Complément. La catalyse hétérogène (comp.D3)
Document à l’intention de l’enseignant dont le contenu n’est pas à développer avec les élèves.
Qu'est-ce qu'un catalyseur ?
Un catalyseur est une espèce chimique capable d’augmenter la vitesse d’une action
thermodynamiquement permise ; plus précisément, il doit augmenter la vitesse d’une réaction de
manière sélective si plusieurs réactions sont possibles. Il n’intervient pas dans le bilan réactionnel
mais se retrouve dans le mécanisme, généralement associé aux réactifs sous forme d’intermédiaire
réactionnel. La loi de vitesse tient compte de sa concentration ou du nombre de sites actifs qu’il
présente. Suivant la nature du catalyseur, on distingue plusieurs types de catalyse : homogène,
hétérogène, enzymatique.
Qu'est-ce que la catalyse hétérogène ?
On parle de catalyse hétérogène lorsque le catalyseur n’appartient pas à la même phase que les
réactifs et produits. Le plus souvent, il est solide alors que les réactifs sont gazeux ou liquides. Cette
situation entraîne certains avantages propres à la catalyse hétérogène :
- par nature, le catalyseur est aisément séparable du milieu réactionnel donc le plus souvent
recyclable s’il n’a pas subi d’empoisonnement irréversible. De ce fait, il permet de limiter les rejets
polluants ;
- en tant que solide il est généralement de manipulation aisée et moins corrosif que certains
catalyseurs homogènes (acides minéraux concentrés, etc.) ;
- la possibilité de travailler avec des réactifs et produits gazeux permet de mettre en oeuvre des
transformations difficiles demandant des conditions drastiques en termes de pression et/ou de
température.
Importance industrielle de la catalyse hétérogène
L’importance industrielle de la catalyse hétérogène est considérable : on cite souvent le chiffre de
80% des produits manufacturés qui subissent une étape de catalyse hétérogène au cours de leur
synthèse. Les grands procédés industriels mettant en œuvre un catalyseur hétérogène sont recensés
dans le tableau I. Il faut ajouter le rôle joué par la catalyse hétérogène dans la dépollution des oxydes
d’azote : soit leur formation est évitée par la mise en œuvre de combustions catalytiques donc sans
flamme, soit les oxydes d’azote formés sont réduits en diazote comme c’est le cas par exemple dans
les pots catalytiques.
Le tableau 1 montre bien que la catalyse hétérogène est aujourd'hui essentiellement impliquée dans
des procédés conduisant à de forts tonnages. La mise au point de procédés de chimie fine
1
est
handicapée car elle nécessite des investissements importants pour une moindre production.
Néanmoins la catalyse hétérogène a un rôle important à jouer pour remplacer certains procédés de
chimie fine très polluants confrontés à des normes de plus en plus sévères. Rappelons par exemple
que dans les procédés d'acylation ou d'alkylation de Friedel et Crafts, l'acide de Lewis (chlorure
d'aluminium le plus souvent) est introduit en proportions stœchiométriques (voire dans des proportions
2/1 par rapport au composé aromatique) ce qui conduit à des rejets très importants. Il serait très
intéressant de mettre au point un procépermettant de faire cette même réaction sur un catalyseur
hétérogène, sans rejet de sels métalliques dans l'environnement.
Quelle est la nature des catalyseurs hétérogènes ?
Les catalyseurs hétérogènes sont des solides inorganiques de toute nature (tableau 1). Depuis les
métaux permettant d’effectuer des réactions d'oxydoréduction comme le très célèbre nickel de Raney
jusqu’aux oxydes les plus divers en passant par les sulfures, les carbures ou les nitrures, (la liste est
d’une grande richesse). Les plus spectaculaires sont sans doute les zéolithes. Ces silicoaluminates de
structure parfaitement définie possèdent une porosité contrôlée qui leur permet d’orienter la
sélectivité
2
d’une réaction en fonction de la taille de la molécule formée. Ajoutons qu’à l’heure actuelle
le nickel de Raney associé à l’acide tartrique est un des rares catalyseurs hétérogènes permettant de
1
Terme utilisé pour qualifier les procédés de faible tonnage rencontrés en chimie organique et bio-organique.
2
La sélectivité d'un catalyseur traduit sa capacité lorsque deux réactions simultanées sont possibles, à privilégier
une réaction par rapport à l'autre. Elle est strictement définie comme le rapport des vitesses des deux actions
simultanées.
faire une réaction stéréosélective
3
en l'occurrence, l'hydrogénation de cétoesters (le groupe
caractéristique C=O de la cétone est réduit en groupe OH).
Comment se déroule une réaction de catalyse hétérogène ?
La réaction de catalyse hétérogène a lieu à la surface du catalyseur, par l’intermédiaire de ses atomes
de surface. Elle se décompose généralement en cinq étapes :
- la diffusion des réactifs vers la surface ;
- l'adsorption des réactifs ;
- la réaction chimique à la surface du solide ;
- la désorption des produits ;
- la diffusion des produits hors de la surface.
La très grande majorité des transformations se fait en réacteur ouvert c'est-à-dire que le catalyseur est
fixe au milieu du réacteur et les réactifs gazeux ou liquides circulent à un débit donné. L'étude
cinétique d'une transformation impose de travailler en l'absence de limitations diffusionnelles de sorte
que la vitesse étudiée soit bien celle de la réaction chimique se déroulant à la surface et non celle du
transport des réactifs. Une telle étude permet ensuite de proposer un mécanisme pour la
transformation étudiée et d'extrapoler à l'échelle industrielle les résultats obtenus en dimensionnant le
réacteur el. Dès l'étude en laboratoire d'une réaction de catalyse hétérogène il est donc important
d'intégrer quelques notions de génie chimique pour contrôler les conditions de la transformation.
Caractérisation des catalyseurs hétérogènes
De nombreuses techniques physico-chimiques sont mises en œuvre pour caractériser les catalyseurs.
On retrouve en particulier toutes les techniques classiques de caractérisation des solides (diffraction
des RX, Infra-Rouge, RPE
4
, RMN, etc.). Cependant pour accéder à la chimie de surface du
catalyseur, il faut utiliser soit des techniques physiques de surface (XPS
5
par exemple) soit la
médiation d'une molécule sonde. Par exemple de la pyridine peut être adsorbée à la surface d'un
catalyseur possédant des sites acides et par spectroscopie infra-rouge, il est possible de savoir si
cette molécule sonde a tecté des sites acides de Brönsted (formation d'un ion pyridinium) ou des
sites acides de Lewis (pyridine liée à un cation métallique).
L'étude quantitative de l'adsorption d'une molécule sonde permet également l'obtention de
renseignements précieux. On distingue deux modes d'adsorption pour un réactif sur une surface :
- la physisorption qui est un processus non activé dans lequel les interactions entre le
substrat et la surface sont faibles, de type Van der Waals ;
- la chimisorption qui consiste en la formation d'une liaison chimique entre la molécule qui
réagit et un ou plusieurs atomes de surface.
L'étude de la physisorption du diazote sur un matériau permet d'accéder à sa surface spécifique
exprimée en m2.g-1 : il faut déduire de l'allure de l'isotherme d'adsorption le nombre de molécules de
diazote physisorbées et connaître la surface occupée par une molécule
6
. Cette surface spécifique
peut aller de quelques mètres carrés par gramme à plusieurs centaines de mètres carrés par gramme.
Elle représente la surface théoriquement accessible aux molécules réactives. De la même manière il
est possible de suivre la chimisorption d'une molécule réactive et d'en déduire une surface réactive.
Par exemple, si la molécule est le dihydrogène on accède à la surface métallique d'un échantillon en
considérant qu'une molécule de dihydrogène se chimisorbe sur les atomes métalliques de surface
7
qui seront appelés sites actifs.
Les défis actuels
La catalyse hétérogène est donc un domaine pluridisciplinaire et très anc dans les réalités
industrielles. Les recherches aujourd'hui sont principalement tournées vers la résolution de problèmes
environnementaux. Pour n'en citer que quelques-uns :
- mise au point de la combustion catalytique évitant la production d'oxydes d'azote ;
3
La stéréosélectivité d'une réaction est sa capacité à privilégier, le cas échéant, un stéréoisomère de
configuration parmi plusieurs produits possibles.
4
Résonance Paramagnétique Electronique.
5
X-Ray Photoelectron Spectroscopy.
6
Le modèle généralement utilisé pour traiter ce type d'isotherme est appelé modèle B.E.T. (S. Brunauer, P.H.
Emmett et E. Teller, 1938). On appelle isotherme d'adsorption la courbe qui donne pour une température fixée,
l'évolution de la quantité de gaz adsorbée par gramme de solide en fonction de la pression partielle du gaz.
7
Le modèle le plus classique pour décrire les isothermes de chimisorption d'une molécule sur une surface
donnée est le modèle de Langmuir dont on trouvera la description dans les ouvrages cités en référence.
- le traitement des déchets (élimination des polluants organiques) ;
- la valorisation du dioxyde de carbone, CO2, : cette matière première, rejetée par l'activité
humaine de manière toujours croissante pourrait être utilisée pour préparer des produits
intéressants. Plusieurs voies peuvent être envisagées comme par exemple un analogue
de la réaction de Fischer-Tropsch dans laquelle le monoxyde de carbone, CO, est converti
en hydrocarbures.
D'un point de vue fondamental, la description du site actif se faisant de plus en plus précise, les
méthodes de préparation des solides sont de plus en plus sophistiquées et on assiste à la mise au
point d'une chimie moléculaire de surface. Par ailleurs, les mécanismes des réactions sont de mieux
en mieux connus grâce au développement de techniques de caractérisation in situ qui permettent le
suivi des évènements survenant à la surface du matériau dans les conditions de réaction.
Références bibliographiques :
Fiches de la Division Catalyse de la Société Française de Chimie disponibles sur le site de la SFC :
http://www.sfc.fr/FichCataSFC
Boudart M., Djéga-Mariadassou G. (1982). La cinétique des réactions en catalyse hétérogène.
Masson.
Logan S. (1998). Introduction à la cinétique chimique. Dunod
Scacchi G., Bouchy M., Foucaut J.F, Zahraa O. (1996). Cinétique et catalyse. Technique et
Documentation.
Hélène Pernot, laboratoire de réactivité de surface, UMR 7609, UPMC
Tableau I
extrait de Scacchi G., Bouchy M., Foucaut J.F, Zahraa O. (1996). Cinétique et catalyse. Technique et
Documentation
Catalyse hétérogène
Réactions d’oxydation
Ces réactions doxydations comprennent, en dehors des oxydations simples (SO2), des oxydations
ménagées sélectives (éthylène), des déshydrogénations (butène) et des ammoxydations (avec NH3).
Les catalyseurs sont principalement des oxydes mixtes et des métaux précieux.
Oxydation ménagée du propylène en acroléine (l’acroléine est ensuite oxydée en acide acrylique
utilisé en polymérisation) :
C3H6 + O2 = CH2CHCHO + H2O
Cu2O/support Bi2O3-MoO3
en lit fixe
Ammoxydation du propylène en acrylonitrile (polymères) :
C3H6 + NH3 + 3/2 O2 = CH2CHCN + 3H2O
Fe-Bi-Mo-O/SiO2
en lit fluidisé
Oxydation ménagée de l’éthylène en oxyde d’éthylène (synthèse de l’éthylène-glycol) :
C2H4 + 1/2 O2 = C2H4O
Ag/support
Oxydation ménagée du méthanol en formaldéhyde (résines):
CH3OH + 1/2 O2 = CH2O + H2O
Auparavant Cu massique ou
Ag massique (cristaux ou grille);
Fe(MoO4)3, tablettes en lit fixe
Déshydrogénation oxydante du butène en butadiène, de l’éthylbenzène en styrène :
C4H8 + ½ O2 = C4H6 + H2O
MnFe2O4
C6H5C2H5 + 1/2 O2 = C6H5C2H3 + H2O
oxyde de Fe (+K) massique,
extrudés en lit fixe
Oxydation ménagée du benzène en anydride maléique, de l’o-xylène en anhydride phtalique :
C6H6 + O2 C4H2O3’H2O, CO2’CO
V2O5
C6H4(CH3)2 + 3O2 = C8H4O3 + 3H2O
(V2O4’MoO3)/Al2O3’
V2O5’TiO2’ dragées en lit fixe
Synthèse de l’acétate de vinyle (polymères) :
C2H4 + CH3COOH + 1/2 O2 = CH3COOCHCH2 + H2O
Pd/SiO2’
billes en lit fixe
Synthèse de l’acide sulfurique :
SO2 + 1/2 O2 = SO3
auparavant Pt(amiante ou silicagel)
V2O5’K2SO4/SiO2’ extrudés en lit fixe
Synthèse de l’acide nitrique :
4NH3 + 5O2 = 4NO + 6H2O
Pt massique en grille
Synthèse de l’acide cyanhydrique :
CH4 + NH3 + 3/2 O2 = HCN + 3H2O
Pt, Rh massique en grille
Pots catalytiques :
Oxydation de CO en CO2’ réduction de NOx en N2
(Pd ou Pt)/Al2O3’
billes en lit fixe,
(Pd ou Pt)/Al2O3/monolithe de cordiérite
Récupération du chlore après chloration d’hydrocarbures :
4HCl + O2 = 2Cl2 + 2H2O
CuCl, LaCl3, KCl, lit fluidisé
Raffinage du pétrole
Craquage catalytique (décompositions d’hydrocarbures lourds en fractions de plus faible poids
moléculaire)
Auparavant silice-alumine,
Zéolithes, réacteur « riser »
Réformage catalytique (isomérisation, cyclisation sans changement notable du poids moléculaire)
Catalyseur « bifonctionnel » :
(Pt ou Pt-Re)/(Al2O3 + chlorure)
extrudés en lit fixe
Isomérisation
Pt/(silice-alumine ou zéolithe)
extrudés en lit fixe
Hydrocraquage (sous forte pression d’hydrogène)
Métaux/zéolithe en lit fixe
Hydrodésulfuration, hydrodéazotation, hydrotraitements :
hydrocarbure sulfuré + H2 hydrocarbure + H2S
hydrocarbure azoté + H2 hydrocarbure + NH3
Sulfures bimétalliques
Mo, W + Ni, Co)/Al2O3,
Extrudés en lit fixe
Pétrochimie et autres grands procédés
Réformage à la vapeur :
hydrocarbures + H2O H2’CO,CO2’CH4
Ni/silicoaluminate de calcium, lit fixe
Procédé Fischer-Tropsch :
CO + H2 hydrocarbures
Fe/silicagel, lit fixe
Fe massique en poudre, lit entraîné
Conversion du gaz à l’eau :
CO + H2O = CO2 + H2
haute température :
Fe3O4(+Cr) massique en lit fixe
basse température : Cu/ZnO-Al2O3
Synthèse du méthanol:
CO + 2H2 = CH3OH
ZnO(+CuO)/Cr2O3 dragées en lit fixe
Synthèse de l’ammoniac :
N2 + 3H2 = 2NH3
Fe(+K2O + Al2O3) massique,
granulés en lit fixe
trochimie et autres grands procédés
Réformage à la vapeur :
hydrocarbures + H2O H2’CO,CO2’CH4
Ni/silicoaluminate de calcium, lit fixe
Procédé Fischer-Tropsch :
CO + H2 hydrocarbures
Fe/silicagel, lit fixe
Fe massique en poudre, lit entraîné
Conversion du gaz à l’eau :
CO + H2O = CO2 + H2
haute température :
Fe3O4(+Cr) massique en lit fixe
basse température : Cu/ZnO-Al2O3
Synthèse du méthanol:
CO + 2H2 = CH3OH
ZnO(+CuO)/Cr2O3 dragées en lit fixe
Synthèse de l’ammoniac :
N2 + 3H2 = 2NH3
Fe(+K2O + Al2O3) massique,
granulés en lit fixe
G. Scacchi et coll. « Cinétique et catalyse ». Téch. Doc 1996
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