
effrayée face à cette situation...
Il a le faciès erythrosique, l’haleine oenolique, les conjonctives injectées. Comment aborder le patient ?
J’espère qu’il n’est pas agressif... J'espère qu'il est compliant ….Il n’est pas encore déshabillé...Mais
comment vais-je le déshabiller, moi, toute seule ?? Je suis un peu désemparée face au tableau.
De toute façon, je n'ai pas le choix, je me lance…
« Bonjour Mr L., qu’est ce qui vous amène ? »…Ma question est assez maladroite je l'avoue, car je savais
d'avance que la réponse ne serait pas fructueuse. En effet, Mr L. me « baragouine » des paroles
incompréhensibles et incohérentes, ce qui ne m'avance guère dans mon anamnèse. Je me résous à me
passer d'interrogatoire pour le moment !
Je me lance donc dans l’examen clinique, espérant plus de succès. Je tente d'inviter le patient à se
déshabiller, mais sans effet. Je finis par m'y atteler prudemment. Heureusement Mr L. se laisse faire
tranquillement.
Dans ce contexte d'ivresse aigue avec traumatisme crânio- facial, les enjeux principaux de mon examen
clinique sont d'éliminer un traumatisme crânien grave avec une potentielle hémorragie intra - cérébrale,
notamment l'hématome sous dural très fréquent chez le sujet éthylique, mais aussi d'explorer sa plaie du
scalp proche des structures nobles de l'oeil droit, et enfin de rechercher d'autres traumatismes associés.
Je réalise également un tétanos quick test afin de connaître son statut vaccinal contre le tétanos. Je
procède à l'examen neurologique complet et minutieux de Mr. L. Cet examen s’avère normal, sans déficit
sensitivo- moteur ni signe de localisation neurologique, ni argument pour une éventuelle crise convulsive
aigue. Je suis donc rassurée par la normalité de mon examen neurologique, mais surtout par le
comportement plutôt compliant du patient. J'ai pu mener mon examen clinique à bien sans heurts ni
frayeurs .Quant à la plaie de l'arcade sourcilière droite, elle est superficielle et ne nécessite que quelques
points de suture.
Je décide donc de suturer dans un premier temps puis je réaliserai un scanner cérébral sans injection
dans un second temps afin d'éliminer une hémorragie intra- cérébrale malgré la normalité de mon examen
neurologique, les hématomes sous- duraux sont souvent cliniquement insidieux.
Cependant, je m'inquiète de ce geste technique...Mes derniers points de suture réalisés remontent à mon
stage d'externe en chirurgie il y a 3 ans ! Par peur du ridicule, je n’ose demander à mon sénior de me
réexpliquer la technique... Et ce, d'autant plus que mes externes de DCEM2 défilent devant moi dans tout
le S.A.U. en suturant à la chaîne avec une grande aisance…Les urgences débordent de monde, je ne
vais pas déranger mon senior…Je décide de me lancer seule, en me disant que la technique et le doigté
vont vite me revenir en tête... Et si jamais j’avais un problème, je n'hésiterais pas à demander de l'aide.
L'infirmière m’indique où se trouve le matériel de suture. Je me retrouve face à une grande armoire pleine
de tout le matériel nécessaire. Que dois- je prendre ? Quel type de fil de suture choisir ? Comment ne rien
oublier ? Ces questions, qui pourraient paraître anodines pour la majorité des autres internes me
semblent tellement complexes et sans réponse !
Je décide de procéder par ordre afin de me munir du matériel nécessaire et surtout de ne rien oublier !
1ére étape : antisepsie de la peau, je me munis donc de sérum physiologique, de bétadine
dermique, de compresses stériles
2e étape : installation du champ stérile, je me munis donc de deux paires de gants stériles et d'un
champ perforé stérile
3e étape : anesthésier puis suturer, je me munis donc d'un flacon de xylocaine, d'une seringue de
10cc, d'une aiguille intramusculaire et d'un plateau de suture comprenant un porte- aiguille, une paire de
ciseaux, une pince a griffes ainsi que du fil non résorbable fin type ethilon 5.0 adapté aux sutures du
visage
4e étape : pansement, je me munis donc de strips et de pansements
Je retourne auprès de Mr. L dans le box 6 qui dort à présent. La suture sera peut- être plus simple dans
ces conditions...Je m'installe confortablement afin de mettre toutes les chances de mon côté pour la
réussite de cette suture... Je m'assois à hauteur de la plaie de Mr. L aidée d'un spot lumineux pour bien
exposer la plaie.
Je réalise tout d'abord l'antisepsie cutanée à l'aide d'une compresse stérile imbibée de sérum
physiologique puis de bétadine dermique. Puis je laisse sur la plaie une compresse imbibée de bétadine
afin de protéger la plaie de manière stérile pendant que j'installerai mon champ chirurgical. J'explique à
Mr. L tout ce que je vais faire afin d'éviter toute opposition et tout mouvement brusque de sa part
susceptibles de me déstabiliser. J'enfile les gants stériles puis je dispose le champ perforé stérile en