 5% de la population camerounaise soit plus de six millions et demi de personnes. L’indice de développement humain (IDH) se situe à 0, 536 plaçant le Cameroun au 134 ème rang sur 174 pays en 1997, 4 II-2.2.Le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté. Conçue dans l’esprit des OMD, les autorités camerounaises ont souscrits à la nouvelle approche de réduction de la pauvreté adoptée par la communauté internationale et apprécient le lien entre cette nouvelle stratégie et la réduction de la dette au titre de l’initiative PPTE, dont le bénéfice effectif permettra au Cameroun de renforcer ses moyens de lutte contre la pauvreté. La stratégie camerounaise de réduction de la pauvreté a été élaborée à partir des enseignements de consultations participatives menées à travers l’ensemble du territoire national. Il expose les caractéristiques et déterminants de la pauvreté au Cameroun , avec leurs disparités régionales, ainsi que les grands axes stratégiques retenus pour asseoir une croissance économique forte, durable et équitable d’une part et réduire progressivement le niveau de pauvreté d’autre part. la stratégie retenue par les autorités camerounaises est sous-tendue par la recherche d’une adhésion totale et d’une contribution forte de l’ensemble des acteurs sociaux au programme de réduction de la pauvreté. Elle fait également du soutien des partenaires au développement un élément clé de réussite de ce vaste programme. Dans ce domaine, les autorités entendent mettre en œuvre un programme de réformes crédibles et bien ciblées, permettant de bénéficier pleinement de l’allègement de dette au titre de l’initiative PPTE renforcée, en utilisant efficacement les ressources additionnelles ainsi obtenues pour agir sur les principaux axes de réduction de la pauvreté relevés par les populations lors de la phase des consultations participatives notamment : - renforcer l’offre des services sociaux essentiels que sont la santé et l’éducation ; - améliorer l’approvisionnement en eau potable des populations ; - et réhabiliter l’infrastructure de communication, notamment les routes et pistes rurales. Il est à noter que la promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption constituent des facteurs essentiels de la réussite du programme de réduction de la pauvreté car la corruption et plus généralement les manquements à la bonne gestion des affaires publiques ont été relevés comme des déterminants importants de la pauvreté au Cameroun. Cependant il se pose le problème de financement de cette stratégie. II-2.3.Le financement du DSRP. Le DSRP préconise un taux de croissance économique au moins égal à 7%. Or ces objectifs de croissance nécessitent de réaliser entre autres, un taux d’investissement compris entre 25 et 30% pendant la période de mise en œuvre du DSRP ; investissements qui doivent être de surcroît de qualité, c’est-à-dire réalisés principalement dans les secteurs ou filières de production qui contribuent efficacement à la lutte contre la pauvreté monétaire. L’une des faiblesses du DSRP et qui en constitue en même temps un défi se situe au niveau de son plan de financement. En effet, si le cadrage global de cette stratégie ne pose aucun problème, il en va autrement pour la cohérence interne et sectorielle. Il se pose un problème au niveau du financement des investissements nécessaires à la réalisation des objectifs de croissance projetés. L’investissement suppose la disponibilité de financement. l’indice de la pauvreté humaine (IPH) atteint 38, 1%. Voir Cameroun, Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, Document intérimaire, 2000, Page 8. 5 Autrement dit, pour que le plan de financement se réalise, il doit être assorti d’un plan de son financement. Le bouclage du plan de financement est donc la condition nécessaire majeure de réalisation d’un plan d’investissement. Si tel n’est pas le cas, il naît des incertitudes sur les projets d’investissements qui affectent mécaniquement les ambitions de croissance, et donc la stratégie de réduction de la pauvreté. De ce qui précède, il faut retenir que le taux brut d’investissement au Cameroun est inférieur à ce qu’il devrait être pour que l’on puisse réaliser les objectifs de croissance du DSRP, compatible avec ceux des OMD. L’investissement privé représente certes 86,7% de l’investissement total, mais sa structure cache une réalité moins flatteuse notamment par rapport à l’objectif de réduction de la pauvreté. Le bouclage du financement du DSRP s’impose dès lors comme préalable pour que l’équation du financement des investissements compatibles avec les objectifs de croissance soit résolue. En d’autres termes, il faut : - porter le taux brut d’investissement de 16 % environ en 2005 à 25 ou 30 % dès 2006, - et le maintenir à ce niveau sur une période relativement longue (2006-2020) en veillant à ce que cet investissement soit de qualité, c’est-à-dire présente une structure compatible avec les objectifs de réduction de la pauvreté. D’où la nécessité de la réallocation des ressources PPTE au profit des micro/petites entreprises. II-2.4. La réallocation des ressources PPTE L’ atteindre les objectifs préconisés dans le DSRP qui constitue aujourd’hui le cadre de référence de la mise en œuvre de la politique nationale de développement, est subordonnée au niveau global et à la structure des investissements qui seront réalisés au cours des années à venir et s’appuie sue la disponibilité des ressources issues de l’initiative PPTE La réduction de la pauvreté humaine est conditionnée par la réduction de la pauvreté monétaire. Il faut d’abord créer les richesses et ensuite les répartir avec en perspective les objectifs de la lutte contre la pauvreté. Pour que la croissance s’inscrive dans un processus continu, le volume des richesses à créer doit être compatible avec les défis à relever et s’inscrire dans un processus continu, pour que la dynamique de réduction de la pauvreté soit entretenue. Ce qui suppose un taux de croissance réel suffisant et soutenu. Répartition sectorielle actuelle des fonds PPTE (en milliards de FCFA)en 2005 Secteur Coût projets Santé 27,904 Education 53,828 Développement social 25,612 Développement rural 42,21 Infrastructures 63,213 Gouvernance 1,349 Total 214,117 Source : Cellule de gestion des fonds PPTE. des Montant validés 27,905 40, 871 10,887 34,415 27,107 1,349 142, 535 6 pourcentage 19,6 28,7 7,6 24,1 19 1 Nous constatons que la répartition actuelle des fonds PPTE est exclusivement affectée aux investissements publics ; Il est important de revoir l’allocation des ressources PPTE qui vont constituer la partie la plus importante et la plus sûre du budget d’investissement public dans les prochaines années pour une prise en compte optimale des infrastructures et des moyens de production (MPE) dans la répartition des ressources dédiées au financement du DSRP. Aussi, tout en veillant à améliorer constamment l’offre et la qualité des infrastructures, il importe de s’assurer en même temps que leur fonctionnement et la solvabilité suivront ; c’est-à-dire que non seulement la variable qui détermine leur accessibilité n’est pas réprimée, mais aussi que la taille de celle-ci sera telle qu’il soit possible de reconstituer les moyens qui prendront le relais de leur financement à l’épuisement des ressources PPTE à savoir les investissements privés à travers les MPE. Des études11 ont montré qu’avec la tendance actuelle (taux de croissance moyen de 5% et taux d’investissement brut de 18,1%du PIB), il sera difficile de résoudre l’équation du financement des investissements compatible avec les objectifs de réduction de la pauvreté. Cependant en portant le taux de croissance à 10% jusqu’en 2015, il faut un taux d’investissement brut annuel de 25 à 30% du PIB, ce qui nécessite de porter l’investissement brut de 2400 milliards de FCFA en 2006 à 5659 milliards en 2015. Le gap de financement par rapport à la tendance actuelle atteindra plus de 3300 milliards de FCFA en 2015. Ainsi, se pose le problème de la cohérence de la stratégie du DSRP et de la structure des investissements. Face à cette situation, il faut revoir la répartition des ressources PPTE en donnant priorité aux infrastructure de production car il faut il faut élargir l’opportunité offerte au plus grand nombre de citoyen d’avoir du travail et donc un revenu salarial ou de capital, pour pouvoir avoir accès à un minimum de services sociaux et améliorer ainsi durablement leur bien –être économique et social. D’où la nécessité d’agir directement sur le petit entrepreneur, créateur des richesses et utilisateur des technologies qui donnent aux pays modernes les moyens de leur prospérité. La réallocation des ressources PPTE en faveur des MPE débouchera au desserrement de la contrainte d’accès au crédit de ces structures et contribuera à améliorer le taux global d’investissement et le ratio de l’investissement privé. III- Le financement des MPE. Parmi les principaux problèmes et contraintes qui inhibent la croissance de l’économie et la compétitivité des entreprises camerounaises, le manque de financement et de crédit constitue et de loin la principale difficulté qui affecte toutes les catégories d’entreprises et de toutes les filières de production. Le rationnement de crédit, les coûts élevés de transactions et le manque de sûreté ont des effets négatifs sur l’accès des entreprises au crédit à long et moyen termes. Dans ce contexte de rationnement, les établissements de crédit sont enclins à accorder les crédit aux grandes entreprises qu’aux Pme : lesquelles sont obligées de faire recours à d’autres sources de financement souvent inadapté, aussi aléatoires les unes que les autres. C’est dire que dans l’état actuel des choses, le financement bancaire est loin de satisfaire la demande des entreprises bien que les banques affichent ostensiblement leur sur liquidité Voir par exemple CCIMA, Quelle stratégie de financement de l’économie camerounaise ? le cas des micro, petites et moyennes entreprises(MPME), Note de Conjoncture de l’Observatoire Economique, n°7, 2005. 11 7 Cet environnement fortement déficitaire en offres de financement adapté à l’activité de l’entreprise et notamment dédié aux investissements à long terme crée des rigidités structurelles qui ne permettent pas de porter le taux d’investissement à un niveau compatible avec les objectifs visées de croissance à deux chiffres. La problématique du financement de l’économie en ce qui concerne le secteur privé étant ainsi posée il est proposé ci-dessous, après avoir passé en revue les offres disponibles, une palette d’instruments compatibles, avec le profil du gap actuel de financement des MPE dont la mise en place nous semble de nature à améliorer sensiblement le niveau de l’offre actuelle. III-1. Les besoins en financement. Ils sont de deux types : d’une part les besoins en financement pour la couverture de l’investissement initial, et d’autre part ceux qui sont requis pour les activités de production et de développement de l’entreprise. Les besoins en financement des activités de production et de développement des MPE – fonds de roulement (FR), investissement de renouvellement ou de renforcement des capacités – sont estimés en moyenne à 82 millions F cfa par entreprise en 2002 contre 79 millions F cfa en 2000, soit une agression de 38% par an. Contrairement à 2000 les besoins en Fonds de roulement (besoins de court terme sont plus importants que ceux en investissement de renouvellement et de renforcement des capacités (moyen et long termes). Besoins financiers des PME en 2002 ( en millions de F CFA) Branches Besoins en FR Boulangerie Agro-industrie Textile et cuir Transformation du bois Industrie du papier Industrie chimique Transformations des matières plastiques Fabrication mécanique et électrique BTP Hôtel et restaurant Transport Services aux entreprises Services aux ménages 24 111 19 17 10 71 123 81 59 19 59 29 23 Besoins en Ensem investissement ble 15 39 19 130 7 26 90 107 11 21 133 204 60 183 31 112 32 91 43 62 59 118 76 105 22 45 Ensemble 39 43 82 Source : Enquête du CRETES, 2002. Comme en 2000, le niveau des besoins en FR est plus important dans le secteur industriel que dans celui des BTP et services. Quand aux besoins en investissement de renouvellement et ou de renforcement des capacités, la moyenne par PME est plus élevé dans le secteur industriel que dans celui des BTP et des services : 49 millions F cfa contre 38 millions de F cfa respectivement. En ce qui concerne les très petites entreprises urbaines (TPE), les entrepreneurs de ce secteur expriment des besoins de financement pour résoudre des problèmes de trésorerie, renforcer leurs fonds de roulement, financer l’achat d’outillage ou du petit équipement, compléter les ressources propres pour réaliser un investissement important en équipement, ou une extension d’activité. Pour les TPE de haut de gamme, le besoin de financement du fonds de roulement, en général consacré à l’achat de matières premières. 8 Pour les TPE de petite taille, les besoins de financement portent sur le renforcement des moyens de production (outillage, petit équipement) et du fonds de roulement. Pour les TPE du monde rural, les agriculteurs, éleveurs, pêcheurs et leurs organisations se consacrent aux activités de production. Et accessoirement de transformation et/ou de commercialisation. Les performances des activités du monde rural seraient meilleures si le problème de leurs financements était résolu. Les financements pour les investissements initiaux sont ceux nécessaires à la création de l’entreprise. Ils regroupent les apports personnels des associés et les emprunts. Une enquête réalisée en 199412 par CRETES révèle que globalement, ces financements étaient en moyenne de 86 millions F CFA par petite et moyenne industrie (PMI) ; une moyenne qui cache cependant une très grande dispersion d’un secteur à l’autre, au sein d’un même secteur, et parfois dans une même filière. III-2. Sources de financement Les sources de financement concernent aussi bien le financement des activités de production et de développement de l’entreprise et le financement des investissements Pour le financement des activités de production, , les PME ont généralement recours à plusieurs sources de financement dont principalement : les institutions de crédit (banques), les tontines, les crédits fournisseurs, les institutions internationales, etc. Le montant des crédits sollicités auprès des banques est de 50 millions en moyenne par PME en 2002 contre 18 millions des autres sources de fonctionnement. Pour les sources de financement des investissements initiaux les ressources propres et l’emprunt constituent donc les principales sources de financement de l’investissement initial des petites et moyenne entreprises. Les fonds propres initiaux moyens représentent 57% des financements initiaux moyens alors que les emprunts initiaux couvrent le reste soit 43%. En 2002, environ 35% des besoins financiers PME pour leur développement ne sont pas financés. Les PME ont reçu un appui financier moyen de 53 millions F cfa par entreprise, alors que le niveau moyen de leurs besoins est 82 millions F cfa, soit un gap de 29 millions F cfa en moyenne. Ceci est dû à l’inadaptation du système de financement existant III-3. Le système actuel de financement des MPE au Cameroun. Le dispositif actuel de financement des entreprises au Cameroun se structure autour des banques commerciales, les institutions de micro finance, les institutions étrangères, les crédits fournisseurs et les autres sources locales de financement (épargne personnelle,tontines…). Les banques commerciales ne sont pas outillés pour financer les besoins d’investissement des MPE auxquels sont associés les risques élevés. Ces banques prétextent qu ‘elles ne disposent pas des ressources appropriés à cet effet et justifient souvent cela par le mauvais montage des dossiers de demande de crédit et l’absence des garanties. Pour les promoteurs des MPE, les critères d’octroi des crédits par les banques sont plus axés sur les garanties que sur la rentabilité des projets. Pour les institutions de micro finance ( IMF), leur rôle est marginal dans le financement des MPE. Cependant elles jouent un rôle non négligeable dans le financement des MPE. Leur poids s’accroîtra au fur et à mesure que le réseau se densifiera. 12 Voir, CRETES, Enquête sur les besoins de financement des PME, 1994. 9 Quant aux institutions publiques de financement des MPE, le dispositif qui existait antérieurement à la crise économique est inopérant parce que ses institutions sont , soit mises en veilleuse (Fogape), soit démantelées ( Crédit agricole, Fonader, Capme, BCD,…). Les autres sources locales de financement sont l’épargne personnelle qui est souvent insuffisante et les crédits fournisseurs. Le dispositif d’intervention des bailleurs de fonds se focalise sur des programmes de financement appuyés principalement par l’Union Européenne, la France, le Canada et la Belgique. Le dispositif actuel de financement des MPE est insuffisant pour leur assurer une croissance optimale. D’où la nécessité de mettre en place une structure spécialisée pour leur financement. IVPour un modèle de financement des investissements publics à travers les MPE. Nous constatons que le manque de financement et de crédit constitue la principale difficulté qui affecte les MPE et freine la compétitivité des entreprises et à travers la croissance économique. D’où la nécessité de créer des institutions de financement des MPE et inclure ces dernières dans le processus d’évaluation et de contrôle des investissements publics. IV-1.Favoriser l’accès des MPE au crédit formel. L’accès à un financement conventionnel est une condition nécessaire à la croissance économique car il permet de rationaliser les activités et permet de planifier l’expansion des entreprises. Lorsque les conditions de crédit sont souples et connues d’avance, elles permettent aux entreprises de mieux gérer les cycles saisonniers et économiques et favorisent le développement de tous les secteurs de l’économie. Au Cameroun nous constatons que le dispositif actuel de financement des entreprises et plus particulièrement les MPE se satisfait que très partiellement aux besoins exprimé par ces entreprises. Le dispositif de financement actuel privilégie les crédits à court terme au détriment des crédits à moyen et long terme. De plus il y a une absence totale de système de garantie et de capital investissement compléments indispensable à un système de financement des entreprises. Face à cette situation nous proposons la création d’une structure d’appui au MPE qui bénéficiera des ressources PPTE pour sa création et des taxes légères pour son fonctionnement efficace. IV-2. La création d’une banque spécialisée des MPE. La promotion de l’entreprise et en particulier les MPE est une mission de développement de part sa contribution au bien-être économique et social au même titre que l’éducation, la santé, les infrastructures. Cet esprit a prévalu après l’indépendance mais progressivement les structures d’appuis financiers aux MPE ont été démantelées du fait de la mauvaise gestion. Cependant, on se rend compte aujourd’hui que ces structures sont indispensables et qu’il faut les réhabiliter en tenant compte des erreurs du passé et du contexte. Plusieurs propositions ont été faites dans ce sens sans toutefois intégrer les ressources PPTE dans les fonds de création de ces structures. L’originalité de notre démarche ici est qu’il faut créer une banque de développement des MPE qui assurera les services financiers classiques, de fonds de garantie et de capital risque et de conseils à la gestion. 10 Cette structure s’inspira de l’expérience réussie de certains pays notamment la France avec la BDPME (Banque de Développement des PME), initiative de l’Etat et de la Caisse des Dépôts et Consignations, qui est un dispositif d’appuis et d’aides publics aux PME/PMI et à l’artisanat de production très vaste et diversifié avec des démembrements aux niveaux national, régional et départemental ; des appuis spécifiques à la création des entreprises. Au Gabon, il existe aussi un dispositif d’appui et de financement des PME sur lequel on peut se référer. Ce dispositif comprend : un fonds de développement et d’expansion des PME(FODEX), le fonds gabonais d’investissement (FGI), la banque national de crédit rural (BNCR), le fonds d’aide et de garantie(FAG), et la banque gabonaise de développement ( BGD). De même le douloureux exemple des faillites dans la gestion du Fonader ( Fonds National de Développement Rural),de la BCD ( Banque Camerounaise de Développement), et du Fogape (Fonds de Garantie aux Petites Entreprises) devrait être source d’inspiration dans la réflexion sur sa gestion et peut être suggérer la séparation des institutions elles-mêmes de leur gestion. Les ressources de cette institution proviendraient d’un prélèvement sur les ressources PPTE. Pour son administration, et pour ne pas tomber dans les erreurs du passé, sa gestion devra être confiée, à l’instar du Fonds routier, à des professionnels choisis pour leurs compétences et soumis à un contrôle et une évaluation réguliers et permanents, conformément à leurs cahiers de charges et au cadre logique de banque. Cette structure constituera aussi un fonds de garantie et de capital risque pour les MPE en s’inspirant des expériences en cours au Cameroun comme CENA INVEST et FAMCA S.A. De plus les objectifs de promotion et de développement des MPE ne peuvent être atteints que si les services d’appuis financiers sont complétés par un réseau efficace de services d’appuis non financiers. Dans cette approche la formation à la gestion et l’aide au développement des services juridiques, fiscaux et comptables des opérateurs privés et surtout des plus jeunes sont des appuis indispensables à l’éclosion des MPE viables. Il faut aussi renforcer les cabinets d’appui conseils qui sont compétents pour établir un diagnostic approprié de l’entreprise, du projet, du dossier de crédit. Il en est de même des associations professionnelles des MPE. Toutefois il faudra instituer un taxe légère sur le résultat des MPE bénéficiaire des financements de cette nouvelle structure. IV-3. Instituer une taxe PPTE Pour accroître les possibilités de la nouvelle structure, on pourrait par exemple instituer une taxe PPTE sur le résultat annuel des MPE bénéficiaires du soutien de cette structure. Cependant cette taxe doit être très faible (environ 1% du résultat net) pour ne accroître les charges de fonctionnement des jeunes entreprises. Cette taxe devant prendre fin dès que l’entreprise aura remboursé entièrement les fonds reçus. Aussi, cette taxe doit être indexée sur le montant du financement reçu. D’autres taxes peuvent être instituées sous d’autres formes13 pour financer les activités de cette structure de financement des MPE. IV-4. Participer au choix des projets sociaux à financer . Dans une autre approche, on devrait associer les associations professionnelles et organisations patronales des MPE au choix des projets d’investissement public qui doivent Voir par exemple CCMIA, art. cit. qui propose qu’on institue une taxe à l’exportation des ressources naturelles du pays et une taxe sur la distribution des crédits. 13 11 bénéficier des ressources PPTE en association avec les collectivités territoriales décentralisées. En effet, dans l’objectif de renforcer la transparence, la responsabilisation et l’amélioration des services sociaux de base, il est impératif que les populations bénéficiaires participent à la sélection des projets sociaux à financer dans l’intérêt du plus grand nombre. V- Conclusion. Cette étude s’inscrit dans le cadre des suggestions visant à traduire dans les faits la volonté de s’attaquer au problème de la pauvreté. Elle pose la problématique du financement du DSRP comme condition sans laquelle il n’y aura point d’atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté conformément aux Objectifs du Millénaire pour le Développement. Après avoir atteint le point de décision de l’initiative PPTE en 2000, établi son Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté adopté en 2003, le Cameroun a atteint le point d’achèvement en avril 2006. Le bouclage et la cohérence du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté imposent en effet au Cameroun de porter le taux brut d’investissement de 18% actuel à 2530%. Pour y parvenir, il faut accroître les possibilités d’accès au financement des Micro/Petites Entreprises qui accumulent des besoins de financement importants non satisfaits. D’où la nécessité d’affecter une partie des ressources dégagées dans le cadre de l’initiative PPTE au financement direct des MPE à travers la création d’une structure de financement de ces dernières et partant, de la croissance. Cette approche permettra de faire de la MPE le vecteur de la création de la richesse, de consolidation de la croissance pourvoyeuse des moyens de lutte contre la pauvreté. Cependant la réussite de ce projet nécessite la recherche de l’adhésion totale et la contribution forte de l’ensemble des acteurs sociaux au programme de réduction de la pauvreté. BIBLIOGRAPHIE AERTS J.J., COGNEAU D., de MONCHY G., HERRERA J, ROUBAUD, F., L’économie camerounaise : un espoir évanoui, Les Afriques, Karthala, Paris, 2000. 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