La qualité du Vrai et du Bon dans une journée

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Série : Le quotidien.
Conférence : 2 - LA QUALITE du VRAI et du BON dans une journée.
Je pense vous exposer aujourd'hui un problème qui prolonge la dernière conférence, celui
de savoir découvrir la qualité du vrai et du bon dans chacune de nos journées.
Il est tellement urgent de ramener les catholiques à dématérialiser leurs comportements
quotidiens, matérialisation dont ils n'ont d'ailleurs aucune conscience, pour leur faire saisir
que la valeur d'un homme est à portée de son regard : si nous arrivions tout à avoir dans
une journée le sens de la QUALITE : qualité de la vérité, qualité du don, nous aurions
rejoint l'aspect positif de Dieu créateur, nous aurions rejoint le réel. N'allez pas croire que
le réel c'est ce que vous voyez; ce que vous voyez, c'est l'intérêt dans le réel et c'est
d'ailleurs pour cela que le réel vous fait tant de mal; le réel en lui-même, c'est l'empreinte
du geste de Dieu, or le geste de Dieu est toujours vrai, le geste de Dieu est toujours bon,
par conséquent, le geste de Dieu est toujours qualité, aussi bien pour une souris que pour
un éléphant, et si vous arriviez à réintroduire dans vos vies personnelles la grande
caractéristique de l'appréciation du réel qui est une trilogie merveilleuse : admirer – aimer
– offrir, comme tout serait positif dans vos journées... Quelle que soit la nature de
l'élément que Dieu mettrait devant vos regards le matin, le soir, l'après-midi, pour solliciter
de vous ou bien l'admiration, ou bien l'amour, ou bien l'offertoire, vous seriez toujours en
accord avec Dieu et permettez-moi de vous dire que rien que cela ferait de votre journée
un apostolat infiniment plus fécond que tous les congrès. Nous sommes toujours en attente
d'un geste spectaculaire pour sauver le monde. Alors que nous oublions que nous sommes,
nous, NOUS, chacun pour notre compte, en-dehors de tout spectaculaire, source de
qualités. Cette trilogie positive qui émane de l'esprit, de l'âme et de la conscience,
maintient l'homme en état d'expression valable sur tout, avec tout le monde, et au milieu
de tout le monde.
Quand nous aurons refait des hommes qui, dans un bureau, dans un magasin, dans un
chemin de fer, dans une école, donneront cette sensation indéfinissable de prestige, on ne
sait pas d'où cela vient, cela vient de sa vérité, d'une grandeur morale; on ne sait pas d'où
cela vient, cela vient de sa bonté, mais nous aurons fait toute une société qui aura dominé
le problème du réel en l'obligeant à produire beaucoup plus que l'intérêt : à reproduire le
visage de Dieu. Tout est là : retrouver Dieu, tout le temps, partout, en tout. Le laïcisme l'a
chassé, les catholiques ont dit "Amen". Dieu est parti; Il attend que vous lui fassiez signe,
pas en suppliant de faire du merveilleux, de grâce – laissez-nous nous reposer avec le
merveilleux -, mais en faisant la chose la plus merveilleuse qui soit : en utilisant la nature
de votre tempérament, pour le surnaturel de son expression.
La découverte du réel, je vais vous en donner un exemple très simple. Vous voilà en face
d'un clochard; premier exemple : répugnance; puis voilà la vision réfléchie du clochard :
deuxième réflexe : la méfiance, on tâte son porte-monnaie... Voilà la troisième vision,
vision de conscience : pauvre type... c'est un déchu; un peu de pitié; et voilà la quatrième
vision, vision de qualité : une restauration à tenter, une espèce de surélévation à essayer
d'éveiller «En vérité, je vous le dis, ce que vous ferez à l'un de ces petits, c'est à Moi que
vous le ferez». Etes-vous capable de me voir à travers ce clochard ?
Vision numéro un : c'est le réflexe d'une sensibilité égocentrique; répugnance. Numéro
deux : réflexe d'un jugement individualiste : la méfiance. Numéro trois : réflexe d'un esprit
ému par le sens moral, et numéro quatre : réflexe d'un baptisé : «Ce que vous ferez à l'un
de ces petits, c'est à Moi que vous le ferez». Si bien que, dans votre journée, vous pouvez
rencontrer Jésus-Christ sans le savoir, si vous savez le reconnaître en le sachant.
Je parle d'un clochard, je peux parler de tout ce qui mérite d'être regardé. Le réel est connu
quand il n'y a rien à ajouter, rien à enlever à notre vision, même si Dieu prenait notre place
en le regardant. Vous vous demandez quelquefois : qu'est-ce que la Foi ? La Foi, la voilà :
la manière de penser qui n'appartient pas à la pensée du monde, et qui va vous introduire
dans une manière de vous comporter qui n'appartient pas au comportement du monde. Or
précisément, cette connaissance complète du réel aboutit toujours à la part de Dieu dans ce
qui est connu. Dieu, dans vos journées, vous L'attendez toujours sur un prie-Dieu, vous ne
savez pas Le reconnaître dans la marche des heures. Eh ! oui, il y a des heures qui sonnent
le glas, il y en a d'autres qui sonnent des carillons, il y en a qui sont graves, il y en a qui
sont gaies; partout, il y a l'accent de Dieu.
Comment le reconnaître ? Il faut faire un discernement; chacun pour votre compte, ditesvous que tant que vous conserverez une connaissance strictement intéressée des choses, de
votre profession, de votre travail, de votre marche, de vos amusements, de vos plaisirs,
vous ne serez jamais chrétiens, et j'ajoute : vous ne serez jamais heureux. Jamais. Parce
que, le réel, vous l'approcherez avec des calculs, des arrières-pensées, des prédispositions,
des tentations, des passions, qui vont tout de suite obnubiler le visage de Dieu dans le réel.
Qu'est-ce qu'il faut alors avoir ? Il faut avoir une connaissance LIBRE de ce que l'on fait;
il faut aller à son travail avec une conscience LIBRE, il faut répondre aux questions avec
une intelligence LIBRE, il faut faire ses démarches avec des intentions LIBRES; c'est-àdire qu'il faut agir avec une disponibilité d'indépendance spirituelle et matérielle,
d'indépendance spirituelle et intellectuelle qui vous campe devant la vie comme JésusChrist devant la création. Il a su regarder la création : «En Vérité, Je vous le dis, Salomon
n'est pas vêtu aussi richement que les lys qui sont devant vous». Si vous saviez y voir La
Puissance de Dieu. Découvrir la qualité d'un clochard au point de devenir soi-même
qualité spirituelle par la production surnaturelle d'une attitude divine. Découvrir la qualité
même d'un échec... car enfin, s'il y a un élément d'existence qui est complètement privé
d'intérêt, qui nous montre que nous sommes vaincus d'avance, dans le domaine de nos
calculs humains, c'est bien l'échec. Et bien ! c'est avec cela que Saint François d'Assise a
fait sa victoire. A coup d'échecs. Quand il se faisait mettre à la porte à coûts de bâton parce
qu'il venait demander de la soupe et qu'on ne voulait pas lui en donner, il repartait en
chantant : il avait connu l'échec qui lui faisait produire la victoire d'une action de grâce; il
savait regarder la vie. Nous, nous permettons à la vie de nous regarder pour nous
intimider.
La connaissance matérialiste, ou, si vous voulez la jouissance des êtres et des choses,
manque, au départ de la perspicacité spirituelle qui permet d'évaluer les moindres petits
évènements avec la plénitude de leur qualité, de vérité et de bonté, qui fait qu'ils sont
d'avance consacrés pour nous améliorer, pour nous élever, pour être un exemple, pour être
prédicateur de la vie.
Nous avons complètement dételé du sens mystérieux et immédiat de la réalité des choses;
c'est pourquoi nous sommes toujours dans l'insatisfaction. Je suis frappé de voir que nous
avons des plénitudes matérielles en abondance, nous avons des facilités matérielles comme
jamais nos ancêtres n'en ont eues; eux, ils chantaient, nous nous grognons... C'est un de
mes souvenirs d'enfance, en 1910, un matin de printemps, un Samedi Saint, au milieu des
pommiers fleuris de la Manche, j'entendais sonner tous les clochers des environs qui
tintaient des gloria à toute volée, eh bien ! j'entends encore les ouvriers qui partaient
travailler et qui chantaient avec les clochers... Nous ne savons plus chanter... Nous ne
savons plus voir le réel comme Dieu le regarde. Pourquoi ? Mais parce que notre esprit en
est arrivé à une espèce d'asservissement aux autoritarismes, aux mots d'ordre, aux
respectabilités. Il y a surtout dans la mentalité moderne, un esprit critique développé;
développé d'ailleurs par la presse, par la télévision, développé aussi par les rivalités et par
les passions. Il faut pourtant faire une distinction : il y a deux sortes de critiques; il y a la
critique qui est le besoin d'apaiser, c'est la critique qui supporte difficilement que le voisin
pense différemment de vous; c'est la critique peccamineuse, c'est l'orgueil. Mais il y a une
critique qui émane d'une souffrance, d'un gémissement intérieur de ne pas se rencontrer
avec le mieux qu'on espérait, avec le charme qu'on attendait, avec la bonté sur laquelle on
comptait; il y a la critique du gémissement qui rejoint la plainte de Jésus : «Serai-Je donc
encore longtemps avec vous ?» Comme si Jésus avait dit : c'est tellement pesant de ne pas
pouvoir se faire comprendre... Cette critique-là n'est pas peccamineuse, elle est
l'expression d'un amour qui cherche au-dehors un écho qu'il ne trouve pas, amour qui ne
trouve au-dehors que la prodigieuse ignorance des spiritualités modernes, la prodigieuse
ignorance du clinquant : «cymbalum sonans», dit Saint Paul; les spiritualités "boumboum"... On est vu, on est apprécié, on est salué officiellement, ça fait bien ! La comédie
humaine, elle est immense, et elle est partout. Mais ce ne sont pas ces spiritualités-là qui
vont nous tirer d'affaire, ce sont des ignorants qui en sont arrivés à ne pas du tout
comprendre le problème du catholicisme et qui sont arrivés à accepter d'être des "copiesconformes"... Ce que nous sommes avilis, ce que nous sommes prisonniers avec des airs
de liberté, ce que nous sommes complètement limés, ratissés, avec des mots
d'indépendance, ce que nous sommes devenus ce que Saint Thomas appelle, comme étant
le mot le plus méprisant : la "massa peccati"... la masse de péché dont Saint Augustin parle
aussi ... La société est noble quand elle est un peuple, elle est avilie quand elle est une
masse. Aucun catholique n'a plus cette qualité d'être libre de tout ce qui n'est ni vérité ni
bonté. Alors vous comprenez pourquoi vous n'avez pas envie de réagir, vous saisissez
pourquoi vous confiez toujours au voisin le soin d'aller protester... Vous n'osez pas...
Copie conforme !
Découvrir la qualité secrète des choses et savoir bénir !... L'art de bénir, mais de bénir ce
qui contrarie, comme on bénit la pluie, comme on bénit les frimas, qui contrarient le repos
et le facile, mais qui aident à la moisson en arrosant et en fécondant les semailles; l'art de
bénir dans sa journée le moment difficile, la sueur qui coule un peu trop, l'art de sourire
parce que la fatigue vous écrase, l'art de s'affirmer réel, c'est tout le contenu du
«Benedicite» :
«Neiges et frimas, bénissez le Seigneur !
«Soleil et lumière, bénissez le Seigneur !
«Tempêtes et chaleur, bénissez le Seigneur !
«Rosée et Nature toute entière,
bénissez le Seigneur !»,
avec vos contradictions.
Savoir bénir dans sa journée, les minutes, les heures, les demi-journées, et les pleins
temps. Savoir bénir la tentation qui nous oblige à aimer par le refus, savoir la passion qui
nous oblige à prier par le sacrifice, savoir bénir l'émotion qui nous oblige à nous faire
humbles par la vertu, savoir bénir tout ce qui bouillonne en nous pour produire la fraîcheur
du sourire, du contrôle de soi. Mais l'existence, c'est une retraite continuelle, la journée,
c'est un tissu d'imprévus et de contrariétés qui proposent d'en faire une trame de paix,
d'exemple, de calme, de sourire, d'espoir, comme autant de fils d'or voisinant avec les fils
noirs des contrariétés qui ont donné le moyen et l'idée de tisser les fils d'or; la qualité de la
vérité extraite des minutes et des heures qui sonnent implacables notre marche vers La
Vérité de la mort, que nous n'osons pas regarder en face, par peur de ne pas la comprendre,
car chaque jour qui sonne c'est un jour qui s'enfuit, mais c'est un jour qui rapproche. Il y a
dans l'épître de la Toussaint, un passage que j'admire toujours, j'ai l'impression d'assister à
une charge de cavalerie : vous savez l'épître où il y a cette espèce de répétition : duodecim
millia signati... Toutes les tribus qui s'enfournent par milliers, par milliers, par milliers...
dans l'éternité. On dirait un galop de charge de toute une humanité qui a enfin découvert ce
que c'était que l'existence et qui s'enfonce dans les évidences après avoir galopé toute sa
vie avec la certitude de les conquérir. Toute l'existence se ramène à cela : ce galop de
charge des énergies spirituelles, des affections supérieures qui font une trouée dans les
voiles de tristesse qui cherchent à nous étouffer, ce galop de charge de l'espérance qui
défonce le mur des désespoirs, mais c'est toute la qualité de la foi, de la foi mariée avec la
liberté et avec le coeur : la journée ne doit pas être une consultation répétée de groupes,
elle attend d'être un cri personnel, un chant personnel, un appel personnel, un «OUI»
personnel; elle attend de déboucher sur un surcroît d'existence.
Voyez-vous, je suis persuadé que c'est ce que tout le monde attend de chacun d'entre vous,
que là où vous êtes, vous donniez la sensation qu'en vous il y a un surcroît d'existence
qu'on ne trouve pas chez les autres, on ne sait pas pourquoi; or, ce surcroît d'existence,
c'est précisément la récompense de la manière avec laquelle vous osez regarder la vie. Il y
a dans Saint Marc, qui était un observateur, un petit mot qui revient toujours :
«circumspexit Jésus turbam», Jésus regarda d'un regard alentour toute la foule, avec
l'autorité de sa pensée; ce regard d'autorité qui mettait à genoux les pécheurs, qui faisait
sortir Lazare de son tombeau, le regard d'autorité d'une existence qui est arrivée à la
maturité d'un surcroît qu'on ne peut pas lui enlever parce qu'il est Dieu.
Et bien ! vos communions, vos prières, vos confessions, vos adorations, vos pensées
supérieures, tout cela a pour but d'arriver à produire en vous un potentiel de surcroît
d'existence et de le transporter dans votre regard de manière que là où les autres ferment
les yeux pour ne pas voir, vous les ouvriez pour mieux voir, et qu'on se dise : "Il n'est pas
fait comme tout le monde", et vous devenez malgré vous prédicateur de vérité par la
qualité de votre regard. Voilà ce qui est chrétien : assurer cette qualité maximum, et
remarquez, cette qualité maximum a pour but d'aboutir à une espèce de mentalité de
reconnaissance. J'entends tant d'hommes aujourd'hui qui me disent : "Pourquoi est-ce que
le Bon Dieu m'a créé ? Pourquoi est-ce qu'il a fait la journée comme cela pour moi ?
Pourquoi est-ce qu'il organise toujours le programme avec des tuiles ?" Comme si c'était
Lui seulement qui l'organisait ainsi !... Et moi de vous répondre : «Pourquoi est-ce que
vous n'avez aucune reconnaissance pour le bien que vous possédez ? Pour les qualités que
vous avez ? La reconnaissance de les actualiser; les grâces que vous recevez, la
reconnaissance d'y croire; la foi que vous avez reçue : la reconnaissance de la développer.
N'oubliez pas que la reconnaissance est une des activités supérieures de la valeur d'un
homme; aujourd'hui, vous pouvez toujours chercher : personne ne dit merci. Nous sommes
d'une muflerie dans nos rapports ... avec nos élégances, nous sommes d'une goujaterie, qui
aurait fait hurler de colère nos ancêtres... On a tout vulgarisé, parce qu'on a tout
démocratisé pour une raison extrêmement simple; Saint Thomas vous dit : la démocratie
ne vaut que si on y met la vertu; or, précisément, tous les efforts de la démocratie ont été
de supprimer la vertu : le laïcisme, le paganisme, le marxisme... Il reste la vulgarité de
l'homme. Et pourtant, savoir remercier Dieu et les hommes... La vertu de remercier
préserve la joie reçue d'un propriétarisme insolent. Faire participer l'auteur de nos joies à
notre bonheur de les avoir; si vous saviez comme le remerciement déclenche un surcroît de
gentillesse divine. La dîme du merci qui assure à celui qui l'exprime la qualité de sa vie et
de son coeur. Je vous assure que l'insolence moderne du silence montre la lâcheté
épouvantable des puissants de ce monde.
Voyez-vous, il y a toute une finesse, tout un affinement du bonheur qui est à la portée de
vos qualités si vous savez en comprendre la supériorité surnaturelle, et je suis persuadé
d'une chose, c'est que quand un homme sur le plan naturel a compris la responsabilité de
traduire le meilleur de lui-même par la qualité du vrai et du bon, cet homme, sans le
savoir, prédispose le terrain de son coeur à recevoir la grâce malgré lui, en reconnaissance
gratuite.
La loi de la bonté, c'est d'être une diffusion gratuite qui n'attend pas de salaire, c'est la
communication gratuite par souci d'augmenter son volume de bonheur du bienheureux
volume des autres : rendre quelqu'un heureux, c'est augmenter son volume à soi de
bonheur. Avoir le sens de la bonté pour participer gratuitement à la beauté du monde; voilà
où la muflerie moderne exprime la mesure de l'égoïsme éhonté de chacun. Oh ! Seigneur,
faites revenir les sauvages, on sera mieux ... ! La muflerie de chacun ! Tout le monde
trépigne pour être le premier sur la route, pour avoir "son droit", de quoi ? de tuer le
voisin... On se sait plus ce que c'est que de s'effacer. Et après cela, on ose parler du
Seigneur ! de l'apostolat... de la pastorale... avec des petits ricanements sectaires qui sont
pleins de fiel, des petits ricanements de bourreau... qui aiguise son couteau tout en vous
donnant du beurre ! Ah ! la bonté ! Je ne sais pas si vous savez ce trait bouleversant de la
guerre de 14; c'était en Champagne, un officier allemand et un officier français tombent
mortellement blessés côte à côte. C'étaient deux ennemis; ils ont compris qu'ils allaient
mourir; savez-vous ce qu'ils ont fait ? L'allemand a dit au français : «Allez, ensemble, on
va dire le chapelet...» et pendant que l'allemand disait l'Ave Maria, le français répondait :
«Sancta Maria...» et ils sont morts ensemble.
La bonté, c'est la qualité de ce qui reproduit directement Dieu aux dépens de son temps à
soi; aujourd'hui, on veut bien faire partie de toutes les activités, mais que ça ne prenne pas
notre temps, que ce soit à l'heure qu'on veut, que ce ne soit pas trop difficile ! On ne sait
pas ce que c'est que d'appartenir à la valeur. Nous sommes drôlement matérialisés !
tragiquement matérialisés. J'ai connu autrefois un médecin de campagne qui avait coutume
de mettre sur certaines de ses ordonnances un signe conventionnel par lequel le
pharmacien voyait qu'il lui fallait mettre la moitié du coût de l'ordonnance au compte du
médecin. Et cet homme a passé son temps à payer la moitié de ses ordonnances ! Mais
c'était un Père Noël, ce docteur, aux poches bourrées de bonbons pour les petits malades
!... Inutile de vous dire qu'à son enterrement, on ne pouvait même plus entrer dans l'Eglise;
c'était vraiment les pauvres de l'Evangile qui étaient tous arrivés, c'était le cri du coeur, le
cri de l'affection, le cri de la reconnaissance, le cri de la bonté; cet homme, mais il avait
prêché Dieu beaucoup plus que certains prêtres. Oh ! que ne pourriez-vous pas faire si
vous acceptiez de vous laisser enthousiasmer par votre mission divine d'avoir des journées
de qualité ! Et laissez-moi vous dire que cela efface une multitude de péchés, pour une
raison très simple : le péché, c'est l'avarice de soi; la bonté, c'est la gratuité du don de soi,
c'est le contraire. Et Dieu se souviendra au moment de votre jugement des gestes de bonté
que vous avez eus, et ce sont ces gestes-là qui désarmeront sa justice à l'égard d'autres
gestes peccamineux dont vous aurez été coupables. Il ne peut pas se décider à condamner
celui qui a été bon.
Avoir la liberté d'être vrai et oser être bon même en paraissant prodigue, voilà des journées
qui vous façonnent un chrétien. Oh ! que vous pourriez faire du bien, du bien combattant,
du bien d'accrochage, comme vous pourriez réveiller des villes qui sont complètement
mortes, apathiques, fades et qui n'ont plus le sens de rien que celui du profit, si vous étiez
un écho de Jésus-Christ qui est venu sur terre pour révéler La Vérité et l'Amour !
Eh bien ! Je termine en vous disant ceci : avant d'être au service de Dieu par le truchement
du fonctionnarisme spirituel, commencez donc par servir Dieu dans le secret plein de
liberté de votre affection surnaturelle, et vous verrez que vos journées tout en étant les
mêmes, seront prodigieusement différentes de ce qu'elles ont été jusqu'ici; et vous serez
étonnés de voir que Dieu peut-être vous accordera ce que vous désirez depuis longtemps,
alors qu'il ne vous l'accordait pas jusqu'ici; vous verrez ce que c'est que Dieu s'intéressant
à une journée d'homme quand un homme s'intéresse à La Journée de Dieu, et vous verrez
ce que c'est que de vivre parce que vous saurez ce que c'est que de croire !
C'est ce renouveau qu'il faut que nous connaissions en comprenant bien ceci : pourquoi
sommes-nous vieillis ? Pourquoi nous comportons-nous tous comme des vieillards qui
attendent que ça finisse ? Pourquoi ? Parce que nous avons oublié que Dieu est toujours
neuf, qu'il est l'éternelle jeunesse, et que la mauvaise plaisanterie d'inventer un monde
nouveau pour connaître la jeunesse, c'est une épouvantable caricature de l'inépuisable
jeunesse de Dieu : «Introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem mean...» Et
on a supprimé ça ! Parce qu'on cherche Dieu là où Il n'est pas, et qu'on ne veut pas le
trouver là où Il est : dans l'inépuisable de Sa Vérité.
Je boucle la boucle : admirer – aimer – offrir; offrir, ne pas nier, mais présenter le
désagréable comme l'agréable avec la qualité du consentement; ne pas usurper le bonheur,
mais l'unir à sa cause personnelle par la reconnaissance; l'offertoire : la décision de s'élever
au niveau où plus rien de charnel, plus rien d'animal n'intervient en premier. Le sacrifice,
le don de soi, la pénitence, le OUI, le geste vertical que tout le monde s'acharne à
supprimer dans notre liturgie, le geste vertical, celui des héros, et celui des saints, qui a
fabriqué la France depuis vingt siècles, le geste vertical qui a écrit les récits les plus
bouleversants de courage, de générosité et de vertu, le geste vertical, j'attends que les
catholiques le fassent, sans faire dévier cette verticale pleine d'amour.
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