vérité, on s’éloigne du goût de la réflexion
». Le relativisme atteint le cœur et l’intelligence,
sa plus grande victoire est que la conscience réfute jusqu’à l’existence d’une vérité morale
fondant la distinction du bien et du mal, du juste et de l’injuste. « La conscience, qui est un
acte de la raison visant à la vérité des choses, cesse d’être une lumière et devient une simple
toile de fond sur laquelle la société des médias projette les images et les impulsions les plus
contradictoires », ajoute le Pape. La conscience est prisonnière de la caverne magistralement
mise en scène par Platon au livre VII de La République, jouet des illusions et des ombres des
opinions (doxa) les plus diverses. D’où le rôle primordial accordé au lobbying, aux sondages,
à l’orchestration d’affaires jouant sur les passions et les sentiments,… afin de travailler et
manipuler de manière incessante l’opinion publique
Toutes les options se valent, vous êtes libres de penser comme vous le souhaitez, aucune
autorité n’exercera sur vous une coercition, nous dit l’idéologie relativiste qui se présente sous
las atours de la tolérance. Mais parce qu’il faut tout de même une base minimale pour
organiser la vie commune, une sorte de voie minimale entre les diverses opinions va devoir
être dégagée pour finalement s’imposer à tous. Comment la déterminer ? Il ne reste plus que
le consensus de la majorité. Dans cette magnifique homélie improvisée le 15 avril dernier en
la chapelle Pauline, Benoît XVI a montré que ce consensus de la majorité est l’instance
suprême à laquelle l’homme moderne obéit alors même que ce consensus peut être, dit-il, « un
consensus dans le mal
». Une espèce de pensée unique, « éthiquement correcte » qui régente
les consciences en résulte. D’où le terme de dictature du relativisme choisi par Benoît XVI :
« Aujourd’hui (…) il existe des formes subtiles de dictature : un conformisme qui rend
obligatoire de penser comme tout le monde, d’agir comme tout le monde ; les agressions
subtiles contre l’Eglise, ou parfois moins subtiles, montrent que ce conformisme peut
vraiment être une véritable dictature » (Ibid.). Tout se passe comme si la propension de notre
culture à marteler que tout se vaut marginalisait quiconque penserait autrement et intimidait
ceux qui estiment que tous les choix, tous les actes, justement, ne se valent pas. Alexis de
Tocqueville n’a-t-il pas annoncé dans une page fameuse la disqualification de ceux qui
s’élèveraient contre ce conformisme de la majorité : « La majorité trace un cercle formidable
autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l’écrivain est libre ; mais malheur à lui s’il ose
en sortir. Ce n’est pas qu’il ait à craindre un autodafé, mais il est en butte à des dégoûts de
tous genres et à des persécutions de tous les jours. La carrière politique lui est fermée : il a
offensé la seule puissance qui ait la faculté de l’ouvrir. On lui refuse tout, jusqu’à la gloire.
Avant de publier ses opinions, il croyait avoir des partisans ; il lui semble qu’il n’en a plus,
maintenant qu’il s’est découvert à tous ; car ceux qui le blâment s’expriment hautement, et
ceux qui pensent comme lui, sans avoir son courage, se taisent et s’éloignent. Il cède, il plie
enfin sous l’effort de chaque jour, et rentre dans le silence, comme s’il éprouvait des remords
d’avoir dit vrai. Des chaînes et des bourreaux, ce sont là les instruments grossiers
qu’employait jadis la tyrannie ; mais de nos jours la civilisation a perfectionné jusqu’au
despotisme lui-même (…). Le despotisme, pour arriver à l’âme, frappait grossièrement le
corps ; et l’âme, échappant à ces coups, s’élevait glorieuse au-dessus de lui ; mais dans les
républiques démocratiques, ce n’est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et
va droit à l’âme. Le maître ne dit plus : vous penserez comme moi ou vous mourrez ; il dit :
vous êtes libres de ne point penser ainsi que moi ; votre vie, vos biens, tout vous reste ; mais
de ce jour vous êtes un étranger parmi nous ».
Benoît XVI, Discours à l’Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la Vie, 24 février 2007.
Benoît XVI, Résister à la dictature du relativisme, Homélie lors de la messe avec les membres de la
Commission pontificale biblique, 15 avril 2010.