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(ceci  est  clairement  une hypothèse)  qu’il  ne  peut  pas  laisser  s’en  aller  les représentations-but du 
traitement – en d’autres termes, se dit Freud, j’espère qu’il ne va pas oublier, qu’elle ne va pas oublier 
que  tout  çà  est  un  traitement.  Précaution  subtile  concernant  l’avenir  du  transfert…  Je  reprends 
maintenant la citation : « et je considère que je dois trouver un rapport entre les choses en apparence 
les plus innocentes et les plus fortuites qu’il pourra me dire de son état. Il y a une autre représentation-
but que le patient ne soupçonne pas », poursuit Freud, et je vous l’a dit en allemand : «. ist die meiner 
Person. » A cet endroit, les traducteurs s’arrachent  un  peu les  cheveux : en français, c’est  toujours 
soft, : « c’est la personne de son médecin ». Freud n’a pas dit cela, il a dit très littéralement, avec un 
allemand très simple : « c’est celle de ma personne », « one relating to myself » traduit plus justement 
Strachey en anglais. Mais entre myself et my self, il y a  de la distance. Freud n’est  pas en train  de 
parler de lui-même, il est en train de parler de sa personne. Il est en train de dire que justement, il est 
là à deux titres : Il est celui qui met en œuvre la cure, celui à qui  le patient aussi s’adresse, qui va 
interpréter, qui va dire des choses, et puis il y a cette meiner Person, sa personne qui va venir jouer 
son rôle. En cette phrase, Freud signale qu’il ne se prend pas entièrement pour cette meiner Person, 
qu’il est tout de même aussi. Vous voyez à partir de là se mettre en scène toute la difficulté vis-à-vis du 
tiers dans l’affaire analytique. Le fait qu’il n’y ait pas de troisième personne au sens banal du terme, ne 
veut pas dire pour autant qu’il n’y en a que deux. La « two body psychology », comme le disait Balint et 
d’autres, n’est pas exactement ce qui est en jeu dans la psychanalyse. J’aime à penser plutôt que l’on 
est deux… et des poussières : parce qu’on n’est ni trois, ni deux non plus. 
La position du tiers semble bien être ainsi une donnée de départ dans l’affaire analytique. Elle 
est assez complexe à apprécier parce qu’il n’est pas sans être là, ce tiers, et en même temps, sans 
même se concerter, les analystes de toutes les Écoles, les analystes freudiens, se débrouillent pour 
qu’il n’y ait pas de tiers trop incarné. C’est là une des différences importantes à mes yeux avec ce qu’il 
en est de la thérapeutique. L’analyse n’est pas sans être une thérapeutique, mais elle ne peut pas s’y 
réduire.  C’est  une  des  chausse-trappes  habituelles  des  discussions  à  propos  des  rapports  entre 
l’analyse et le pouvoir d’État. Très régulièrement, arrive un moment, c’est déjà le cas dans le texte de 
Freud de la « Laïenanalyse » où le représentant de l’État, qui est un brave bougre, qui ne cherche pas 
de complication, finit par dire : à la fin des fins, est-ce que c’est une thérapeutique ou non ? Et Freud 
de  répondre :  c’est  plus  compliqué,  ç’en  est,  bien  sûr,  mais  çà n’en  est  pas,  ça  ne  peut  pas  s’y 
réduire… Or je vous ferai remarquer que sur la question du tiers justement, une thérapeutique, qu’elle 
soit couronnée de succès ou pas, est une chose où il y a un tiers même quand çà se fait à deux : il y a 
au moins un objectif en commun, et ça suffit à constituer un tiers particulièrement solide. Quand nous 
allons  voir  un  médecin,  on  ne  passe  pas  nécessairement  un  « contrat »  thérapeutique,  mais  on 
imagine qu’il a un objectif : votre santé, et vous, vous avez le même – on est bien d’accord là dessus. 
Si vous êtes allé voir un analyste, de quelque bord qu’il soit, j’aime  à croire qu’il vous a dit : « oui… 
oui… », mais qu’il ne vous a pas dit à tel ou tel moment : « Écoutez, on va faire une analyse au terme 
de laquelle tel et tel symptôme sera amené à disparaître » – et ce n’est pas simple prudence technique