________ Introduction ________ Introduction 15 Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre la société THALES Communications de Colombes et le Laboratoire de Génie Electrique (L.G.E.) de Pau par le biais d’une bourse CIFRE accordée par l’Association Nationale de la Recherche Technique. Le LGE est un laboratoire de recherche universitaire qui travaille dans le domaine des hautes tensions transitoires. Les principaux thèmes de recherche qui y sont abordés concernent : - l’étude des décharges électriques et des diélectriques, principalement gazeux ; - les fortes puissances électriques pulsées regroupant l’étude des générateurs, des commutateurs et de leurs applications ; - la compatibilité électromagnétique (CEM). Les études sur les décharges électriques et les diélectriques, à l’origine des activités du LGE, ont amené ce laboratoire à acquérir une expérience certaine au niveau des éclateurs à gaz. Les premiers travaux sur les puissances électriques pulsées développés au LGE ont donc découlé de cette expérience, puis se sont étendus à un certain nombre de problèmes englobés sous le thème générique de « puissances pulsées ». Ces dernières étaient, initialement, essentiellement destinées aux applications militaires ou scientifiques de très fortes énergies. La baisse du prix de revient des éléments de stockage de l’énergie, plus particulièrement des condensateurs, et l’amélioration des performances des commutateurs de puissance à semiconducteurs, font, qu’actuellement, cette technique devient concurrentielle dans un certain nombre d’applications civiles. Il n’empêche qu’il faut bien distinguer la puissance de l’énergie car, s’il est relativement aisé de produire de fortes puissances instantanées, les difficultés techniques et le coût des installations augmentent très sensiblement avec le niveau énergétique mis en jeu. Ainsi, par exemple, le LGE peut, actuellement, aborder des problèmes de puissances pulsées allant jusqu’à un niveau énergétique d’environ une centaine de kilojoule mais guère plus. Contribution à l’étude et à la réalisation de commutateurs et de générateurs haute tension transitoires Introduction 16 C’est donc dans ce contexte que la société THALES a proposé de concevoir et de réaliser des commutateurs et des générateurs haute tension impulsionnels à faible jitter, ou gigue en français, pouvant servir au déclenchement de générateurs multiples nécessitant une bonne synchronisation. Le travail proposé s’inscrivait dans le cadre de la réalisation d’un simulateur de foudre destiné à l’avionique mais, en fait, toute étude de « brique élémentaire » susceptible de présenter un intérêt dans le domaine des puissances pulsées semblait la bienvenue. Les puissances pulsées revêtent un grand nombre d’aspects et donnent lieu à des applications multiples dont il est difficile de faire un inventaire exhaustif. Lorsque l’on développe un système à puissances pulsées, on cherche, généralement, à favoriser l’influence d’un « paramètre » physique (température, pression, courant d’induction, champ électrique ou magnétique…), chimique (oxydation, ionisation…), biologique (électro-poration…), etc... Les secteurs industriels susceptibles d’être concernés par les puissances pulsées sont donc aussi variés que l’agro-alimentaire, le médical, le pharmaceutique, la métallurgie, l’avionique, l’électronique, la chimie, etc… Certaines technologies permettent de générer des « ondes » (lasers, faisceaux d’électrons, rayons X, micro-ondes…) dont on exploite les effets : traitements thermiques par micro-ondes (frittage, traitements de surface, soudage…), traitements non polluants par faisceaux d’électrons (traitements d’eaux usées, de fumées, polymérisation…), traitements par ondes de choc (concassage, séparation de matériaux, traitements d’eaux ou de boues…), traitements par faisceaux lumineux intenses (médical, matière…), radiographie X, etc... D’autres consistent à injecter très violemment l’énergie électrique dans la matière de façon à créer des « réactions » physiques, chimiques ou biologiques hors équilibre susceptibles de présenter des caractéristiques intéressantes. Le LGE s’intéresse donc à une partie de ces applications que nous avons essayé de classer en quatre domaines, comme indiqué figure I.1 : - Le premier domaine qui vient à l’esprit est celui des alimentations pulsées utilisées pour les lasers, les diodes X, les magnétrons, les faisceaux d’électrons, les flashes UV, etc… Les performances de ces alimentations sont très diverses sachant que leurs principales caractéristiques sont l’énergie disponible, les niveaux de tension et de courant requis, la répétitivité des impulsions, leur durée à mi-hauteur et leur temps de front. - Le deuxième domaine d’applications concerne la génération d’ondes électromagnétiques avec, comme principales applications, les radars ou, de façon générale, les armes électroniques (brouilleurs…). Dans ces systèmes, les points importants sont, en général, la Jérôme BAC Introduction 17 valeur requise pour la fréquence haute, qui conditionne celle du front de l’onde, et l’amplitude du champ électromagnétique rayonné à une distance donnée. Ce n’est donc pas une simple question de génération de forts signaux électriques mais un problème de performances d’un système complet constitué d’un (ou de plusieurs) générateur haute tension transitoire associé à un (ou plusieurs) système rayonnant auquel il doit être adapté. liquides traitements de surface Dépollution Puissances pulsées gaz solides lasers Flashes UV Alimentations pulsées faisceaux d’électrons radars diodes X magnétrons Génération d’ondes EM brouilleurs foudre Simulateurs CEM lanceurs EM Figure I.1 : Les différents domaines d’application des puissances électriques pulsées - Le troisième domaine porte sur les moyens d’essais spécifiques tels que les simulateurs d’onde foudre, de CEM ou des lanceurs électromagnétiques. Dans ce type d’application, les formes d’ondes sont souvent normalisées. Dans pratiquement tous les cas, les énergies mises en jeu présentent des valeurs très élevées et des problèmes de synchronisation entre générateurs, ou éléments du même générateur, peuvent se poser. - Le quatrième domaine concerne les applications civiles. Comme nous l’avons déjà dit, elles sont multiples et le LGE s’intéresse plus particulièrement aux applications liées à l’environnement et à la dépollution de gaz et de liquides ou au recyclage de matériaux solides. Ces applications sont, elles aussi, extrêmement diverses et il est difficile d’en faire un inventaire complet. Les méthodes utilisées les plus classiques sont celles qualifiées de traitement par champs électriques pulsés, par effet couronne, par faisceaux d’électrons, par ondes de choc sans oublier les traitements de surfaces par plasmas froids : Contribution à l’étude et à la réalisation de commutateurs et de générateurs haute tension transitoires Introduction 18 dans les traitements par champs électriques pulsés (débactérisation, extraction de macro molécules de contenus cellulaires...) les valeurs maximales du champ électrique E ne sont pas, obligatoirement, très élevées (quelques dizaines de kV.cm-1) mais c'est plutôt la soudaineté de l’application de E (forte valeur de dE/dt) qui semble être le paramètre principal permettant l’électro-poration des cellules ; le traitement des gaz par effet couronne nécessite la forte ionisation de grands volumes de gaz : la valeur de la variation temporelle dV/dt de la tension appliquée V doit être élevée, ainsi que l’amplitude des champs appliqués, mais l’énergie injectée n’est pas obligatoirement très importante (faibles courants et durées brèves). Les impulsions électriques doivent donc être rapides, de fortes amplitudes et relativement étroites afin d’éviter des passages à l’arc. Le fonctionnement des électrofiltres sous puissances pulsées est une application dérivée intéressante. Quant aux traitements par faisceaux d’électrons, ils utilisent directement l’énergie du faisceau (au moins plusieurs centaines de keV) pour dissocier et ioniser le gaz porteur et générer des électrons secondaires, voire tertiaires, encore très énergétiques. Ce type de traitement semble particulièrement adapté à l’élimination des SOx et des NOx ; le traitement des solides par chocs électrothermiques relève de deux principes : l’un délocalisé, c’est-à-dire utilisant un milieu intermédiaire (par exemple de l’eau) pour transmettre l’onde de pression issue d’une décharge électrique, va faire appel à de fortes énergies pour des tensions relativement basses ; l’autre, localisé (développement d’un arc électrique dans le solide lui-même), nécessite de très fortes tensions associées à des énergies plus faibles. Par rapport aux procédés classiques, les traitements par puissances électriques pulsées présentent un certain nombre d’avantages comme : - la faible valeur du rapport puissance moyenne/forte amplitude qui permet : d’exciter des effets non linéaires, d’exploiter des effets de seuil, de minimiser l’effet thermique lorsqu’il est inutile ou néfaste ; - la possibilité de générer des impulsions courtes permettant : de mieux contrôler, donc de minimiser, l’injection d’énergie électrique, de consommer une faible puissance moyenne, même si les puissances instantanées sont énormes, de délivrer brusquement l’énergie, puis de laisser évoluer le système avec ses constantes de temps propres, notamment pour certaines réactions chimiques, Jérôme BAC Introduction 19 de maîtriser le domaine temporel ; - le fait que l’environnement que nécessitent ces techniques est propre et peu contraignant (pas d’additifs chimiques toxiques) à l’exception d’éventuels problèmes de CEM. Quoi qu’il en soit, dans toutes ces applications, il faut réaliser une amplification de puissance par compression temporelle de la durée de la restitution de l’énergie stockée. Le rôle du générateur de l’onde de tension, et plus particulièrement celui du commutateur qui réalisera cette compression temporelle, est fondamental. Le stockage de l’énergie électrique peut être capacitif ou inductif. Le commutateur associé est alors, respectivement, à fermeture ou à ouverture. Le stockage inductif autorise de plus importantes densités d’énergie volumiques ou massiques que le stockage capacitif mais les technologies des commutateurs associés sont moins diversifiées, plus coûteuses et leur mise en œuvre est plus délicate que celles des commutateurs à fermeture. Toutes ces applications nécessitent de fortes puissances mais pas obligatoirement de fortes énergies. Elles peuvent être obtenues avec de forts courants et/ou de fortes tensions. Il existe, notamment pour les forts courants, toute une gamme de générateurs réalisés, le plus souvent, à partir de semiconducteurs de puissance (thyristors, MOS, IGBT, GTO…) ; pour les très forts courants, les commutateurs à gaz conservent encore tout leur intérêt. Le domaine des hautes tensions est moins classique mais on trouve, néanmoins, un certain nombre de principes, ou d’architectures, permettant de générer de tels signaux. Les plus classiques sont : - le générateur BLUMLEIN [BLU 47] qui, réalisé à partir de deux lignes de transmission identiques et d’une alimentation continue, permet de délivrer, sur une charge adaptée et grâce à un commutateur, une impulsion rectangulaire d’amplitude égale à celle fournie par l’alimentation continue et de durée 2 ( : temps de propagation dans l’une des lignes) ; - les générateurs de type MARX [PAI 95] basés sur le principe de la charge de condensateurs associés en parallèle puis de leur décharge lorsqu’ils sont associés en série. Le passage de l’association parallèle à l’association série s’effectue grâce à des commutateurs et de tels générateurs délivrent des ondes de tension de forme bi-exponentielle. Ils sont constitués de n étages et peuvent être considérés comme des multiplicateurs de tension en ce sens qu’ils délivrent, théoriquement, en sortie, une tension d’amplitude nV0, V0 étant la tension de charge initiale des condensateurs lorsqu’ils sont associés en parallèle ; - les transformateurs à lignes de transmission [MAT 68] sont constitués de n lignes identiques associées en parallèle à l’entrée et en série en sortie. Ils ne peuvent fonctionner que Contribution à l’étude et à la réalisation de commutateurs et de générateurs haute tension transitoires Introduction 20 sur charge adaptée – ce qui restreint le nombre de possibilités – et l’on retrouve, en sortie, un signal de même allure que celle du signal injecté en entrée mais amplifié d’un facteur n ; - les multiplicateurs de tension basés sur le principe de l’inversion de la tension aux bornes de certains de leurs éléments constitutifs. Dans ce type de générateurs, des dispositifs semblables, constitués de circuits LC ou de lignes de transmission, sont associés et chargés avec des tensions de signes opposés (un dispositif sur deux) de telle sorte qu’à l’instant initial la tension aux bornes de l’association soit nulle. Par des moyens plus ou moins sophistiqués, on commute, de façon à en inverser le signe, la tension aux bornes d’un dispositif sur deux. On retrouve donc, un peu plus tard en sortie, une impulsion dont l’amplitude est la somme des valeurs absolues des tensions initiales aux bornes de chacun des dispositifs. Parmi ces générateurs, on trouve ceux qui utilisent des circuits LC constitués d’éléments discrets, les générateurs de type PICHUGIN [PIC xx] réalisés à partir de transformateurs à très fort couplage, les générateurs utilisant des lignes de transmission (le BLUMLEIN en est un cas particulier), les générateurs « spirale » [FIT 61], etc… Le problème essentiel de ces générateurs réside, le plus souvent, dans les performances des commutateurs qui y sont associés. En effet, le commutateur idéal, susceptible de transmettre une centaine de kiloampère sous des tensions atteignant la centaine de kilovolt avec un front de montée rapide de l’impulsion, suffisamment répétitif et présentant un jitter faible, n’existe actuellement pas. La réduction du temps de front, ainsi que l’augmentation de l’amplitude et de la fréquence de répétition, constituent les points durs du problème. On travaille donc sur la base de compromis imposés par l’application considérée. Le travail présenté dans ce mémoire constitue donc une contribution au développement, ou à l’amélioration, de dispositifs entrant dans le cadre de la génération de fortes puissances électriques pulsées avec, en toile de fond, notre participation à la réalisation d’un simulateur d’onde foudre et à la génération d’ondes électromagnétiques pour une application radar. Le chapitre 1 est consacré à l’étude de thyristors haute tension fonctionnant en transitoires rapides. Les performances de différents types de thyristors, utilisés seuls ou en association série et/ou parallèle, sont analysées, notamment lorsqu’ils travaillent à faible courant anode/cathode (commutateurs haute tension fonctionnant en fréquence). Le déclenchement des thyristors est réalisé au moyen de ferrites, ce qui permet d’obtenir, en plus d’un isolement galvanique, une excellente synchronisation lorsqu’ils sont associés. Un certain Jérôme BAC Introduction 21 nombre de commutateurs que nous avons réalisés sont présentés ainsi qu’une application relative à un électrofiltre fonctionnant sous alimentation pulsée. Le chapitre 2 analyse le fonctionnement de deux dispositifs amplificateurs de tension : le générateur de Marx et le transformateur d’impulsions. Concernant les générateurs de Marx, on analyse, en détail, le rôle des éléments parasites qui contribuent à leur bon fonctionnement dans une structure classique utilisant des commutateurs à gaz et l’on propose une modification de cette structure initiale afin d’améliorer le déclenchement de ce type de générateur. Cette étude débouche sur les réalisations de générateurs de Marx (200kV) à éclateurs à air et fonctionnant en fréquence et de générateurs de Marx (120kV) à thyristors. Un transformateur d’impulsions haute tension est ensuite étudié et développé afin de résoudre un problème de reproductibilité de signaux ULB. Il s’agit d’une première approche, relativement empirique, qui se prolonge actuellement, dans un autre cadre, au laboratoire. Enfin, le chapitre 3 présente notre contribution à l’étude du générateur d’onde foudre SUPER DICOM, réalisé par la société THALES pour le Centre d’Essais Aéronautique de Toulouse (C.E.A.T.), afin d’effectuer des essais de foudroiement d’aéronefs semblables à celui représenté sur la figure I.2. Figure I.2 : La simulation du foudroiement de la maquette d’un aéronef Contribution à l’étude et à la réalisation de commutateurs et de générateurs haute tension transitoires Introduction 22 Ce générateur, constitué d’une association parallèle de cinq générateurs de Marx à éclateurs à air, nécessite une double synchronisation qui fait l’objet de notre étude dans cette partie. Différents moyens de déclenchement et de synchronisation de ces éclateurs, basés sur la technologie des générateurs de Marx à thyristors ou des transformateurs d’impulsions, sont testés et comparés. Pour terminer, une étude comparative portant sur les performances d’éclateurs à air, représentatifs de ceux utilisés pour le générateur SUPER DICOM, a été menée pour une configuration sphère/sphère des électrodes, sous tensions continue et impulsionnelle et pour deux matériaux : le laiton et le graphite. Jérôme BAC