Intégration et solidarité

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Intégration et solidarités
Objectifs :
L’objectif de ce chapitre est de montrer comment les instances d’intégration que sont le travail,
l’école et la famille permettent d’intégrer l’ensemble des individus à la société ; ensuite, que ces instances connaissent sous une forme ou sous une autre, une « crise » qui remet en cause leur capacité intégrative. Ce chapitre permet aussi de montrer comment les sociétés recomposent sans cesse le lien social.
L’objectif de ce chapitre est aussi de montrer comment l’Etat, et notamment l’Etat providence, par
ses fonctions de protection et de redistribution, est une instance d’intégration des individus à la société.
Cependant, l’Etat providence connaît une triple crise qui le fragilise au moment même où il est confronté
aux nouveaux enjeux que sont le vieillissement de la population et l’exclusion croissante d’une partie de
la population.
 Plan :
Introduction.
La cohésion sociale et les instances d’intégration.
I.
A. L’intégration sociale et les formes de solidarité.
B. Les principales instances d’intégration.
C. La crise du lien social.
II.
La protection sociale et les solidarités collectives.
A. Le développement de l’Etat providence.
B. La crise de l’Etat providence.
C. Deux exemples de solidarité collective : la protection contre la pauvreté et l’assurance vieillesse.
 Vocabulaire :
Anomie ; déviance ; exclusion ; individualisme ; intégration ; lien social ; pauvreté ; socialisation ; solidarité mécanique / organique.
Assurance / assistance ; Etat providence ; redistribution ; risques sociaux ; universalisme / communautarisme.
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Introduction.
Il s’agit dans ce chapitre de s’interroger sur les fondements du lien social qui assure la solidarité
entre les membres d’une société. La cohésion sociale n’est pas spontanée mais est le résultat de ce qu’on
appelle l’intégration sociale – processus par lequel un individu devient membre d’un groupe social ; être
intégré à un groupe c’est intérioriser les normes sociales et les valeurs de celui-ci et acquérir un statut
social spécifique. L’intégration signifie que chacun a vis à vis des autres des obligations mais aussi des
droits. Cette intégration se construit dans des lieux spécifiques (famille, école…) ou à l’aide de dispositifs
(protection sociale). C’est par la socialisation que les individus vont partager les mêmes valeurs.
Mais la transformation des valeurs, les changements dans la vie économique et sociale affectent
ces lieux d’intégration et ces dispositifs.
Au XXème siècle, dans les sociétés industrialisées, la cohésion sociale a été renforcée par la mise
en place de systèmes de protection sociale. Ces systèmes ont débouché sur une véritable solidarité collective face aux aléas économiques et sociaux. Cette protection sociale a aussi un impact sur le fonctionnement économique et social de la société.
I.
La cohésion sociale et les instances d’intégration.
Il faut tout d’abord définir ce que signifie l’intégration sociale puis étudier les instances
d’intégration et enfin s’interroger sur la crise du lien social c'est-à-dire repérer les signes et dégager les
causes d’un éventuel affaiblissement du lien social dans la société contemporaine.
A. Intégration sociale formes de solidarité.
1. L’intégration sociale :
Elle désigne, au cours du processus de socialisation, l’acquisition et l’intégration des normes et
des valeurs dominantes.
Pour Emile Durkheim, une société est d’autant plus intégrée que la densité matérielle – synonyme
de densité démographique et son accroissement entraîne la nécessité d’une division du travail accrue – et
la densité morale – relations plus ou moins intenses et diversifiées entre les individus au sein d’une société – y sont fortes. Plus il y a de relations où « la conscience collective fait sentir son action », plus il se
crée « de liens qui attachent l’individu au groupe ».
Philippe Besnard, dans son étude de l’anomie – affaiblissement voire absence de règles dans une
société et plus généralement, déficit de régulation -, présente les trois caractéristiques qui assurent
l’intégration des individus à un groupe social :
- Les individus doivent posséder une conscience commune et partager les mêmes sentiments,
croyances et pratiques.
- Ils doivent être en interaction les uns avec les autres. L’intégration passe par une coordination
des actions individuelles, par une délimitation de ce que chacun peut faire ou ne doit pas faire.
- Enfin, ils doivent partager des buts communs.
Ainsi, l’intégration sociale amène les individus à avoir une place dans la société. L’individu est
« bien » intégré lorsque, grâce au processus de socialisation, il a acquis cette culture commune et partage les buts que la société s’est fixée.
2. Les formes de solidarité :
Emile Durkheim a procédé à une analyse approfondie des sociétés qu’il a classées en deux catégories majeures :
- Les sociétés primitives ou sociétés inférieures.
- Les sociétés complexes ou sociétés plus élevées.
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 Les sociétés primitives :
Ce sont des sociétés où l’individu n’a que très peu d’importance, l’origine constitutive du groupe
détermine le quotidien et l’ensemble des règles nécessaires à l’ordre social. Dans ces sociétés règnent
une solidarité mécanique.
L’organisation de la vie du groupe dans ces sociétés repose essentiellement sur le culte des ancêtres, sur le poids d’un passé commun sur l’impact des croyances. L’engagement des membres du
groupe dans l’entretien des rites et des pratiques considérées comme la seule réalité dominent et structurent ces sociétés.
Les normes ou les règles dictant l’attitude à adopter en groupe, ne laissent que très peu de place à
l’interprétation ou à l’innovation individuelle. La société se structure à partir de la reproduction de ce
qui a toujours été. Les traditions, les coutumes s’imposent de manière immuable et garantissent
l’équilibre social.
Ces sociétés ne peuvent se maintenir qu’en refusant toute possibilité de changement ou d’écart
par rapport à la norme. Les sanctions y sont donc très sévères et visent surtout à maintenir en l’état une
société qui a toujours existé ainsi. La nature du droit sera donc répressive. L’objectif étant de sauvegarder coûte que coûte les traditions et les valeurs perçues comme universelles. La conscience collective
assure l’intégration de chaque individu à la société qui est la sienne et en garantit la stabilité par le contrôle social qu’elle exerce au quotidien en veillant au bon respect des normes et des valeurs.
Cette forme de solidarité permet la stabilité sociale, l’harmonie sociale et une forme d’inertie
sociale ; les sociétés se reproduisant à l’identique.
L’individu n’existe donc pas et se fond dans le groupe pour éviter le risque d’être châtié ou
d’expier.
Selon Durkheim, ces sociétés sont amenées à disparaître progressivement au profit de
l’émergence et de la généralisation des sociétés à structure organisée, définies par la division du travail.
 Les sociétés complexes :
Ces sociétés naissent de la division du travail, accordent à l’individu davantage d’autonomie et
elles sont toujours en pleine évolution. Elles succèdent aux sociétés primitives.
La division du travail implique la diversification des activités et de fait favorise l’échange des
compétences. L’individu devient autonome tout en étant lié à d’autres car seul il ne peut survivre. Ces
sociétés consacrent donc la spécialisation des statuts et des rôles et favorisent l’individualisme. Les personnalités individuelles émergent mais dans le respect des sphères d’activités qui sont le cadre structurant toutes les activités sociales
La division du travail en différenciant les activités individuelles rend l’ensemble encore plus cohérent qu’autrefois en les rapprochant et en faisant converger les unes vers les autres chacune des activités. Elle crée donc un lien indestructible et beaucoup plus fort que celui créé par les similitudes, car indispensable. La conscience collective du fait de la possibilité d’innovations individuelles perd de son importance, elle décline au fur et à mesure que la division du travail progresse. L’individu plus rationnel ne
se soumet plus à un ensemble de croyances et de pratiques indiscutables. Les croyances ne disparaissent
pas pour autant mais évoluent et se transforment avec l’évolution et la transformation des rapports entre
les individus.
L’ordre social est garanti non plus par les châtiments sanctionnant les crimes mais par le souci de
réparation du désordre occasionné. Le droit devient alors restitutif c'est-à-dire qu’il vise avant tout à
remettre en l’état initial l’organisation qui a été provisoirement perturbée par un délit. Chaque individu
ayant un rôle important pour la société ne peut être violemment sanctionné lorsqu’il s’est éloigné de la
norme.
Cette solidarité reposant sur la division du travail et spécialisation des activités individuelles est
qualifiée par Durkheim d’organique. « Les sociétés les moins avancées avaient pour objectif essentiel de
créer ou de maintenir une vie commune la plus intense possible, les sociétés les plus avancées ont pour
idéal la justice et l’équité ».
Il faut aussi souligner que Durkheim prend aussi l’exemple du couple pour illustrer la solidarité
organique. La « société conjugale » est marquée par une « division sexuelle » c'est-à-dire un partage des
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tâches et des rôles entre hommes et femmes : partage des tâches domestiques, partage des rôles dans
l’éducation des enfants, différenciation entre celui qui a un emploi et celui qui reste à la maison… Certains expliquent la fragilisation des couples (montée des divorces) par l’atténuation de la division du travail entre hommes et femmes qui réduit leur complémentarité et donc leur solidarité.
Remarque : Il est possible d’identifier des phénomènes de solidarité mécanique dans les sociétés modernes. Par exemple, on peut trouver des solidarités de type mécanique dans les « groupes de pairs », où
la pression pour une certaine unité des modes de vie (vêtements, loisirs, opinions…), voire une certaine
uniformité, peut être très forte.
A. Les principales instances d’intégration.
Dans le programme de 1 ES, nous avons vu comment les instances de socialisation, institutions ou
groupes, transmettaient la culture de la société, ses normes et ses valeurs. Ici, il ne s’agit pas de revenir
sur la manière dont ces instances construisent l’individu en le socialisant mais comment cette construction produit de la solidarité entre les individus.
1. La famille :
Elle joue un rôle essentiel dans la socialisation primaire des individus puisque elle contribue en
premier à la transmission des normes et des valeurs en vigueur dans la société. Cependant, la famille est
aussi un réseau d’entraide et de solidarité contribuant à la cohésion sociale.
La famille transmet les valeurs et les normes en vigueur dans la société. Il faut ici revoir le mécanisme de la socialisation familiale vu en 1 ES. La famille transmet notamment le langage, les mœurs, la
culture, les rôles sociaux…Cette transmission est essentielle pour s’intégrer dans la société. Ainsi, la
transmission de la langue est fondamentale car elle permet d’entrer en relation avec autrui.
La famille est un lieu d’activités communes. Il existe à l’intérieur de la famille un partage des
tâches et donc une organisation des rôles sociaux (préparation des repas, tâches ménagères…). Certaines activités permettent de tisser des liens sociaux ; par exemple, les loisirs. Enfin, il faut souligner que
la famille est encore, dans le cas des indépendants, un lieu d’activité économique.
La famille constitue un réseau de solidarité. Il existe entre les membres de la famille un ensemble
de droits et d’obligations réciproques. Des échanges de services et des transferts financiers ont lieu entre
parents et enfants, grands-parents et petits-enfants… La famille est un « échelon intermédiaire » entre la
société et l’individu permettant à celui-ci de s’insérer dans un tissu de relations de proximité. La famille
est un lieu où la solidarité prend une dimension concrète. En cas de difficultés, la famille reste souvent le
premier recours ; c’est aussi un recours pour organiser sa vie matérielle ; par exemple, la garde des enfants par les grands-parents.
2. L’école :
Elle transmet une culture et des valeurs partagées et rend possible l’intégration professionnelle.
Elle joue un rôle important dans l’intégration sociale des membres de la société.
Le rôle traditionnel de l’école : la transmission d’une culture commune. En 1 ES, nous avons vu
que les lois de Jules Ferry avaient contribué à la construction de la nation française. L’école a imposé la
langue française au détriment des langues régionales – la langue est un élément essentiel de la culture
d’une société – et elle a valorisé la science et la raison, l’idée d’une culture universelle dépassant les
particularismes religieux. Elle a diffusé tout un ensemble de valeurs patriotiques (les grandes dates de
l’histoire de France, la Révolution française, les « grands hommes »…). Ainsi, les enfants ayant suivi la
scolarité ont une langue, des références culturelles et des racines historiques communes, quelle que soit
leur origine sociale, régionale, religieuse ou ethnique. L’école contribue donc bien à l’intégration des
individus.
La préparation à la vie active. L’école prépare à l’entrée dans le monde du travail en donnant des
qualifications et en les validant par des diplômes. L’école a une fonction intégratrice. En effet, le di4
plôme, c’est la reconnaissance de capacités et donc une sorte d’ « utilité sociale », mais c’est aussi le
début de l’appartenance à un monde professionnel.
La construction des individus. L’école doit permettre à l’enfant de développer sa personnalité, de
s’épanouir et donc de construire une identité personnelle. Cette construction ne s’oppose à l’intégration
sociale dans la mesure où, comme le souligne E. Durkheim, l’individu se construit par opposition avec
les autres et plus généralement dans l’interaction avec les autres permettant ainsi à celui-ci d’affirmer sa
personnalité propre.
3. Le travail :
Le travail est un facteur essentiel de l’intégration dans la mesuré où il donne une identité professionnelle, un revenu et des droits sociaux.
Le travail permet de se construire une identité professionnelle. La division du travail permet à
chacun d’appartenir à un niveau intermédiaire entre la société et l’individu : la profession, la catégorie
sociale… Le travail permet de partager avec d’autres exerçant une même profession une situation économique et sociale identique ou proche mais il permet aussi de se distinguer d’autres personnes exerçant
un métier différent. Il se constitue donc des groupes différenciés avec chacun des valeurs, des références
spécifiques. L’intégration de l’individu passe donc par un double mouvement de différenciation et
d’assimilation. L’identification à autrui nous rattache à la société et fait exister le collectif alors que la
différenciation nous donne une place dans ce collectif.
Le travail assure un revenu et la participation à la société de consommation. Le travailleur joue
un rôle intégrateur dans la mesure où le travail procure un revenu qui est une reconnaissance sociale de
l’utilité sociale du travail accompli. Mais le revenu permet aussi à l’individu de consommer les biens et
services valorisés par la société, et donc de s’y faire reconnaître. La consommation ne permet pas seulement de satisfaire nos besoins mais elle permet aussi de nous donner un certain statut social.
Le travail assure des droits sociaux. Les droits sociaux sont des prestations sociales constitutives
de l’Etat providence (exemple : indemnisation pour les salariés se retrouvant au chômage). Ces droits
sociaux matérialisent la solidarité entre les individus, et plus encore l’appartenance à la société.
Le travail est donc un élément important de l’intégration sociale dans la mesure où il permet à
l’individu d’acquérir un statut social, de disposer de revenus et d’accéder à des droits et des garanties
sociales.
4. La citoyenneté :
Les individus sont reconnus comme membres de la nation, disposant de droits et de devoirs identiques.
La citoyenneté est d’abord politique. Elle implique une participation à la prise des décisions. Ces
décisions sont celles qui concernent la vie en société et en particulier la façon de régler les conflits se
produisant entre les membres de la société.
La citoyenneté est intégratrice dans une société démocratique dans la mesure où chaque citoyen
dispose des mêmes droits et devoirs que les autres et peut les exercer concrètement. C’est cette égalité
entre les individus et l’implication dans le gouvernement de la société qui est intégrateur. La nation intègre les individus constituant la société au-delà de leurs différences religieuses, ethniques ou de genre.
C. La crise du lien social.
Différentes évolutions, au cours du XXème siècle, ont provoqué une crise du lien social :
L’organisation du travail et en conséquence les relations sociales se sont transformées. Ces transformations ont modifié la fonction intégratrice du travail.
Un changement social, une évolution socioculturelle de notre société – montée de
l’individualisme, pauvreté, revendications identitaires… – a provoqué une remise en cause des instances
d’intégration.
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1. La transformation du travail :
La crise de l’intégration par le travail dans nos sociétés modernes revêt différents aspects :
Cette crise est due au fait que tout le monde n’a pas de travail. Les changements dans
l’organisation du travail et sa nature ont affaibli d’une certaine manière le lien social.
La montée du chômage affaiblit l’intégration par le travail. Cette montée apparaît après le premier pétrolier mais au delà de cet aspect quantitatif, il faut souligner l’allongement de la durée moyenne
du chômage et l’apparition des chômeurs de longue durée (durée du chômage ≥ 1 an). Être au chômage
signifie une diminution des revenus et donc un accès moindre à la société de consommation. En outre, le
chômage a des effets destructeurs sur le lien social. L’identité professionnelle est remise en cause car le
chômeur ne s’insère plus dans la division du travail et ne participe plus à un collectif. Le chômeur devient « inemployable » c'est-à-dire incapable de retrouver un emploi. En effet, le chômage se traduit par
une perte des compétences techniques par manque de pratique ou parce que les savoir-faire professionnels évoluent, par une perte des relations sociales (collègues de travail), voire stigmatisation par les employeurs (un chômeur de longue durée est suspecté d’être responsable de son état). L’absence de travail
montre donc bien que le travail reste intégrateur.
Les changements dans la nature et l’organisation du travail. La précarité et la flexibilité influent
sur la qualité du lien social issu du travail. On observe souvent une moindre reconnaissance sociale des
emplois précaires et les salariés qui les occupent ont du mal à se construire une identité professionnelle
valorisante. Par ailleurs, au sein de l’entreprise, coexistent des statuts juridiques très variés de l’emploi
(CDI, CDD, Intérim…) ce qui ne facilite pas la formation d’un collectif des individus qui le composent.
La précarité et la flexibilité représentent donc une menace pour la solidité de l’intégration sociale.
Le travail n’apparaît plus comme une valeur centrale. Depuis plusieurs années, dans les enquêtes
d’opinion sur les valeurs, la place de la réussite professionnelle a reculé au profit de la réussite familiale.
Aujourd’hui, ces deux types de réussite sont à peu près au même niveau alors qu’auparavant la réussite
professionnelle prévalait sur la réussite familiale. De même les jeunes cadres limitent plus volontiers leur
temps de travail et prennent plus facilement des congés liés à la RTT. Ces évolutions ont lieu dans une
société où la place du travail dans la vie de l’individu décroît : l’activité commence plus tardivement –
durée des études plus longue – et se termine plus tôt – systèmes des retraites – et par ailleurs, la durée
annuelle du travail a également diminué. Si la place du travail est moins importante dans notre société, il
faut lui substituer d’autres instances d’intégration (valoriser les rôles familiaux, la vie associative, politique…).
Le travail reste néanmoins un moyen essentiel d’intégration. En effet, on ne peut pas conclure à
« la fin du travail » comme l’évoque le titre d’un livre de J. Rifkin. Malgré le développement des emplois
précaires, la grande majorité des emplois en France sont encore des emplois stables et à temps complet.
La nature du travail a certes évolué au cours du temps. Au début de la révolution industrielle, le travail
était considéré comme une contrainte admise par la société alors qu’aujourd’hui il est davantage considéré comme un moyen d’épanouissement personnel. Ainsi, l’individu évalue son travail par rapport au
plaisir personnel qu’il procure plus que par rapport à l’utilité pour la société de ce travail. Pour que le
travail conserve son rôle intégrateur, il faudra donc rendre le travail compatible avec ces nouvelles valeurs individuelles.
Nous pouvons aussi souligner l’analyse de Serge Paugam sur l’intégration professionnelle. Il
s’agit de définir le type idéal de l’intégration professionnelle c'est-à-dire repérer à partir des formes historiques des sociétés contemporaines les traits principaux, volontairement simplifiés, de cette intégration.
Dans nos sociétés, l’intégration professionnelle assure aux individus la reconnaissance de leur
travail mais aussi la reconnaissance de leurs droits sociaux. En d’autres termes, l’intégration professionnelle ne signifie pas seulement l’épanouissement au travail mais aussi protection sociale à travers
l’Etat-providence. « on peut donc définir le type idéal de l’intégration professionnelle comme la double
assurance de la reconnaissance matérielle et symbolique du travail et de protection sociale qui découle
de l’emploi. »
L’enquête approfondie menée par Serge Paugam dans une dizaine d’entreprises montre que
l’insatisfaction au travail et l’insécurité de l’emploi ne coïncide pas nécessairement.
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Durant les Trente Glorieuses, le type idéal allie satisfaction dans le travail et stabilité de l’emploi
et peut être qualifié d’intégration assurée.
A partir de ce type idéal, trois types de déviation peuvent être distingués :
- L’intégration incertaine : les conditions de travail apparaissent comme à peu près satisfaisantes,
les salariés étant fiers de ce qu’ils font, bien que leur emploi soit menacé.
- L’intégration laborieuse est caractérisée par une stabilité de l’emploi quasi-assurée, mais des
formes accentuées de souffrance au travail empêchent les salariés concernés de se sentir bien dans leur
entreprise.
- L’intégration disqualifiante : les salariés concernés tendent à se replier sur eux, tant syndicalement que politiquement, et leur vie familiale en est affectée. Le cumul d’un emploi menacé et d’un travail
ingrat ou mal vécu exerce des effets perturbateurs sur la vie sociale et privée.
Serge Paugam souligne qu’intégration disqualifiante et intégration laborieuse tendent à
s’accroitre : la première, en raison des très nombreuses restructurations qui ont affecté et affectent le
système productif ; la seconde, à cause de la bureaucratisation croissante de nombreuses tâches administratives ou sociales.
2. Pauvreté et exclusion :
La pauvreté peut être appréhendée selon plusieurs méthodes, chacune prenant en compte une dimension particulière de la pauvreté. Généralement, la pauvreté est associée à un ménage et à non un
individu pris isolément. Ainsi, on distingue la pauvreté monétaire (pauvreté absolue et pauvreté relative), la pauvreté subjective (ou pauvreté ressentie) et la pauvreté institutionnelle (ou pauvreté administrative).
Les mesures de la pauvreté :
Quatre approches sont utilisées :
La première cerne la pauvreté monétaire « relative ». Sont pauvres les personnes et les ménages
dont les revenus sont inférieurs à un seuil monétaire relatif, fixé en fonction de la distribution des revenus.
En France on utilisait le plus souvent un seuil de pauvreté situé à 50 % de la médiane des revenus, mais
on utilise de plus en plus le seuil de 60 % de la médiane, conformément à ce qui se pratique au niveau
européen. Rappelons que la médiane des revenus est la valeur des revenus qui sépare la population en
deux : une moitié qui perçoit un revenu inférieur à cette valeur, et une moitié qui perçoit plus que cette
valeur.
Ainsi, on considère comme pauvres les personnes qui sont dans un ménage dont le revenu par unité de
consommation est inférieur à 50 % ou 60 % de la médiane. Dans un ménage, la première personne
compte pour une unité de consommation, les personnes suivantes pour 0,5 unité de consommation quand
elles ont plus de 14 ans et 0,3 unité de consommation quand elles ont moins de 14 ans.
Une deuxième approche, employée notamment aux États-Unis, considère la pauvreté « absolue
». À partir de l’estimation des ressources nécessaires à l’acquisition d’un panier minimal de biens (pour se
nourrir, se vêtir, se loger), un seuil de pauvreté absolu (qui ne varie donc pas en fonction de la distribution
des revenus) est établi.
Une troisième approche de la pauvreté, appelée pauvreté « ressentie », consiste à demander aux
individus si, en fonction de critères d’appréciation de leur aisance financière, ils se considèrent euxmêmes comme pauvres.
Une quatrième approche, appelée « pauvreté en conditions de vie », consiste à observer si un
ménage cumule des difficultés telles la précarité du logement ou l’absence d’équipements possédés par la
plupart des ménages.
Enfin, une dernière approche de la pauvreté, appelée « pauvreté administrative », prend en considération le nombre d’allocataires relevant de la solidarité nationale au titre des minima sociaux (RSA,
AAH (Allocation Adulte Handicapé), etc.)
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 Comment mesurer la pauvreté en France et en Europe ?
le 16 mars 2012
La mesure de la pauvreté en France et en Europe ne dépend pas seulement de considérations
monétaires mais aussi d’indicateurs liés aux conditions de vie et à l’emploi. Une analyse de Denis
Clerc, fondateur du magazine Alternatives Economiques.
Comment se situe la France en Europe en ce qui concerne la pauvreté ? Tous les pays de l’Union
européenne calculent de la même manière le niveau de vie (ou seuil de pauvreté monétaire) en-dessous
duquel les personnes sont considérées comme pauvres, ce qui permet les comparaisons. La dernière année
connue est 2010. Cette année là, la France comptait 8,2 millions de personnes vivant en-dessous du seuil
de pauvreté monétaire, fixé à 60 % du niveau de vie médian (voir encadré), soit 13,5 % de la population.
Dans l’ensemble de l’UE à 15 [1], le taux de pauvreté monétaire était, la même année, de 16,3 %. La
France se situe donc à la sixième place, loin derrière le pays comptant proportionnellement le moins de
pauvres, les Pays-Bas (10,3 %), mais loin devant l’Espagne, le pays de l’UE à 15 le plus mal placé, avec
20,7 %, en hausse de 1,2 point par rapport à l’année précédente, sans doute en raison de l’explosion du
chômage. On notera que l’Allemagne, qui nous est actuellement si souvent donnée en modèle sur d’autres
points, est loin d’en être un en ce qui concerne le taux de pauvreté monétaire : avec 15,6 %, elle a vu ce
taux de pauvreté progresser de 3,4 points depuis 2005, sans doute sous l’effet des « mini-jobs », emplois
payés moins de 400 € par mois, mais comportant des cotisations sociales patronales réduites (25 %) et
sans assurance chômage. Notons encore que la pauvreté monétaire a progressé en France depuis 2008,
puisqu’elle est passée de 12,7 % de la population à 13,5 %, ce qui représente 600 000 personnes supplémentaires, sans doute sous l’effet de la crise.
Toutefois, la notion même de pauvreté monétaire est jugée trop restrictive par beaucoup. Par
exemple, un ménage peut très bien disposer d’un niveau de vie « réel » bien inférieur à son niveau de vie
statistique en raison de mensualités importantes de remboursement ou d’autres dépenses contraintes, contractées à un moment où le ménage avait des revenus plus élevés. Autre exemple : un couple qui se sépare
et dont chacun des membres doit désormais supporter des charges temporaires ou pérennes beaucoup plus
élevées (caution pour une location, achat d’une voiture, etc.). La plupart des accidents de la vie (chômage,
séparation, maladie, …) peuvent être sources de difficultés accrues, et pas seulement matériellement,
quand bien même le niveau de vie apparent serait supérieur au seuil de pauvreté.
C’est pourquoi l’Union européenne s’appuie désormais sur deux autres mesures de la pauvreté,
pour compléter l’approche par la pauvreté monétaire. Il s’agit tout d’abord des « privations matérielles
sévères ». Neuf questions sont posées aux ménages, concernant leurs conditions de vie : éprouvent-ils des
difficultés pour payer leur loyer ou leurs charges locatives, pour chauffer correctement leur logement,
pour faire face aux dépenses imprévues, pour manger viande, poisson ou d’autres sources de protéines au
moins tous les deux jours, pour partir en vacances au moins une semaine par an, etc. ? S’ils répondent
positivement au moins à quatre de ces neuf questions, ils sont considérés comme souffrant de « privations
matérielles sévères ». Cette approche existe depuis longtemps en France, et est qualifiée de « pauvreté en conditions de vie », mais elle repose sur un ensemble plus détaillé de questions (27 au total), incluant notamment la taille du logement, l’endettement contraint, etc. En 2010, 5,8 % des personnes (3,5
millions) y sont considérées comme étant en situation de privations matérielles sévères (au sens européen
du terme) : elles n’étaient que 4,7 % en 2007 (2,8 millions). Là aussi, la crise a accru les difficultés.
Mais l’important est de constater que, entre pauvreté monétaire et privations matérielles, le recoupement n’est que partiel : en 2010, parmi les 13,5 % de personnes pauvres « monétairement », moins d’un
quart d’entre elles (3 %) étaient également concernées par des « privations matérielles sévères ». Au vu
de ces chiffres, les optimistes diront que plus des ¾ des pauvres au sens monétaire s’en sortent plutôt
bien, malgré leur faible niveau de vie, puisque, s’ils souffrent de privations matérielles, elles ne sont pas
très sévères pour autant. Les pessimistes, au contraire, souligneront à quel point la pauvreté au sens monétaire sous-estime les situations difficiles, puisque 2,8 % de la population (5,8 % moins 3 %), bien que non
pauvre monétairement, subit néanmoins des privations matérielles sévères. Les pessimistes sont sans
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doute plus proches de la réalité que les optimistes : les pauvres d’aujourd’hui n’ont peut-être pas besoin
d’acheter une voiture, un lave-linge ou une télé couleur (autres questions sur les privations matérielles),
car leur situation antérieure leur a peut-être permis de s’équiper avant qu’ils ne basculent dans la pauvreté
monétaire.
Enfin, la troisième approche de la pauvreté concerne l’absence ou la faiblesse d’emploi au
sein du ménage. On se limite aux personnes d’âge actif (16-60 ans) qui ne sont pas en formation : si le
total du temps travaillé par ces personnes est inférieur à 20 % de ce qu’elles travailleraient si elles étaient
à temps plein, l’ensemble des personnes des ménages concernés sont en « pauvreté d’emploi » (ou, selon
les termes officiels, en « très faible intensité d’emploi »). Voici un exemple, celui d’un ménage comportant un couple et trois enfants, dont deux d’âge actif ayant quitté l’école. Sur les quatre personnes susceptibles d’être en emploi, une seule travaille, à trois quarts temps (0,75 %). L’intensité de travail est donc
inférieure à 20 % (0,75/ divisé par 4) et le ménage tout entier est considéré comme étant « en risque de
pauvreté ». Risque de pauvreté monétaire, d’abord, du fait de l’absence ou de la faiblesse des revenus
d’activité, mais aussi risque d’exclusion car, dans nos sociétés, l’emploi est le principal facteur d’insertion
sociale et le principal pourvoyeur de liens sociaux autres que les liens familiaux. Etre écarté de l’emploi,
c’est une forme d’isolement générateur de stress et de repli sur soi, c’est aussi une source de perte de confiance en soi, d’« employabilité » ou de « capital humain », c’est-à-dire de capacité à travailler efficacement. Dans le cas français, la très faible intensité en emploi des ménages concerne 7,5 % des personnes
(et 9,8 % des personnes vivant dans des ménages dont l’adulte de référence est d’âge actif). Toutefois,
comme dans le cas de la pauvreté en conditions de vie, le recoupement entre la très faible intensité
d’emploi et les autres formes de pauvreté est assez limité, puisque, sur ces 7,5 %, seules 4,1 % vivent
dans des ménages pauvres monétairement, et 1,8 % dans des ménages subissant des privations matérielles
sévères.
Au total, si l’on rassemble ces trois formes de pauvreté et que l’on retient une conception « extensive » de cette dernière (pauvreté monétaire ou privations matérielles sévères ou très faible intensité
d’emploi [2]), correspondant à trois façons de ne pas accéder aux niveaux et modes de vie considérés
comme normaux dans une société donnée), près d’un cinquième de la population française se trouve dans
l’une ou l’autre de ces situations : 19,3 % en 2010, contre 18,9 % en 2005. La pauvreté, au sens large du
terme, s’est donc accentuée dans notre pays au cours de ces cinq dernières années. Il n’en est pas partout
ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous :
Le taux de pauvreté au sens large du terme
2005 (en % de la
population)
Rang en
2005
2010 (en % de la
population)
Rang en
2010
Variation (en
points de %)
Suède
14,4
1
15,0
1
+ 0,6
Pays-Bas
16,7
2
15,1
2
- 1,6
Autriche
16,8
3
16,6
3
- 0,2
Finlande
17,2
4
16,9
4
- 0,3
Danemark
17,2
4
18,3
6
+ 1,1
Luxembourg
17,3
6
17,1
5
- 0,2
Allemagne
18,4
7
19,7
8
+ 1,3
France
18,9
8
19,3
7
+ 0,4
Ensemble UE à
21,5
15
21,6
+ 0,1
Belgique
22,6
9
20,8
9
- 1,8
Espagne
23,4
10
25,5
13
+ 2,1
Royaume-Uni
24,8
11
23,1
10
- 1,7
9
Irlande *
25,0
12
25,7
14
+ 0,7
Italie
25,0
12
24,5
11
- 0,5
Portugal
26,1
14
25,3
12
- 0,8
Grèce
29,4
15
27,7
15
- 1,7
* 2009 pour l'Irlande
Source : Eurostat
Mesurer la pauvreté monétaire :
La pauvreté monétaire se mesure au niveau du ménage, c’est-à-dire de l’unité d’habitation. Il est donc
nécessaire de mesurer l’ensemble des revenus (y compris les revenus sociaux, comme les allocations logement ou les prestations familiales) après impôt dont dispose chaque ménage, et de prendre en compte le
nombre de personnes qui doivent en vivre. Mais, au sein d’un ménage comptant plusieurs personnes,
toutes ne pèsent pas du même poids en ce qui concerne les dépenses.
Le premier adulte compte toujours pour 1, mais les personnes de 14 ans ou plus pour 0,5 seulement, et les
enfants de moins de 14 ans pour 0,3. Ces coefficients (appelés « unités de consommation ») correspondent aux dépenses nécessaires qu’il faut effectuer lorsque le ménage s’agrandit, de sorte que le niveau de
vie demeure le même. Quand un ménage est composé d’une seule personne, celle-ci a besoin d’un compteur d’électricité, d’un réfrigérateur, d’une machine à laver, d’une salle de douche, etc. Mais si cette personne se met en couple, il leur faudra peut-être un logement plus grand, mais il n’y aura pas besoin d’un
deuxième réfrigérateur, d’un deuxième compteur d’électricité, etc. D’où ces coefficients, qui sont issus
des enquêtes de consommation. La division du revenu total du ménage pour le nombre d’unités de consommation donne le niveau de vie (terme spécifique à la France : dans le reste de l’UE, on parle de « revenu équivalent »).
Sont considérés comme pauvres d’un point de vue monétaire les ménages (et toutes les personnes qu’ils
comportent) dont le niveau de vie est égal ou inférieur à 60 % du niveau de vie médian (celui qui partage
la population des ménages en deux parties égales, l’une ayant plus, l’autre ayant moins).
Ce chiffre est arbitraire : durant plusieurs années, la France a retenu 50 % du niveau de vie médian. Aujourd’hui encore, on calcule le taux de pauvreté monétaire à 50 % (du niveau de vie médian), voire à
40 % (moins de 636 euros, ce qui, en 2009, concernait 2,9 % des personnes). La mesure des revenus peut
se faire à partir des déclarations fiscales (souscrites par 98 % des ménages), recoupées ou complétées par
d’autres sources (fichiers des Caisses d’allocations familiales, des enquêtes de patrimoine, de Pôle emploi, etc.). C’est le cas en France (enquête « revenus fiscaux et sociaux »).
Mais au niveau de l’Union européenne, on se sert d’une enquête (intitulée SILC) auprès des ménages,
dont les déclarations sont ensuite vérifiées et éventuellement corrigées. Les chiffres Eurostat pour la
France diffèrent donc légèrement de ceux de l’Insee, comme le montre le tableau ci-dessous :
Taux de pauvreté monétaire à 60 %
Unité : %
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Insee
13,1
13,1
13,4
13,0
13,5
non déterminé
Eurostat
13,2
13,2
13,1
12,7
12,9
13,5
Toutefois, les écarts entre les deux organismes sont purement apparents, puisque Eurostat retient comme
date l’année où les données lui sont communiquées, tandis que l’Insee prend comme date l’année de perception des revenus. Il convient donc de comparer - par exemple - Eurostat 2010 et Insee 2009. Il existe
de petites différences, qui tiennent davantage à des écarts minimes de définition. La seule exception est
l’année 2007 (pour l’Insee, 2008 pour Eurostat), l’écart étant alors de 0,7 point. Cela tient à ce que, cette
année là, l’Insee a effectué deux calculs : l’un sans les revenus financiers (cas retenu par Eurostat), l’autre
avec ces mêmes revenus (cas retenu par l’Insee).
10
L’intégralité de l’article est disponible sur le site de l’observatoire des inégalités :
http://www.inegalites.fr
Serge Paugam définit la pauvreté (Cf. son ouvrage « Les formes élémentaires de la pauvreté »
2005) telle que la société européenne la construit à partir de l’ensemble des institutions chargées de la
combattre. « la pauvreté est une relation d’interdépendance entre la population qui est désignée comme
socialement comme pauvre et la société dont elle fait partie ». Il en dégage alors trois formes :
- La pauvreté intégrée, configuration sociale où les pauvres, nombreux, bénéficient de la solidarité
du groupe (Europe du sud). « la pauvreté intégrée est définie comme la condition sociale d’une grande
partie de la population ». les pauvres forment un groupe peu stigmatisé. Dans les pays concerné, la couverture sociale est faible et les solidarités familiales fortement développées.
- La pauvreté marginale, qui caractérise les sociétés à haut niveau de protection et dans laquelle
les pauvres, peu nombreux, sont considérés comme des cas sociaux (Scandinavie). La pauvreté marginale
est celle des « inadaptés de la civilisation moderne, ceux qui n’ont pu suivre le rythme de la croissance et
se conformer aux normes imposées par le développement industriel ». cette minorité est fortement stigmatisée. »
- La pauvreté disqualifiante qui renvoie à des sociétés fortement affectées par la dégradation générale du marché de l’emploi et par la rupture des liens sociaux (France, Grande-Bretagne, Allemagne).
Elle relève du processus d’exclusion sociale dans les sociétés postindustrielles. Elle est « une forme spécifique de la relation entre une population désignée comme pauvre en fonction de sa dépendance à
l’égard des services sociaux et le reste de la société. »
Il s’agit ici de montrer comment la pauvreté peut devenir synonyme d’exclusion c'est-à-dire de
rupture du lien social. Néanmoins, bien que l’exclusion sociale puisse découler de la pauvreté, elle ne
saurait être confondue avec la pauvreté. En effet, un intermittent du spectacle, par exemple, peut être
pauvre tout en en ayant une vie sociale riche, et n’est pas considéré par la société comme un exclu. De
même, un ménage ouvrier où seul le père travaille et est rémunéré au SMIC est pauvre au sens monétaire
du terme mais pas nécessairement exclu, surtout si la famille revendique une identité ouvrière, milité, si
les enfants font partie d’un club de sport….
Ce basculement de la pauvreté vers la marginalité s’explique d’une part le chômage et d’autre
part par le relâchement des solidarités traditionnelles et par le caractère cumulatif de la pauvreté et de
l’exclusion.
Les effets du chômage sur le lien social. La pauvreté dans les sociétés modernes s’explique en
grande partie par le chômage qui s’est fortement développé au cours des années 1980. La pauvreté moderne résulte donc des effets désintégrateurs du chômage.
L’affaiblissement des solidarités traditionnelles. La solidarité familiale apparaît moins forte aujourd’hui. En effet, la réduction de la taille des familles et l’instabilité des couples fragilisent les individus en limitant les ressources des ménages ; par ailleurs, le chômage est encore plus difficile pour une
famille monoparentale. Mais il faut d’autres ressources que celles monétaires : les relations que l’on
mobilise pour retrouver un emploi ou les liens affectifs contribuent également à la solidarité familiale.
D’autre part, le développement de l’urbanisation joue un rôle similaire : le mode de vie en ville est plus
anonyme que dans les campagnes traditionnelles où pouvait se tisser une solidarité de « voisinage » qui
fait parfois défaut aujourd’hui. Il faut aussi souligner qu’en retour le chômage et la pauvreté peuvent
entraîner des ruptures familiales (les divorces sont plus nombreux dans les couples comportant un chômeur).
La pauvreté et la citoyenneté. L’exclusion économique peut conduire à l’exclusion politique. On
observe que l’exclusion économique qui accompagne la montée du chômage et la précarisation de
l’emploi se doublent d’une exclusion politique : l’individu n’a plus les moyens et ne se sent plus les
moyens de participer aux décisions politiques.
Le processus cumulatif de la pauvreté et de l’exclusion. Une pauvreté en entraîne fréquemment
une autre, une exclusion en entraîne fréquemment une autre, tant et si bien que les individus peuvent se
retrouver dans de véritables spirales de marginalisation. Ainsi, par exemple, l’individu ou le ménage qui
11
s’était endetté pour acquérir son logement et, du fait de la baisse des revenus, ne peut plus rembourser
ses emprunts. Le logement est alors vendu et le chômeur a de grandes difficultés pour trouver un logement en location car il n’a plus de feuilles de paie à présenter. Or ne pas avoir d’adresse, être « sans
domicile fixe » est socialement très excluant et les chances de retrouver un emploi deviennent alors très
minces.
On peut donc répertorier différents types de rupture du lien social, qui peuvent être liés les uns
aux autres :
- Les ruptures scolaires (échec scolaire, comportements déviants)
- Les ruptures familiales (fugues, séparations, divorces, perte de contact avec les enfants). Elles ont
de lourdes conséquences psychologiques et peuvent fragiliser l’individu au point que celui-ci ne puisse
plus faire face à ses obligations sociales et professionnelles.
- Les ruptures professionnelles (licenciement et chômage de longue durée) dont les conséquences
psychosociologiques peuvent être importantes (perte de l’estime de soi, culpabilisation, repli).
- Les ruptures par rapport à la norme légale (délinquance) qui peuvent entrainer
l’emprisonnement.
- Les ruptures par rapport à la norme sociale, par exemple les addictions (alcool, drogues…)
Bien que le processus d’exclusion ne soit jamais irréversible, certains seuils rendent plus difficile les retours à la normalité, par exemple, la perte d’un logement est un seuil déterminant.
Par ailleurs, l’exclusion sociale fait peur (c’est un risque) et suscite des réactions sociales de
stigmatisation.
Le processus d’exclusion sociale peut conduire à la perte de la capacité à lier des liens
d’appartenance et à s’insérer dans les dispositifs institutionnels. Robert Castel parle alors de « désaffiliation sociale ». Il situe la question de l’exclusion dans le travail. Le parcours des exclus consiste à traverser plusieurs « zones » dans lesquelles la cohésion sociale est d’intensité variable. Ces « zones » sont
définis par la précarité de l’emploi et/ou une fragilité des relations sociales :
1. Zone d’intégration : association travail stable – insertion relationnelle solide.
2. Zone de vulnérabilité : situation intermédiaire, instable conjuguant précarité du travail et fragilité des supports de proximité (cercle familial).
3. Zone de désaffiliation : absence de participation à toute active productive, sociale et isolement
relationnel (grande pauvreté, SDF…)
La société fabrique elle aussi l’exclusion en stigmatisant, en ne faisant pas confiance à certaines
catégories de la population. Il est fréquent que des personnes soient exclues de la norme sociale en matière de relations affectives par leur apparence, leur handicap, leur pauvreté. Il est fréquent que des catégories de personnes soient considérées comme « inemployables » par le marché en raison de leur âge,
de leur manque de diplôme, du caractère incohérent et déstructuré de leur parcours de formation et de
leur ,parcours professionnel. (Cf. analyse ci-dessous de Paugam sur la disqualification sociale).
Serge Paugam analyse l’exclusion en mettant davantage l’accent sur les trajectoires individuelles. Les exclus s’inscrivent dans un processus de disqualification sociale à partir du moment où ils
admettent d’être désignés comme « pauvres » par les institutions officielles et leurs représentants (travailleurs sociaux, élus…).
Cette stigmatisation dépend de plusieurs facteurs tels qu’une condition sociale objective d’exclus,
un degré de dépendance des populations en situation de précarité vis-à-vis des services d’action sociale.
Il montre que la pauvreté est une construction sociale.
Le processus de disqualification sociale se caractérise par plusieurs phases qui concernent des
populations différentes et dont l’enchainement, éventuellement, contribue à la dualisation de la société.
1. La phase de fragilité où les individus en situation de précarité de l’emploi sont stigmatisés dans
une position d’infériorité sociale.
2. La phase de dépendance où les individus en grande difficulté pris en charge par les institutions
officielles sont qualifiés d’assistés.
3. La phase de rupture se caractérise par le cumul des handicaps sociaux (absence d’emploi, problème de santé, absence de logement, perte de contacts avec la famille…) et une perte d’efficacité des
institutions de protection sociale qui conduisent à l’exclusion et la marginalité.
12
la persistance de l’exclusion dans les sociétés occidentales pourtant prospères s’explique aussi
par l’inefficacité des dispositifs de lutte contre l’exclusion mis en place par l’Etat. D’où l’importance des
initiatives de la société civile, portées par les associations (Resto du cœur, DAL…) et les entreprises
d’insertion.
Enfin, il faut rappeler deux points évoqués dans les chapitres précédents :
Les situations de pauvreté ne concernent plus uniquement les chômeurs. En effet, avec la progression des emplois précaires, le travail ne protège plus de la pauvreté (les woorking poor ou travailleur
pauvre).
3. Anomie, déviance et affaiblissement de la cohésion sociale.
L’anomie correspond à un affaiblissement des normes et des valeurs qui porte atteinte à la cohésion sociale. Les individus risquent d’être confrontés à la perte de repères quand l’influence régulatrice
de la société fait défaut.
Pour Emile Durkheim, ce concept désigne dans « De la division sociale du travail », un état pathologique
– les phénomènes sociaux qui ne relèvent pas du « normal » c'est-à-dire tout fait social qui se produit
avec une certaine régularité statistique – de la division du travail qui ne conduirait pas à la solidarité
organique. Les ruptures partielles dans cette forme de solidarité se manifestent par les faillites
d’entreprise, par un antagonisme marqué entre le travail et le capital, et par la spécialisation croissante
de la recherche scientifique qui morcelle la science. Dans « Le suicide », l’anomie désigne le déficit de
règles limitant les aspirations individuelles. Elle peut prendre une forme aiguë lors des crises économiques ou au contraire lors des brusques mouvements de prospérité, ainsi que dans la sphère domestique
lors du veuvage. L’anomie peut aussi prendre une forme chronique due à l’affaiblissement de la réglementation dans le commerce et l’industrie, ainsi que dans les rapports entre les sexes (le taux de suicide
après un divorce est plus important chez l’homme que chez la femme).
Pour Robert King Merton, l’anomie résulte de l’inadéquation entre les objectifs d’un individu,
fondés sur les valeurs de la société à laquelle il appartient, et les moyens licites ou illicites dont il dispose
pour les atteindre, moyens déterminés par les normes sociales. L’anomie est donc au cœur de
l’explication de la déviance. En effet, à défaut de pouvoir atteindre les objectifs culturellement valorisés
par la société par des moyens légitimes, les individus vont « innover » en adoptant des comportements
déviants.
Pour Talcoot Parsons, l’anomie correspond à l’incertitude sur les buts socialement valorisés.
Certains actes déviants constituent des infractions à la loi qu’on appelle délinquance. La progression de
la délinquance contre les biens et des incivilités entretient un sentiment d’insécurité au sein de la population et une fragilisation du « vivre ensemble ».
4. La montée du communautarisme.
Aujourd’hui, on observe une tendance à se replier sur la communauté ethnique ou religieuse, la
région, ou même sur la sphère privée. Cette tendance semble confirmer l’analyse d’Alexis de Tocqueville
qui avait déjà envisagé ce repli des individus sur des appartenances intermédiaires et l’affaiblissement du
lien politique et social national dans les sociétés modernes.
Les sociétés modernes reposent fondamentalement sur l’individualisme qui s’est construit sur la
fin des solidarités intermédiaires (famille, territoire, ethnie…) affaiblies par les transformations sociales
– urbanisation, recul de la religion, réduction de la taille des familles – . Le développement d’un lien politique national, d’une culture et d’une protection sociale nationales a renforcé ce mouvement
d’individualisation. Ainsi, aujourd’hui, le lien social se formerait directement entre l’individu et la société globale représentée par l’Etat et les administrations publiques. L’individu s’affranchit donc des vieilles
attaches issues de la société traditionnelle. On serait en présence de ce qu’on pourrait appeler un « individualisme universaliste » dans la mesure où on met en avant les droits individuels – individualisme – et
ces mêmes droits sont reconnus à tout le monde - universalisme – .
13
Néanmoins cette forme de solidarité conduit à une pratique « dépersonnalisée » du lien social car
anonyme et administrative. C’est par exemple le cas des prestations sociales. En effet, on effectue un acte
de solidarité en payant ses impôts et ses cotisations mais celui-ci n’est pas perçu comme tel par les contribuables et les bénéficiaires car il s’effectue par l’intermédiaire de la Sécurité sociale et de l’Etat. Cette
anonymisation du lien social peut détruire le sentiment de solidarité car les individus peuvent se sentir
dispenser personnellement du devoir d’entraide dès lors qu’il est assumé collectivement.
A l’opposé de ce mouvement, on observe une tendance de reconstitution de liens communautaires,
basés sur l’appartenance, sur l’identification de l’individu à un groupe intermédiaire (développement de
communautés culturelles, religieuses…). Ces mouvements peuvent être perçus comme une forme
d’individualisme : les individus affichent leurs particularités pour marquer leur autonomie vis-à-vis de la
société. Cette tendance pourrait être qualifiée d’ « individualisme communautaire ». Ces formes de lien
social sont moins abstraites et permettent de construire des solidarités de proximité. Il apparaît plus facile de se construire une identité en marquant son appartenance à un groupe clairement différencié des
autres.
Toutefois, le communautarisme peut entraîner une remise en cause de la cohésion sociale.
L’existence de différence entre les groupes sociaux remet en cause l’idée de citoyenneté fondée sur les
points communs et non les différences entre les individus.
5. La montée de l’individualisme.
Tout d’abord, il faut rappeler que l’individualisme ne doit pas être confondu avec l’égoïsme.
L’égoïsme est de faire passer avant tout ses intérêts personnels alors que l’individualisme consiste en un
développement dans la société des droits et responsabilités individuelles.
La montée de l’individualisme rend plus difficile le fonctionnement des instances d’intégration.
Les liens sociaux sont fragilisés par l’individualisme. L’individu a des liens familiaux plus restreints du fait de la réduction de la taille des familles et donc la solidarité familiale est plus limitée. La
désinstitutionnalisation de la famille se manifeste par la baisse du nombre de mariages et corrélativement la hausse du nombre de naissances hors mariage. Il faut aussi noter la progression du nombre de
divorces. On observe ainsi une diversification des formes familiales. La famille repose de plus en plus sur
le choix des individus et rester ensemble ne va plus de soi. Le lien familial est donc plus fragile. La famille socialisait et exerçait un contrôle social, transmettait des normes et des valeurs et veillait à leur
respect mais ces fonctions sont plus difficiles à réaliser dans une société individualiste où la tolérance et
l’épanouissement personnel sont devenus primordiaux.
L’école face aux comportements calculateurs. Du fait de l’importance du diplôme pour accéder à
un emploi, les familles développent des stratégies scolaires vis-à-vis des diplômes : choisir la bonne filière, le bon lycée, la bonne option, la bonne université… Le calcul l’emporte de plus en plus sur le rapport gratuit à la culture : l’élève veut bien travailler à condition que cela rapporte. Ainsi, la diffusion
d’une culture commune est parfois sacrifiée au profit de l’acquisition de compétences « utiles » pour le
cursus scolaire et l’intégration professionnelle. Mais cette attitude remet en cause l’égalité des chances
par la différenciation de plus en plus précoce des parcours scolaires.
L’engagement citoyen est confronté aux calculs d’intérêt. La crise de la citoyenneté politique se
manifeste surtout par la montée de l’abstention qui peut être une conséquence de l’individualisme. Dans
une société où les individus ont accès à un certain confort matériel, les citoyens sont moins intéressés par
les affaires publiques, qui ne les concernent pas directement. Cette indifférence des citoyens avait été
perçu par Alexis de Tocqueville au XIXème siècle. Certaines pratiques citoyennes connaissent un recul.
C’est le cas de la participation politique, en particulier chez les jeunes. Toutefois, la forte participation
des citoyens au premier tour de l’élection présidentielle semble remettre en cause cette analyse. Le
monde associatif connaît lui, des évolutions contrastées : une hausse des taux d’adhésion dans les asso14
ciations sportives, culturelles…, c'est-à-dire des associations consacrées à l’épanouissement personnel,
mais un recul de l’engagement militant, pour défendre des intérêts collectifs dans le cadre d’appareils
centralisés comme les syndicats
La montée de l’individualisme ne représente pas que des dangers. L’individualisme favorise
l’initiative et l’indépendance des individus. Mais on peut être individualiste et altruiste si l’on se soucie
des autres par sa propre volonté et non au nom d’un devoir social. Par ailleurs, l’individualisme peut
avoir des effets contradictoires. Ainsi, la transformation des liens familiaux ne les remet pas en cause :
les liens intergénérationnels restent très forts, l’enfant devient une valeur centrale. Ils se développent
même avec l’allongement de l’espérance de vie des grands-parents.
Toute société doit donc sans cesse chercher à intégrer ses normes, c'est-à-dire leur faire partager
les normes et les valeurs reconnues à un moment donné comme essentielles. Toutefois, la liberté et
l’égalité qui sont les principes fondateurs des sociétés démocratiques peuvent déboucher sur des mécanismes qui excluent et marginalisent certains individus. Intégrer ne doit pas signifier supprimer les différences mais au contraire savoir les respecter tout en maintenant l’unité de la société.
II.
La protection sociale et les solidarités collectives.
Dans les pays développés, le développement de la protection sociale et des solidarités collectives s’est
produit au cours du XXème siècle et notamment de sa deuxième moitié. L’Etat a joué un rôle moteur dans
ce développement d’où l’appellation Etat providence.
De manière générale, Richard Abel Musgrave (économiste américain néoclassique) a présenté une
typologie de l’intervention de l’Etat et selon lui, un Etat doit remplir trois grandes fonctions :
 L’allocation des ressources (politique de la concurrence, gestion des imperfections du marché :
externalités, monopoles naturels…
 La redistribution des revenus si elle n’est pas conforme aux attentes de la collectivité. Cette redistribution doit donc d’accroître la justice sociale.
 La régulation de l’activité économique. L’Etat intervient dans l’activité économique pour influer
sur son cours. Il ne se contente pas de pallier les limites du marché mais il prend à sa charge des activités que le marché pourrait réaliser, mais de manière non optimale. Il s’agit de l’ensemble des services
publics. De même, l’Etat peut mettre en place des politiques budgétaires pour influer sur le niveau et la
structure de l’activité économique, et pour atteindre certains objectifs (réduire le chômage ou le niveau
de l’inflation).
L’Etat gendarme correspond surtout à la première fonction : l’Etat veille au respect des règles du
jeu économique. Il assure bien sûr aussi ses fonctions régaliennes : justice, police, défense.
L’Etat providence correspond aux trois fonctions avec un rôle plus important sur la deuxième
(expansion de la protection sociale) et le troisième (politique budgétaire active).
A. Le développement de l’Etat providence.
1. Un système de redistribution des revenus visant à protéger les individus contre les risques
sociaux.
Les risques sociaux sont des événements qui ne sont pas dus aux individus eux-mêmes et dont la
réalisation entraîne une perte de revenus (maladie, chômage, accident, vieillesse ! …) et/ou une dépense
importante (maladie, accident…). Dans une société traditionnelle, c’est principalement qui assure cette
prise en charge des individus et les liens de dépendance sont alors très fort. Les transformations de la
société provoquées par la révolution industrielle ont bouleversées ces solidarités traditionnelles :
L’urbanisation et la faiblesse des rémunérations des travailleurs conduisent à la réduction de la
taille des familles.
La taille des logements rend par ailleurs impossible la prise en charge des parents âgés.
15
Par la suite, les individus, se différenciant de plus en plus, revendiquent une autonomie personnelle grandissante et ils préfèrent s’adresser à une entité abstraite, l’Etat, que de dépendre de leur famille.
La protection sociale offre aux individus une protection collective contre les risques. Cette protection sociale concerne l’ensemble des individus vivant sur le territoire national ; elle est donc universelle.
La solidarité s’exprime à travers le financement de la protection sociale : tous les citoyens contribuent à
financer les dépenses de protection sociale, indépendamment de leur situation personnelle face aux
risques sociaux. Ainsi, un célibataire ou un couple sans enfant paie des cotisations pour financer les allocations familiales ; de même qu’un actif occupé contribue au financement de l’UNEDIC ou du RMI. Mais
lorsque le risque se réalise, ils bénéficient à leur tour des prestations sociales.
La protection sociale conduit à une redistribution des revenus. Cette redistribution est horizontale
c'est-à-dire indépendante du revenu des personnes (exemple : les remboursements maladie concernent
aussi bien les riches que les pauvres) mais elle aussi verticale lorsqu’elle permet de redistribuer l’argent
des plus riches vers les plus pauvres (exemple : le RMI financé par les impôts payés par l’ensemble des
français assujettis à l’impôt)
2. L’assurance contre la perte de revenu et l’assistance aux plus démunis.
Les prestations sociales versées par les organismes de protection sociale répondent à deux
grandes logiques de redistribution :
La redistribution horizontale correspond à une logique d’assurance. C’est un système de protection sociale reposant sur des mécanismes de transfert du type contribution / rétribution. Les travailleurs
versent une cotisation qui est fonction de leur revenu, et s’ouvrent ainsi un droit à recevoir des prestations dont le montant est en rapport avec leur revenu, en cas d’interruption ou de privation d’emploi par
exemple. Les pensions de retraite (dans le système de retraite par répartition) et les allocations chômage
fonctionnent sur ce principe. Le versement des prestations est donc « sous condition de cotisation », c'està-dire qu’il faut avoir cotisé pour en bénéficier.
Cette redistribution est aussi appelée modèle bismarckien, du nom du chancelier allemand du
Reich de 1862 à 1880,Otto von Bismarck (1815 – 1898). Mais ce modèle rencontre des limites lorsque
l’emploi devient rare :
- Les cotisations pèsent uniquement sur le travail et sont défavorables à l’emploi et à la
compétitivité.
- Le poids des non cotisants progresse sensiblement avec le chômage de masse ingérable
par l’assurance car il y a covariance des risques : si tous ont un accident au même moment, l’assureur ne
peut pas payer.
Le modèle doit alors évoluer dans deux directions qui l’éloignent de son principe :
- Solidarité avec les non cotisants (femmes, jeunes, chômeurs, pauvres) par une intervention
de l’Etat.
- Transferts des caisses en expansion vers celles en déclin (industries en déclin, agriculture)
submergées par les retraités (par exemple, 5 retraités pour 1 actif agricole)
La redistribution verticale fonctionne sur le principe de l’assistance : pour recevoir des aides, il
n’est pas nécessaire d’avoir cotisé au préalable. Cette redistribution est aussi appelée modèle beveridgien du nom de l’économiste et homme politique anglais Sir William Beveridge (1879 – 1963). Ce modèle
repose sur le pricipe des 3 « U » :
 Universalité : couvrir toute la population, quelle que soit leur situation professionnelle.
 Uniformité : prestations uniques. Les prestations dépendent des besoins et non des cotisations,
elles sont parfois « sous condition de ressources », c'est-à-dire que la prestation décroît avec le niveau de
revenu, ce qui accroît l’effet redistributif du système (les plus riches sont davantage imposés et perçoivent
moins).
16
 Unité : tous les risques dans un même régime. Le système est géré par le service public et financé
par l’impôt : la participation au système doit être obligatoire pour qu’il y ait redistribution des revenus,
sinon les plus riches qui sont les « perdants » dans ce modèle refuseraient d’y participer.
La redistribution est verticale car elle est financée par l’impôt progressif. En France, on peut citer le RMI qui peut être perçu sans avoir jamais cotisé.
La redistribution verticale est considérée comme un outil de réduction des inégalités, alors que ce
n’est pas nécessairement le cas de la redistribution horizontale.
Le système actuel en France combine un peu les deux logiques : assistance et assurance.
Logique de l’assurance : la protection sociale est, en principe, liée aux cotisations sociales versées dans le cadre d’une activité professionnelle. Tout assuré social a droit aux prestations sociales,
c'est-à-dire à des revenus versés lorsque les conditions requises sont remplies (allocations familiales,
chômage, remboursement des frais de maladie…).
Logique de l’assistance : on peut prendre l’exemple de la CMU (couverture maladie universelle).
Des personnes non assurées sociales peuvent bénéficier d’une couverture sociale en cas de maladie. De
même, le système assure aussi une fonction redistributrice : les prestations ne dépendent pas des cotisations. Ainsi, un père de famille actif assure le droit aux prestations à son épouse si elle est inactive et à
ses enfants mineurs. Un célibataire ayant le même salaire que ce père de famille paiera les mêmes cotisations mais percevra beaucoup moins de prestations (pas d’allocations familiales…). La redistribution se
fait des célibataires vers les familles et des actifs vers les retraités. Par ailleurs, des prestations sous
condition de ressources se sont développées comme, par exemple, les « bourses de rentrée scolaire ».
3. Les gradations de l’Etat providence.
 Gosta Esping Andersen, professeur, économiste danois, a distingué trois « régimes » d’Etat providence, soit du plus faible au plus fort :
 Un « Welfare State » libéral ou modèle résiduel, accordant un rôle principal aux mécanismes du
marché et limitant pour l’essentiel sa protection aux plus faibles, lesquels sont protégés mais aussi stigmatisés. Le contrôle des besoins et des ressources est une technique fondamentale d’octroi de droits sociaux. Les transferts universels et les plans d’assurances sociales modestes ainsi que l’assurance privée
prédominent ;
 Un modèle dit conservateur-corporatiste ou encore bismarckien, c'est-à-dire un modèle
d’assurance sociale obligatoire généralisée, reposant sur le travail salarié et visant le maintien – au
moins partiel – des revenus lorsque les circonstances (accident, maladie, vieillesse, chômage) mettent le
travailleur en dehors de l’activité productive. Ce modèle admettant la pluralité des régimes de sécurité,
la redistribution est relativement faible.
 Un « Etat social » universaliste, socialiste (social-démocrate) souvent assimilé au modèle nordique de société. Ce modèle se caractérise non seulement par un niveau élevé de protection sociale
contre les risques équivalents pour tous mais aussi par une offre importante de services sociaux. Il représente un objectif de justice sociale redistributive.
B. La crise de l’Etat providence.
Aujourd’hui, le fonctionnement de la protection sociale pose problème. Pendant les années de
forte croissance, l’enrichissement de la société permettait de financer les prestations sociales en expansion continue et on pensait que cela permettrait de réduire les inégalités, de permettre à tous l’accès à la
société de consommation et la protection contre les risque de la vie. Mais la crise économique a rendu les
ressources plus rares et aujourd’hui, l’Etat rencontre des difficultés pour atteindre les objectifs qu’on lui
avait assignés. Mais la crise de l’Etat providence va au-delà de la crise financière, c’est aussi une crise
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d’efficacité et une crise de légitimité. L’analyse de cette crise a été développée par Pierre Rosanvallon
dans son livre « La nouvelle question sociale : repenser l’État-providence » parue en 1995.
1. La crise financière.
Le ralentissement de la croissance à partir des années 1970 n’empêche pas les dépenses publiques de continuer à croître au rythme antérieur. Ce rythme est même plus rapide du fait de
l’augmentation du coût de l’indemnisation du chômage et du vieillissement de la population – provoqué
par l’allongement de l’espérance de vie – qui alourdit les dépenses pour les retraites. Il faut aussi souligner que ce vieillissement entraîne une hausse des dépenses de santé. Ainsi, la consommation médicale
en France (soins et médicaments) est passée de 100 milliards d’euros en 1995 à 147,6 milliards d’euros
en 2004 (INSEE, 2005).
Dans le même temps, la croissance des recettes se ralentit du fait du ralentissement de la croissance économique. Depuis les « trente glorieuses », la croissance économique a été pratiquement divisée
par 2. Or, l’évolution des recettes est liée à celle de la croissance. Par ailleurs, la montée du chômage et
l’austérité salariale (progression limitée des salaires) freinent les prélèvements obligatoires. Il faut aussi
préciser que le ralentissement des dépenses de consommation agit sur le montant de la TVA perçu par
l’Etat.
2. La crise d’efficacité.
On observe que la situation des personnes âgées s’est améliorée, mais celle des jeunes se dégrade
(augmentation du taux de pauvreté chez les jeunes). En ce qui concerne les dépenses d’assurance maladie, on remarque qu’il n’existe pas de lien évident, au sein des pays riches, entre le montant des dépenses
médicales et l’état de santé de la population. De plus, la couverture maladie est loin d’assurer l’égalité
dans l’accès au soin. En dépit de l’augmentation de ces dépenses, l’inégalité devant la mort selon les
catégories sociales et les régions ne s’est pas réduite de façon significative.
Par ailleurs, la protection sociale n’a pas empêché la montée de la nouvelle pauvreté et de
l’exclusion, pire encore, ce sont les dispositifs de protection sociale qui provoqueraient l’apparition de
« trappes à pauvreté ». Le RMI ou le système d’assurance chômage, par exemple, conduiraient un
nombre croissant d’individus à préférer la situation d’assisté à celle de salarié. Aux Etats-Unis, on a dénoncé des systèmes d’aide sociale trop généreux en faveur des mères célibataires qui encourageraient
l’irresponsabilité et seraient défavorables à la constitution de couples stables. Il faut ici revoir les
chiffres concernant le seuil de pauvreté et la progression des travailleurs pauvres liée au développement
du travail précaire et notamment du travail à temps à temps partiel.
3. La crise de légitimité.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la légitimité d’une intervention sociale de l’Etat
reposait sur un projet politique fort, issu de la Résistance. Par la suite, l’institutionnalisation de la protection sociale a affaibli le soutien populaire dont elle disposait. Pour Pierre Rosanvallon, la crise de
légitimité de l’Etat providence proviendrait du fait que la montée en puissance de la protection sociale se
serait réalisée en l’absence de mouvements sociaux ; elle résulterait d’effets mécaniques. Il souligne que,
depuis la fin des années 1970, il n’a a pas existé en France de réels mouvements sociaux revendiquant
de nouveaux droits, que l’extension de la protection sociale s’est faite à distance des processus démocratiques. Par ailleurs, il relève que le « voile d’ignorance » s’est déchiré et que le consentement à la réduction des inégalités s’est réduit. L’Etat providence reposait sur l’idée que chaque individu était soumis à
des risques de l’existence (maladie, accidents du travail, chômage…). Chaque individu ignorant dans
quelle mesure il était exposé à ce risque avait intérêt à consentir au système d’Etat providence. Mais le
progrès des connaissances et leur diffusion conduisent aujourd’hui tout à chacun à mieux estimer les
risques auxquels il est exposé et donc à refuser de payer pour assurer une protection à autrui. Pourquoi,
par exemple, verser une cotisation relativement élevée à un mutuelle, si une compagnie d’assurance privée, qui n’assure que les individus jeunes et en bonne santé, propose une assurance complémentaire santé beaucoup moins coûteuse ?
18
La protection sociale est un système « abstrait » : les individus ne font pas le rapport entre ce
qu’ils payent – les cotisations – et ce qu’ils reçoivent – les prestations – . ils ont toujours l’impression de
payer toujours plus, sans s’apercevoir que ces cotisations sont à l’origine de leurs prestations, d’où un
sentiment d’injustice. De plus, comme les prestations reçues leur semblent un « dû », ils en abusent
(comportement de passager clandestin), sans s’apercevoir que cela induira nécessairement une hausse
future des cotisations.
La montée de l’individualisme est l’une des principales causes de cette crise de légitimité car elle
tend à remettre en question les justifications à l’existence d’un système de solidarité entre les individus.
Un certain nombre d’auteurs libéraux soulignent l’effet désincitatif de l’Etat providence sur
l’offre de travail, qui se traduirait par une inactivité croissante de certaines catégories sociales.
Par ailleurs, selon les économistes libéraux, l’existence d’un salaire minimum et d’une indemnisation du chômage excluent du marché du travail un certain nombre d’individus en particulier les jeunes et
les plus vieux. En outre, pourquoi un travailleur chercherait-il un emploi payé au SMIC s’il peut bénéficier d’allocations d’un montant voisin du SMIC. Il existe donc un risque de déresponsabilisation des individus. Il ressort donc qu’il existe un choix de la société française de faire supporter le poids de la crise
économique aux jeunes et aux vieux, et de reporter le coût social de leur exclusion sur les individus âgés
de 25 à 50 ans relativement qualifiés et situés dans les classes moyennes et supérieures. Toutefois, les
études empiriques ne permettent pas de confirmer l’idée selon laquelle l’existence d’un salaire minimum
aurait un effet négatif sur l’emploi.
Enfin, dans un contexte financier plus difficile, les dépenses de protection sociale sont-elles économiquement rationnelles ? En effet, toutes les ressources utilisées pour financer la protection sociale
deviennent indisponibles pour assurer la compétitivité de l’économie, sa capacité d’innovation et donc de
croissance économique. Les économistes libéraux affirment que les ressources ainsi détournées de
l’investissement ralentissent la croissance économique et donc la capacité à financer la protection sociale. Nos sociétés modernes vivraient « au-dessus de leurs moyens » plus soucieuses qu’elles sont de
dépenser leurs richesses plutôt que de les produire.
On assiste donc à une remise en cause de la solidarité collective.
C. Deux exemples de solidarité collective : la protection contre la pauvreté et l’assurance
vieillesse.
 La protection contre la pauvreté.
Vous devez auparavant revoir les notions suivantes :
Pauvreté absolue.
Pauvreté relative.
Pauvreté monétaire.
Pauvreté existentielle (conditions de vie).
La pauvreté ne relève pas d’une logique d’assurance. Depuis les années 1970, la pauvreté s’est transformée et a remis en
cause le rôle de l’Etat providence traditionnel. A partir des années 1980, des dispositifs ont été mis en
place pour venir en aide aux plus démunis.
 La pauvreté révèle les défaillances de l’Etat providence.
Depuis une vingtaine d’années, la pauvreté a changé de nature et n’est plus perçue de la même manière par la société. Le système de protection sociale bâti au cours des trente glorieuses apparaît inadapté à cette « nouvelle pauvreté ».
Dans les années 1950 et 1960, la pauvreté concernait essentiellement les personnes âgées et les travailleurs les moins qualifiés. Mais, au cours du temps, cette pauvreté s’est réduite :
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D’une part, la généralisation des régimes de retraite et la revalorisation du minimum vieillesse a
permis de réduire la pauvreté chez les personnes âgées.
D’autre part, l’augmentation du salaire minimum – notamment après 1968 – a contribué à réduire la
pauvreté chez les salariés.
Il faut aussi souligner la salarisation croissante de la population active et donc le recul des indépendants. Il existait une pauvreté spécifique chez les indépendants (agriculteurs, artisans et commerçants).
La « nouvelle pauvreté » concerne une population plus jeune et plus urbaine. Elle se développe avec
la montée du chômage, le développement du travail précaire et l’éclatement de la famille. Ainsi, les
pauvres sont des jeunes sans qualification qui ne parviennent pas à obtenir un emploi ou des salariés
âgés que les entreprises ne recrutent plus. Nous avons déjà souligné la montée des « travailleurs
pauvres » c'est-à-dire des travailleurs ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Il faut aussi souligner la surreprésentation des femmes seules avec enfants parmi les pauvres, du fait de l’augmentation
des divorces et des séparations. Cette augmentation a accru le nombre de familles monoparentales, or
85% de ces familles sont constituées de la mère et de ses enfants. Par ailleurs, de nombreuses familles
travaillent à temps partiel.
La pauvreté a changé et n’est plus un phénomène transitoire. Cette situation s’explique par le net ralentissement de la croissance économique au cours des années 1970. En effet, la pauvreté ne peut plus se
résorber par l’accroissement des richesses. Par ailleurs, les transformations de l’économie, l’innovation
et l’ouverture internationale ont accru la concurrence, entraînant un risque de déqualification économique et donc de pauvreté. Cette pauvreté apparaît donc comme un phénomène plus durable et peut conduire à l’exclusion sociale. De nombreuses personnes pauvres éprouvent de nombreuses difficultés à sortir de leur situation.
La mise en place de nouveaux dispositifs de solidarité.
Pour maintenir le lien social entre les différents membres de la société, l’Etat a créé trois dispositifs de lutte contre la pauvreté :
- Le revenu minimum d’insertion (RMI).
- La couverture maladie universelle (CMU)
- La prime pour l’emploi (PPE)
Le RMI (1989) vise à l’intégration sociale. Il s’adresse aux personnes âgées de plus de 25 ans et est
versé à condition que soit signé avec un organisme ou une association un contrat d’insertion, adapté à
chaque personne, et contenant un certain nombre de dispositions devant amener le signataire à se réinsérer progressivement (exemple : entamer une remise à niveau de lecture…).
Le revenus de solidarité active (RSA), entré en vigueur le 1er juin 2009 en France métropolitaine garantit une augmentation des revenus et complète les ressources de ceux qui perçoivent de leur travail des
revenus limités. Par exemple, une personne qui perçoit 450 € d’allocation et se voit proposer un salaire
de 500 € pour un travail à mi-temps, conservera une allocation de 260 € en plus de son salaire, touchant
ainsi 760 € au total. De fait, le RSA remplace pour ceux qui travaillent le RMI et l’allocation de parent
isolé. Par ailleurs, et c’était une raison important de non-retour à l’emploi, certains droits (exonération
de la taxe d’habitation, accès à la couverture médicale universelle (CMU)) accordés aux Rmistes, et donc
perdus en cas de reprise d’emploi, dépendront désormais non du statut, mais des revenus.
Les allocataires du RSA ont droit à un accompagnement social et professionnel adapté à leurs besoins, mais leurs « devoirs » en matière d’emploi sont renforcés. Ils sont tenus de rechercher un emploi,
c'est-à-dire de s’inscrire à Pôle emploi dans les mêmes conditions que tous les demandeurs d’emploi, ou
d’entreprendre les actions nécessaires à leur insertion sociale et professionnelle (formation,…)
La CMU (1999) vise à assurer une prise en charge des dépenses liées à la maladie pour tous les individus vivant depuis au moins trois ans en France, qu’ils aient été ou pas affiliés à la sécurité sociale. Ainsi, pour les personnes ayant un revenu très faible, la CMU assure la prise en charge des dépenses restant
normalement à la charge des assurés sociaux – ticket modérateur ou forfait journalier – par exemple. Le
ticket modérateur est la part des dépenses de maladie qui n’est pas remboursé à l’assuré ; ainsi, la con20
sultation chez un médecin conventionné est remboursée à 70%. Le forfait hospitalier est une somme forfaitaire et journalière qui est versée par le patient hospitalisé pour couvrir les dépenses « hôtelières »
(nourriture, logement…) et qui n’est pas remboursé par la Sécurité sociale.
La PPE (2001) tente de relever le revenu des « travailleurs pauvres » et de réduire l’exclusion en favorisant le retour au travail. Il s’agit d’un complément de revenu versé par le fisc aux travailleurs les
moins bien payés (ceux qui perçoivent un revenu d’activité compris entre 0,3 et 1,4 SMIC). La PPE a
donc un effet redistributif. De plus, cette prime accentue l’écart entre les revenus du travail et les revenus
issus de l’aide social – par exemple, le RMI – ce qui est sensé rendre le travail plus attractif et donc inciter les chômeurs à reprendre un emploi.

Document sur la PPE:
Pour bénéficier de la prime pour l'emploi, au moins l'un des membres du foyer fiscal doit exercer
une activité professionnelle. Cette activité peut être exercée à temps plein ou à temps partiel ou sur une
partie de l'année seulement et être une activité salariée (secteur privé ou public) ou non salariée (professions libérales).
 Conditions de ressources :
Pour la prime pour l'emploi versée en 2012 , le revenu fiscal de référence du foyer de l'année 2011
ne doit pas dépasser :
- 16.251 € pour les personnes célibataires, veuves ou divorcées
- 32.498 € pour les personnes mariées ou liées par un PACS soumises à imposition
commune.
Ces plafonds sont majorés de 4490€ pour chaque demi-part. Le montant de cette majoration est
divisé par deux si l'enfant est en résidence alternée.
Si votre situation de famille a changé en cours d'année (mariage, divorce, décès) ou s'il y a eu départ ou
retour de l'étranger, les plafonds sont recalculés au prorata en fonction de la date de l'événement.
Le revenu fiscal de référence se situe sur votre avis d'imposition. Il sert de référence pour déterminer l'attribution de certains avantages sociaux ou fiscaux (Exemples : Prime pour l'emploi, exonérations,
abattements, dégrèvement d'impôts locaux, exonération de CSG sur les revenus de remplacement, bourses
d'études…).
Par ailleurs, les revenus d'activité de chaque personne susceptible de bénéficier de la prime pour
l'emploi doivent être d'au moins 3743 € pour l'année 2011 et ne doivent pas dépasser :
- 17.451 € pour les personnes célibataires, veuves, divorcées
- 26.572 € pour les personnes mariées ou liées par un PACS, soumises à imposition commune et pour les
personnes célibataires, veuves ou divorcées élevant seules un ou plusieurs enfants à charge.
A noter : Ces montants correspondent à une activité exercée à temps complet sur l'année. En cas
de travail à temps partiel ou sur une partie de l'année seulement, le revenu d'activité est recalculé en
"équivalent temps plein" sur une année entière.

Document sur le RSA :
RSA: Revenu Solidarité Active remplaçant du RMI et de l'API
Depuis le 1er Juin 2009, le Revenu solidarité active ou RSA est entré en vigueur. Il remplace le
Revenu Minimum d'Insertion et l'Allocation de Parent Isolé. Cette prestation a pour vocation première de
favoriser le retour à l'emploi et de permettre aux faibles revenus d'avoir un complément de rémunération.
21
La législation du RSA est très proche de celle du RMI et de l'API. Il existe plusieurs type de RSA : Le
RSA socle, le RSA activité, le RSA majoré et le RSA jeune.
RSA: Les conditions du revenu de solidarité active
Avant toute chose, vous devez impérativement effectuer un test d'éligibilité.
Il faut avoir plus de 25 ans pour pouvoir bénéficier du RSA sauf si vous avez un enfant à charge né ou à
naitre.
Si vous avez moins de 25 ans et que vous vivez seul vous devez remplir une condition en ce qui concerne
l'activité professionnelle antérieure. Vous devez avoir travaillé l'équivalent de 2 ans dans les 3 ans qui
précédent la demande. Un nombre d'heure de travail est nécessaire afin de pouvoir prétendre au RSA.
ATTENTION, toutes les activités ne permettent pas de valider les heures demandées.
RSA: le revenu de solidarité active, comment est-il calculé ?
Avant toute chose, il faut savoir que le Revenu Solidarité Active se calcul trimestriellement. Ceci est
néanmoins la règle générale.
En effet, tous les 3 mois vous devez déclarer vos revenus perçus pour les 3 mois passés afin que la CAF
puisse calculer les 3 mois suivants de votre RSA.
Par contre, votre droit peut être revu en cours de trimestre en fonction de votre situation professionnelle
ainsi qu'en fonction des différents changements familiaux pouvant intervenir dans votre vie.
RSA: le calcul
Quels sont les revenus pris en compte dans le calcul du RSA ?
On peut dire que l'ensemble des revenus perçus ainsi que l'ensemble des prestations familiales perçues (à
part quelques exceptions) sont pris en compte dans le calcul. Par exemple, les pensions alimentaires reçues, l'argent placé, les primes exceptionnelles ou encore les aides financières à déclarer.
Montants:
RSA non majoré
RSA majoré
Montant
Forfait logement
Montant
Forfait logement
1 personne
474.93
56.99
Isolée ou grossesse
609.87
56.99
Couple ou isolé 1 enfant
712.40
113.98
Isolé(e) 1 enfant
813.16
113.98
Couple 1 enfant ou isolé 2
enfants
854.88
141.06
Isolé(e) 2 enfants
1016.45
141.06
Couple 2 enfants
997.36
141.06
Isolé(e) 3 enfants
1219.74
141.06
Isolé 3 enfants
1044.85
141.06
Isolé(e) 4 enfants
1423.03
141.06
Couple 3 enfants
1187.33
141.06
En + par personne
203.29
En + par personne
189.97
1. Les prestations sociales limitent la pauvreté mais n’empêchent pas l’exclusion.
Trois types de reproche sont généralement adressés aux mécanismes d’assistance envers les pauvres :
Le versement de revenus aux plus pauvres n’incite pas à travailler, et donc maintient les personnes pauvres en dehors du marché du travail. Cette affirmation fait référence à l’analyse néoclassique
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traditionnelle selon laquelle les individus arbitrent entre les loisirs et le revenu procuré par le travail.
Les prestations versées seraient une « désincitation » au travail. Il faut donc rendre le travail financièrement plus attractif que les minima sociaux.
Le versement de revenus sans contrepartie développe une « culture de l’assistance » à l’opposé de
la notion de lien social. On constate que bien souvent le contrat d’insertion n’est pas signé, n’est pas respecté et que le personnel disponible pour accompagner les RMIstes est trop peu nombreux. Ainsi, le RMI
n’est souvent qu’un revenu versé sans réelle contrepartie de la part du bénéficiaire ; c’est pourquoi la
réforme intervenue en 2003 a imposé l’acceptation des emplois proposés aux bénéficiaires. Cette mesure
sur l’idée que les bénéficiaires des minima sociaux ont une « dette » envers la société. C’est donc une
logique libérale dans la mesure où l’assistance aux pauvres est une générosité de la société et non un
mécanisme de solidarité.
Le versement de compléments de revenus aux travailleurs pauvres encourage les entreprises à
verser de bas salaires (cas de la PPE). C’est donc la collectivité qui assure, à travers la redistribution
fiscale, la hausse des salaires que les entreprises ne veulent pas accorder. Il apparaîtrait donc plus judicieux de revaloriser le SMIC. Il ne s’agit pas ici d’une critique libérale puisqu’on met l’accent sur la responsabilité des entreprises et de manière plus générale sur la société entière, qui ont un rôle dans la pauvreté, le chômage et l’affaiblissement du lien social.
2. L’assurance vieillesse.
La vieillesse est considérée comme un risque dans la mesure où l’arrêt de l’activité professionnelle entraîne une perte de revenus et en l’absence d’un système de retraite, l’individu peut se retrouver
sans aucune ressource et être à la charge complète de la famille. Les systèmes de retraite ont donc permis progressivement de couvrir ce risque et de faire reculer la pauvreté des personnes âgées. Mais, aujourd’hui, le système de retraite par répartition est mis en danger du fait de l’allongement de l’espérance
et donc du vieillissement de la population.
 Deux systèmes de financement des retraites : le système par répartition et le système par capitalisation.
Dans le système par répartition, les prélèvements obligatoires auprès des actifs financent les retraités
sous forme de pension. Ainsi, les actifs ne cotisent pas pour eux-mêmes plus tard, mais pour les retraités
d’aujourd’hui, et leur retraite sera assurée par les actifs de demain. Ce système a été mis en place en
France après la seconde guerre mondiale. Actuellement, il faut cotiser durant 160 trimestres pour obtenir
une retraite à taux plein (en 2012 : 164).
Dans le système par capitalisation, les actifs constituent une épargne, placée sur les marchés financiers (cf. les fonds de pension) en attendant et dans laquelle ils puiseront le moment venu pour financer
leur retraite. Les pensions proviennent donc d’une épargne antérieure, et pas une redistribution entre
actifs et retraités. En France, la loi du 20.02.1997 relative aux plans d’épargne retraite établit un régime
de retraite supplémentaire par capitalisation. Ce système a une certaine efficacité économique dans la
mesure où l’épargne constituée va servir à financer l’investissement et la croissance. En revanche, il présente l’inconvénient d’être moins solidaire que le système par répartition. En effet, si chaque individu
épargne pour sa propre retraite, les possibilités de redistribution entre les plus riches et les plus pauvres
seront moindre. Par ailleurs, il n’assure pas la solidarité entre les générations.
 Les fondements du mécanisme d’assurance vieillesse.
Une logique d’assurance : les actifs versent des cotisations aux « caisses de retraite » durant leur vie
professionnelle, pour en obtenir des indemnités quand ils ne pourront plus travailler.
Une logique d’assistance : les actifs ayant cotisé après la création des caisses de retraite (1945)
n’ont pas suffisamment cotisé – ils avaient commencé leur activité avant cette création – pour obtenir une
retraite à taux plein. Le minimum vieillesse a donc été crée pour résoudre ce problème.
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La solidarité entre les actifs et les retraités. Les plus jeunes, par leur travail, subviennent aux besoins des
plus âgés.
 Les difficultés de l’assurance vieillesse.
- Une crise de financement : le vieillissement démographique accroît sensiblement les dépenses. A la création du système de retraite, l’âge de la retraite était voisin de l’espérance de vie (60 ans
après la seconde guerre mondiale alors qu’aujourd’hui elle est de 80 ans). Ainsi, certains vivaient assez
longtemps pour profiter de leur retraite alors que d’autres mourraient avant de percevoir leur retraite.
Mais, aujourd’hui, l’âge de la retraite reste inchangé – voire avancé – et donc, de plus en plus de personnes vivent assez longtemps pour profiter de leur retraite et perçoivent leur retraite sur une période
plus longue. Les dépenses de retraite deviennent donc de plus en plus lourdes.
- Une crise de légitimité : doit-on payer plus pour les retraites ? l’espérance de vie s’est allongée et les progrès de la médecine font que les retraités d’aujourd’hui sont en meilleure forme et seraient
en mesure de poursuivre une activité professionnelle. Le risque vieillesse n’est donc pas aussi élevé qu’à
l’instauration du système de retraite. Par ailleurs, il faut souligner que la pauvreté s’est accrue parmi les
jeunes de moins de 25 ans du fait de l’augmentation du chômage et de la précarité. Dès lors, une question se pose : les dépenses supplémentaires pour les retraites ne seraient-elles pas plus utiles pour lutter
contre les risques de pauvreté ?
- Une crise d’efficacité : le système de retraite ne profite pas également à tous. Le système de
retraite assure un même âge de départ à tous alors que l’espérance de vie est variable selon les PCS. Or,
ce sont les PCS les moins favorisée (ouvriers, employés) qui vivent le moins longtemps et donc profitent
le moins du système de retraite alors que les PCS plus favorisées (cadres) vivent plus longtemps et commencent à travailler plus tard.
 Les solutions.
Différentes solutions sont envisageables :
- Reculer l’âge de la retraite. En France, la loi du 22-07-2003 dite « loi Fillon » prévoit
d’augmenter la durée de cotisation à compter du 1er janvier 2009, et crée une possibilité de départ anticipé à la retraite avant 60 ans, ainsi qu’un système de surcote en cas poursuite après 60 ans. Elle harmonise, par ailleurs, les durées de cotisation des fonctionnaires avec celles des salariés du privé. En principe, cette mesure donc d’augmenter les recettes et de diminuer les dépenses. La réforme de 2010 a relevé l'âge de départ à la retraite, dans la plupart des cas. A partir de 2017, l'âge minimum pour partir à la
retraite sera de 62 ans, contre 60 ans précédemment. Il reste possible de partir avant cet âge à certaines
conditions, notamment lorsqu'on a commencé à travailler très jeune. Toutefois, est-il raisonnable de demander aux actifs de travailler plus longtemps alors que les plus de 55 ans sont particulièrement touchés
par le chômage. Par ailleurs, la précarité de l’emploi peut empêcher certains de percevoir une retraite à
taux plein.
- Réduire le montant des pensions. Il s’agit ici de réduire le montant des retraites versé et
d’encourager les actifs à épargner. Il s’agit donc de combiner le système par répartition et le système par
capitalisation. Cette solution réduit évidemment la solidarité entre les riches et les pauvres dans la mesure où on remplace un système d’assurance collective par un système d’épargne individuelle. Par ailleurs, le système par capitalisation n’est pas accessible aux plus défavorisés qui n’ont pas les revenus
suffisants pour épargner.
- Augmenter les prélèvements obligatoires. L’objectif est de maintenir le système actuel.
Cette mesure est difficilement envisageable dans la mesure où cela amènerait à augmenter les cotisations
sociales et donc renchérir le coût du travail ce qui risque de pénaliser la création d’emploi. Par ailleurs,
les actifs acceptent difficilement une amputation supplémentaire de leur pouvoir d’achat.
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