industriel permettant des économies d’échelle. Cette mue est présentée par ceux qui veulent
en tirer profit comme incontournable en raison de l’accréditation dont doivent désormais se
prévaloir les laborantins et qui ne serait accessible qu’avec le support de capitaux tiers.
Cette stratégie d’accréditation couplée au benchmarking est caractéristique de l’approche
technocratique du développement de tous les secteurs de l’économie au niveau européen, qui
favorise des évolutions poussant des pans entiers de l’économie à des modernisations à
marches forcées, avec leur lot d’économies d’échelle, de licenciements, de dépossession des
travailleurs de leur outil de travail. On ne pourrait en trouver meilleur exemple que la stratégie
de ces investisseurs qui, sous prétexte de réduire les coûts pour notre système de santé et
d’assurer une meilleure qualité de service pour les usagers, sont en réalité vent debout contre
toute norme législative ou réglementaire qui viendrait entraver le mouvement de
concentration capitalistique dont ils tirent d’alléchants profits. Or cette activité spéculative se
fait au détriment de l’indépendance déontologique des biologistes, pourtant constitutive de
cette profession médicale.
Coté laborantins, du fait de l’existence même de cette bulle spéculative, les biologistes seniors
encore propriétaires de leurs laboratoires concentrent un capital survalorisé qui place les
jeunes biologistes dans une position intenable de subordination et de soumission aux
pressions financières des actionnaires majoritaires. Dans ces conditions, reprendre la direction
d’un laboratoire devient quasiment impossible, et en ouvrir un, impensable.
Une telle situation n’est pas sans incidence sur les biologistes, qui non contents de voir leur
indépendance professionnelle assujettie aux intérêts économiques et financiers, ressentent
comme une humiliation le traitement qui leur est réservé par le législateur alors même que
leur rôle dans la médecine moderne et la recherche médicale est reconnu par tous !
Le résultat de cette évolution ubuesque est sans appel : des laboratoires indépendants et de
proximité disparaissent tous les jours, notamment dans les territoires ruraux, au profit d’une
concentration de l’activité sur des plateaux techniques éloignés des bassins de population,
mettant à mal un maillage territorial pourtant exemplaire et qui donne toute satisfaction non
seulement aux usagers mais également en termes de qualité du service médical rendu. La
concentration que subit le secteur accentue donc le phénomène d’inégalité d’accès aux soins.
Non seulement la situation des laboratoires de biologie médicale et des professionnels qui y
exercent est désormais préoccupante dans le public et catastrophique dans le privé, mais
surtout cette situation engage la santé publique et la sécurité sanitaire des patients, dont la
prise en charge pâtit de la logique de profit immédiat qui préside aux stratégies des
investisseurs en pleine prédation du secteur. Le jugement de la Cour de justice européenne du
16 décembre 2010 ne dit pas autre chose en soulignant que l’indépendance professionnelle
des biologistes médicaux est assujettie aux intérêts économiques, et ce au détriment de la
santé des Français, les jeunes biologistes ne pouvant plus, dans les faits, créer de nouveaux
laboratoires ni s’associer pour préserver leur indépendance, seule garante de l’éthique
médicale.
Dans un tel contexte, un nouveau cadre législatif est indispensable. Celui-ci devrait garantir la
pérennité de la profession, son indépendance et son recentrage sur le soin et non plus sur la
valorisation des capitaux. La possession de leur outil de travail par les laborantins doit leur
être assurée, le libre choix quant aux investissements nécessaires au strict respect des
impératifs de sécurité sanitaire et de santé publique doit leur revenir et ne pas être laissés à
l’appréciation intéressée des investisseurs et des spéculateurs de tout poil qui ne voient dans la
santé qu’un terrain propice à la rentabilité financière à court terme.
Le sort que vous réserverez aux amendements que nous avons déposés visant à ramener cette
réforme de la biologie médicale sur les véritables enjeux de santé conditionnera le vote des