Qualité, Evaluation, Accréditation : les concepts Martine GUESNIER1, Dr Alexandra FOURCADE2, Dr Philippe RAVAUD3, Patrick GUEZ4 Technologie SANTE, n°32, décembre 1997 Le contexte La loi hospitalière du 31 Juillet 1991 fait obligation aux établissements de santé de garantir la qualité des soins au travers notamment de la mise en place d'une « politique d'évaluation des pratiques professionnelles, de l'organisation des soins et de toute action concourant à la prise en charge globale du patient ». Qualité et Réglementation L'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée marque un pas supplémentaire pour le développement des méthodes d'amélioration de la qualité à l'hôpital car au-delà des principes, elle introduit la notion que. - "la qualité de la prise en charge des patients est un objectif essentiel pour tout établissement - de santé" article L 71~1-1 la qualité des soins passe par la réponse aux attentes du patient les hôpitaux sont tenus de procéder régulièrement à l'évaluation de la satisfaction des patients. Enfin la politique de qualité s'appuie au premier chef sur les médecins, la commission médical« d'établissement reçoit mission de préparer « avec le directeur, des orientations et les mesures relatives à la politique d'amélioration continue de la qualité » (art L 71~16) LA QUALITÉ La définition et ses Conséquences Alors que la qualité constitue depuis de nombreuses années un enjeu majeur pour le développement des industries puis des sociétés de services, ses perspectives de développement dans le secteur de la santé ne sont apparues que plus récemment. Une des définitions les plus connues de la "Qualité" est donnée par l'International Organization for Standardisation (ISO) chargée de la standardisation du vocabulaire et des méthodes relatives à la qualité: "l'aptitude d'un produit ou d'un service à satisfaire les besoins explicites ou implicites des utilisateurs". Cette définition donne de la qualité une vision prospective dans la mesure où elle est présentée comme un résultat à atteindre en fonction des besoins d'un client qui doivent être préalablement parfaitement compris et décrits. Il apparaît clairement que le terme qualité n'est pas utilisé pour exprimer un degré d'excellence, en pratique c'est un compromis, un équilibre à trouver entre les attentes des clients, les coûts, les 1 Directeur d'hôpital, chef de service, Evaluation Qualité (SEQ) Chef de projet, Qualité (SEQ) 3 Chef de projet, Évaluation (SEQ) 4 Chargé de Mission (SEQ) 2 délais, la satisfaction des personnels, l'environnement, les choix stratégiques et les performances de l'hôpital. Il existe au niveau international des normes qualité ISO 9001-2 ou 3 décrivant les exigences permettant d'obtenir l'assurance de la qualité Bien que les normes ISO 9001-2 ou 3 soient inapplicables dans un hôpital dans sa globalité, les définitions de certains termes généraux (qualité, Indicateurs, Audit), ainsi que certains concepts doivent être repris. Là encore il faut plutôt s'inspirer de l'esprit de ces normes plus que de leurs contenus formels. En outre, la qualité représente pour les organisations un changement profond et ne peut se limiter à l'introduction d'outils ou de méthodes. C'est une transformation progressive des schémas culturels, des modes de fonctionnement et d'organisation. La qualité ne peut donc pas se dissocier de la stratégie et de la politique de l'hôpital. Elle doit intégrer les contraintes réglementaires, il ne s'agit pas de se centrer exclusivement sur les besoins des clients. Un arbitrage est nécessaire entre les possibilités de réponse aux besoins en terme de moyens. Les enjeux pour l'hôpital Des enjeux importants sous tendent la mise en place d'une démarche qualité dans les hôpitaux: - La pérennité de l'hôpital peut passer par une meilleure maîtrise de la qualité des produits et - des services; Face à un environnement concurrentiel de plus en plus exacerbé, la qualité apparaît pour beaucoup d'hôpitaux l'un des facteurs clefs de la stratégie; Le niveau d'exigence des patients (clients) a tendance à s'accroître, et ceci dans tous les domaines la qualité apparaît encore comme une nécessité pour pouvoir répondre à ce niveau d'exigence accru; La qualité permet également de répondre à la plus grande complexité des services fournis et de leurs processus de production; La qualité vise à mieux utiliser les ressources humaines de l'organisation en répondant aux besoins et aux aspirations des hommes qui la composent, en favorisant notamment la participation et la responsabilisation. La mise en place La mise en place de ces démarches à l'hôpital repose sur le priincipe que la qualité des prestations de soins et de services dépend des moyens techniques, humains et organisationnels mis en oeuvre par l'établissement pour: - Obtenir la confiance des patients sur des bases incontestables; - Améliorer de façon continue la qualité des prestations de soins et des services; - Gérer les risques et la non-qualité associée pouvant survenir aux différentes étapes de la prise en charge du patient; Les méthodes A ces trois objectifs correspondent des méthodes différentes: - l'assurance de la qualité répond à la première exigence de ces démarches qui est la notion de - confiance, par la mise en conformité avec un référentiel existant en matière d'assurance de la qualité, et par la rédaction et la gestion de documents permettant de prévoir des actions clés et de pouvoir en donner la preuve le cas échéant en cas de contestation ou de plainte. La confiance doit exister à tous les niveaux en interne, le personnel est convaincu, comme en externe le patient est confiant. l'amélioration continue de la qualité est une méthode qui repose sur deux principes : le cycle PDCA (ou roue de Deming) et l'analyse des processus de l'hôpital en activités. Le PDCA est une manière d'agir, applicable à tous niveaux: une action, un projet, un service. Il tient en quatre verbes d'action: - Prévoir ( Plan) ce qu'on va faire Faire (Do) ce qu'on a prévu Vérifier (Check) ce que l'on a réellement fait. Corriger (Act) les éventuels écarts A P C D - L'analyse des processus de l'hôpital est une méthode qui repose sur le découpage de - l'activité hospitalière en une série de processus qu'il convient d'analyser dans leur fonctionnement afin d'en améliorer la qualité. Il n'existe pas de référentiel a priori et l'amélioration est basée sur une méthode participative pour laquelle chaque acteur du processus étudié contribue à définir les actions d'amélioration. la gestion des risques qui est une méthode spécifique orientée sur le repérage, la prévision et la prévention d'un certain nombre de risques à l'hôpital. Elle constitue à part entière un des volets d'une politique d'amélioration de la qualité dans un établissement de santé. La gestion des risques ne sera pas traitée dans cet article. Il est bien évident que les trois méthodes doivent être intégrées les unes aux autres et utilisées de manière cohérente voir simultanées. L'assurance de la qualité Les principes fondamentaux de l'assurance de la qualité sont de prévoir par écrit ce qui doit être fait (qui fait quoi, avec qui, comment), faire ce qui est prévu, vérifier que l'on a fait ce qui est prévu afin de donner confiance. Les référentiels d'assurance de la qualité sont schématiquement de deux types: - Les référentiels non spécifiques : ce sont les référentiels de la série norme ISO 9000 (9001, 9002 et 9003) qui vont définir les principales exigences que doit comporter le système qualité de l'entreprise, quel que soit son secteur d'activité; - les référentiels spécifiques comme celui des laboratoires, (le Guide de Bonne Exécution des Analyses Médicales) qui définit des exigences de qualité de fonctionnement par rapport à un métier donné; Dans les deux cas, des audits visent à mesurer les écarts existants entre ce qui est fait et ce qui a été prévu. L'audit dit de certification est conduit par un organisme certificateur, l'AFAQ, (Association Française pour l'Assurance de la Qualité) suivant le référentiel ISO 9001-2 ou 3. Dans le cadre des laboratoires, l'audit de conformité (1nspection} est réalisé par les médecins inspecteurs de la DRASS. L'amélioration continue de la qualité La réalisation complète d'un processus de soins nécessite une succession d'étapes et l'intervention de multiples acteurs qui peuvent être à l'origine de dysfonctionnements ou de risques pour le patient. Cette analyse doit être couplée avec l'utilisation du cycle PDCA. La méthode d'amélioration continue de la qualité est basée sur les quatre étapes suivantes: - une analyse méthodique du processus concerné et de son déroulement, - une identification des principaux dysfonctionnements et de leur origine, - la définition des actions d'amélioration, qui constituent le référentiel qualité, - l'évaluation par la conception d'indicateurs et d'un dispositif reposant sur la réalisation d'audits qualité qui permettent de suivre et de maintenir le niveau de qualité souhaité. La démarche d'amélioration continue de la qualité repose sur.: - Des personnes concernées - Des objectifs (même si d'autres objectifs pourront être fixés ultérieurement) - Une méthodologie qui assure qu'on ne régresse pas (la maîtrise et l'assurance de la qualité). Des délais (plus les délais sont courts pour atteindre des objectifs donnés, plus la pente est raide). L'utilisation du cycle PDCA doit permettre de rendre plus lisible la mise en place de la démarche d'amélioration de la qualité. Chaque cercle représente un cycle PDCA Chaque action élémentaire peut être représentée par une portion du cycle. L'amélioration continue de la qualité peut être représentée par une spirale, chaque cycle donnant naissance et se prolongeant dans le cycle suivant. Situation Finale Situation initiale L'ÉVALUATION DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES L'évaluation de la qualité des soins a été définie par l'Organisation Mondiale de la Santé comme « une démarche qui doit permettre de garantir à chaque patient, l'assortiment d'actes diagnostiques et thérapeutiques qui assurera le meilleur résultat en terme de santé, conformément à l'état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogènique et pour sa plus grande satisfaction en terme de procédures, de résultats et de contacts humains à l'intérieur du système de soins ». L’ordonnance sur la réforme de l'hospitalisation publique et privée précise que l'évaluation des soins doit s'appuyer sur la mise en oeuvre d'un programme de recommandations de bonnes pratiques cliniques. Les recommandations de bonne pratique clinique ou RPC, sont « des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le malade dans leur décision concernant le caractère approprié des soins dans des circonstances cliniques données ». De nombreuses recommandations ou référentiels sont actuellement développés de par le monde par des nombreuses sociétés scientifiques ou par des agences d'évaluation telles l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé, (ANAES). Objectifs L'objectif principal des recommandations de pratique clinique (RPC) est donc la synthèse d'informations. Ces recommandations doivent être basées sur la totalité des informations disponibles et documentées selon une méthodologie explicite. Elles aident le clinicien à choisir les interventions sur la santé qui sont appropriées, celles qui ne le sont pas et les larges zones d'incertitudes des connaissances qui persistent sur certains points dans la littérature. Ces recommandations ne remplacent pas le jugement clinique et c'est au médecin qu'incombe de juger si une RPC donnée s'applique ou non à son patient. Elles représentent bien sûr l'état de la science à un moment donné et doivent être constamment remises à jour selon l'évolution des connaissances. Méthode: Les travaux d'évaluation ont pour but de comparer les pratiques réelles aux pratiques "idéales" ou optimales telles qu'elles sont définies par les RPC. Mais l'évaluation ne saurait se résumer à ce rôle d'observation et de mise en évidence des dysfonctionnements. Elle doit également permettre d'améliorer la qualité des soins en mettant en oeuvre lorsque des pratiques sont inappropriées des actions correctives visant à modifier les comportements des différents acteurs impliqués et à améliorer les pratiques professionnelles. La démarche de base se décompose en 6 étapes: - Choix du thème à évaluer en fonction de sa fréquence, de sa gravité ou de son impact économique, social ou psychologique. - Etablissement des critères de qualité d'après la littérature ou l'avis des experts; - Description de la pratique et des différences observées entre la pratique et la référence; - Explication des différences observées - Mesures propres à ramener les écarts observés dans des limites acceptables - Vérification de l'impact des mesures prises et de son caractère durable L'ACCRÉDITATION L'article L 710-5 précise: "Afin d'assurer l'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, tous les établissements de santé publics et privés doivent faire l'objet d'une procédure externe d'accréditation", et ce dans un délai de cinq ans à compter de la date de publication de l'ordonnance. L’accréditation est une procédure d'évaluation externe à un établissement de soins, effectuée par des professionnels, indépendante de l'établissement ou de ses organismes de tutelle évaluant l'ensemble de son fonctionnement et de ses pratiques; elle vise à assurer la sécurité et la qualité des soins donnés au malade et à promouvoir une politique de développement continu de la qualité au sein de l'établissement. L'organisme accréditeur établit avec tous les acteurs du système de santé des normes et des référentiels, conçus pour apprécier les procédures et les résultats en terme de gain de santé et de satisfaction des patients. Elle repose sur l'utilisation d'indicateurs, de critères et de référentiels qui portent sur les procédures, les bonnes pratiques et les résultats Cette procédure est conduite par l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES). L'accréditation n'est pas une procédure à résultat binaire. Elle conduit à la délivrance d'une note qui permet à l'établissement de se situer par rapport aux autres et surtout par rapport à lui-même dans le temps. Chaque établissement devra s'être engagé dans un délai de 5 ans à compter de la publication de l'ordonnance. L’accréditation : ses objectifs L'accréditation vise quatre objectifs majeurs qui sont: - Mise en valeur de la qualité des soins par la mesure des résultats et par l'évaluation des processus. - Appréciation de la capacité de l'établissement à prodiguer des soins de qualité. - Incitation à l'amélioration de la qualité des soins par une reconnaissance externe. - Volonté par l'auto évaluation, par la visite accréditive, par les recommandations et le suivi de favoriser l'amélioration de la qualité. L’accréditation: ses champs Tous les établissements de santé sont concernés, ainsi que les réseaux et filières de soins. L'accréditation portera sur les bonnes pratiques cliniques, les références médicales et professionnelles, l'organisation interne des établissements et des services. Les thèmes qui sont développés dans le manuel seront : les droits du patient, l'hygiène, la sécurité au sein de l'établissement ; et d'autres domaines du manuel, comme par exemple la gestion des ressources humaines, la sécurité transfusionnelle, l'organisation des soins, la gestion des risques et l'accueil des patients. Ces domaines ont servi de base à la réflexion engagée ensuite au sein des groupes de travail, pour l'écriture des standards et critères du futur manuel d'accréditation. L’accréditation: la procédure - Elle est engagée à l'initiative du directeur de l'établissement après consultation de l'ensemble des équipes hospitalières. - Une équipe de visiteurs se rendra sur place et procédera à l'analyse de l'établissement. - Cette équipe rédigera un rapport qui contiendra les résultats de l'auto évaluation et les - réponses de l'établissement; Le collège d'accréditation validera le rapport pré-cité, déterminera des recommandations, fixera les modalités de suivi des recommandations et arrêtera le délai dans le quel l'établissement devra engager une nouvelle procédure. Le rapport du collège sera transmis au directeur de l'établissement ainsi qu'au directeur de l'Agence Régionale de l'Hospitalisation compétente. A partir de ce rapport, un compte rendu de l'accréditation sera rédigé par l'ANAES et pourra être consulté sur demande par le public et les professionnels de santé intéressés. CONCLUSION Les différentes démarches d'accréditation ont toutes un point commun, le niveau des standards augmente avec le temps. Il est légitime de supposer qu'il en sera de même en France. Le niveau global des standards de l'ANAES, dans le cadre de ses visites d'accréditation devrait aller en s'accroissant, aussi il apparaît nécessaire d'initier et de développer une démarche d'amélioration continue de la qualité, reposant sur des structures hospitalières permanentes. C'est pourquoi, il parait nécessaire dès à présent que les hôpitaux mettent en place une structure leur permettant d'engager et d'accompagner une démarche d'amélioration continue de la qualité au bénéfice des usagers et des professionnels. Enfin, la procédure d'accréditation doit être perçue comme un moyen d'amélioration de la qualité globale à l'hôpital.