proximité de la personne qui parle et de son interlocuteur — a fortiori le locuteur
lui-même ; cil, cel désignent ce qui est à une certaine distance d’eux. » « Il (le
démonstratif de rappel) est fréquent dans les récits comme dans les dialogues.
D’une manière générale, cist, pronom des deux premières personnes (je, tu)
évoque ce qui concerne les personnages présents et parlants, ce qui est proche
d’eux, aussi bien dans l’espace ou le temps que dans la sphère affective (…), et qui
est précisément identifiable par le contexte immédiat (contexte linguistique,
contexte spatio-temporel). Étymologiquement pronom de la 3e personne, cil
évoque souvent ce qui concerne autrui, celui, ce dont on parle ; mais il fonctionne
avant tout comme terme non marqué de l’opposition cist/cil, simple mot de rappel
sans contenu propre, qui ne se différencie guère d’un pronom personne de 3e
personne ou d’un article défini. Cist est donc plus fréquent, et la distribution
cist/cil plus cohérente, dans les dialogues, où l’identification des référents doit être
immédiate, que dans le récit, où des informations peuvent toujours être fournies en
dehors du contexte direct. » (Hasenohr, 1993, p.56)
— L’ancien français et le portugais médiéval laissent déjà deviner les
futures évolutions. Le paradigme français est constitué de deux séries de dé-
monstratifs qui sont à l’origine des adjectifs et des pronoms d’aujourd’hui. Il
existe, dès le Xe, siècle une tendance à préférer cist comme prédéterminant et cil
comme représentant. Le paradigme portugais est constitué de trois séries ;
l’opposition sémantico-logique reste néanmoins binaire. Esse, issu de ipse, venu
combler le vide laissé par iste, n’a encore aucun rapport avec la 2e personne, du
moins jusqu’au XIVe siècles, mais il est déjà intégré au système. Dans les tout
premiers textes écrits en galicien-portugais il garde sa valeur et, dans une occur-
rence au moins, sa graphie d’origine, ou fonctionne comme anaphorique pur :
… in ipso die (« ce jour même ») (Noticia de torto, XIIIe siècle)
… e tirou sa espada da bainha e descabeçando o menor mouro que havia em
toda a Gaia , andaram todos á espada, e nom ficou em essa vila de Gaia pedra
sobre pedra, que toudo não fosse em terra. (A lenda de Miragaia XIIIe siècle)
« … et il tira son épée du fourreau et tranchant la tête à tous les Maures qui
se trouvaient à Gaia, ils avançaient tous, l’épée nue, et il ne resta dans cette ville de
Gaia rien qui ne fût rasé ».
En gallo-roman, ipse, s’emploie encore en concurrence avec iste pour
remplacer hic, mais ne parvient pas à s’imposer et en ancien français ses occur-
rences se limitent à quelques expressions figées à valeur adverbiale : en es le pas.
Hic disparaît à date précoce et ne s’emploie plus en gallo-roman, mais persiste
assez longtemps sur la péninsule Ibérique : on le retrouve dans Noticia de torto
sous sa forme originelle employé comme adverbe de lieu :
E subre becio et super fíímento, se ar quiser ouir as desõras qve ante ihc
furu, ar ouideas (Noticia de torto, XIIIe siècle)
« E après s’être embrassés et après avoir fait la paix, si tu veux de nouveau
entendre les infamies qui ont été commises ici, tu les entendras ».