
Le rapport intermédiaire présenté ici s’inscrit dans le cadre du contrat de recherche
ANRS 20002/201 qui porte sur l’analyse du recours tardif aux soins de personnes
séropositives. Cette recherche a pour objet d’analyser les trajectoires d’accès des
personnes qui, selon les critères cliniques arrivent de façon tardive dans le système de
soins. Il vise à rendre compte du rôle du contexte socioculturel dans lequel ces
personnes vivent et agissent dans le retard. L’hypothèse centrale est que le recours au
système de soins constitue un moment où se joue un basculement identitaire associé à
l’objectivation d’une séropositivité et à la reconnaissance de soi comme preneur de
risque. Les cadres de l’expérience sociale et culturelle des personnes en retard de soins
s’opposent à ce basculement identitaire et cette reconnaissance de soi comme preneur
de risques.
Cette recherche tire son origine d’une demande formulée, il y a maintenant trois ans,
par l’AC 18-2 de l’ANRS pour aborder les problèmes d’accès aux soins pour les
personnes séropositives, et de façon plus précise, les retards dans cet accès. Elle
s’inscrit dans un objectif d’amélioration de la prise en charge des personnes
séropositives. La disponibilité de nouveaux traitements puissants depuis mi-1996 a en
effet permis de réduire de façon importante la réplication virale chez les personnes
traitées et de diminuer le risque de développement du sida et le risque de décès. La
diffusion large des associations d’antirétroviraux suppose la connaissance du statut
sérologique et la possibilité d’accéder au système de soins. Or une majorité des
nouveaux cas de sida déclarés n’a pas accès à ces nouveaux traitements avant les
pathologies inaugurales du sida, soit qu’ils méconnaissent leur séropositivité, soit qu’ils
la connaissent et ne bénéficient pas des nouvelles combinaisons thérapeutiques. Alors
que le nombre de personnes qui développent un sida après avoir suivi un traitement
préalable est divisé par 4,8 entre 1995 et 1997, il est divisé par 2,3 pour celles qui
connaissent leur séropositivité et ne suivent pas de traitement, et par 1,2 pour celles qui
ne connaissent pas leur séropositivité. Ces quelques données permettent de souligner
l’acuité de la question des retards dans l’accès aux soins plus cruciale encore
qu’auparavant.
Les acteurs engagés dans la prise en charge des personnes séropositives se
représentent de façon relativement consensuelle ce qu’est un retard aux soins parce
qu’ils se rapportent à un cadre de référence clinique partagé. Lorsqu’il s’agit d’élaborer
un programme de recherche autour de cette question, la définition du retard donne lieu à