Philippe Brunner, Nicolas Amoretti, Felipe Soares, Eliott Brunner, Maxime Challali, Jean-Michel Cucchi, Olivier Brocq, Mathieu Liberatore, Michel-Yves Mourou, Serge Houllier Hôpital Princesse Grace Monaco Hôpital l’Archet CHU Nice Centre d’Imagerie Médicale Ajaccio Journées Françaises de Radiologie 18-22 octobre 2013 Paris Les pathologies facettaires Les douleurs lombaires sont très souvent multifactorielles Les facettes articulaires constituent une des structures rachidiennes pouvant être responsables de ces douleurs Les patients souffrant d’une douleur liée à ces facettes peuvent avoir une imagerie tout à fait normale (radio, scanner, IRM, scintigraphie) Et inversement, des anomalies de signal (hyper T2, prise de contraste) démontrent des anomalies intra- ou péri-articulaires chez des patients qui sont ou qui ne sont pas symptomatiques L’imagerie ne propose donc que des arguments de réponses ; un examen clinique est nécessaire pour orienter vers une pathologie facettaire : douleurs à l’hypersollicitation de ces facettes (hyperextension, latéro-flexion du tronc), palper/rouler douloureux en regard… Les pathologies facettaires Aux USA des interventions sur les facettes + 308 % entre 2000 et 2011 (+13,6 %/an) dont - thermocoagulations cervicales + 836 % - thermocoagulations lombaires + 662 % - infiltrations articulaires postérieures cervicales +359 % - infiltrations articulaires postérieures lombaires +228 % Manchikanti Pain Physician 2013 Les traitements mini-invasifs des pathologies facettaires connaissent un engouement lié à leur efficacité Infiltrations facettaires Le traitement percutané le plus souvent proposé en première intention dans ces pathologies est l’infiltration de la ou des facettes articulaires c’est-à-dire directement l’origine de ces douleurs Il s’agit d’une procédure « pivot » de la radiologie interventionnelle rachidienne. En effet d’autres types d’infiltrations rachidiennes peuvent avoir comme voies d’approche la facette articulaire Cf poster JFR 2013 Les infiltrations rachidiennes par voie transfacettaire : Pourquoi choisir cette approche ? Cette infiltration peut se dérouler sous guidage scopique ou mieux encore sous guidage scanner Une injection de dérivé cortisoné à résorption lente va avoir deux actions : - L’effet anti-inflammatoire du principe actif - Un effet mécanique, c’est-à-dire la distension de la capsule articulaire par le volume du principe actif Blocs de branche médiale En deuxième intention il est souvent proposé un bloc de branche médiale, la cible n’étant plus l’origine des douleurs (la facette) mais le rameau nerveux , le rameau médial de la branche dorsale, responsable de l’innervation de cette facette Un peu d’anatomie… ce rameau médial ? A la sortie du foramen, chaque racine nerveuse se divise en deux branches de taille inégale : La branche antérieure, volumineuse, qui prend le nom générique de nerf rachidien La branche postérieure de petit calibre (1 à 2 mm). Elle se dirige en arrière et se divise très vite en un rameau médial et un rameau latéral - Le rameau latéral va innerver le volumineux muscle erector spinae et un petit territoire cutané - Le rameau médial passe dans la gouttière transverso-articulaire, il donne des rameaux pour la facette supérieure, pour la facette du même niveau et se continue vers le sommet de l'apophyse épineuse puis innerve le muscle multifidus plus petit, de situation parasagittale (entre le muscle erector spinae et les lames) Ce rameau assure donc l’innervation sensitive de deux facettes articulaires Rq : Le rameau dorsal de L5 n’a pas de branche médiale, donc il faut traiter la branche postérieure qui chemine sur la portion parasagittale de la partie supérieure de l’aile iliaque Bloc de branche médiale Il est tout à fait envisageable et efficace de « bloquer » cette branche médiale en se mettant directement à son contact au niveau de son passage dans la gouttière transverso-articulaire Une injection de dérivés cortisonés associé à une anesthésique longue durée (0,5 cc Naropeine* 2mg/ml) assure ce blocage Toujours vérifier de rester à distance du foramen (contraste) Effet thérapeutique et intérêt diagnostique Thermocoagulation facettaire Quand les techniques d’infiltrations facettaires ou les blocs de branche médiale sont efficaces mais d’une durée trop limitée dans le temps, il est licite de proposer une solution plus radicale : la thermocoagulation facettaire (ou rhizolyse) Ce traitement consiste à dénerver les facettes c’est-à-dire à « détruire » la branche médiale du rameau dorsal du nerf rachidien innervant cette articulation Comment se déroule une thermocoagulation facettaire ? Différents agents de destruction locale peuvent être utilisables : - l’alcool absolu - le laser Diodes - la radiofréquence Ces trois types d’interventions réalisées dans une structure ambulatoire se déroulent sous anesthésie locale avec une très légère sédation Il est essentiel que le patient puisse répondre aux questions et ressentir les éventuelles douleurs liées à la stimulation motrice Le patient regagne son domicile 1 heure après avec une simple prescription d’antalgiques pendant 24 heures Thermocoagulation facettaire Agent thérapeutique : l’Alcool absolu (Ethanol 96%) Il s’agit en fait non d’une destruction thermique mais d’une destruction chimique La position des aiguilles est cette fois ci un tout petit peu plus inférieure, au contact de la partie postérieure de l’apophyse transverse afin d’être un peu plus à distance du foramen (sécurité oblige) 1 cc de contraste non ionique est injecté, les coupes scanner vérifie sa bonne diffusion puis 2 cc d’Alcool absolu mélangés à 1cc de contraste sont alors injectés Extrême prudence en raison d’un risque de contact avec un nerf rachidien ou avec l’espace épidural ; donc contrôle en quasi temps réel (fluoro-scanner) Très bonnes indications actuelles : en complément à une deuxième thermocoagulation par Radiofréquence (après régénérescence des nerfs). La raison est la diffusion plus large de l’alcool au contact des filets nerveux qui ont repoussé de façon souvent anarchique Joo J Anesth 2013 Thermocoagulation facettaire Agent thérapeutique : le Laser Diodes (805 nm) Le principe est d’obtenir une destruction de contact aussi une faible puissance est suffisante et nécessaire afin d’éviter de « toucher » les structures molles de voisinage (nerf rachidien, muscles érecteurs) Le protocole utilisé est de 2 Watts en tirs continus pendant 2 mn puis l’aiguille et la fibre laser sont repositionnées 5 mm plus bas par rapport à la gouttière transverso- articulaire pour une deuxième application Thermocoagulation facettaire Agent thérapeutique : la Radiofréquence ‘’La technique de référence‘’ La thermocoagulation par radiofréquence apporte un contrôle optimal (stimulation motrice préalable, zone de destruction contrôlée) Les électrodes de radiofréquence sont successivement positionnées (différents étages) au contact de l’origine des branches postéro-médiales dans la gouttière transverso-articulaire Des tests de stimulation motrice sont pratiqués afin de vérifier la bonne position des électrodes L’extrémité active de l’électrode est de 5mm, elle assure une destruction tissulaire volumique à 80° pendant 90 sec Trois applications sont réalisées, en bougeant légèrement l’extrémité de l’aiguille à chaque fois Etage cervical Cette technique s’applique aussi à l’étage cervical Prévalence de la cervicalgie chronique : 15% Pathologies facettaires chez 36-67% de ces patients Falco Pain Physician 2012 Bonnes indications d‘infiltrations facettaires, de blocs de branches médiales et de thermocoagulation facettaire Résultats similaires : efficacité 67-95 % (7,3-8,6 mois) Renouvelable si nécessaire avec une même efficacité renouvelée Schmuck PM R 2012 Etage dorsal Cette technique s’applique également à l’étage dorsal Prévalence des dorsalgies : 13 % chez l’homme, 27 % chez la femme Même schéma thérapeutique : infiltration, +/- bloc de branche médiale puis thermocoagulation facettaire Résultats comparables Articulation sacro-iliaque Les principes thérapeutiques sont les mêmes : - 1ier temps : Infiltration sacro-iliaque - 2ième temps : Dénervation sacro-iliaque : traitement des branches postérieures L5, S1, S2, S3 par plusieurs applications de radiofréquence Indications : sacroiliites, arthrose Images Baylis medical Indication émergente Des douleurs facettaires après tassement vertébral, sont souvent observées avec des modifications de signal des facettes des vertèbres fracturées Lehman AJNR Am J Neuroradiol 2013 Elles constituent d’excellentes indications de thermocoagulation facettaire réalisée dans un deuxième temps (à partir de J7) Traiter les branches médiales des deux étages au-dessus : ex : fracture L1, traiter les rameaux dorsaux de T11 et T12 Indication émergente De même les douleurs facettaires post-vertébroplastie Ces douleurs sont souvent masquées par celles de la fracture vertébrale avant son traitement Elles apparaissent au premier plan après la vertébroplastie Intérêt bloc de branche +++ si douleurs pseudoradiculaires tronquées post-vertébroplastie Traiter les branches médiales des deux étages audessus de la fracture Autres indications… Douleurs de néoarticulation transverso-sacrée : traiter les rameaux médians de L4 et L5 Douleurs de lyse isthmique : - -- - lyse L5 : traiter les rameaux médians de L3 et L4 - lyse S1 : traiter les rameaux médians de L4 et L5 Douleurs facettaires après chirurgie discale : thermocoagulation : efficacité 56,8 % Klessinger Pain Med 2013 Névralgies d’Arnold : les nerfs Grands Occipitaux majeurs et mineurs sont traités Résultats Il est essentiel de bien sélectionner les patients ; l’origine de leurs douleurs devant être essentiellement facettaire ; en effet les causes des douleurs rachidiennes sont très souvent multifactorielles L’efficacité des thermocoagulations facettaires est de 70 à 75% à un an La « régénération » nerveuse est possible en 9 à 12 mois ; une nouvelle procédure est alors envisageable si nécessaire avec des résultats similaires pour une période identique Les complications sont exceptionnelles (hématomes, infections…) ; quelques douleurs de désafférentation peuvent être observées Il est néanmoins parfois retrouvé, dans les imageries en coupes de contrôle, des amyotrophies et/ou des involutions graisseuses des muscles para-spinaux, d’autant plus marquées si plusieurs étages ont été traités Ahmed Spine J 2012 Tips & Tricks Quelques considérations techniques importantes : Ne pas se tromper de niveau une arthropathie L4-L5 : il faut uniquement traiter les branches médiales de L3 et L4 (cas de figure le plus fréquent) une arthropathie L3-L4 : uniquement traiter les branches médiales de L2 et L3 (2ième cas de figure le plus fréquent) une arthropathie L5-S1 : uniquement traiter les branches médiales de L4 et L5 (3ième cas de figure le plus fréquent) Au niveau cervical ne traiter que l’étage où siège l’arthropathie Tips & Tricks Toujours réaliser au-moins 2 voire 3 applications de Radiofréquence par niveau et par coté (2 ou 3 fois 90 sec à 80°C), en modifiant à chaque application la position de l’extrémité de l’aiguille de 3 à 5 mm afin de couvrir une plus large zone où peut cheminer la branche médiale (non visible au scanner) Toujours infiltration (un quart ampoule Altim*) avant le retrait de l’aiguille au niveau de chaque zone traitée Le traitement des pathologies facettaires se fait en deux étapes - l’infiltration articulaire postérieure et/ou bloc de la branche médiale - puis éventuellement la thermocoagulation facettaire Ces techniques sont efficaces à court terme pour l’infiltration, à court et moyen terme pour la thermocoagulation Elles sont assez simples à mettre en œuvre ; elles peuvent être utilisées aux différents étages cervicaux, dorsaux, lombaires et sacrés avec une efficacité comparable Leur sécurité et efficacité est optimale sous guidage scanner avec dose d’irradiation comparable avec une minute de scopie