Conjonctures N° 15
place de choix. Une éthique elle aussi empiriste qui
repose sur l'expérience et qui cherche
essentiellement le bien-être et le bonheur de tous les
hommes. En ce sens, c'est aussi une philosophie
éminemment humaniste. Sa pensée politique repose
toute entière sur les principes de la démocratie :
droits égaux pour tous et liberté d'expression. Les
conflits et les problèmes trouvent leur solution dans
le débat démocratique, par voie d'essais et d'erreurs.
À propos de pensée politique, il convient, je
crois, de citer à nouveau Vacher. « Je considère
comme une absurdité du destin de la pensée, écrit-il,
un paradoxe et une ironie de l'histoire des idées, que
le pragmatisme ait été interprété comme une théorie
de l'individualisme, de l'arrivisme, du profit com-
mercial et de la réussite à tout prix alors qu'il s'agit
en réalité d'une pensée de l'existence vitale comme
entreprise collective, de résolution de problèmes
dans un monde précaire et incertain... » Vacher cite
amplement les auteurs, et particulièrement Dewey,
tentant de montrer à quel point ceux-ci ne
partageaient pas la philosophie du succès individuel,
de l'argent, « le côté sinistre de la civilisation
américaine » comme l'écrit William James. Ainsi,
Dewey admet « que nous sommes voués à une
certaine forme de socialisme, qu'on la baptise
comme on voudra ». Pour qui connait quelque peu la
vie de ce dernier, il ne fait pas de doute que Vacher
ait raison de s'indigner. Dewey fut en effet autant
un penseur qu'un militant de l'humanisme. Somme
toute, et c'est l'interprétation de Vacher, la pensée
pragmatiste américaine est plus près de la social-
démocratie que du libéralisme si l'on considère sa
signification politique.