3
Écrire l’Évangile aujourd’hui
Syro-italien d’origine, égypto-libanais de
nationalité, gréco-byzantin de rite et de
culture française, le père Henri Boulad est
né en 1931 à Alexandrie.
De l’Egypte, il rappelle qu’elle fut chrétienne
de 632 à 732 avant d’être islamisée à
toute vitesse et de n’avoir aujourd’hui
plus que 10 % de chrétiens de diverses
confessions, comme quelque 200.000
coptes catholiques, dont le communauté
date de la fin du XVIIIe siècle . Et même
si des chrétiens sont venus notamment
de Syrie et du Liban, l’apport étranger est
minime. Entre eux, les chrétiens d’Egypte
vivent le plus souvent en harmonie, bien
que les coptes orthodoxes manifestent
une identité forte et anti-catholique.
Au niveau de la société, bien qu’ils aient
en majorité les mêmes race, culture et
langue que leurs autres compatriotes, les
chrétiens d’Egypte se sentent discriminés,
spécialement au plan de l’éducation et
de l’emploi. De plus, ils connaissent des
persécutions qui se développent depuis les
années ’70 au rythme de l’islamisation. D’où
les rapports sur les massacres que le Père
Boulad fait connaître depuis des années.
Face à l’islam
Partant de son expérience, le Père Boulad
fait une analyse très critique à propos
de la position des Européens vis-à-vis
de l’islam et en ce qui concerne l’accueil
que notre continent - Eglise comprise –
devrait réserver davantage aux chrétiens
et aux musulmans convertis venant des
pays islamiques. Pour lui, la grande erreur
des Européens est de ne pas introduire le
facteur religieux - en pensant surtout en
termes de rapports entre riches et pauvres
ou entre gauche et droite - ainsi que de
ne pas voir l’islam comme un système
et un système qui est dans l’impasse.
De plus, il parle de six islams : l’islam
libéral, l’islam mystique, l’islam populaire
- qui est majoritaire, moderne et ouvert
- , l’islam officiel, qui est infiltré par l’islam
que comme un message destiné au Pape.
Cet SOS, signale son auteur, a connu des
retombées incroyables et des soutiens
enthousiastes à 98 % concernant la triple
réforme proposée (aux plans théologique,
pastoral et spirituel) ainsi que la suggestion
de convoquer un synode général pour
repenser l’Eglise avec, durant trois ans,
la participation de tous les chrétiens,
catholiques et autres. Et c’est dans la même
ligne que le Père Boulad va se consacrer
à faire une synthèse de la Foi dans un
langage compréhensible pour le monde
d’aujourd’hui, vu que le langage actuel -
parlant notamment de Rédemption et de
péché originel – est devenu anachronique
et ne touche donc plus les gens. C’est
de redire le message de l’Evangile d’une
manière compréhensible qu’il importe
désormais, estime-t-il.
Selon cet éducateur, philosophe nourri
de Teilhard de Chardin et professeur de
théologie, qui fut aussi vice-président de
Caritas Internationalis pour le Moyen-
Orient et l’Afrique du Nord, tant pour le
dialogue islamo-chrétien que pour la vie
de l’Eglise, il faut une grande imagination
pour inventer l’avenir.
On comprendra dès lors que sa
rencontre aura éclairé et aussi interpellé
les membres de la commission Fois et
Convictions du CIL par rapport au travail
qu’ils mènent depuis plusieurs années déjà
et dans le cadre duquel ils ont été chargés
de préparer l’assemblée générale du CIL
fixée au 27 novembre et sur le thème «
Accompagner chrétiennes et chrétiens
dans un monde éclaté ».
politique modéré et surtout par l’islam
politique radical, ce dernier promouvant
l’islamisation de la société. Il considère
dès lors qu’avant d’envisager un dialogue
islamo-chrétien, il faudrait d’abord qu’ait
lieu un débat entre musulmans à propos
de ce qu’est l’islam.
Tout en respectant ce que vit et pense
le jésuite égyptien, des membres de la
commission Fois et Convictions du CIL ont
avancé qu’on devrait éviter d’emprisonner
les musulmans dans leur tradition et tenir
compte de ce qu’une islamophobie se
développe en Europe et fait bien des
victimes. Avec lui, ils ont convenu qu’il
fallait chercher à faire la distinction entre
le système et les musulmans, encourager
les musulmans d’Europe à s’intégrer et
à dialoguer à la fois entre eux et avec
d’autres, dont les chrétiens, en leur disant
: « Quel est ton islam ? », « Voici notre
Evangile,… ». Sans jamais oublier à la fois
que l’islam s’est répandu dès ses débuts
par les guerres et les persécutions et que
les croisades et l’inquisition appartiennent
à l’histoire du christianisme. De là l’idée
d’étudier l’islam avec des grilles et en
envisageant les versets du Coran et
les législations des 57 pays islamiques
concernant la liberté religieuse, les droits
humains, et la condition féminine, ainsi
qu’en voyant les actions à prendre en
compte pour faire évoluer les situations.
De plus, les membres de la commission et
le Père Boulad ont convenu qu’on pouvait
partir de l’islamophobie pour établir des
règles pour un dialogue franc et pour
penser la communauté humaine, puisque
le christianisme est la religion de l’Homme.
Pour repenser l’Eglise
Ayant à son actif bien des expériences
dans les domaines de la formation et
de l’action sociale, le Père Boulad est
aussi préoccupé par l’avenir de l’Eglise
catholique. D’où le SOS qu’il avait rédigé
dès 2007 et qui fut ensuite diffusé sur
internet plus comme une lettre ouverte
UN ECHANGE AVEC LE PERE BOULAD
C’est un dialogue franc et interpellant que des membres de la commission Fois et Convictions du
CIL ont eu, en mai, avec le Père Boulad, jésuite d’Alexandrie, préoccupé par l’avenir des chrétiens
d’Egypte, par celui des relations islamo-chrétiennes et celui de notre Eglise.
GROS PLAN SUR...