1 Le complexe médico-industriel s’efforce de gagner une emprise complète sur les praticiens afin de transformer la maladie et la santé des biens-portants en un marché dédié à la consommation de leurs produits. LA POLITIQUE DU MEDICAMENT : des prix administrés dans le cadre d’une politique conventionnelle DEUX QUESTIONS 1. Comment est décidée la commercialisation du médicament? 2. Qui établit les prix ? La vie d’un médicament commence par l’isolation d’une molécule, entre le moment de sa découverte et son lancement sur le marché, trois étapes : a) l’AMM , (l’autorisation de mise sur le marché pour 5 ans),délivrée par l’AFSSPS (l’agence française de sécurité sociale de produits de santé). b) L’inscription sur la liste des médicaments remboursables est soumise à l’avis de la commission de transparence (constituée par des représentants de l’Assurance Maladie) ; elle est chargée d’évaluer le SMR (service médical rendu). les données sur lesquelles s’appuient la commission pour rendre ses décisions, ne sont pas publiques . Par ailleurs, une nouvelle molécule n’est testée que par rapport à un placebo et non à une molécule plus ancienne qu’elle est sensée remplacée ! ! ! Là réside un hiatus important : un médicament peut ne rien apporter de nouveau et avoir un SMR assez haut pour être remboursé à un taux élevé . c) Puis le prix de vente est fixé par convention entre l’entreprise et le CEPS (comité économique des produits de santé)ou à défaut par arrêtés ministériels. L’accord cadre qui vient d’être signé entre le CEPS et le principal syndicat de l’industrie pharmaceutique le LEEM pour 2003-2006 a pour objectif de faciliter la mise sur le marché des médicaments innovants ; la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a instauré une procédure accélérée d’inscription des médicaments les plus innovants ; il s’agit de permettre aux entreprises de proposer leurs spécialités à des prix cohérents / à l’union européenne, Il faut savoir que le prix d ’un médicament donné au sein de l’union varie de 1 à 5 ; Dans les pays à prix administrés (comme la France) les prix sont inférieurs à la moyenne , le but des industriels est de converger vers le haut de la fourchette. Après une première vague de 82 médicaments déremboursés, 426 vont subir le même sort : cette mesure permettra de réaliser 250 millions d’euros d’économie ; on peut imaginer que ces médicaments jugés inefficaces, devraient 2 alors être tout simplement exclus de la pharmacopée. En effet, le patient est en droit de se demander que fait sur son ordonnance un médicament jugé inutile ; au lieu de cela et pour satisfaire les labos pharmaceutiques, la liberté des prix sur les médicaments dits innovants a été accordée en juin 2003 ; Actuellement il y a deux sortes de produits Ceux vendus sur ordonnance et les autres, la différence c’est l’autorisation de la publicité directe au grand public ; 2 exceptions : les usa et la nouvelle Zélande, la publicité directe est autorisée sur tous les médicaments , le CA a explosé. Bruxelles est prête à suivre, le parlement de Strasbourg bloque. L’argument fallacieux qu’utilise le CMI, est “ le droit à l’information ” , Dans ce cas là, on pourrait confier les sommes colossales de la pub à des organismes indépendants qui se chargeraient de l’éducation sanitaire. Ce qu’il faut absolument savoir c’est que la progression plus récente de l’espérance de vie résulte plus de l’accès aux soins que des découvertes du CMI L’habillage idéologique du CMI mêle le scientisme encore très vivace et une croyance messianique dans les vertus technologiques : ainsi on confond, nouveauté et progrès, gadget et innovation, changement d’emballage et réelle découverte. LE COMPLEXE MEDICO-INDUSTRIEL L’unique souci, c’est le rapport financier que l’on présentera aux actionnaires, Alors que les anomalies lors des essais cliniques sont fréquentes , les normes éthiques en vigueur dans la charte d’Helsinki, ne sont pas respectées ; ce qui a pour conséquence de faire courir de + en + de risques au public . En réalité, il faut s’interroger sur les contrats d’associations qui lient les industriels aux médecins : pourquoi les médecins sont-ils désireux de faire des essais cliniques ? pourquoi les pouvoirs publics subventionnent-ils si mal les essais ? Que contiennent ces fameux contrats ? C’est le principe de “ qui paie, commande ” : les accords publics-privés sont très présents dans les universités ; comme très peu de crédits sont consacrés à la recherche clinique, on se tourne vers les industriels. Ainsi la création de valeur prime sur la création de santé. La liste des molécules découvertes puis laissées sur le carreau est sans fin ; au nom de la rentabilité économique, on sacrifie des millions de vie humaines au Sud, c’est ainsi que l’on va parler de patients solvables , voir clients et de seuil de rentabilité. 3 exemple : chaque année il y a 8 millions de personnes supplémentaires atteintes par la tuberculose , nombre de patients solvables 400 000, très en dessous du seuil requis pour lancer un investissement Exemple Pour soigner la maladie du sommeil qui tue à peu prés 150000 p/an, un médicament a été inventé par une firme américaine , vendu à prix d’or, il ne présentait aucun intérêt économique puisque ’inaccessible aux pays les plus touchés ; sa fabrication fut abandonnée puis lorsque Hoechst racheta la firme américaine, ils acceptèrent de céder les droits de commercialisation à l’OMS, qui bien sûr n’avait pas d’argent pour produire En 2000, MSF espérait relancer sa production. Ce qui sauva le médicament en réalité, c’est qu’il entrait dans la composition d’une crème dépilatoire pour le visage , Quelques chiffres Le marché mondial du médicament est estimé à 373 milliards de dollars, taux de croissance est de + 10.7% annuel depuis 10 ans. Dans les années 90, les médicaments ont contribué à la croissance des dépenses pour 36%. nombre de médicaments mis sur le marché entre 1981 & 1999 : 1996 dont Médicaments reconnus innovants : 7 En réalité la période innovante se situe entre 1935 et 1975 Le SNIP (syndicat national de l’industrie du médicament) annonce les chiffres suivants : Nous sommes le premier producteur européen et le troisième exportateur mondial, Entre 1990 et 2000, le total des achats est passé de 200 milliards de § à 400 milliards de § (80% du marché : Europe du nord, japon, USA). Les actionnaires reprochent sans cesse aux dirigeants les sommes trop importantes consacrées à la recherche or, entre 1991 et 2000, 9 des plus grandes Compagnies pharmaceutiques ont dépensé 2.8 fois plus en pub et communication qu’en recherche. (316 milliards § contre 113 milliards §) .On peut considérer que sur un médicament vendu 30euros, 3 sont liés à la production d’où l’intérêt des génériques : QU’EST-CE QU’UN MEDICAMENT GENERIQUE ? Le médicament générique doit être conforme en teneur et en quantité au médicament d’origine dont il est le substitut, c’est une copie autorisée de médicament d’origine. Les ventes n’ont jamais décollé en France, en 2002, la consultation des généralistes est passée de 18.50 à 20 euros, en contre partie ces derniers se sont engagés à prescrire au moins 12.5% de médicaments 4 génériques ce qui devaient autofinancer une partie des 966 millions d’euros qu’ont représenté la revalorisation des honoraires . Apparus en 1996 dans le code de la santé publique, les génériques ne se sont pas imposés pour diverses raisons : pour le patient bas prix rime avec qualité au rabais, le médecin n’est pas foncièrement engagé dans la prescription des génériques alors que la loi depuis 1999, autorise le pharmacien à substituer le produit prescrit Les industriels voient d’un très mauvais œil , l’arrivée des génériques indépendants : ils crient à l’assassinat de la poule aux œufs d’or, “ si vous nous retirez notre bénéfice il n’y aura plus d’innovation…. ” M. LEMOINE, directeur général du SNIP dit à propos des associations, qui militent pour rendre le prix des médicaments contre le sida, accessibles : “Je ne vois pas pourquoi on exigerait de l’industrie pharmaceutique des efforts spécifiques . personne ne demande à Renault de donner des voitures à ceux qui n’en ont pas ” sauf que ne pas avoir de voiture ça n’a jamais tuer personne… Non contents d’imposer leurs prix sur les marchés qui feront monter leurs cours en bourse , les industriels combattent toute initiative prise en dehors d’eux : Actuellement, les pays comme l’Inde, le Brésil, la Chine, ont développé leur activité autour du générique et subissent d’énormes pressions de la part de la triade USA-europe du Nord-Japon.(chef de file , la firme américaine Pfizer). L’Inde par exemple où seulement 1/3 de la population a accès aux médicaments, devrait renoncer dans le cadre de l’ OMC au contrôle des prix et à la production de génériques. Ce qu’il fait avoir à l’esprit, c’est 1994, la création de l’OMC : jusqu’alors, chaque nation pouvait définir sa politique de santé et produire des génériques sans attendre que le brevet soit tomber dans le domaine public, Après 1994, elle est soumise aux accords de l’ Adpic (aspect des droits de propriété intellectuelle relatifs au commerce) c.a.d. que le propriétaire de l’invention garde un pouvoir de veto pendant 20 ans. Des chercheurs américains ont dénoncé dans une lettre ouverte : “ l’utilisation des brevets limite l’accès aux soins, réduit leur qualité et en augmente le coût de manière déraisonnable ” ; on tend vers une sorte de G8 du médicament décidant du niveau de recherches comme du lancement de tel ou tel produit. la voie médicale s’est progressivement éteinte dans les instances financières.( Aux USA ,entre 1989 et 2002, les élus qui ont votés des lois conformes aux intérêts pharmaceutiques avaient reçu de la part de celles-ci des contributions 3 fois supérieures à celles qui s’étaient positionnées contre) Le droit des brevets ne peut pas être placé au-dessus des besoins élémentaires de l’humanité /pourtant 5 L ’histoire de l’invention de la plupart des médicaments dits utiles, s’achève par la prise d’un brevet qui de toute façon appartiendra à la firme ayant financé la dernière étape du processus de développement : tous les inventeurs sont dépossédés de leur capital intellectuel. Il faut des normes mais la question est de savoir qui doit les imposer et ce qu’elles permettent ou interdisent : Quand au cours de l’année 2000, 39 firmes pharmaceutiques attaquent le gouvernement de la république sud-africaine, l’opinion publique s’indigne et le sujet fait irruption à l’OMC en 2001 pour conclure les accords de Doha en Novembre 2001 ; ceci dit la logique du système est un cercle sans issue ; entre les mains du secteur privé, la recherche dépend du marché potentiel du médicament et non du besoin de santé. Actuellement le niveau élevé des exigences dictées par Bigpharma, élimine du terrain de l’innovation, les concurrents les plus modestes, ainsi tel risque , lié à un médicament essentiel, réputé trop élevé dans un pays développé ,semblera tout à fait acceptable dans un pays pauvre : Exemple : un vaccin trouvé en 1998 pouvait empêcher 2000 décès par gastro entérite infantile /jour , dont 90% en Afrique, or il y a eu quelques cas de rejet aux USA , le vaccin a été retiré du marché. en effet, quand une entreprise pharmaceutique demande la délivrance d’une A.M.M (autorisation de mise sur le marché) elle est la seule à pouvoir fournir les éléments d’évaluation du produit qu’elle veut commercialiser. Or, l’économie réalisée par l’état sur ces études non faites, est dérisoire par rapport aux dépenses de remboursement par l’assurance maladie sur des médicaments pas nécessairement efficaces. Un des docteurs de MSF (prix Nobel de la paix en 99) a lancé l’idée de créer un impôt sur les ventes mondiales de l’industrie pharmaceutique pour financer une institution publique qui prenne en charge la recherche. “ .Sans les brevets dit le PDG de Novartis, les profits ne sont pas possibles.. ” la réalité c’est qu’actuellement aucune compagnie pharmaceutique au nom du secret commercial ne veut ouvrir ses livres de compte. (cf Pretoria). Le financement sans fin des médicaments prescrits a contribué à transformer le système de protection sociale en une protection exceptionnelle du marché entraînant ainsi une inflation incontrôlable des profits de l’industrie pharmaceutique. 6 Lors des élections d’avril 2002, un collectif s’est formé pour la première fois de façon ouverte : “ la santé en action ”où tout le secteur privé était réuni : le but : libéraliser le système de santé. (médecins, pharmaciens, chirurgiens, dentistes, plus de 26 fédérations françaises de professionnels). , Traditionnellement conservateurs, les médecins doivent comprendre que la privatisation qui guette une grosse part de l’assurance maladie constitue une menace contre leur statut libéral. Aux Etats-Unis , par exemple, les HMO (organisations de la santé) tiennent la dragée haute aux médecins, auxquels elles imposent des contrats draconiens , les contrôles auxquels sont soumis ces derniers , sont instaurés par des sociétés d’assurance dans un cadre bureaucratique la capacité de l’industrie pharmaceutique à innover est remise fortement en question depuis 2 ans : la confiance des investisseurs n’y est plus , comment cela fonctionne-t-il ? C’est autour de produits dont on ne sait pas encore s’ils seront un jour de vrais médicaments , les “ Blockbusters ” (plus de un milliard d’euros de CA) qu’on peut spéculer et attirer les capitaux puis provoquer une cotation en bourse . Comment contourner l’incompatibilité entre intérêts financiers et objectifs de santé publique : via un discours qui utilise la notoriété de nombreux scientifiques de renom et qui fait miroiter des lendemains qui chantent. De plus la culture d’entreprise néo-libérale s’ accommode mal de la pluralité des voix et des hypothèses, elle a besoin pour réussir d’une convergence financière, industrielle, scientifique et technique , où est l’intérêt du progrès médical dans tout cela ? Actuellement, la pensée dominante et portée par les financiers , c’est celle de la biologie moléculaire, C.a.d., la connaissance précise du génome humain et du génome des agents infectieux, des sommes colossales sont investies et pourtant, les découvertes patinent. CONCLUSION La puissance publique fait face à un lobby puissamment organisé, jouant sans hésiter du chantage à l’emploi et à l’arrivée de nouveautés thérapeutiques. Les labos assurent les carrières des scientifiques, achètent la complicité et la bienveillance des médias, 7 Le médecin est très vite abandonné dans un travail solitaire, pas de suivi dans sa formation, le patient n’a aucun moyen de se forger une opinion informée. L’industrie pharmaceutique fait régner sur l’ensemble des protagonistes concernés par la santé, une véritable police de la pensée et gangrène petit à petit le contrat social lié à la santé publique. Amartya Sen, économiste prix Nobel, dit “ Il est révélateur du monde fou dans lequel nous vivons que le médecin, l’infirmière, ou le maître d’école se sentent davantage menacés par le conservatisme financier que le sont un général ou un commandant de l’armée de l’air ” Et d’ajouter , “ le prix à payer pour l’inaction et l’apathie, ce peut être la maladie ou la mort. ”