Les mots démonstratifs Les morphèmes démonstratifs sont des «symboles indexicaux» ou «embrayeurs», ~'est-à-dire des signes destinés à la désignation, à l'identification d'un référent mais de telle façon que cette identification ne peut se faire qu'en tenant compte de la situa- tion d'énonciation2. Plus précisément, les mots démonstratifs sont des symboles indexicaux incomplets ou « opaques » puisque leur énonciation signale seulement qu'une référence est faite à un objet présent dans la situation d'énonciation de l'occurrence mais ne permet pas d'identifier directement le référent. On ne peut combler cette lacune qu'en se reportant à l'environnement énonciatif du démons- tratif : on dit que ce dernier appelle une saturation ou « appariement référentiel » . Cet appariement se fait en prenant en compte : -le contexte, à savoir l' environnement spatio-temporel dans lequel a lieu l' énoncia- tion. fi y a alors saturation exophorique ou « extradiscursive » ou « situationnelle » ; -le cotexte, c'est-à-dire l'environnement linguistique de l'occurrence. La satu- ration est alors endophorique ou «intradiscursive». L'ancien français possède -en dehors du pronom neutre ce -deux séries démonstratives cist et cil, qui ne présentent pas, à l'origine, d'opposition fonc- tionnelle : cist et cil sont employés comme déterminants du substantif ou comme pronoms. En revanche, l'identification du référent (la saturation} ne se fait pas de la même manière selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre série. " l.l. Prédicativité et tonicité de ce Toujours pronom, ce sert à évoquer des notions en dehors de toute détermination de genre ou de nombre. Son emploi est bcq plus étendu qu’en FM I. Le démonstratif neutre ce EN AF, il est prédicatif. Il peut donc fonctionner de façon autonome ce qui se trdauit par : a) la capacité à occuper la première place accentuelle de la phraseC'est le cas général dans les incises, où il est suivi directement du verbe et éventuellement du sujet, si ce dernier est nominal : .Cil me porroit bien ensgagier En tos païs, ce dist la biele B.I., 1639 .Et dist que si bele n'est mie Corn s'amie est, ce dist sans faille B.I., 1601 b) la capacité à figurer à la dernière place de la phraseMes or n'a ele pas fet ceu, logiee s'est an franc aleu Yv., 1407 « Mais il [Amour] n'a pas agi ainsi; il s'est établi dans un noble domaine », .Et conment li avint ce? Trist., prose, 175,25 c) la capacité à être régi par une préposition. .Ge ne l'ai pas por ce en despit Dole, 3574 « Je ne la méprise pas pour autant ». : 1.2. Les fonctions grammaticales de ce Ce peut assumer toutes les fonctions du nom. 1.2.1. Sujet a) II peut être sujet de n'importe quel ver b )II est souvent utilisé devant les verbes impersonnels : ou les locutions unipersonnelles : c) il peut être associé au verbe estre, avec lequel il constitue une tournure présentative. Le substantif qui suit le présentatif est attribut de ce : . Dans la construction interrogative, il est postposé au verbe : . N'est ce Cligès? on par foi. N'est ce l'empererriz ansanble? Clig.,6365 Toutefois, lorsque l'attribut est un pronom interrogatif, il arrive que ce se trouve en tête de l'interrogation : .et disoient : Ce que puet estre? Yv., 1111 1.2.2. Attribut Ce apparaît co Att d S dans des constructions avec pronom personnel sujet . On le rencontre aussi comme attribut du complément d'objet direct : . 1.2.3. complément ce COD .Mais ce fis jou pour vostre bien i. et B., 884 ou prépositionnel : .De ça sui je molt bien certains B./., 1942 .Si l'em prent mout grant pitié et por ce li otroie il Queste, 35, 25 1.3. Représentativité et /onctions sémantico-logiques de ce De façon générale, ce est endophorique et renvoie au cotexte. 1.3.1. Ce représente aussi bien un énoncé qu'un élément nominal a)Un énoncé : .Mes trop en i verssai, ce dot Yv., 439 [ce reprend l'affinnation antécédente] .Et quant Galaad ot ce, si n'est point esbahiz Queste, 36, 19 [ce reprend l'ensemble de la phrase prononcée par le diable: «Eh! Galaad, Serjant Jhesucrist, n' aproche plus de moi, car tu me feroies ja remuer de la ou j'ai tant esté» 36, 17-18] Les limites de l'énoncé représenté par ce sont très variables. b)Un élément nominal : .Quant Lancelos voit les Trois freres [. ..] il reconnoist tout maintenant que che sont li cevalier a qui il se doit combatre Trist., prose, 69, 36 [che a pour référent le syntagme nominal les Troisfreres] .Cele estoit dame del castiel ; Molt ot le cors et gent et biel. Ses pere n'ot oir fors que li. Encore n'avoit ele mari. C'est la Pucele as Elances Mains B.I., 1940 [C'a pour référent le pronom ele figurant dans le vers précédent et lui- substitut de dame] Il se produit alors une neutralisation du genre et du nombre, ce r n'importe quel pronom, personnel ou démonstratif (ici ils et elle ). .Remarque : On dira de ce représentant un énoncé qu’il est pro-positionnel, de ce représentant un nom ou un syntagme nominal qu pronominal. 1.3.2. Ce fonctionne comme un pronom anaphorique ou cataphorique Il représente en effet un élément du cotexte de gauche : . ou du cotexte de droite : . L'idée évoquée par cataphore peut se réaliser sous la forme d’une subordonnée relative ou d’une interro indirecte C'est à partir de ce type d'emploi que ce prépositionnel a servi à construire des locutions conjonctives variées : -causale : .Pur ceo qu'ele l'en escundist, Mut la laidi et avila Lan.,318 « Parce qu'elle l'avait repoussé, il l'avait injuriée et humiliée ». .Et par ce k'il estoit si errans et si boins cevaliers estoit renommé en toutes les contrees estranges -finale: .Et por ce que tu eüsses prochain secors t' envoia il Galaad Queste, 46, 8 -temporelle : .Dont n'ot mie granment alé, après ce k'il se fu departis de Palamidés, quant il a ataint Kex -conditionnelle restrictive : .Ja si desconseilliez ne fusses [000] que tost ne fusses conseilliez por ce que te vosisse aidier Reno, 9725 « Tu ne serais pas si découragé [...1 que tu ne fusses vite réconforté, pour peu que je voulusse t'aider». 1.3.3. Ce peut avoir les deux fonctions anaphorique et cataphorique à la fois C'est souvent le cas lorsque ce figure dans une incise située au milieu du discours rapporté: Od li s ' en vait en A valun, Ceo nus recuntent li Bretun, En un isle ki mut est beaus .Remarque: la liberté syntaxique de ce s ' est notablement réduite ultérieure- ment. S'il s'est généralisé devant le verbe être dans la forme c'est, tournure présentative ou support des constructions clivées, en revanche, il ne peut plus fonctionner comme complément direct ou prépositionnel du verbe -sauf cas de lexicalisations (sur ce, pour ce/aire). n a été supplanté par les formes renforcées ceci, cela et surtout par ça. 2. Les emplois de cist et cil . Les deux séries démonstratives cist et cil sont susceptibles d'être employées aussi bien comme détenninants du substantif que comme pronoms. Elles ne présentent pas d'opposition fonctionnelle; celle-ci s'est développée à partir du moyen français. C'est donc sur un autre plan qu'il faut chercher la différence entre cist et cil. I De manière générale, cist est un signe marqué quant à l' obligation de saturation contiguë, cil est un signe non marqué. I. Les emplois de cist L'emploi de cist indique que le référent à apparier au démonstratif est complètement identifié grâce aux informations qui se trouvent dans son double environnement: soit dans l'environnement spatio-temporel de l'énonciation qui le contient, soit dans v l'environnement discursif du signe lui-même. L'appariement référentiel est contigu. 2.1.1. Le référent est repérable dans l'environnement spatio-temporel de l'énonciation a) Le référent se trouve dans l'environnement spatial de l'énonciation. Le lieu désigné par cist est le plus proche de celui où «cist» est formulé b) Le référent se trouve dans l'environnement temporel de l'énonciation. Le moment désigné par cist est contemporain de celui où «cist» est proféré : Mais pour çou c'amender vous voel le grant outrage et le mesfait que je sans raison vous ai fait, vous vieng chi veoir a ceste heure J. et B., 1193 2.1.2. Le référent est repérable dans l'environnement discursif immédiat du signe L'appariement référentiel est assuré par le cotexte et la saturation est endophorique. L'identification du référent peut se faire par le rappel d'une antérieure ou l'annonce d'une séquence postérieure au signe. a) Cist rappelle une séquence présente dans son cotexte de gauche immédiat. Il y anaphore. Il existe plusieurs sortes d'anaphores. Il peut s'agir, par exemple, 'une anaphore duplicative (ou répétitive) ; il y a reprise pure et simple du subs- mtif avec un changement du seul déterminant ou bien d'une anaphore conceptuelle (ou résomptive); l'expression anaphorique condense et résume le contenu d'une phrase, parfois même plus largement l'une série de phrases, sans reprendre un groupe nominal antérieur particulier : b)Cist annonce une séquence présente dans son cotexte de droite immédiat Il y a cataphore. Elle peut prendre la forme d'un complément déterminatif du substantif : .Au roi Artus puis t'envoia, qui ceste afaire te donna de secoue la dameissele B.I., 3240 « Elle t'adressa ensuite au roi Arthur qui te confia la tâche de secourir la demoiselle » OU d'une apposition : .De Troies la Bele Doete i chantoit ceste chançonete : Quant revient la sesons que l'erbe verdoie [...] Dole,4567 « La belle Doete de Troyes y chantait cette chansonnette: quant revient la saison où l'herbe reverdit [...] ». L'essentiel à retenir est donc que l'emploi de cist n'est possible que s'il y a appariement référentiel contigu. I. Les emplois de cil la différence de cist, cil est non marqué quant à cette obligation de saturation contiguë. Autrement dit, il n'y a pas nécessité d'identification complète du référent par les informations contenues dans le double environnement de son occurrence. Trois cas principaux se présentent: il n’y a pas de référent contigu, il n’y a ni référent contigu ni référent non contigu; il y a un référent contigu. 2.2.1.11 n'y a pas de référent contigu a) le référent à identifier est absent de l’environnement discursif ( même lointain) du signe. On le trouve en revanche, dans l’environnement spatio-temporel lointain de l’énonciation. -dans l' environnement spatial : .Lancelot, je vos di de par le roi Pellé que vos avec moi venez cele forest Cele implique que le référent est perçu comme étranger au lieu de l'l du signe. -Dans l'environnement temporel : .Cele nuit traisent au castel Et furent servi bien et bel B.I.,1817 Cele indique que le réferent est perçu comme étranger au moment où le signe est énoncé. Seule la nuit où le signe est énoncé peut être désigné par cele nuit. b) le référent est absent de l’environnement discursif immédiat du signe. Il ne figure pas non plus dans l’environnement spatio-temporel (même éloigné) de l’énonciation. On le trouve dans l’environnement discursif lointain du signe : .S'i amainnent lor marchandie Par la mer, qui illuec les guie, Dont li passages mout valoit Que cele vile recevoit B.I., 1925 " La mer, qui les menait jusque là, leur permettait d'y acheminer des marchandises dont les droits faisaient la richesse de la ville » Le référent est repérable bien en amont : .Cent contes ens en la vile estoient B.I., 1901 Selon le même principe, cil sert à marquer un changement de protagoniste dans le récit et plus particulièrement un changement de locuteur dans le dialogue, en relation lvec le verbe respondre éventuellement avec dire : OU, encore, avec/aire, qui se substitue souvent aux verbes d'énonciation dans les incises : c) Le référent à identifier se trouve dans un autre discours que le discours considéré. On parlera d'appariement référentiel transdiscursif. Deux cas se présentent, propres tous deux à la littérature médiévale a. Le démonstratif emphatique. .Et après Nymes, cele bone cité Nymes, 452 Les connaissances qui nous pennettent (ou qui pennettaient au lecteur médiéval) de déterminer le référent de cele ne sont pas fournies par la situation d'énonciation. Elles relèvent d'un savoir commun ou de croyances communes, acquis antérieure- ment et constituant le discours sous-jacent auquel réfère le démonstratif: la réputation d'opulence de Nîmes était bien établie dès le Moyen Âge. b Les occurrences du type : cil sire qui forma le mont par xcel apostre qu’en quiert en Noiron Pré « Par l' apôtre qu'on prie dans les Jardins de Néron " -relèvent de cet emploi. En effet, la cataphore ne pennet pas à elle seule de repérer Dieu derrière Cil sire... et Saint Pierre derrière cel apostre... à moins de posséder déjà un semblant de culture religieuse. c démonstratif topique (dit aussi « épique » ). Là encore, les référents de cil ne sont repérables ni dans le contexte énonciatif ni dans le discours. En revanche, ils appartiennent à des topoï bien définis de la 8 littérature médiévale comme l' éveil du printemps : " .Ce fu en mai el novel tens d' esté ; Florissent bois et verdissent cil pré, Ces douces eves retraient en canel, Cil oisel chantent doucement et souëf. Orange, 39-42 « C'était en mai au retour de l'été ; les bois fleurissent, les prés reverdissent, les douces eaux se retirent dans leur lit et les oiseaux chantent avec hannonie » ou l'armée en marche : .Luisent cil elme, ki ad or sunt gemmez, E cil escuz e cil osbercs safrez, E cil espiez, cil gunfanun fermez. RoI., 1031-1033 " Les heaumes brillent avec leurs pierres serties d'or, les boucliers et les hauberts brodés, les épieux et les gonfanons fixés aux lances » et ils en sont des constantes quasi obligatoires. Cet emploi est caractéristique de la Chanson de Geste (ce qui explique la quali- fication d'«épique» qui a pu lui être attachée) mais il est bien connu des autres genres littéraires : .Ceo fu el meis d'avril entrant Quant cil oisel meinent lur chant Yon., 52 .Ce fu au tans qu' arbre florissent, fueillent boschaige, pré verdissent et cil oisel an lor latin dolcement chantent au matin Perc.,71 .Remarque: emphatique ou topique, cil ne peut être traduit par un démonstratif en français moderne. C'est l'article défini -du fait de son aptitude à marquer la notoriétéS -qui permet de gloser cil avec le plus d'exactitude. 2.2.2. Cil n'a ni référent contigu ni référent non contigu L'opacité naturelle de cil lui permet un certain nombre d'emplois pronominaux qui lui sont propres. 2.2.2.1. Cil est un terme d'appel, support d'une détermination qui peut prendre diverses formes Le référent du démonstratif est déductible de la complémentation qui lui est apportée. a) Cil est déterminé par un adverbe. (cil + adverbe peut être paraphrasé de différentes manières; tout est affaire de contexte. Cil de laienzlceanz signifie exactement «ceux de là/ d'ici à l'intérieur». À partir de cette valeur de base, on pourra le rendre par «ceux qui étaient présents » , «tous les habitants d'ici » et même par l'indéfini «on». b) Cil est déterminé par un syntagme nominal. Ce dernier est le plus souvent introduit par la prépostion de : .Avés vos dont si grant volenté de combatre vous encontre chiaus du lingnage le roi Ban? «êtes-vous donc si désireux de vous battre contre les chevaliers de la parenté du roi Ban? " . Mais il peut aussi être introduit par la préposition a : .A! Dex! fet l'une, qui est cil a la cote de mustadole? Dole, 2539 « Dieu! dit l'une d'elles, quel est donc cet homme qui porte une tunique de drap précieux ? " Cil est déterminé par une proposition relative. .car eles estoient honorees et chier tenues par cels de qui eles doutoient qu'il ne moreussent en la Queste. " car elles craignaient que ceux qui leur témoignaient amour et tendresse ne périssent au cours de cette Quête » -Cet emploi est fréquent dans la construction com cillcele... qui. Cil y prend la valeur d'un indéfini: «un homme I une femme», «quelqu'un». En dépit de son allure comparative, la tournure a plutôt une valeur causale. Le contexte permet de varier les traductions du démonstratif : .[. ..] si 1i vint en talent, com cil qui n'eut pas le cuer lent, qu'il s'en iroit en Engletere. I. et B., 78 " Aussi prit-illa décision, en garçon énergique qu'il était, de partir pour l'Angleterre » .Et Galaad ne l'enchauce plus, comme cil qui n'a talent de fere lui plus de mal que il a eu Queste, 43, 9 « Mais Galaad ne le poursuit pas car il n'a pas l'intention de le châtier plus durement ". voire d'en faire l'économie : .Lors hurte maintenant cheval des esperons encontre son pere, corn chil qui mie nel connois Trist., prose, 141,23 " Il éperonne aussitôt son cheval en direction de son père qu'il ne reconnaît pas le moins du monde " -Cet emploi de cil apparaît également dans les tours syntaxiques: n'i a celui qui ne..., exactement: «il n'y en a pas un qui ne... », c'est-à-dire «il n'y a personne qui ne. ..» ; doublement négative, la construction sert à traduire une totalité, soit « tous sans exception » : .car, por ses lances solement porter, sont il. VII.XX. vallet, n'i a celui n'ait chapelet. Dole, 2460 " en effet, rien que pour porter ses lances, il y avait cent quarante jeunes gens, tous couronnés de fleurs ». La totalité peut d'ailleurs commencer avec deux unités : .Tant se combatent longuemant que li jorz vers la nuit se tret ; ne il n'i a celui qui n'et le braz las et le cors doillant Yv., 6200 " Le combat dure si longtemps que le jour décline; tous deux ont le bras fatigué et le corps meurtri » ou encore il i a assez de cels qui..., «il y a beaucoup de gens qui (pour)... » : .[. ..] il i ot assés de chiaus ki bien dirent apertement et voiant monsi- gneur Lancelot meÏsme que bien seüst Palarnidés tout chertainement k'il aloit querant tel guerre dont il ne venroitja a boin cief Trist., prose, 119, 17 " beaucoup déclarèrent, et même devant Lancelot, que Palamède devait bien savoir qu'il cherchait une guerre qu'il ne terminerait pas à son avantage ». 2.2.2.2. Cil ne reçoit aucune complémentation Il prend une valeur indétenninée. a) Le démonstratif masculin (cil) associé au démonstratif féminin (cele) désigne une totalité d'individus. Il est en concurrence, à ce titre, avec des couples antonymes comme homes et james, granz et petiz, biaus et laiz, fols et sages. .. On peut gloser la tournure par « tous sans exception » : .Tot s'esmervellent cil et cele K' Amors ii fait son sens müer B.I., 1730 « Tous sont stupéfaits qu'Amour lui ait ainsi fait perdre la raison ». b) Cil devient l'équivalent du pronom indéfini un tel. .En ce qu'il orent lessié a parler de ce, s' Table Reonde et troverent en chascun leu escrit : Ci doit seoir cil. Queste, 4, 5 2.2.3. Cil a un référent contigu Cil est alors un équivalent de cist et les deux démonstratifs sont indifféremment. « Laissant là leur conversation, il écrit sur chacun d'eux : Ici doit prendre place un tel ». Comme dans le cas de cist, la saturation peut se faire par le contexte ou par le cotexte. a) Saturation par le contexte .Sire, fait il, estés, caele ; Dites a cele damoissele Qu'ele mon bracet n'en port pas B.I., 1336 " Seigneur, dit-il, attendez, je vous en prie; dites à cette jeune fille de laisser là mon petit chien». L' appariement référentiel est assuré par l' environnement spatial de l' énoncia- tion qui contient le signe. b) Saturation par le cotexte .En teles paroles cevaucent li doi cevalier tant k'il sont venu dusques a l'abeïe dont Kahedins avoit devant parlé a Palamidés. Cele abeïe estoit a merveilles riche [ ...] . Trist., prose, 81,22 " Tout en parlant de la sorte, les deux chevaliers poursuivent leur route jusqu'à l'abbaye dont Kahedin avait parlé à Palamède. Cette abbaye était prodigieusement riche [...1 ». Cele est ici anaphorique. Il fonctionne exactement comme le faisait ceste dans : .Trestuit de joie se travaillent et, a ceste joie reçoivent lor seignor si corn fere le doivent Yv., 2359 La différence essentielle entre les séries cist et cil en ancien français réside dans le fait que la seconde ne nécessite pas de saturation contiguë. Autrement dit, cil ne peut pas être remplacé par cist s'il n'y a pas de possibilité d'appariement référentiel contigu. En revanche, cil peut apparaître quel que soit le type d'appariement possible et même lorsqu'aucun appariement n'est possible. Il est donc toujours substi- tuable à cist. Par la suite, et l'évolution est sensible dès le moyen français, les séries en -t et en -I se sont opposées du point de vue fonctionnel, la série en -t étant réservée à la fonction de déterminant du substantif, la série en -I à la fonction de pronom.