Ce qui a permis à la France de mieux s’en sortir que d’autres, c’est ce que vous-mêmes avez
appelé l’« amortisseur social », c’est-à-dire notre système de protection sociale, de protection
des salariés et nos services publics.
Les déficits publics abyssaux que vous avez contribué à creuser ont de leur côté réduit à la
portion congrue les marges de manœuvre de l’État. Ils nous empêchent de faire face à une
nouvelle crise, alors que les risques de rechute sont réels.
Tandis que notre économie est largement soutenue par la consommation des ménages, la
montée du chômage va plomber un peu plus l’évolution des salaires et fragiliser les salariés
qui conservent leur emploi en les poussant à épargner, quand ils le peuvent, plutôt qu’à
consommer et à investir.
La situation est d’autant plus périlleuse que la spéculation financière a repris comme par le
passé. Les dirigeants des banques que vous avez aidés avec l’argent des contribuables
engrangent à nouveau des profits colossaux qui, loin d’être réinvestis dans l’économie réelle,
favorisent la formation d’une nouvelle bulle financière qui commence à enfler.
Nous aurions pu attendre d’un gouvernement responsable qu’il prenne la mesure des enjeux et
s’attache prioritairement à stimuler la création d’emplois et les investissements productifs
dans la recherche et la formation. Au lieu de quoi vous nous proposez un projet de loi de
finances rectificative sans ambition, un catalogue de mesures d’affichage qui ne permettront
ni de redresser nos finances publiques ni de relancer l’économie en l’asseyant sur des
fondements sains.
Revenons en effet sur les deux mesures emblématiques de votre projet de loi de finances
rectificative : le traitement fiscal des activités illicites et les mesures visant les paradis
fiscaux ; enfin, on en parle !
Sur le premier point, nous ne pouvons bien entendu qu’être d’accord : l’imposition des
contribuables qui se livrent à un trafic illicite de biens liés à certains crimes et délits va
évidemment dans le bon sens. Néanmoins pourquoi ne pas avoir étendu le champ de ces
contrôles et sanctions aux produits d’activités délictueuses placés à l’étranger, aux
détournement de fonds, comme ceux pratiqués par certains dirigeants de pays en voie de
développement, connus de tous ?
Faut-il rappeler que les détournements de fonds et les transferts illicites d’argent public, y
compris l’aide publique au développement, entre des comptes nationaux et des comptes
personnels est considéré, depuis 1991, par le conseil économique et social des Nations unies
comme une violation des droits de l’homme ? Il est donc largement temps que la France se
penche sérieusement sur ce problème.
Il en va de même des délits de corruption et de trafic d’influence. Où en est aujourd’hui la
lutte contre ces derniers ? Nous ne pouvons prétendre nous attaquer efficacement au
traitement fiscal des activités illicites sans étudier ces questions.
Quant aux paradis fiscaux, nous restons, là aussi, sur notre faim. Les enjeux sont
considérables. Les pertes de recettes fiscales engendrés par l’évasion et la dissimulation
fiscale étaient estimées officiellement en 2007 entre 30 et 40 milliards d’euros, soit le tiers du
montant du déficit de l’État ! Vos mesures permettront-elles de récupérer cet argent ? Non !
Cela résulte d’abord de la faiblesse de la définition du paradis fiscal que vous avez retenue.
Contrairement à ce qu’a laissé entendre le chef de l’État il y a quelques mois, les paradis
fiscaux n’ont pas disparu comme par enchantement au lendemain des G20 de Londres et de
Pittsburgh. La « liste grise » établie par l’OCDE au printemps est très contestable et
contestée : elle passe délibérément sous silence des paradis fiscaux notoires, comme –