La décolonisation française

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La décolonisation française :1945-1962
ombres et lumiéres
Introduction
La Seconde Guerre mondiale, qui n'a pas épargné le monde colonial, y a quelque
peu étouffé les revendications des mouvements nationalistes. Elle ne les a pas,
loin de là, fait disparaître. Dès les lendemains du conflit, dans l'empire français
comme ailleurs, se manifestent de nouvelles remises en cause de la domination
de la métropole. Le jour même de l'armistice du 8 mai 1945, des nationalistes
algériens déclenchent des troubles dans la région de Constantine. Les réponses
données par la France à ces mouvements d'émancipation demeurent longtemps
répressives. La France va connaître l'engrenage des guerres coloniales. Mais au
temps de l'intransigeance succédera le temps du dialogue, quand les déboires des
affrontements militaires imposeront les nécessités de la négociation.
I - Le temps de l'intransigeance (1944-1954)
1. La France et les revendications nationalistes après la guerre
Dans l'empire, l'image de la France sort ternie de la guerre mondiale. Elle a perdu
une part de son prestige, noyée dans la défaite de 1940 et la politique de
collaboration avec l'Allemagne. Certaines de ses possessions ont été ballottées
durant le conflit : les Japonais ont occupé l'Indochine, les Américains ont
débarqué en Afrique du Nord tandis que l'AEF s'est ralliée au général de Gaulle
contre le pouvoir de Vichy.
Pourtant, la Libération y a fait naître des espoirs. Les hommes de la Résistance,
qui sont au pouvoir, ont proposé dans le programme du CNR “ l'extension des
droits des populations indigènes et coloniales ”, ce que le général de Gaulle a
confirmé dans son discours de Brazzaville en janvier 1944. La Constitution de la
Ve République, adoptée en 1946, si elle reconnaît l'égalité des droits, maintient
cependant la prépondérance de la métropole sur les diverses parties de son
empire. En fait, l'idée de l'indépendance reste étrangère aux représentations du
moment. La plus grande partie du monde politique et intellectuel (à l'exception
notable des communistes), l'essentiel de l'opinion publique, l'école, les groupes
de pression favorables aux colons également, continuent de défendre une vision
idéalisée de l'œuvre civilisatrice de la France dans le monde colonial.
Les revendications d'indépendance sont cependant de plus en plus fortes. Une
élite indigène, formée dans les universités françaises ou dans la hiérarchie
militaire et les FFL, structure le discours nationaliste en s'appuyant sur les
principes démocratiques (la charte de l'ONU rappelle, en 1945, le droit à
l'autodétermination des peuples), ou sur une analyse marxiste de la domination
coloniale (Hô Chi Minh en Indochine).
2. Les réponses de la France aux revendications natiionalistes
Les premiers actes venant en réponse à l'agitation nationaliste demeurent
identiques à ceux d'avant la guerre : refus du dialogue et recours à la répression.
Les soulèvements algériens à Sétif et dans le Constantinois en 1945 sont matés
avec brutalité. À Madagascar, le recours à la force fait environ 100 000 morts.
Mais c'est en Indochine que l'intransigeance s'affirme avec la plus grande netteté.
En 1946, Hô Chi Minh avait accepté l'intégration de l'Indochine dans la “
Communauté ”, prévue par la Constitution, moyennant la reconnaissance d'une
république démocratique du Viêt-nam. La position dominante de la France n'en
demeurait pas moins intacte. La poussée nationaliste croissante, fortement
soutenue par le mouvement populaire, l'activisme du Viêt-minh (Ligue pour
l'indépendance du Viêt-nam), l'intransigeance des colons et de l'administration
française, entraînent la région dans un conflit de plus en plus violent et qui se
trouve marqué par le climat de guerre froide où Américains et États communistes
soutiennent chacun leur camp. Malgré l'envoi constant de renforts métropolitains,
le désastre français de Diên Biên Phû, en mai 1954, confirme l'impasse militaire.
Pierre Mendès France, investi pour ce faire, négocie la paix à Genève en juillet
1954. L'Indochine devient indépendante, partagée désormais entre le Laos, le
Cambodge et le Viêt-nam, lui même coupé en deux le long du 17e parallèle.
La défaite militaire, couronnement d'une décolonisation manquée, a jeté la
consternation dans le monde politique, l'opinion et l'armée. Elle ouvre la voie
également à un changement d'attitude à l'égard des revendications nationalistes.
II - Le temps des négociations (1954-1962)
1. Des conditions nouvelles
Le mouvement pour l'émancipation des colonies a grandi et s'est structuré. Il a
trouvé des alliés, avec l'URSS bien sûr, adversaire de toujours de l'impérialisme,
mais aussi avec les États-Unis qui récusent le fait colonial. La conférence de
Bandoung, en avril 1955, a convaincu nombre de Français que la relation avec les
peuples du tiers monde pouvait se construire sur des bases nouvelles. Les
adversaires du colonialisme sont de plus en plus nombreux et soutiennent
désormais ouvertement les revendications nationalistes. Enfin la France, devenue
actrice d'une construction européenne riche de perspectives (CECA puis CEE), et
qui amplifie son ancrage continental, se détourne quelque peu de l'outre-mer.
2. Une décolonisation acceptée
Dans les protectorats d'Afrique du Nord, la tentation de la répression a répondu
dans un premier temps aux revendications indépendantistes du Néo-Destour
tunisien et de l'Istiqlal marocain. C'est Pierre Mendès France qui, en juillet 1954,
négocie les conditions de la marche à l'indépendance, devenue effective deux ans
plus tard.
En Afrique noire, les positions françaises ont, là aussi, évolué. La loi-cadre
Defferre, votée à l'instigation du gouvernement de Front républicain en 1956, et
négociée avec les leaders indépendantistes (Houphouët-Boigny ; Léopold Sedar
Senghor), conduit par étapes l'Afrique noire et Madagascar vers l'émancipation.
Un passage par une éphémère “ Communauté française ” conçue en 1958
n'entrave pas cette marche qui trouve son aboutissement en 1960.
3. L'Algérie : à nouveau le blocage ?
Dans l'Algérie départementalisée, les revendications nationalistes rencontrent des
conditions particulières. La présence d'une communauté d'un million de piedsnoirs, à côté des neuf millions de musulmans, pose un problème spécifique. Les
réformes promises de la vie politique n'ont pas tranché l'inégalité de traitement
entre les deux communautés ni empêché les trucages électoraux systématiques.
En novembre 1954, l'insurrection algérienne débute. Le pays entre dans un cycle
attentats-répression de plus en plus brutal. Il n'y a pas place pour une négociation
entre le gouvernement français et le FLN qui, d'ailleurs, refuse d'emblée autre
chose que l'indépendance. La position officielle étant que “ l'Algérie, c'est la
France ”, une guerre qui ne dit jamais son nom impose l'envoi des appelés pour
grossir une armée qui groupera jusqu'à 400 000 hommes. L'enlisement dans le
conflit, malgré des succès ponctuels comme ceux de la “ bataille d'Alger ” en
1957, le traumatisme que constitue l'envoi du contingent en Algérie, la
mobilisation grandissante des intellectuels et des forces anticolonialistes en
métropole, la pression internationale, précipiteront l'effondrement de la IV e
République. Sa fin est scellée à Alger, en mai 1958, avec un coup de force de
l'armée.
De Gaulle arrive au pouvoir avec le soutien des partisans de l'Algérie française.
Le nouveau président de la République reconnaît cependant, dès 1959, le droit de
l'Algérie à l'autodétermination. Les négociations s'ouvrent dès lors avec le FLN.
Cependant, le chemin sera long et semé d'embûches (putsch à Alger en 1961 ;
action de l'OAS) avant que soient signés le 18 mars 1962 les accords d'Évian qui,
entérinés massivement par référendum, reconnaissent l'indépendance de l'Algérie.
Conclusion
En l'espace de moins de dix ans, la France a perdu l'essentiel de ce qui constituait
son empire, et sur lequel elle avait pensé perpétuer son rôle de grande puissance.
Le pays, sorti du traumatisme de la guerre sans avoir trop pensé son avenir,
n'était pas préparé aux secousses des revendications nationalistes. C'est dans un
large consensus des forces politiques et de l'opinion que s'est imposée
l'intransigeance des premières réponses. L'échec de la lutte armée en Indochine a
modifié la perception des choses et une plus grande attention au droit des peuples
à s'émanciper a engagé la France sur les voies d'une décolonisation négociée. Le
long et douloureux conflit algérien a montré cependant combien les résistances
pouvaient demeurer fortes. Le temps n'est pas loin cependant (Phnom Penh en
1966) où la France, libérée de l'hypothèque coloniale, pourra par la bouche du
général de Gaulle réaffirmer solennellement à la face du monde sa ferme
adhésion au principe qui permet de “ laisser les peuples disposer à leur façon de
leur propre destin ”.
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