
toute obligation professionnelle. Le besoin d’un espace psychique tiers extérieur à l’espace
clinique pour penser, c’est-à-dire pour traiter psychiquement l’ensemble des pensées et des
émotions en situation. C’est-à-dire besoin interne pour se voir fonctionner en situation.
On l’a vu avec le modèle freudien du cas. Freud illustre ce que je viens de dire dans l’écriture
de cas qui est supposée mettre en scène le travail psychique de l’analyste en séance. Comme il
s’agit de Freud, le créateur de la psychanalyse, non seulement elle est supposée mettre en
scène le travail psychique de l’analyste, mais elle est supposée montrer littéralement
comment ce travail psychique mental de l’analyste donne lieu à la méthode analytique et à la
théorie analytique. Ça, c’est ce que nous n’avons plus à faire.
Quand Freud témoigne de sa pratique clinique, il y a une fonction de légitimation de la
psychanalyse, c’est-à-dire de sa création, qui évidemment ne nous incombe plus : c’est-à-dire
l’ensemble de ceux qui se réfèrent à la psychanalyse, psychanalystes compris et grandes
figures de la psychanalyse y compris.
Même si nous ne sommes pas Freud, il reste que nous avons à témoigner quand nous
rendons compte de notre pratique clinique, d’un nouage entre l’expérience forcément
singulière et unique de l’inconscient menée avec un patient et la puissance heuristique au
moins potentielle des concepts psychanalytiques.
Tout ça c’est toujours des propos introductifs.
Quand je parle de la dimension testimoniale, quand j’en ai parlé avec l’Homme aux loups, il
ne s’agissait pas d’une métaphore, c’est-à-dire que je me réfère à une définition extra
analytique du témoignage, c’est-à-dire à une définition du témoignage simplement élargie,
prenant acte de la manière dont le témoignage doit être défini aujourd’hui, c’est-à-dire
au-delà du paradigme oculaire. Au-delà de ce qu’on a appelé longtemps le témoin oculaire.
On continue à l’appeler le témoin oculaire, mais la notion de témoin oculaire désignait la
figure première du témoin dans un registre principalement judiciaire, secondairement
historien. Principalement judiciaire depuis l’Antiquité pour trancher dans des litiges entre
individus. C’est très rapide ce que je dis là, mais je pose simplement un parti pris. Les
catastrophes humaines qui ont marqué le XXe siècle ont imposé, à mon sens et au sens de
quelques autres, de prendre acte d’une redéfinition du témoignage, c’est-à-dire d’un
déplacement de ce primat de l’oculaire, du visuel, à savoir qu’il ne s’agit plus comme dans le
témoignage oculaire, comme dans son modèle judiciaire, il ne s’agit plus de témoigner de ce
qu’on a vu en utilisant ce qu’on a vécu mais au contraire de témoigner, de mettre l’accent sur
ce qu’on a vécu, c’est-à-dire de mettre l’accent sur l’implication subjective du témoin DANS
ce dont il témoigne, par ce dont il témoigne. Ce qui suppose de prendre au sérieux que le
témoignage est un ACTE à deux temps, un acte qui ne se résume absolument pas à être le