Jacques DESALLANGRE Député de la composante

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Jacques DESALLANGRE
Député de la composante communiste, républicaine, parti de gauche
Département de l’Aisne
Groupe de la gauche démocrate et républicaine
Réforme des retraites
mercredi 8 septembre 2010 – 1ère séance
Discussion générale
Messieurs les ministres, mes chers collègues, il faut trouver de nouvelles ressources pour
financer notre système de retraite ; nous en sommes tous conscients.
Toutefois, un déficit de cette ampleur ne pourra être résorbé par la pose de rustines
successives, à l’image des projets Juppé, Balladur, Fillon I puis, aujourd’hui, Fillon II. Ces
contre-réformes menées par la droite en 1987, 1993, 2003 et 2008 ont eu pour seul effet de
réduire le taux de remplacement de plus de 20 %, sans apporter de véritable solution
structurelle.
La cause du déficit serait, dès aujourd’hui, essentiellement démographique ; c’est votre
leitmotiv, c’est votre seul argument – argument fragile. Car c’est faux, réplique le COR : les
deux tiers du déficit sont à ce jour imputables à la dégradation du contexte économique. Cela
est évident. En effet, le régime était excédentaire en 2001 ; vivions-nous alors moins
longtemps ? Non : le contexte démographique était analogue. L’équilibre financier peut donc
être garanti sans allongement de la durée de cotisation ni report de l’âge de départ à la retraite.
Vous dites qu’il n’y a pas assez de recettes ; mais c’est que vous ne prenez pas l’argent là où,
pourtant, il est. En trente ans, la richesse produite par notre pays a presque doublé, et elle
augmente de cent milliards chaque année. Taxez donc les stock-options, les « golden hello »,
les bonus et les parachutes dorés au même niveau que les revenus du travail ; cela
représenterait déjà plus de quatre milliards d’euros qui iraient dans les caisses de l’État. Voilà
ce que M. Bur appelle des prélèvements insensés.
Supprimez les faramineuses exonérations, inefficaces en matière d’emploi : elles représentent
tous les ans un cadeau de trente-sept milliards d’euros fait à des entreprises qui n’hésitent
pourtant pas à licencier ou à délocaliser. Le rapport de la Cour des comptes daté de ce jour
vous le dit : supprimez les détaxations des heures supplémentaires ; ce seront trois milliards
d’euros de trouvés.
Ce n’est pas tout. M. Bur a déclaré qu’il fallait taxer plus lourdement les « grosses »
indemnités de licenciement. Il pensait sans doute à M. Zacharias, parti, si je ne me trompe,
avec l’équivalent de quatre cents ans de salaire d’un smicard !
Votre projet coûtera quant à lui vingt milliards aux salariés, à cause d’une crise économique
dont ils ne sont pas responsables. Est-ce juste ? Non ! Mais il est vrai que les bénéficiaires
sont vos amis – ceux de Natixis, de L’Oréal et compagnie.
Il nous faut une vraie réforme globale du mode de financement des retraites. Voilà pourquoi
je milite depuis plusieurs années pour une réforme profonde des ressources financières de la
sécurité sociale, qui les assoirait non plus sur la masse salariale, mais sur toute la richesse
produite par les salariés et par les entreprises.
Votre réformette est fondée sur une idée simpliste, qui ne suppose aucune réflexion : on vit
plus vieux, donc on peut travailler plus vieux. Je vous en soumets une autre : notre travail
produit plus de richesse, donc on peut travailler moins longtemps.
Ce n’est donc pas avec ce genre de slogan que vous apporterez une solution pérenne aux
problèmes de nos régimes de retraite et de santé.
Dans votre bulle d’illusions, votre réforme aurait un double effet : elle retrancherait du
nombre de pensionnés le volume de personnes poursuivant leur activité, en augmentant
d’autant celui de la population active.
Mais que constatons-nous aujourd’hui, alors que l’on part à la retraite à soixante ans, avec
quarante annuités de cotisation ? Seuls 45 % des personnes qui liquident leur retraite ont une
carrière complète et se voient appliquer le taux maximal de remplacement, soit 50 %. Plus de
la moitié de la population part à la retraite avec une pension inférieure à la moitié des
dernières rémunérations.
Si l’on impose demain un allongement important de la durée de cotisation, c’est-à-dire du
nombre d’années nécessaires pour obtenir une pension à taux plein – soit 50 % –, cela aura
pour effet immédiat d’accroître le nombre de personnes qui partent à la retraite avec une
carrière incomplète et se voient appliquer des malus très pénalisants. En somme, on
appauvrira encore plus les retraités.
Les salariés, en particulier les cheminots, que je connais bien, seront frappés de plein fouet
par l’allongement et par l’application du mécanisme de décote que vous avez déjà instauré
lors de vos précédents sabotages. En 2008, je dénonçais déjà cette décote couplée à
l’allongement, car sa conséquence directe est l’accroissement massif du nombre de retraités
amputés du quart de leur pension.
Cette injustice est encore plus frappante lorsque l’on sait que de nombreux trimestres pourtant
travaillés n’ont pas été validés pendant les périodes d’apprentissage : trois trimestres sont
alors validés, sur huit trimestres effectivement travaillés et rémunérés.
D’autre part, en France, le taux d’emploi des seniors – les personnes âgées de cinquante-cinq
à soixante-quatre ans –est l’un des plus bas d’Europe : il ne dépasse pas 37,8 %. Il faut donc
résoudre le problème du sous-emploi des seniors de cinquante-cinq à soixante ans, car il
constitue à la fois une perte de ressources et une cause de paupérisation.
En outre, en contraignant nos seniors à poursuivre contre leur gré leur activité professionnelle,
vous retarderez d’autant l’entrée de nos jeunes dans le monde du travail. Votre politique va
donc assombrir les perspectives des jeunes de dix-huit à vingt-six ans, qui auront encore plus
de difficultés à trouver un emploi et à se projeter dans l’avenir.
Jeunes et moins jeunes, tous paieront donc le prix d’une réforme qui n’est ni courageuse ni
efficace, mais seulement injuste.
Que les plus riches prennent part à l’effort, et le problème est résolu. Mais, prisonniers de vos
intérêts de classe, vous agirez demain comme hier : vous défendrez pied à pied les intérêts de
Mme Bettencourt et de ses semblables. En sacrifiant ceux des Français les plus nombreux et
les plus modestes, de ces salariés que vous présentez avec un cynisme constant comme les
responsables des difficultés de notre pays, vous vous trompez de responsables, et vous le
savez : les vrais responsables, ce sont vos amis, ceux que vous défendez en toute occasion.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe SRC.)
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