–∞† ∞ıPlaton vu de Vienne Société ouverte ou Belle Cité

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Platon vu de Vienne
Société ouverte ou Belle Cité ?
Résumé : L’article se concentre sur la description polémique donnée au début des années quarante
par le philosophe autrichien Karl Popper de la théorie platonicienne de la justice, caractérisée sans
ambages comme une réponse “ totalitaire à la crise de la démocratie athénienne. Popper dénonce
la morale anti-individualiste de Platon, accusé d’avoir trahi l’enseignement critique et humaniste
de Socrate et d’avoir anticipé toutes les tentatives dangereuses consistant à vouloir confier la
direction de la cité aux seuls savants ”. La fascination exercée par le modèle platonicien aurait
ainsi favorisé la persistence d’une certaine nostalgie pour les communautés fermées, refusant le
changement, le commerce et la liberté individuelle. Popper n’est pas le premier à avoir critiqué la
Cité des gardiens, et il se réfère en particulier au philosophe autrichien Theodor Gomperz. Par
ailleurs, il lui arrive de s’appuyer sur certaines idées émises par son compatriote le philosophe du
Droit Hans Kelsen à propos de l’auteur de la publique. En revanche, ses thèses ont été soutenues
indépendamment de celles du membre éminent du Wiener Kreis qu’était le socialiste Otto
Neurath, lequel, à la même époque, affirma, encore plus cavalièrement, que la politique
platonicienne était de type nazi ”, alors même que Popper et lui ne s’entendaient guère. Il est clair
que ce genre de lectures prête à discussion, et qu’il convient de tenir compte du contexte historique
pour comprendre de telles affirmations à première vue outrancières. Mais si l’on en gomme les
aspects les plus polémiques, il me semble que la défense de la démocratie que propose Popper doit
être mise en regard de l’attaque tout aussi virulente qu’en faisait Platon lui-même. On peut ne pas
être séduit par la Cité de Platon (et Aristote ne l’était guère) et ne pas la confondre avec la
conception antique en général de la politique, si tant est que Platon lui-même la présentait
comme une construction en rupture radicale avec la constitution démocratique de son époque.
Karl Raimund Popper est à Vienne en 1902. En 1919, il se range aux côtés des
socialistes, car il juge scandaleux la misère des masses ouvrières et le nationalisme agressif des
classes dirigeantes. Un temps séduit par le marxisme volutionnaire, il s’en éloigne vite, parce
que cette philosophie de l’histoire conduit à privilégier l’intensification de la violence, alors
qu’elle ne se prête pas à la réfutation empirique, ressemblant plus à une prophétie qu’à une théorie
scientifique. Dans les années trente, si l’essentiel de son travail porte sur la philosophie des
sciences, il demeure adhérent du parti social-démocrate, mais assiste avec effroi à la montée du
nazisme nationaliste, raciste et irrationaliste, alors me qu’il considère comme aussi dangereux
le marxisme-léninisme, qui se réclame frauduleusement d’une pseudo-science des lois de
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l’Histoire ”. Exilé en Nouvelle-Zélande entre 1937 et 1945, il y rédige en anglais sa contribution
à l’effort de guerre ”, la Société ouverte et ses ennemis, ainsi que Misère de l’historicisme, ouvrage
qui dénonce toute prétention à prédire le cours de l’histoire. Popper soutient que la première
aventure de la société ouverte est à situer dans l’expérience de la démocratie athénienne,
récusée par Platon, premier théoricien d’une utopie de la société fermée ”, dominée par la
prétendue science ” des philosophes-rois. Le penseur autrichien y dénonce aussi vigoureusement
le scientisme utopiste que le romantisme nationaliste allemand, la théorie hégélienne du Volksgeist
et de l’Histoire comme tribunal du Monde ”, le culte de l’Etat et de la puissance ; il définit la
démocratie comme un régime l’on peut écarter ses dirigeants sans violence, et la rationalité
comme l’ouverture à la discussion critique. En 1945, Popper se retrouve à Londres, grâce à son
compatriote léconomiste libéral F. von Hayek. Il s’éloignera peu à peu de la social-démocratie,
sans jamais se ranger derrre ceux qu’il appelle les “ thuriféraires du marché ”. Dans les dernières
années de sa vie, il était obsédé par le retour en force de la violence, chez certains jeunes
occidentaux, pervertis selon lui par la télévision, mais surtout dans l’ex-Yougoslavie, où il voyait
renaître le tribalisme égoïste qu’il avait opposé cinquante ans auparavant à l’individualisme
altruiste ” de la société cosmopolite qu’il appelait de ses vœux.
On peut s’étonner qu’un philosophe des sciences de la nature (Logik der Forschung,
1934), par ailleurs défenseur de la démocratie libérale contre tous les totalitarismes, qu’ils
s’appuient sur le culte de la force et de la race ou sur une prétention outrancière à détenir la
Science politique et celle de l’Histoire, ait choisi en pleine guerre mondiale de consacrer la
moitié de sa défense de la société ouverte à une analyse critique des idées politiques de Platon,
qu’il tenait pourtant pour le “ plus grand de tous les philosophes ”. Son livre est désormais ignoré
par la majorité des spécialistes de la pensée grecque, qui se contentent en général d’une allusion
agressive à ceux qui ont cru pouvoir lire La République comme un traité de politique totalitaire. Le
ton parfois extrêmement polémique de Popper y est pour beaucoup. L’ouvrage est tout sauf une
thèse académique, et le style de ce supposé rationaliste rigide est paradoxalement marqué par la
passion et l’indignation. Il me semble néanmoins qu’il convient de le lire de près, y compris ses
incroyables notes, dont nombre d’entre elles correspondent à de possibles longs articles
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.
Applaudie à sa sortie (1945) par Bertrand Russell et par Gilbert Ryle (dans Mind), commentée de
manière critique mais bien plus nuancée qu’on ne l’a dit par Emile Bréhier
2
, La Sociéouverte et
ses ennemis a cependant vite été classée dans la catégorie des livres que l’on peut récuser en bloc
avec condescendance sans se donner la peine de le lire. On n’en cite en général que les phrases les
plus outrancières, et elles ne manquent pas, comme son auteur lui-même l’a discrètement
1
Popper rédigea cet ouvrage directement en anglais, en 1941-42, alors qu’il était en exil en
Nouvelle-Zélande. La traduction française résumée ” parue aux éditions du Seuil en 1979 est totalement
inutilisable. La traduction allemande est due à Paul Feyerabend.
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Revue de Métaphysique et de Morale (1948) ; voir aussi son Histoire de la Philosophie, I, PUF, p. 136,
il parlait des lois si étranges concernant les gardiens de la cité : tout y est subordonné à la nécessité de
maintenir entre eux l’union parfaite ”.
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reconnu
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. Or, il me semble que cet ouvrage pourrait être relu avec sérénité, de telle manière que les
formules les plus polémiques en soient écartées ou modifiées, sans que la substance de
l’argumentation en soit transformée, et que dès lors il apparaîtrait comme un texte appartenant de
droit à la grande philosophie morale et politique du XXème siècle. De fait, on pourrait montrer que
certaines de ses thèses ont été reprises ou retrouvées par d’autres auteurs, sans qu’il soit toujours
cité.
Popper considère que la société ouverte, au sein de laquelle les gularités naturelles
(phusis) sont reconnues comme différentes des normes sociales (nomoï), plurielles et discutables,
les individus confrontés à des décisions personnelles, l’idée de responsabilité personnelle opposée
au cycle des vengeances (L’Orestie) et l’esprit d’examen critique et de discussion argumentée mis
en valeur, est née en Grèce aux VIème et me siècle avant J. -C. Cette forme d’organisation
s’oppose aux communautés tribales dominées par des puissances magiques : elle est donc la
première occurrence du processus de désenchantement (ou mieux peuttre : démagification ” :
Entzauberung) du monde dont parlait Max Weber, ou du procès de laïcisation dont parlera
l’école de J. -P. Vernant, et singulièrement Marcel Détienne. Elle est due en partie selon Popper au
choc des cultures (culture clash), dont Hérodote est le grand moin, ainsi, conjecturera-t-il au soir
de sa vie, qu’à l’invention d’un marché public du livre (sous Pisistrate)
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. Mais la sortie hors de la
société close est traumatisante, et l’aventure de la société ouverte, conflictuelle et incertaine, et qui
mène à l’expérience du doute, du “ malaise dans la civilisation ”, induit des réactions de nostalgie
de la chaleur, de la sécurité et de l’unité perdue, que Popper décrit en termes quasi
psychanalytiques
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. La psychologie conflictuelle de l’homme Platon est ainsi analysée de manière
assez nuancée par Popper (OS, ch. 10). Il y reconnaît la sincérité et la bienveillance
fondamentale de Platon. Citant Hans Kelsen
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, il compare la théorie platonicienne de l’âme (et
donc de la cité) avec la topique freudienne (OS, I, p. 313; est cité Rép., 571d, comme une
anticipation de la torie du complexe d’Oedipe), et il conjecture avec Kelsen que Platon devait
connaître des pulsions importantes pour être amené à décrire leur force avec tant de puissance.
Platon, effrapar les errements de la politique athénienne après la mort de Périclès autant que par
l’inique condamnation de Socrate, mais aussi par préjugés aristocratiques, ne s’est pas contenté de
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The Open Society and its Enemies (OS) , RKP, London,1962, Vol. I, Add. III, p. 332.
4
Books and thoughts ; Europe’s first publication ”, In Search of a better World, Routledge,
London,1992. (Traduction de Auf der Suche nach einer besserne Welt, 1984.), et Observations sur la
théorie et la pratique de l’Etat démocratique ”, La Leçon de ce siècle, Anatolia, 1993.
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J’ai cru pouvoir comparer les deux topographies psychiques de Platon et de Freud avec celle de Kant
(Hors du temps. Un essai sur Kant, Paris, Vrin, 2001, p. 188). La tripartition de la Cité fait par ailleurs
penser à la thèse de Dumézil sur les trois fonctions “ indo-européennes ”. L. Dumont, dans Homo
Hierarchicus, (Gallimard, 1979, p. 23) faisait le rapprochement entre la cité de Platon et la société de
castes. Il empruntait d’ailleurs son opposition holisme/individualisme à Popper, mais en confondant
individualisme et atomisme (comme Hegel), et en prenant peu ou prou le parti du “ holisme ”.
6
Die Platonische Gerichtichtkeit ”, Kant-Studien, (1933) et Platonic Love ”,The American Imago, 3,
1942. Dans le premier, Kelsen insiste sur le fait que Platon propose des mesures allant toutes dans le sens
de la suppression de toute liberté de pensée et d’un “ monopole d’Etat fondé sur l’idéologie ”, ainsi que
sur le “ mysticisme ” de l’enseignement du fondateur de l’Académie. Une version française était parue dès
1932 dans la Revue Philosophique (CXIV).
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condamner vigoureusement la démocratie de sa patrie au nom d’une mythique Ancienne Athènes
et de rejoindre sur certains points le parti oligarchique et laconophile ”. Il aurait selon Popper
établi un diagnostic très précis de la maladie de la cité et proposé un remède stricto sensu
radical, dans la République surtout, mais aussi, à un moindre degré, dans les Lois. Sa thèse,
appuyée sur la métaphysique des Formes immuables, serait que tout changement est décadence,
sauf celui qui rétablit le Bien. Il convient de mettre un terme à l’Histoire, en arrêtant le changement
politique, la dérive cyclique des régimes politiques. Platon est en ce sens l’inventeur de la
sociologie : il décrit les lois de développement et de corruption des régimes sociaux
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, et les
conditions de leur instabilité chronique. Or, le Bien est ce qui préserve, le mal ce qui corrompt. Son
apport principal est en ce domaine sa théorie des révolutions : anticipant Marx, Platon met en
évidence le rôle des facteurs économiques et de la lutte des classes dans l’histoire, en particulier
dans sa brillante analyse du passage de l’oligarchie à la mocratie. Or, s’il est vrai que toute
révolution conduit à la décadence, et que son origine est à situer dans la désunion de la classe
dirigeante (“ Loi de Platon (Rép., 545b), selon l’expression de Popper), il devient possible
d’envisager les conditions du retour à la stabilité : imaginer des institutions telles que toute
désunion de cette classe devienne impossible. La tyrannie, fille de la démocratie
8
, est le plus
mauvais des régimes, mais elle peut présenter un avantage : si le tyran devient philosophe, il sera
en mesure de remodeler la société dans le sens du Bien, tel que le philosophe platonicien,
dépositaire de la Science politique, peut le lui faire connaître. Dans les Lois (710-12), l’Athénien
appelle de ses vœux la rencontre d’un tyran honnête ” et d’un législateur éminent : tel est le
projet pratique de Platon nomothète, et peut-être son illusion. Les aventures siciliennes du
fondateur de l’Académie deviennent en ce sens intelligibles, ainsi que l’amère déception qu’elles
engendrèrent chez l’auteur de la Lettre VII et des Lois, lequel ne désire plus proposer à la fin de
son parcours qu’une cité non idéale, même si elle demeure la plus proche possible de l’idéal de la
République, réaffirmé au début du Timée. Dans la République, Platon ne s’intéresse de fait qu’à la
classe dirigeante. Les deux problèmes essentiels que celle-ci doit affronter sont d’une part de
maintenir le niveau de la population, car Platon considère son augmentation comme un danger
tal, et d’autre part de prévenir toutes les causes possibles de sa propre désunion interne. La
solution de ce second probme est l’obsession du philosophe. Elle passe par l’élimination de
l’intérêt économique au sein de la classe dirigeante, même l’usage des métaux précieux lui étant
7
Ce qui en fait un historiciste (cyclique) au sens de Popper : croyance en l’existence de lois plus ou
moins inéxorables de développement historique des gimes sociaux, dans le sens du progrès (Marx,
Comte) ou dans celui de la décadence (Spengler). Popper, en créant ce terme, le distinguait de
l’Historismus, ignorant que les traducteurs anglais des auteurs allemands tels Meinecke et Mannheim
allaient utiliser historicism et non comme lui historism pour Historismus ”, usage que reprendra
o Strauss... D’où bien des malentendus ! La traduction allemande de The Poverty of Historicism est Das
Elend des Historizismus. Il s’agit bien sûr d’une allusion ironique au livre de Marx contre Proudhon
(Misère de la philosophie).
8
Popper n’insiste pas suffisamment sur la critique platonicienne de la violence tyrannique, mais il
approuve Platon d’avoir mis en évidence le paradoxe de la démocratie : une majorité peut se donner
librement à un tyran ; mais ce paradoxe logique touche toutes les théories de la Souveraineté ”. Il faut
abandonner cette notion et la question qui la suscite (“ Qui est le meilleur maître ? ”), au profit de celle des
mécanismes institutionnels par lesquels les dirigeants peuvent être écartés du pouvoir sans violence.
5
interdit (comme à Sparte). De même, il convient de détruire la famille, source de conflits
potentiels, en supprimant de fait toute vie privée, alors que la distinction du public et du privé était
l’un des piliers de la société athénienne
9
. Tout étant commun, chacun considère toute question
qu’un autre se pose comme la sienne
10
, et la rivalité cesse. Les gardiens ne seront ni pauvres ni
riches, et leur union sera telle qu’ils ne constitueront plus qu’une seule famille. Popper reconnaît
que Platon admet que les gardiens puissent s’adjoindre des enfants doués appartenant à la
classe dirigée (415b), ce qui ne constituerait d’ailleurs une théorie de la “ mobilité sociale ” qu’en
un sens passablement autoritaire, mais il soutient que la règle est plutôt l’interdiction du mélange
(434c) : la classe dirigeante est unie par le communisme interne et les mariages arrangés
secrètement, mais aussi par son opposition au troupeau dont elle constitue l’ensemble des
bergers ”. Cette stabilité n’est pas le produit d’un équilibre, obtenu comme sultante d’un
système de forces, ce qui serait encore trop instable, mais celui d’une hiérarchie stricte fondée sur
une idéologie naturaliste, voire potentiellement raciste. Il est à remarquer cependant, ce que
Popper ne fait guère, que Platon présente explicitement le naturalisme hiérarchiste comme une
fiction mensongère utile : de fait, il semble que seuls les philosophes, au sein de la classe des
gardiens, soient caractérisés par une véritable supériorité naturelle ”.
Le destin de la Cité est ainsi identifié à celui de sa classe dirigeante, unifiée sur le modèle
militaire, dans le sens de la discipline, de l’absence d’innovation, même en musique, et du respect
des chefs. La paration de l’économique et du militaire, la subordination du premier au second et
du second au politique, à la science politique (au(x) philosophe(s)) sont cruciales, aussi bien que
l’idéal agricole, terrestre et autarcique, ce qui renvoie à l’opposition entre Sparte et Athènes, dont
l’impérialisme
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était fondé sur la puissance maritime. La belle cité hiérarchisée est
étroitement contrôlée du point de vue culturel, toute innovation étant proscrite. Le but est bien le
bonheur de la cité, mais il s’agit d’abord de celui de la cité harmonieuse considérée comme une
totalité (“ holisme ”), ce qu’Aristote ne manquera pas de dénoncer comme un sophisme.
D’ailleurs, Popper fait remarquer que la volonté d’apporter le bonheur, autrement dit sa propre
conception du bonheur, est compatible avec une politique totalitaire et anti-libérale (anti-pluraliste
et anti-individualiste). C’est même à tout prendre un idéal politique dangereux : le politique doit se
9
Léo Strauss fait remarquer lui-même que le communisme touche la question de l’habitat : Il est
impossible de se cacher (...) dans la cité du camp d’armes, il n’y a pas cette ébauche de l’anneau de Gygès
qu’est une demeure privée (...) l’injustice a besoin d’un secret qui n’est plus possible ” (La Cité et l’homme,
Agora 1987, p. 134). Si l’on ne veut pas du terme totalitarisme ”, on peut au moins comparer cette
conception au panoptisme dénoncé par Foucault dans la pensée de Bentham, alors que celui-ci ne
parlait que des prisons. Sur Strauss et Popper, voir S. Chauvier “ Platon, entre Popper et Strauss ”, Cahiers
de philosophie de l’Université de Caen, 30, 1996.
10
p. 462. Cette page est cruciale : on y lit la thèse selon laquelle plus la cité est unie, mieux c’est (ce que
contestera fortement Aristote), la condamnation de l’individualismegoïsme (idiôsis), qui divise, et l’idée
selon laquelle la cité doit agir “ comme un seul homme ”.
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Popper n’hésite pas à utiliser ce terme en termes presque élogieux. Il se déclare également plutôt
favorable au cosmopolitisme d’Alexandre et à .... Napoon, tellement il est hostile au nationalisme d’un
Fichte et à ses idéaux d’Etat fermé et de langue pure. Il deviendra dans les années cinquante plus critique à
l’égard de la révolution française, sans jamais renier l’idée cosmopolitique ”, présente selon lui depuis
Démocrite, Antiphon, Antisthène et Diogène jusqu’à Kant, en passant par le thomisme.
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