d'intelligence du présent, plutôt que de sonder les origines de la démocratie dans l'absolu, il
importe de scruter son éclosion, les conditions et les modalités d'une naissance souvent
répétée et toujours singulière.
Le Moyen Âge occidental est d'ordinaire considéré comme une sorte de trou noir de la
démocratie. Certes, on ne manquera pas de citer telle ou telle assemblée nordique des
hommes libres, le régime communal lié à la renaissance urbaine ou le début du
parlementarisme anglais avec la Grande Charte, concédée par Jean sans Terre aux barons en
1215. Mais, dans la sphère civile, ces tentatives limitées ne pèsent guère face à la suprématie
du principe dynastique : partiellement entravé dans l'Empire germanique par le pouvoir
électif des grands seigneurs, il s'affirme sans ambages dans les monarchies et, par le biais de
la féodalisation, s'insinue jusqu'aux plus infimes détenteurs d'une parcelle de la puissance
publique. Le problème se posait tout autrement dans la sphère religieuse. Sans doute les
atermoiements sur le célibat des prêtres laissèrent-ils se constituer de modestes lignages
cléricaux, sans doute le népotisme joua-t-il fréquemment un rôle dans la promotion des
évêques, des abbés ou des papes, mais, d'une manière générale, la chasteté à laquelle
l'appareil ecclésial avait choisi de se soumettre rendait par principe impossible une
transmission des charges par le simple jeu de la filiation biologique.
Il fallut donc inventer. L'exemple venait de l'Église primitive. Pour remplacer Judas au sein
du collège des apôtres, deux candidats avaient été présentés : Joseph, appelé Barsabbas, et
Matthias. « En priant, ils dirent : « Toi, Seigneur, qui connais les cœurs de tous, montre
lequel tu as élu de ces deux-là pour assumer ce ministère et cet apostolat dont Judas s'est
détourné pour aller en son lieu. « Ils tirèrent au sort ; et le sort tomba sur Matthias, qui fit
nombre avec les onze apôtres. » (Actes I, 24-26)
Sous le terme d'« élection », on peut donc entendre diverses pratiques et non notre seul
scrutin. Dans la tradition biblique, aussi bien hébraïque que chrétienne, l'élection est
fondamentalement un choix de Dieu : le « peuple élu », les « peu d'élus » qui se détacheront
des « beaucoup d'appelés ». Dans l'Église médiévale, ce sens ne se perd jamais : la décision,
d'où qu'elle vienne, doit refléter la volonté divine. L'élection n'est toutefois qu'une étape
dans la procédure de nomination. Elle doit être confirmée par une consécration et
déboucher sur une investiture. La désignation aux charges subalternes était souvent laissée à