LE SOMMEIL PEUT-IL NOUS GACHER LA VIE ?
Introduction
15 % des européens se plaignent de la qualité ou de la quantité de leur sommeil.
1 français sur 5 se plaint de la qualité de son sommeil.
85 % des troubles du sommeil ne sont jamais diagnostiqués.
20 à 30 % des accidents de la circulation sur autoroute sont dus à la fatigue et à
l'endormissement au volant.
14 % des français prennent des médicaments pour dormir (10 % des hommes et 17 % des
femmes) contre 6% des européens.
La nuit de sommeil
On passe un tiers de sa vie à dormir. A l'âge de 75 ans, on a dormi 25 ans et rêvé pendant 5
ans.
La durée du sommeil diminue avec l'âge :
- un enfant de 8 ans dort 11 heures par nuit ;
- à 20 ans on dort en moyenne 8 heures ;
- à 76 ans, seules 6 heures suffisent.
Dans une nuit de sommeil, on compte 4 à 5 cycles de sommeil, d'une durée d'environ une
heure trente. On distingue le sommeil lent et profond qui recharge l'organisme en énergie et
le sommeil paradoxal, ou sommeil du rêve, qui permet la récupération psychique.
A/ Le sommeil lent comprend 4 stades :
1- L'endormissement, qui dure rarement plus de 5 minutes ;
2- Le sommeil léger durant lequel l'activité mentale persiste. Ce stade ne dure que
quelques minutes en début de nuit, et s'allonge dans les cycles suivants pour
atteindre 30 à 45 minutes.
3 et 4- Sommeil lent profond. La personne n'entend plus rien et est coupée du
monde. Le réveil très difficile pendant ce stade s'accompagne de sensations pénibles
et d'une fatigue persistant toute la journée. Le sommeil lent profond dure 15 à 25
minutes en début de nuit pour se réduire à quelques minutes seulement en fin de
nuit.
B/ Le sommeil paradoxal (sommeil des rêves) :
Il correspond à la période des rêves et de la mise en mémoire des informations
stockées pendant la journée.
Ce stade de sommeil agité intervient toutes les 90 minutes environ. Il dure en
moyenne 20 minutes, mais est limité à 2 ou 3 minutes pendant le 1er cycle, alors qu'il
occupe plus de la moitié du temps des cycles de la fin de la nuit.
Les troubles du sommeil
Insomnie :
L'insomnie est l'insuffisance, qualitative ou quantitative, de sommeil. Elle provoque des
troubles de la fatigue, des baisses de performance, des troubles de l'humeur, ainsi que des
troubles physiques et psychosomatiques.
- 30 % des français présentent un symptôme d'insomnie.
Source : Maurice Ohayon, Centre de recherches Philippe-Pinel, Montréal.
- Dans 70 % des cas, l'insomnie se traduit par des réveils nocturnes ou précoces.
- Dans 39 % des cas, l'insomnie est associée à un trouble de l'humeur ou à un trouble
anxieux, pour 22 % à une maladie physique ou un trouble respiratoire, pour 15 % à une
mauvaise hygiène de sommeil, pour 13 % à l'usage de médicaments, d'alcool ou de
drogues.
La narcolepsie, ou maladie de Gélineau :
Elle se manifeste par de brusques accès de sommeil diurne accompags parfois de chutes
du tonus musculaire, appelées cataplexies. Les accès irrésistibles de sommeil surviennent
n'importe quand, et durent de quelques minutes à quelques heures. L'endormissement se
produit directement en sommeil paradoxal sans phase préalable de sommeil lent léger ou
profond. Les cataplexies sont indépendantes de l'accès de sommeil. Elles peuvent être
déclenchées par un plaisir, une surprise, une colère ou encore une peur.
- 20 000 personnes en France sont victimes de narcolepsie.
(Sources : Sciences et Vie, septembre 2002).
- Elle touche 3 hommes pour 1 femme. Les premiers signes de la maladie apparaissent
souvent entre 10 et 30 ans.
- Les traitements médicamenteux sont efficaces dans 60 à 70 % des cas.
L'hypersomnie idiomatique :
Maladie rare, (6 000 à 9 000 cas en France) qui se caractérise par un sommeil nocturne et
diurne d'une durée excessive, souvent supérieure à 16 heures par jour. Aucune anomalie
n'explique ce trouble qui apparaît souvent après 30 ans et dure toute la vie.
Le ronflement :
Il résulte de la vibration des tissus de la gorge, relâchés pendant le sommeil.
- 1 français sur trois souffre de ronflements.
- 10 % des hommes et 5 % des femmes de plus de 40 ans ronflent toutes les nuits.
- A 60 ans, 6 personnes sur 10 ronflent.
Les apnées du sommeil :
Ce sont des pauses respiratoires. Elles entrecoupent des périodes de ronflement sonore et
se terminent par une reprise bruyante de l'inspiration et la reprise des ronflements. Le
malade subit un micro-réveil à chaque reprise de la respiration. Il se lève donc le matin
extrêmement fatigué et a des problèmes de somnolence dans la journée. Ce syndrome peut
également provoquer de l'hypertension et des accidents cardiovasculaires. On parle de
syndrome d'apnée du sommeil lorsqu'il existe plus de 10 pauses respiratoires de 10
secondes chacune, par heure de sommeil, ou plus de 30 pauses pendant la nuit.
- 4 ou 5 % des français, soit 2 millions d'individus sont victimes d'apnées dont seulement 100
000 sont traitées.
(Etude du Groupe international d'épidémiologie des troubles du sommeil dirigée par Maurice
Ohayon, juin 2000).
Le somnambulisme :
Le somnambule se lève pendant son sommeil, déambule et réalise des actes complexes tout
en continuant à dormir profondément. La crise dure de 5 à 30 minutes et ne laisse
absolument aucun souvenir le lendemain. Ce trouble touche environ 1 enfant sur 30, et
persiste chez 1 adulte sur 100. Il concerne 2 fois sur 3 le sexe masculin.
Kleine-Levin :
Maladie très rare qui touche presque exclusivement des adolescents de sexe masculin.
Durant les crises, qui durent une à deux semaines, l'adolescent dort presque tout le temps,
mange en excès lorsqu'il se réveille et fait montre d'une sexualité débridée. Il peut également
avoir des hallucinations. Après quelques crises, la maladie guérit spontanément et sans
séquelles. Il n'existe que 130 cas de "Kleine Levin" dans le monde.
Dr Marie-Françoise MATEO CHAMPION
Neurologue
Toulon
Marie-Françoise MATEO CHAMPION s'intéresse au sommeil depuis plus de 10 ans.
Elle est responsable de l'Unité d'exploration des troubles du sommeil à l'hôpital Font-
Pré de Toulon. Pour elle, les gens ont un tas d'idées reçues sur le sommeil et s'ils
dorment mal, cela vient souvent du stress et de l'anxiété. Les vraies maladies du
sommeil, quant à elles, sont plus lourdes mais plus faciles à traiter.
Quel rôle à le sommeil ?
Il a un rôle vital. On dort pendant un tiers de sa vie : quand vous aurez 75 ans, vous aurez
dormi pendant 25 ans et rêvé pendant 5 ans ! Le rêve, c'est 20% du temps de sommeil et on
dort 8 heures sur 24. Quand on ne dort pas suffisamment, une des premières choses qui
s'altère est l'humeur. Ensuite, on remarque un manque de performance et d'attention. Donc,
le manque de sommeil altère les performances en général.
Comment bien dormir ?
D'abord, il faut savoir qu'une chambre est une chambre. Elle est faite pour dormir et pas pour
regarder la télé ou parler au téléphone. Il faut donc se servir de la chambre uniquement pour
se coucher. Il faut avoir une hygiène de vie régulière. Quelqu'un qui a tendance à se coucher
tard doit quand même se lever tôt le matin. Il ne doit pas se décaler, sinon, le problème
d'endormissement tard n'est pas résolu. Il y a des gens qui ont pris des mauvaises habitudes
depuis 10 ans et qui ne changent pas. Il faut éviter de faire du sport entre 20h00 et 22h00.
Ça fait monter la température du corps ce qui n'est pas favorable à l'endormissement. Il ne
faut pas trop manger le soir. Il faut éviter de fumer : la cigarette est un excitant. L'alcool, c'est
la même chose. On a l'impression qu'on s'endort bien mais deux heures après, c'est terminé
!
Il faut faire attention au café : la caféine agit au bout de 6 heures, c'est pour ça qu'il faut
éviter le café de 17h00. Il faut aussi savoir apprécier son sommeil. Certaines personnes ont
dormi 8 heures et disent qu'elles n'ont pas fermé l'œil de la nuit. D'autres se sont réveillées
40 fois mais ont l'impression d'avoir dormi. L'insomniaque se souvient souvent de ses réveils
et moins de ses périodes de sommeil.
Comment savoir si on dort bien ?
Pendant un mois, il faut faire son agenda : cocher les heures de lever et de coucher, l'heure
d'extinction de la lumière. Il faut aussi décrire comment on se sent le matin, dans la journée...
Certaines personnes dorment de manière anarchique : une fois 9 heures, une fois 6 heures.
C'est très mauvais parce que ça dérègle l'horloge présente dans notre corps.
Sommes nous tous égaux face au sommeil ?
Evidemment non. Déjà, les besoins diffèrent forcément. 80 % des gens ont des besoins
normaux : ils dorment 1/3 de la journée soit donc 8 heures par nuit. Il reste à peu près 10 %
de petits dormeurs et 10 % de gros dormeurs. Certaines personnes sont du soir et d'autres
(surtout les femmes) sont du matin. En fonction de notre âge, nos besoins sont différents.
Un enfant, un ado, une personne plus âgée n'ont pas les mêmes besoins. Les ados sont
souvent en privation de sommeil à cause des impératifs scolaires. Je connais des parents
qui obligent leurs enfants à dormir à 20h30 alors qu'ils ont besoin de moins : du coup,
l'enfant s'énerve dans son lit, prend cette mauvaise habitude et la situation s'aggrave.
Et face au réveil, sommes nous tous égaux ?
Nous devons l'être face au réveil : c'est dans cet état qu'on voit si on a un problème de
sommeil ou non. Les gens me disent "le dimanche, je dors le matin et ça va mais la semaine,
me lever à 7h30, c'est trop dur". Ils veulent profiter de leur temps le soir donc ils reculent
l'heure du coucher et ça ne va pas car ils sont en manque de sommeil. Ne pas être en forme
le matin, ce n'est pas normal. Si on n'arrive pas à se réveiller, c'est forcément qu'il y a un
problème de qualité ou de quantité du sommeil.
Combien de temps peut-on rester sans dormir ?
Le maximum, c'est 48 heures, mais c'est rare et c'est de toute façon très mauvais. Un
américain a battu le record dans les années 60 : il est resté 11 jours sans dormir ! C'était
dans le cadre d'une étude scientifique et on le sollicitait en permanence pour le maintenir
éveillé. Après, il a récupéré en dormant des jours. On voulait voir s'il n'y avait pas de lésions
cérébrales dues à la privation mais tout allait bien !
Comment récupérer de la privation de sommeil ?
Le sommeil, c'est comme l'argent : si on a une dette, tant qu'elle n'est pas réglée, ça traîne et
ça handicape ; il faut absolument récupérer. Moi, je vois des personnes qui ont parfois des
dettes de 20 ans ! Pour ceux là, il faut un traitement médicamenteux. Mais pour les autres on
peut effacer la dette en dormant un peu plus tous les soirs. Quand on a eu une semaine
difficile, on peut récupérer le week-end. Mais dormir trop n'est pas bon non plus. Si on a une
dette, il faut au moins un jour par semaine se coucher plus tôt et dormir un peu plus tard. En
règle générale, dormir jusqu'à midi, c'est mauvais : le sommeil du matin n'est pas
récupérateur. Il faut donc se réveiller à 10h00 maximum.
Le sommeil estgulé par des substances qu'on fabrique pour nous maintenir éveillé. De la
même manière, pendant la veille, on fabrique d'autres substances pour préparer
l'endormissement. Donc si on dort trop la journée, notre corps n'aura pas ce qu'il faut pour
que nous dormions bien.
Quelles sont les conséquences de l'insomnie sur le quotidien ?
Les insomniaques sont en hyper-éveil de jour et de nuit : souvent ils sont très actifs, très
speed, c'est pour cela qu'ils ont du mal à faire des siestes et à fermer l'œil le soir malgré leur
épuisement. Ces gens là arrivent à tenir au jour le jour, mais ils se plaignent et dépriment
souvent parce qu'ils ont peur de ne pas tenir, de craquer d'un coup un jour, ce qui est
possible. La privation de sommeil favorise la dépression et les troubles de l'humeur ; les
insomniaques ont 4 fois plus de chance de développer un syndrome dépressif que les
autres. La libido peut baisser en privation du sommeil, mais pas forcément. Les apnéïques
(voir ronflement) ont encore plus de problèmes de libido.
Quel rôle joue la sieste ?
Il y a plusieurs types de siestes. Il faut savoir que pendant les 24 heures d'une journée, il y a
des périodes pendant lesquelles on est moins vigilant : vers 2h00 et vers 14h00 (c'est à ce
moment qu'il y a le plus d'accidents de voiture). Nous avons donc des prédispositions
physiologiques à faire des siestes. Il y a aussi les gens qui sont en privation de sommeil
pendant la semaine et qui le dimanche vont naturellement faire la sieste, récupérer le
manque.
Il y a des gens qui ont des pathologies comme les narcoleptiques. Pour eux, la sieste est
réparatrice et ils doivent apprendre à gérer leurs siestes en fonction de leurs activités : avant
les moments clés comme un voyage en voiture, une réunion professionnelle … ce sont des
siestes programmées.
Il y a aussi des gens qui ont le pouvoir de faire des petites siestes parce qu'ils savent qu'ils
vont se fatiguer. Ils ont la capacité de s'endormir rapidement et de récupérer.
Les gens ne peuvent pas tous faire des petites siestes. Ceux qui y arrivent le plus sont ceux
qui parviennent à faire le vide autour d'eux, à mettre de côté les soucis et le stress.
Peut-on apprendre à faire des siestes ?
Si vraiment c'est nécessaire pour des raisons professionnelles - comme pour les
déplacements d'hommes d'affaires victimes de décalages horaires ou les navigateurs - on
peut apprendre. Avec de la bonne volonté, ça s'apprend. On se concentre, on fait le vide
autour et on active son sommeil. Il faut apprendre à se déconnecter des contingences et à
partir. On se sert souvent de l'autohypnose et de la pensée positive : il faut se persuader : le
bateau ne va pas couler, je ne vais pas me noyer... C'est un auto-entraînement à s'endormir
efficacement et à récupérer.
Est-ce que le sommeil peut-être une affaire de culture ?
Le sommeil non mais la sieste, oui. En France, on ne tient pas compte des rythmes et de la
physiologie des hommes. En revanche, en Espagne, tout est fermé pendant l'heure du
déjeuner : c'est la période sacrée du début d'après midi, on se donne la possibilité de se
reposer au cours de la journée. C'est pas mal parce que ça fait une coupure dans la journée
et ça permet en été d'éviter les grosses chaleurs.
Existe-il un lien entre les rêves et la qualité du sommeil ?
Oui : si on fait des cauchemars, on n'est pas en forme le lendemain. Il y a des gens qui
disent : "je rêve toutes les nuits et ça m'épuise !" Rêver, c'est une activité et ça fatigue. Tout
le monde rêve mais tout le monde ne se souvient pas de ses rêves. Le cauchemar est
normal chez l'enfant. Chez l'ado ça devient rare et chez l'adulte, c'est seulement 5%. Ça
vient souvent du stress ou d'un conflit familial.
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