Résumé :
L’écriture de Loin de Médine est le produit d’un imprévu lié au contexte socio-
politique algérien. En effet, en 1988, tandis qu’Assia Djebar commence l’écriture de
Vaste est la prison, le troisième récit autobiographique qui compose son quatuor
romanesque dont les deux premiers volets sont l’Amour, la fantasia(1985) et Ombre
sultane(1987), l’auteur se voit contraint brusquement d’interrompre le processus
d’écriture de son autobiographie pour s’investir entièrement dans l’écriture de Loin de
Médine.
Les événements politiques d’octobre 1988 en Algérie laissent, en effet, entrevoir des
forces nouvelles remettant en cause l’autorité étatique héritée de la guerre d’Algérie.
Faut-il rappeler que le gouvernement du président Chadli en exercice en 1988
autorisait légitimement la formation et la participation des partis intégristes dont le FIS
au sein de l’appareil de l’Etat. Face à cette actualité inquiétante, la romancière suspend
l’écriture de Vaste est la prison et décide d’écrire Loin de Médine.
« Raconter l’Islam du point de vue des femmes », telle est l’entreprise d’Assia Djebar
qui, d’ores et déjà, dévoile un lien évident entre son récit et celui de l’historie n. De ce
point de vue, Assia Djebar se donne une nouvelle perspective d’écriture qui devra
aborder la réalité féminine dans l’ère musulmane. Au lieu d’écrire sa propre
biographie, elle préfère esquisser la vision historique de toutes les femmes
musulmanes.
Sa perspective se veut rétrospective. Il s’agit pour Assia Djebar de ressusciter les
destins de femmes guerrières et combattantes qui firent l’Islam. L’intention du
roman est de rappeler aux femmes algériennes d’aujourd’hui l’aspect combatif et
courageux des femmes musulmanes d’autrefois dans le but d’insuffler à la gente
féminine de la décennie 90 la force et le courage de s’imposer non pas en tant
qu’être mis à part, mais en tant qu’être à part entière. Autrement dit, l’auteur propose
aux jeunes femmes de s’identifier et d’intégrer le passé à la fois comme réceptacle et
auteur du présent. C’est là, la première trace intertextuelle que l’auteur inscrit à
l’intérieur de son récit et qui se présente dores et déjà comme un avertissement de
lecture. Car Loin de Médine relie deux espaces et deux temps référentiels par le
biais d’un troisième : celui du narratif.