I. ARRIERE-PLAN HISTORIQUE
I.1. Représentations diagrammatiques et représentations linguistiques
On oppose souvent deux types de représentations, les représentations diagrammatiques,
analogiques ou iconiques et les représentations linguistiques ou logiques, dans lesquelles la
forme des symboles est arbitraire – ce qui confère à ces systèmes, par opposition aux premiers,
une plus grande universalité. Font partie du premier type : les figures en mathématique ou les
schémas en physique, les icônes des interfaces homme/machine, les panneaux routiers, ou
encore, certains symboles de notation musicale, etc. ; et il y a une grande variété de
représentations iconiques différentes, allant des cartes géographiques aux schémas de
composants électroniques, en passant par les cadrans horaires.
Mais la distinction entre les deux types de représentation sur la base de la forme des
symboles n’est pas claire. Les systèmes iconiques utilisent des représentations dont la forme
importe, mais également des symboles conventionnels et arbitraires, et toutes les relations
spatiales présentes sur une figure n’ont pas nécessairement de signification (ni « la même »
signification). Relativement au calcul, les systèmes logiques et linguistiques incorporent eux
aussi une dimension géométrique, puisqu’ils manipulent des suites linéaires de symboles, où
l’ordre et la place relative des termes sont essentiels
. Une partie des symboles utilisés, comme
les flèches ou les parenthèses, y ont d’ailleurs un caractère iconique indéniable. Il y a donc
différents degrés d’iconicité.
Comme le souligne Barbara Tversky (dans Tversky, 2003), bien avant le langage écrit,
une multitude de marques picturales de toutes sortes ont existé : peintures rupestres, entailles sur
des os, empreintes sur de l’argile, sur du bois. Ces éléments picturaux devaient être utilisés pour
communiquer, garder trace d’événements dans le temps, enregistrer la propriété ou des
transactions, situer des lieux, enregistrer des chansons ou des paroles, et dans beaucoup
d’endroits du monde, l’utilisation de dessins pour communiquer s’est développée en de complets
langages écrits.
Mais si les dessins utilisés avaient originairement une relation de ressemblance avec les
objets qu’ils représentaient, tous ces langages ont dû trouver les moyens de représenter des
choses abstraites, comme les noms propres, la quantification, la causalité, la négation, etc. Au fur
et à mesure que les pictogrammes ont évolué en langages écrits, ils sont devenus plus
schématiques et ont perdu peu à peu leur caractère iconique. Une telle métamorphose eut de
formidables avantages : réduire le nombre de marques à apprendre, permettre de représenter des
concepts abstraits (difficiles à schématiser par un dessin), et finalement permettre de représenter
la parole elle-même. Les caractères sumériens par exemple, se transformèrent et utilisèrent les
marques initiales pour schématiser des sons plutôt que les objets eux-mêmes.
Selon Tversky, avec l’avènement de l’alphabet, et plus tard de l’imprimerie, la
transmission textuelle devint prépondérante dans la communication, et les figures plus
décoratives que communicatives. Aujourd’hui, en partie à cause du développement des
technologies pour créer, reproduire et transmettre des images, les dessins, figures et autres
moyens de visualisations sont à nouveau en vedette. Mais l’augmentation des représentations
picturales dans la communication est aussi due à la découverte, relativement récente, que ces
Dans les logiques intuitionnistes comme la logique linéaire, les règles sont
bidimensionnelles et ont des propriétés géométriques (une preuve est identifiable à un réseau).
Cependant, ces propriétés sont des « métapropriétés » indépendantes des propriétés du monde
représenté, mais elles peuvent être utilisées pour guider ou fonder des démonstrations.