L`Ordre qualifiera les « vrais » généralistes

A quelques jours d'une réunion avec le ministère de la Santé pour définir les critères de la
qualification en médecine générale selon une procédure individuelle, le Pr Jacques Roland,
président du Conseil national approuve l'analyse du rapport Lancry :ne peuvent être qualifiés
spécialistes en médecine générale que les omnipraticiens exerçant vraiment cette discipline.
Propos recueillis par Catherine Sanfourche
L'Ordre qualifiera les « vrais » généralistes
Le Généraliste : Après l'envoi aux conseils départementaux d'une circulaire concernant
la qualification en médecine générale, les demandes affluent-elles ?
Pr Jacques Roland : Oui, il y a des demandes dans certains départements. Le processus
n'étant pas encore totalement organisé, ces demandes restent ponctuelles, mais elles existent.
Globalement, que pensez-vous de l'analyse faite par Pierre-Jean Lancry dans son
rapport?
J.R. Il a travaillé avec beaucoup de soin et son analyse est bonne. Bien évidemment, moi, je
m'arrête aux limites du domaine conventionnel qui n'est pas le mien. Pour l'Ordre, l'important
est de reconnaître l'homogénéité du corps des médecins généralistes, de ceux qui font
réellement de la médecine générale. C'est là que nous pouvons jouer un rôle utile dans le
processus.
Le suivez-vous dans sa proposition de n'octroyer la qualification qu'aux omnipraticiens
qui font vraiment et exclusivement de la médecine générale ?
J.R. Absolument. Cela fait partie de nos recommandations aux conseils départementaux.
Beaucoup de personnes qui ont été qualifiées médecins généralistes, n'exercent, en fait, pas du
tout ce métier ; c'est le cas de nombreux spécialistes. Il ne faut pas profiter de la période pour
faire n'importe quoi et reconnaître comme spécialistes de médecine générale des personnes
qui ne l'exercent pas.
Ne va-t-on pas devoir qualifier les omnipraticiens qui n'exercent pas ou peu la
médecine générale, les MEP, et dans quelle catégorie va-t-on les classer ?
J.R. Vous avez raison de soulever cette question. C'est précisément le devoir de clarté que
nous avons par rapport à ce sujet. Si l'on croit à la médecine générale en tant que spécialité,
dans la spécificité de son exercice, de sa formation, et dont on titularise les enseignants, c'est
le moment d'éclaircir le statut des exercices particuliers et tout ce qui peut se faire à côté de la
médecine générale et qui, jusqu'à présent, rentrait sous la qualification « médecine générale »
au sens large. Ainsi, moi-même, je suis qualifié en médecine générale alors que je suis neuro-
radiologue ! Nous avons un devoir de réflexion, de clarification, et c'est bien pour tout le
monde ! Il s'agit, en effet, de voir ce que font les gens exactement, pas dans l'idée de leur
nuire, mais au contraire d'éclaircir et de leur faciliter l'exercice, ne serait-ce qu'au regard de la
responsabilité professionnelle.
Cela ne risque-t-il pas de créer des divisions au sein de la médecine générale,
contrairement au souhait d'unité de l'Ordre ?
J.R. Pas du tout ! Si vous appelez médecin généraliste un praticien qui ne fait pas de
médecine générale, mais qui en a la qualification ancienne, c'est la confusion totale ! Or, nous
sommes pour la clarté. Il n'y a aucun désir de nuire aux homéopathes ou aux angéiologues,
par exemple, mais il faudra à chaque fois trouver le cadre adéquat qui corresponde à quelque
chose de clair, pour le public aussi d'ailleurs. Quel intérêt pour le patient de savoir que le
praticien qui lui pique les veines est un pseudo-généraliste ?
La clarification sera parfois difficile à faire : certains omnipraticiens tout en exerçant
vraiment la médecine générale, pratiquent aussi l'homéopathie, l'angéiologie ou
l'acupuncture, etc.
J.R. Oui, mais leur pratique essentielle reste la médecine générale. Un cardiologue qui
s'occupe surtout de personnes âgées n'en devient pas pour autant gériatre ! Il faut avoir tout de
même une certaine souplesse.
Cette reconnaissance de la qualification en médecine générale ne peut donc se faire qu'
individuellement. Combien de temps cela va-t-il prendre ?
J.R. Cela dépend qui le fait. Nous, nous avons deux échelons. Le premier, le plus spécifique,
est celui des commissions de qualification en médecine générale que nous avons créées,
prévoyant ainsi un peu les choses. Mais ces commissions naturellement ne peuvent pas avoir
une action massive. Elles examinent le contenu de chaque dossier, c'est un travail minutieux
et une lourde responsabilité. Le deuxième échelon celui sur lequel nous insistons et que
j'espère de tout coeur voir retenu ce sont les conseils départementaux de l'Ordre, auxquels
les médecins pourront s'adresser et qui auront à dire si le Dr Untel pratique réellement ou non
la médecine générale. C'est l'échelon le plus près du terrain et le plus apte à s'occuper de cela ;
ce n'est pas une commission de six membres installée à Paris qui va savoir quel métier fait
exactement tel médecin.
Le critère d'ancienneté dans l'exercice de la médecine générale proposé par Pierre-Jean
Lancry pour la qualification vous semble-t-il pertinent ?
J.R. Absolument. D'ailleurs, c'est une notion européenne. Prenons le cas où nous devons
reconnaître un médecin lituanien, qui est anesthésiste, et qui veut s'installer en France comme
tel. En examinant son dossier, l'Ordre s'aperçoit que le diplôme d'anesthésiste s'obtient dans
son pays en un an, et qu'il ne peut donc l'accepter. Pourtant, la directive européenne nous
amène à dire que nous considérons effectivement comme anesthésiste ce médecin lituanien,
parce qu'il a exercé pendant au moins trois ans, de façon officielle, son métier d'anesthésiste
chez lui. Imaginez l'absurdité qu'il y aurait à reconnaître ce médecin lituanien comme
anesthésiste, et à ne pas reconnaître, chez nous, comme spécialiste en médecine générale un
médecin qui en serait à quinze ou vingt ans d'exercice Nous sommes obligés d'accepter
cette logique européenne.
Cités par le rapport Lancry, les critères retenus par la commission de qualification du
Cnom concernent quatre domaines précis. Doit-on les réunir tous ou seulement un ou
deux pour obtenir la qualification ?
J.R. Ces critères (Ndlr : formation, activité professionnelle, travaux personnels et services
rendus à la discipline) ne s'appliqueront pas à la qualification en médecine générale : ce serait
stupide de revoir les diplômes de quelqu'un qui les a obtenus chez nous. Cette commission de
qualification examine les dossiers de médecins qui souhaitent changer de métier, de praticiens
étrangers qui demandent la reconnaissance de leur exercice en France. Les conseils
départementaux de l'Ordre vont, eux, s'appuyer sur la pratique des médecins reconnus en
France.
Ce processus de qualification n'ouvre-t-il pas des perspectives d'évolution de carrière
pour les généralistes ?
J.R. Si bien sûr. Moi, je ne mets jamais en avant le C = CS. Ce n'est pas mon rôle, d'autres
résoudront cela. Mais, d'une part, le corps de ceux qui exercent le vrai métier de généraliste
doit être homogène, c'est une question de dignité. D'autre part, ils doivent avoir comme les
autres des possibilités d'évolution de carrière, qui peuvent passer par des Desc de type 1 ou de
type 2. Je suis de ceux qui ont oeuvré pour la création d'une filière universitaire en médecine
générale, et je suis heureux de voir qu'on redonne de l'homogénéité à notre corps médical
grâce à cela.
Quelle est votre opinion quant au bien-fondé d'une lettre-clé CG ?
J.R. Quel est le bien-fondé de celle d'un psychiatre ? Le bien-fondé du C des cardiologues ? Si
cela vous paraît scandaleux, alors un CG pour les médecins généralistes l'est aussi !
Personnellement, je veux que les généralistes aient les mêmes droits et les mêmes devoirs que
les autres praticiens. Partant, si le monde des spécialistes est fait d'une mosaïque qui répond à
des besoins d'adaptation, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas une lettre-clé spécifique à la
médecine générale. Peut-être serait-ce l'intérêt des généralistes ? Peut-être revendiqueront-ils
un jour, au regard de leur travail de synthèse auprès des patients, de ne pas avoir le CS ! Il
appartient aux syndicats médicaux d'en débattre. Mais je pense surtout qu'il est urgent de
fléchir et de ne pas rester sur des principes qui relèguent les gens dans des impasses.
Le rapport Lancry ne remet donc pas en cause la démarche entamée par l'Ordre un
peu précocement selon certains pour la qualification en médecine générale ?
J.R. Pas du tout. je précise que, par sa démarche, l'Ordre ne cherche ni la provocation, ni la
publicité. Je cherche à ce que nous soyons vraiment les accompagnateurs de ce grand
mouvement de la médecine. Je crois que nous faisons oeuvre utile actuellement pour bien
installer la médecine générale. Je crois fondamentalement au rôle du médecin généraliste. Il
faut le mettre en place, c'est tout.
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