12 mai 2012

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Vannes, 13/05/2012.
Lv 19, 11-18 ; Jn 15/9-17 ; 1Jn 4, 7-10 - AEC 151 ; 232 ; 257.
Voici la bonne nouvelle que nous rappelle Jean : Dieu est amour ! Dieu nous a aimé le premier !
L’amour vient de là et de là seulement.
Oui, nous le connaissons cet amour qui vient de Dieu :
Son mouvement est si bien connu de nous autres,
fidèles de Jésus et de son enseignement :
L’amour vient de Dieu, et nous est transmis par Jésus
qui lui-même l’a reçu de son Père.
Christ nous invite à le vivre, à le transmettre à nos prochains,
autour de nous, entre nous.
…
Chers amis, cet amour de Christ pour nous,
nous le connaissons comme on connaît un catéchisme.
Mais en commentant ce texte,
ne ressentons nous pas encore une fois…
un malaise devant ce texte si dense ?
Il faut être un spécialiste de l’évangile de Jean pour savoir en explorer les richesses.
… C’est un texte qui... use.
Je veux dire par là que je l'ai souvent, très souvent,
entendu lire dans une atmosphère recueillie et fraternelle...
Mais simultanément, -et j'ai probablement tort-,
je ne peux m'empêcher de penser à ce que ce texte devient,
ne serait-ce que deux heures après avoir été lu.
Il me semble que ce texte -et, là encore, je dois avoir tortpeut devenir facilement un texte alibi,
Je veux dire : un texte qu'on dit pour n'avoir pas à le... vivre, entre nous.
Parce qu’à la première lecture,
ce texte nous propulse face à un horizon qui parait inaccessible :
! Ce ne sont que les saints qui peuvent vivre cela !
Moi, je ne suis qu’un petit, et quand je regarde mes tentatives à aimer, je défaille.
Que de rencontre ratées, et particulièrement avec ceux que je désire aimer le plus.
Tous ces mots maladroits, ces paroles mal dites et mal entendues,
ces gestes trop empressés et ces mains trop peu tendues…
je me sens si peu capable de vivre cet amour ?
il n’est pas ou plus pour moi.
C’est là, le risque de ce texte : se dire qu’il n’est pas pour nous !
…
Pourtant, c’est le texte qui nous est proposé aujourd’hui,
alors osons encore une fois le méditer.
Tout d’abord il y a cette phrase :
« Demeurez dans mon amour… »
… Demeurez dans mon amour…
C’est Christ qui parle, et soudain, s’entrouvre une lumière au cœur de nos ténèbres :
ce n’est pas notre amour dans lequel il faut demeurer,
! c’est son amour !
C’est un amour REÇU, et non construit,
Un amour que je n’ai pas à trouver en moi,
Et cela me déculpabilise de ne pas me sentir assez aimant.
Cet amour ne vient pas de moi, ce qui veut dire aussi que quand je décide d’aimer,
je sais où je pourrai le trouver : EN CHRIST !
Voici l’œuvre de l’amour de Jésus-Christ :
Il assure toute son Église de son amour constant.
Il l'aime comme le Père l'a aimé, lui, le Fils.
Il nous aime donc encore, malgré les brèches de nos oublis et de nos désobéissances.
(la suite lentement… su !per dense !)
Jésus-Christ nous transmet sa joie, et il veut que sa parole soit toujours cause de joie,
d'une joie pleine, accomplie...,
Jésus-Christ nous a transmis sa vie ;
il ne pouvait pas faire plus, car c'est le sommet de l'Amour ;
Son amour est en creux, telle la croix du Christ :
Un amour qui ne se prouve pas lui-même,
mais contre la logique du monde,
il est effacement de soi pour que l’autre vive.
« Personne n’a de plus grand amour
que celui qui se dessaisi de sa vie pour ses amis »
…
Dans notre monde, faire de la place à l’autre, c’est risquer de disparaître.
Christ nous enseigne, au contraire, contre la logique du monde auquel nous n’appartenons plus
que faire de la place à l’autre,
à Dieu comme à mon frère, ma sœur,
C’EST EXISTER, c’est trouver et donner la vie !
« personne n’a de plus grand amour que celui qui se dessaisi de sa vie pour ses amis »
…
Un ami me disait sa révolte devant cette définition de l’amour :
s’effacer pour que l’autre existe !
Combien d’hommes, de femmes,
ont-ils vécu ce verset comme une négation d’eux-mêmes,
disparaissant dans l’ombre de leur mari ou de leur femme, ou de leurs parents
au nom de cet amour fait de retrait.
Nous connaissons-nous pas entre nous aussi ce genre de comportements :
Oh ! on ne va pas dire à Mr Untel que ses moqueries répétées sont blessantes et irrespectueuses…
ou encore que Mme Lelongbec sème la discorde avec ses ragots…
non ! on ne va pas leur dire, ça ferait de la peine !
Et on se tait et on disparaît devant l’autre, au nom même de l’amour…
ou de ce que nous prenons pour de l’amour.
? N’avons-nous pas une fausse image de l’amour ?
? Ne confondons-nous pas amour et sentiments, respect de l’autre et affectivité ?
Regardons le Christ :
Sur la croix, là où il est celui qui aime ses amis par excellence,
se retirant devant ses agresseurs,
il prononce une parole de vie :
« père, pardonne leurs, il ne savent pas ce qu’ils font ! ».
L’amour n’est pas muet : il parle, et parler, c’est encore EXISTER,
nourrir une relation.
À l’inverse, se taire, c’est mettre fin à la relation,
ce qui revient véritablement à MOURIR !
Et lorsque nous nous taisons devant l’autre, sous le faux prétexte de ne pas le vexer,
alors ne risquons-nous pas de briser la relation ?
…
Dans l’évangile de Jean :
Jésus n’a de cesse de dire qu’il donne volontairement sa vie ! Personne ne la lui prend…
Ainsi, son retrait, pour que vivent ses amis,
est-il un acte d’engagement, une décision volontaire.
Jésus nous enseigne ainsi que L’AMOUR N’EST JAMAIS PASSIF, A LA MERCI DU BON VOULOIR DES AUTRES.
…
Il y a une contradiction apparente dans les paroles de Jésus qu’il nous faut affronter :
 IL NOUS COMMANDE D’AIMER !
Comment le verbe aimer peut-il se conjuguer à l'impératif ?
Je te demande d'aimer semble contradictoire car l'amour ne peut pas se commander ;
et s'il se commande, est-ce encore de l'amour ?
La seule façon de sortir de cette contradiction
est de séparer radicalement
l'amour
de toute notion de sentiment.
Cet amour dont parle ici Jésus n'est pas une émotion.
On n’est pas dans l’affectif,
il s’agit d’une préoccupation, une démarche, un engagement :
L'amour est un engagement concret de ma personne dans une relation.
…
Le commandement d’aimer dans la bouche de Jésus vient du livre du Lévitique que nous avons entendu.
Le commandement y est concret, pragmatique,
c’est même plus un conseil qu’un commandement.
Mais le plus surprenant, c’est que sa finalité, c’est L’AMOUR DU PROCHAIN…
Reprenons ce commandement dans le Lévitique, et particulièrement le v17 :
« N'aie aucune pensée de haine contre ton frère, mais n'hésite pas à réprimander ton compatriote pour ne
pas te charger d'un péché à son égard :
c'est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même » (TOB).
Aimer ainsi, ce n’est pas disparaître,
mais se dessaisir de sa vie pour ses amis ?
Est ami, celui avec qui je parle, avec qui je reste en relation.
Mais si devant lui, par peur de mal faire je me tais,
Qu’est-ce que je propose comme relation encore possible ?
Et s’il n’y a plus de relation, est-ce encore un ami ?
L’amour du prochain, c’est un engagement volontaire de vouloir se faire un ami.
…
Interrogeons-nous encore sur ce qui nous retient dans une relation en danger :
Cette peur de vexer qui nous pousse à nous taire,
n’est-ce pas d’abord la peur de nous vexer nous mêmes ?
la peur d’écorner l’image que nous nous faisons de nous-mêmes ?
Si je réprimande mon frère, je prends le risque qu’il n’aime plus cette image de moi.
Si je réprimande mon frère, comme le commande Lévitique,
je prends le risque de ne plus exister devant lui comme j’étais avant…
… Et je prends le risque d’une nouvelle relation, différente, à apprivoiser,
le risque d’une relation plus en vérité,
une relation renouvelée, le risque d’une vie nouvelle.
…
Ainsi se dessaisir de sa vie, ne serait-ce pas lâcher nos vieilles représentations de nous mêmes,
dans lesquelles nous enfermons toute notre vieille vie ?
Se dessaisir de sa vie, n’est-ce pas abandonner
la maîtrise que nous croyons avoir sur notre vie et celle de nos relations,
pour laisser la place, toute la place à une vie nouvelle.
Chers amis,
L’amour n’est pas disparition,
S’effacer pour que l’autre vive n’est pas anéantissement muet.
L’Amour est parole, il est engagement volontaire,
Il est saut dans l’inconnu d’une relation nouvelle.
…
« Demeurez dans mon amour… » dit Jésus !
Demeurons dans son amour !
C’est-à-dire, goûtons, dégustons cet amour reçu,
Qui nous relie au Christ et à Dieu NP.
Demeurons dans ce lieu où nous sommes comblés par cet amour,
laissons nous pénétrer, habiter par cet amour pour qu’à notre tour
il nous soit donné d’être capable d’aimer en paroles et en vérité
celles et ceux que le Seigneur nous donne pour sœurs et pour frères.
Amen.
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