intéressait Socrate. Il était à la recherche
de définitions quant à la nature propre de
chacune des vertus. C'est une tâche
difficile, mais pas impossible; cette tâche
était celle de Socrate. Elle est au coeur de
sa façon de faire de la philosophie.
On trouve une belle illustration de
cette quête de définitions uniques dans le
dialogue intitulé Ménon. Socrate discute
avec un dénommé Ménon, un esclave. La
discussion s'engage lorsque Socrate
demande à Ménon ce qu'est la vertu
.
Ménon répond en donnant une série
d'exemples. Mais ce n'est pas ce que
souhaite savoir Socrate. Voici le passage
en question.
“ Ménon (M) : - Pourrais-tu me dire,
Socrate, si la vertu peut être enseignée,
ou, si ne pouvant l'être, elle s'acquiert par
la pratique, ou enfin si elle ne résulte ni
de la pratique ni de l'enseignement, mais
est naturelle ou non aux hommes?...
SOCRATE (S) : - ... Je me reproche à
moi-même de ne savoir absolument rien
de la vertu. Or si je ne sais pas ce qu'est
une chose, comment pourrais-je connaître
ses attributs? Te semble-t-il possible, si
l'on ignore totalement qui est Ménon,
qu'on sache s'il est beau, riche, noble , ou
Le mot grec signifiant vertu est areté. Vertu ne traduit pas
correctement ce que les penseurs grecs depuis Socrate
entendent par areté. On pourrait dire encore l’excellence.
L’“ excellence ” d’un couteau est qu’il coupe; celle d’une
montre qu’elle donne la bonne heure. L’“ excellence ” d’un
homme c’est qu’il soit juste, sage, courageux, tempéré, et
pieux. À la différence des minéraux, des végétaux et des
animaux, seuls les humains peuvent parvenir à ces
“ excellences ” (“ vertus ”). Pour Socrate, les vertus
principales sont le courage (andrea), la modération ou la
tempérance (sophrosynè), la justice ou probité (diskaiosynè),
la sagesse (sophia), et enfin la piété (hosiotès). Au Moyen
Age, les théologiens catholiques ajouteront aux vertus quatre
vertus cardiales(courage, justice,
tempérance, prudence), trois vertus dites théologales (foi,
espérance et charité).
tout le contraire ?... Au nom des dieux,
Ménon, que dis-tu qu'est la vertu ?
M : - La chose n'est pas difficile à dire,
Socrate. Tout d'abord, si c'est la vertu
d'un homme que tu veux connaître, rien
de plus aisé. La vertu d'un homme
consiste à être capable d'administrer les
affaires des la cité et, en les administrant,
de faire du bien à ses amis et du mal à ses
ennemis, en se gardant de se faire
soi-même du mal. Si c'est la vertu d'une
femme, elle n'est pas difficile à définir :
le devoir d'une femme est de bien
gouverner sa maison, de conserver tout ce
qui est dedans et d'être soumise à son
mari....
S : - J'ai beaucoup de chance, Ménon,
puisqu'en cherchant une unique vertu,
j'en trouve logé chez moi une multitude
de vertus. Suppose que je te demande
quelle est la nature véritable du chien et
que tu dises qu'il y en a beaucoup et de
diverses espèces. Que répondrais-tu si
je te demandais : “ Veux-tu dire qu'ils
sont nombreux, de diverses espèces et
différents les uns des autres parce que ce
sont des chiens? Ou bien ce n'est pas
par là qu'ils diffèrent mais en quelque
chose d'autre, par exemple, par le poil, la
taille ou quelque autre caractéristique du
même genre ? ” Dis-moi, que
répondrais-tu si on te posait ainsi la
question ?
M : - Ceci: en tant que chiens, ils ne
diffèrent en rien l'une de l'autre.
S : - Si je te disais en suite :
“Maintenant, Ménon, voici ce que je
voudrais savoir de toi : quel nom
donnes-tu à cette chose par laquelle ils se
ressemblent et sont tous identiques?”
Tu pourrais, je pense, me donner une
réponse ?
M : - Si.
S : - Il en va de même avec les vertus.
Bien qu'elles soient nombreuses et