Association d’Avocats GRISAY & Associés 1&4 Dominique GRISAY David SPRECHER 2 & 3 Avocats associés _____ Barbara KOOPS 5 Joâo Nuno PEREIRA 5 Avocats _____ Frank PERIGAUD 1 Isabelle DURNEZ 1 Michel DEMEYERE 1 Michel WALDMANN 1 Avocats collaborateurs _____ 1 : Avocat au Barreau de Bruxelles : Avocat au Barreau d’Israël 3 : Membre associé du Barreau de Bruxelles 4 : S.p.r.l.u. : RSC Bruxelles 3.533 5 : Avocat au Barreau du Luxembourg __________ 2 BRUXELLES Avenue Charles Quint, 343 B - 1083 Bruxelles Tél. : 00.32 - (0)2 / 469.47.55 Fax : 00.32 - (0)2 / 469.47.57 NOTE CONCERNANT LA VALEUR JURIDIQUE DES COMMUNICATIONS INTERPRETATIVES EN DROIT COMMUNAUTAIRE JERUSALEM 14 Rehov Kadish Luz IL - 96920 Jérusalem Tél. : 00.972 - (0)2 / 642.20.56 Fax : 00.972 - (0)2 / 641.64.44 PARIS 133, rue de la Pompe F - 75116 Paris Note réalisée à la demande du CECODHAS Contact : Laurent Ghékiere : 00 33 3 20 02 50 07 Tél. : 00.33 - (0)1.47.27.06.00 Fax : 00.33 - (0)1.47.27.57.82 LUXEMBOURG 99, Grand-Rue L - 1641 LUXEMBOURG Tél. : 00.352 - 46.44.88 Fax : 00.352 - 46.44.94 TUNIS ( correspondance ) Hedia NASRAOUI 57 bis, rue Oum Kalthoum T- 1001 Tunis Par Dominique GRISAY Avocat au Barreau de Bruxelles Licencié en droit international et en droit européen (Leyden) Secrétaire de la Commission de droit Européen de l'AIJA Professeur de l'Université de Paris XI Tél. : 00.216 - (0)1 / 34.21.71 Fax : 00.216 - (0)1 / 34.21.71 __________ International Group of Law Firms I.G.L.F. Bruxelles, Dubai, Jérusalem, Lisbonne, Londres, Luxembourg, Milan, Moscou, Paris, Toronto, Tunis 1 Association d’Avocats GRISAY & Associés PLAN I.-INTRODUCTION 1.- OBJET DE LA DEMANDE 2.- STRUCTURE DE LA REPONSE II.- DESCRIPTION DU CADRE LEGAL : DIRECTIVE 93 / 37 ET PROJET DE COMMUNICATION INTERPRETATIVE 1.- PLACE DE LA DIRECTIVE 93 / 37 DANS LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE D'OUVERTURE DES MARCHES PUBLICS 2.- LES GRANDS PRINCIPES CONTENUS DANS LA DIRECTIVE 93 / 37 3.- LE PROJET DE COMMUNICATION INTERPRETATIVE DU 7 AVRIL 1999 4.- LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE III.- - VALEUR JURIDIQUE DES COMMUNICATIONS INTERPRETATIVES 1.- ARTICLE 189 DU TRAITE DE ROME - (249 DU TRAITE D'AMSTERDAM) 2.- LES AUTRES ACTES DES INSTITUTIONS 3.- ESSAI DE TYPOLOGIE DES COMMUNICATIONS IV.- INFLUENCE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE SUR L'APPRECIATION DE LA VALIDITE DE LA COMMUNICATION INTERPRETATIVE D'AVRIL 1999 1.- INTRODUCTION 2.- JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE EN MATIERE DE DEMANDES EN ANNULATION DE COMMUNICATIONS : ANALYSE DE L'AFFAIRE C57 / 95 3.- EXTRAPOLATION DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE A L'APPRECIATION DE LA VALEUR JURIDIQUE DU PROJET DE COMMUNICATION INTERPRETATIVE DE LA COMMISSION D'AVRIL 1999 V.- CONCLUSION - PROPOSITION D'ACTION 2 Association d’Avocats GRISAY & Associés I.- INTRODUCTION 1.- OBJET DE LA DEMANDE Il nous a été demandé de remettre un rapport sur la valeur juridique, en droit communautaire, des communications interprétatives. Comme nous le préciserons dans le corps de l'analyse, le terme même de "communication" est utilisé dans des contextes fort différents par la Commission. Les communications - interprétatives ou non (ainsi que d'autres formes de textes "explicatifs") édictées par la Commission constituent ce qu'il est désormais convenu d'appeler le "soft law" en droit européen. L'analyse de cette nouvelle catégorie de textes communautaires qui ne repose sur aucun article du Traité, attire aujourd'hui de plus en plus l'attention de la doctrine. En parallèle, la Cour de Justice des Communautés Européennes a eu, ces dernières années, à connaître à de nombreuses reprises, de demandes en annulation de divers textes ressortant du domaine de la "soft lauw". Dans un arrêt C-57 / 95 du 20 mars 1997, la Cour de Justice a ainsi énoncé les principes qui guident aujourd'hui l'appréciation de la validité des communications interprétatives. Nous préciserons, dans le corps de notre analyse, les critères qui ont été retenus par la Cour de Justice. Il nous a semblé que, pour permettre une analyse concrète de la situation, il convenait de dépasser le cadre strictement légal, défini ci-dessus. C'est la raison pour laquelle nous avons défini le contexte précis dans le cadre duquel la question de la validité de la communication nous a été posée. La dernière partie de notre analyse consistera donc, à titre nécessairement liminaire, à tenter une première analyse du projet de la communication interprétative en fonction des critères énoncés par la Cour de Justice. 2.- STRUCTURE DE LA REPONSE De manière à permettre une analyse plus aisée de la situation, nous avons, dans un premier temps, retracé le cadre légal dans lequel la question de base nous a été posée. 3 Association d’Avocats GRISAY & Associés Nous analyserons donc, brièvement, la Directive 93 / 37, en la replaçant dans son contexte. Nous nous pencherons ensuite sur les grandes lignes du projet de communication du 7 avril 1999. Une fois le cadre légal retracé, nous aborderons l'aspect plus théorique de notre analyse en reprenant, en les décrivant brièvement, les sources du droit communautaire reconnues par les Traités. Nous compléterons ce premier tour d'horizon par une appréciation globale des autres textes contenant actes des institutions, n'étant pas prévus en tant que tels par les Traités. Enfin, nous reprendrons, sur base de la Jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, un tout premier essai de typologie des communications, interprétatives ou non. Nous aborderons , dans la troisième partie substantielle de notre note, l'enseignement de la Cour de Justice à propos des communications, et préciserons, comment, sur base des critères énoncés par la Cour de Justice, il y a lieu d'apprécier le projet de communication interprétative soumis à notre analyse. II.- DESCRIPTION DU CADRE LEGAL : DIRECTIVE 93 / 37 ET PROJET DE COMMUNICATION INTERPRETATIVE 1.- PLACE DE LA DIRECTIVE 93 / 37 DANS LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE D’OUVERTURE DES MARCHES PUBLICS. La directive 93/37/CEE a été adoptée par le Conseil dans le souci de clarifier et de rationaliser la coordination des procédures de passation de marchés publics de travaux établie par une directive du 26 juillet 1971,1maintes fois modifiée2. L’objectif affiché de la directive susmentionnée est d’exclure tout risque de préférence ‘nationale’, qui favoriserait dès lors des candidats nationaux lors de la passation de marchés publics de travaux. Les enjeux nés de l’élimination des restrictions à la concurrence ainsi que la liberté d’établissement et la libre prestation de services en matière de marchés publics de travaux ont également servi de trame à la coordination des procédures. Les priorités d’action dans le domaine des marchés publics ont été définies dans une communication adoptée le 11 mars 1998 par la Commission européenne, à l’initiative du commissaire responsable du marché unique, Mario Monti. 1 directive 71/305/CEE, JO n° L185, 16 aout 1971, p.5. dernière modification par la directive 90/531/CEE, JO n° L297, 29 octobre 1990, p.1. 2 4 Association d’Avocats GRISAY & Associés Selon ses commentaires3, il ressort que “la coopération entre le secteur public et le secteur privé se développe de plus en plus dans tous les Etats membres, car elle peut représenter une réponse très efficace aux besoins d’investissement public. Toutefois, il est essentiel d’assurer un cadre transparent et ouvert à la concurrence pour le partenariat public-privé dans le contexte du marché unique”. Une communication de 19984 contient des propositions visant notamment à regrouper en une seule directive les trois directives sur les marchés publics de fourniture (93/36/CEE), de travaux (93/37/CEE) et de services (92/50/CEE). Par ailleurs, la Commission, après avoir constaté que les autorités publiques faisaient de plus en plus appel à des organismes privés pour remplir des missions d’intérêt général, a distingué deux situations: - d’une part, les cas de coopération ‘tombant’ sans aucune ambiguïté sous le joug de la directive sur les marchés publics de travaux5, - et d’autre part, les travaux de concession qui ne semble pas relever explicitement de cette législation. Selon la Commission, cette dernière situation n’exempte pas pour autant ces contrats du respect des règles communautaires. En effet, les concessions et autres formes de coopération public - privé comportent des enjeux économiques considérables, dont le montant approche celui des marchés publics traditionnels, soit une estimation de 11% du PIB de l’Union. Aussi, dans un projet de communication interprétative publiée au Journal Officiel du 7 avril 1999, la Commission explicite-t-elle l’interprétation qu’elle entend donner à la législation édictée en matière de marchés publics. Le projet de communication interprétative vise à éclaircir la manière dont les principes du traité CE concernant notamment la non-discrimination, la liberté d’établissement et la libre prestation de services, ainsi que les directives sur les marchés publics, doivent être appliqués aux contrats de concession ou similaires. Cette dernière communication constitue la première des mesures mettant en œuvre le plan d’action adopté par la Commission dans sa communication du 11 mars 1998. 3 http://www.europa.eu.int/comm/dg15/fr/publproc/general/concfr.htm http://www.europa.eu.int/comm/dg15/fr/publproc/comm/233.htm 5 directive 93/37/CEE, JOCE du 9 aout 1993, p.54. 4 5 Association d’Avocats GRISAY & Associés 2.- LES GRANDS PRINCIPES CONTENUS DANS LA DIRECTIVE 93/37. Il ressort de l’article 1(a) de la directive 93/37/CEE que sont considérés comme des marchés publics de travaux, les contrats présentant les caractéristiques suivantes : - les contrats conclus à titre onéreux, par écrit, entre un entrepreneur et un pouvoir adjudicateur (défini à l'article 1(b), et - ayant pour objet la conception et l’exécution de travaux. Ces deux éléments ont été repris par la Commission mais également par la Cour de justice, dans sa jurisprudence récente. A.- Objet du contrat La directive 93/37/CEE fait référence aux contrats de marchés publics de travaux 6 mais également aux concessions de travaux publics7. Selon la directive8, les marchés de travaux supérieurs à 5 millions d’ECUs (montant hors TVA) sont soumis à la législation communautaire. L'article 3§1 applique un seuil de 5 millions d’ECUs aux contrats de concession de travaux publics. Dans son article 9, la directive vise expressément l’activité de construction de logement social, en faisant référence à une procédure spéciale d'attribution en vue de choisir l'entrepreneur le plus apte à réaliser les Habitations à caractère social. B.- La notion de pouvoirs adjudicateurs L'article 1 (b) de la directive 93/37/CEE considère que sont des pouvoirs adjudicateurs l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou organismes. L'article 1(b) alinéa 3 dresse une liste9 non exhaustive d'organismes de droit public remplissant les conditions nécessaires à cette qualification, car étant soumis à un contrôle de gestion. 6 article 1(a) de la directive 93/37/CEE, JO du 9 août 1993, p.54. article 1 (d) de la directive susmentionnée. 8 Article 6 9 annexe 1 7 6 Association d’Avocats GRISAY & Associés L’article 1(b) alinéa 2 de la directive énonce trois conditions cumulatives à la qualification d’organisme de droit public : - organisme créé pour satisfaire exclusivement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, et - organisme doté de la personnalité juridique, et - organisme sous l’influence des pouvoirs publics. Cette dernière condition est remplie alternativement : soit en cas de financement majoritairement public, soit lorsqu’un contrôle de gestion est exercé par une autorité publique ou encore si l’organe de direction est composé au moins à 50% de membres désignés par les autorités publics. L’article 2 de la directive prévoit d'autre part que si le marché public de travaux est effectué par une entité subventionnée à plus de 50% par un organisme de droit public, les dispositions de la directive s’appliqueront. Il faut toutefois noter que cette disposition ne concerne que les marchés du paragraphe 2. C. L’application aux contrats de concessions. Il ressort de la lecture de l’article 1(b) qu’un contrat de concession de travaux publics est un contrat par lequel le concédant, qui est un pouvoir adjudicateur, confie au concessionnaire, un entrepreneur, la réalisation et la gestion de travaux relatif à une activités visées à l’annexe II ou un ouvrage défini au point C. L’article 3§3 précise que le concessionnaire peut être un pouvoir adjudicateur au sens de l’article 1(b). 7 Association d’Avocats GRISAY & Associés D.- Les conséquences de l'application de la directive 93/37/CEE Les marchés publics de travaux et les concessions de travaux publics répondant aux critères de la directive sont soumis aux règles de publicité des articles 11 à 17, rendant obligatoire une publication au JOCE (article 3). Les contrats passés entre le concessionnaire et les tiers doivent faire l’objet, en vertu de l’article 3§4, d’une publication au niveau communautaire. Ne sont pas considérées comme des tiers, les entreprises liées au concessionnaire, c’est-à-dire sur lesquelles le concessionnaire exerce, directement ou indirectement, une influence dominante. Toutefois, dans les contrats que le concessionnaire passe avec les tiers, il faut distinguer selon que le concessionnaire est lui-même un pouvoir adjudicateur ou non. Selon les articles 15 et 16 de la directive 93/37, le délai de présentation octroyé aux candidats diffère d’une situation à une autre10. 3-. LE PROJET DE COMMUNICATION INTERPRETATIVE DU 7 AVRIL 1999. Dans son projet de communication interprétative11, la Commission rappelle que seule la concession de travaux est réglementée par la directive 93/37/CEE, tandis que d’autres formes ne sont pas explicitement visées. Ces dernières formes de coopération présentant des caractéristiques communes ne sont toutefois pas exemptées du respect des règles communautaires, d’où la présente communication. La Commission entend soumettre les concessions de services et autres formes de concession aux règles du traité. Par ailleurs, elle entend préciser le régime applicable aux concessions de travaux de la directive 93/37/CEE. A.- le champ d’application de la communication 1) la délimitation des concepts. La directive 93/37 mentionne 2 catégories de contrats : - les marchés publics de travaux - les concessions de travaux publics Ce délai ne peut être inférieur à 52 jours si le concessionnaire est un pouvoir adjudicateur, alors qu’il est au minimum de 37 jours si le concessionnaire est une personne privée. 11 JOCE, C 94, 7 avril 1999, p. 4 à 14. 10 8 Association d’Avocats GRISAY & Associés La Commission précise que le projet de communication ne porte que sur les concessions, et par conséquent sur la deuxième catégorie de contrat susmentionné. Les marchés de travaux publics restent seuls soumis à la directive 93/37, alors que les concessions de travaux publics sont à la fois soumis à la directive et à la présente communication. La Commission s’efforce de délimiter le concept de marchés publics de travaux et la notion de concession de travaux publics. Elle retient qu’il s’agit d’une concession lorsque deux critères sont réunis : - le droit d’exploiter, - les risques de cette exploitation sont supportés en grande partie par le concessionnaire. Le remboursement du financement des travaux n’émane pas directement du pouvoir adjudicateur, mais s’effectue par le biais de redevances payées par les usagers de l’ouvrage. Si cet élément de risque fait défaut, il s’agit alors d’un marché public de travaux. Un prix peut être payé par l’Etat, néanmoins tant que ce versement n’élimine pas une partie significative du risque, il s’agit d’une concession12. 2) application de la directive. Le projet de communication concerne : - les concessions de travaux publics (directive 93/37/CEE) - les concessions de services publics. Une concession a les mêmes caractéristiques quel que soit l’objet sur lequel elle porte. La concession de services se distingue du marché public de services (directive 92/50/CEE) grâce aux critères d’exploitation et de risques pour le concessionnaire. - les autres formes de partenariat public / privé, auxquelles aucune directive n’est applicable. Cas où l’Etat supporte une petite partie du risque afin que l’utilisateur bénéficie de prix moindres ou situation, en vertue de laquelle, le concessionnaire doit pratiquer des prix sociaux pour des raisons d’intérêt général en contrepartie d’une compensation financière. 12 9 Association d’Avocats GRISAY & Associés La Commission conclut que sont visés par la présente communication, les actes, unilatéraux ou contractuelles, par lesquels une autorité publique confie à un tiers la gestion totale ou partielle de services qui relèvent normalement de sa responsabilité, et pour lesquels ce tiers assume une partie significative du risque d’exploitation. Ces services constituent des prestations d’activités économiques. Ne sont par contre pas visés les actes tels que ceux par lesquels, une autorité publique confie à des tiers la gestion de services participant à l’autorité publique ou par lesquels il confère une habilitation ou octroie une autorisation à l’exercice d’une activité économique. B.- Conséquences : le régime applicable à ces trois contrats de concession. La Commission rappelle que les Etats membres sont libres de déterminer les critères de sélection des concessionnaire, dans la mesure où ces critères respectent: a) les articles 52 à 66 du Traité de Rome. Les critères choisis doivent s’appliquer de façon non-discriminatoire et ne doivent pas enfreindre la libre prestation de services et la liberté d’établissement. b) les dispositions du Traité spécifiques à certains secteurs. c) les principes issus de la jurisprudence de la Cour de Justice : 1) L’égalité de traitement13 Ce principe interdit toute discrimination basée notamment sur la nationalité. Dans une situation similaire, les étrangers doivent pouvoir bénéficier du même traitement que les nationaux. Dès lors, l’autorité publique est libre de choisir les procédures de sélection du candidat. Toutefois, cette procédure doit être la même pour tous et doit se baser sur des critères objectifs. 2) La transparence. Ce principe est un corollaire de l’égalité de traitement. La transparence est assurée par le respect des règles ou des pratiques administratives existantes dans la quasi-totalité des pays membres prévoyant que, l’intention de confier la gestion d’une activité économique à un tiers doit être rendue publique selon des modalités appropriées, laissées au choix des pouvoirs adjudicateurs. 13 CJCE, 8 octobre 1980, Uberschar, 810/79. 10 Association d’Avocats GRISAY & Associés Ainsi, les autorités ayant en charge la publication de l’offre public, doivent s’assurer que toutes les informations nécessaires pour les candidats potentiels sont mentionnées. L’information doit porter sur l’objet de la concession ou partenariat et sur la nature et l’étendue des prestations attendues. Les informations données doivent être exhaustives. 3) La proportionnalité14 La jurisprudence a érigé cette notion en principe général du droit communautaire15. Ce principe implique que toutes les mesures choisies par les autorités doivent être à la fois nécessaires et appropriés aux objectifs poursuivis. L’Etat membre ne serait donc exiger des candidats, des compétences techniques, professionnelles ou financières disproportionnées par rapport à l’objet de la concession. 4) La reconnaissance mutuelle16 L’Etat membre doit accepter les produits et services fournis par les opérateurs économiques des autres Etats membres. Il faut toutefois que les produits et services répondent aux objectifs légitimes de l’Etat destinataire. Plus spécifiquement, les Etats doivent donc accepter les normes techniques, diplômes et qualification des autres Etats dans la mesure où ces normes sont considérées comme équivalentes. 5) Les exceptions de l’article 55 et 56. Ces articles admettent des restrictions à la liberté de prestations de services et d’établissement. Les exceptions concernent les activités comportant une participation directe l’exercice de l’autorité publique17. et spécifique à Ces exceptions doivent être interprétées de façon restrictive18. La qualification nationale donnée ne relève pas forcément de cette exception19. Les articles 55 et 56 ne peuvent être invoqués lorsque l’autorité publique garde un contrôle sur l’activité20 ou encore lorsque l’activité est technique21. Le principe de proportionnalité requiert que la mesure adoptée restreigne le moins possible la liberté de prestation de services. 14 CJCE, 27 octobre 1993, 127/92, attendu 27. CJCE, 11 juillet 1989, Schraeder, C-265/87 16 CJCE, 7 mai 1991, Vlassopoulou, C-340/89 17 CJCE, 21 juin 1974, 2/74, Reyners. 18 CJCE, 15 mars 1988, C-147/86. 19 Conclusions de l’avocat général Mischo, C 3/88, Dataprocessing. 20 C 147/86 précité. 21 C 3/88, Dataprocessing. 15 11 Association d’Avocats GRISAY & Associés 6) La protection des droits individuels22 implique que tout refus soit motivé et qu’il puisse être contestable. C. - cas des concessions mentionnées dans la directive 93/37. 1) régime applicable. Les principes susmentionnés sont applicables aux concessions de travaux publics. La Commission ajoute que ces principes sont applicables même si le seuil de 5 millions d’ECUs n’est pas atteint. Pour les concessions dépassant le seuil de 5 millions d’ECUs, il faudra que les travaux remplissent non seulement les règles de publicité de la directive 93 mais également celles de la présente communication. La Commission établit une distinction entre deux étapes : - une phase en amont quant au choix du concessionnaire, L’attribution de concessions entre personnes publiques rentre, selon la présente communication, dans le champ d’application de la directive 93/37, dans la mesure où une publicité préalable est nécessaire pour tout contrat de concession de travaux publics que le concessionnaire potentiel soit privé ou public. La Commission se fonde sur l’article 3.3 de la directive qui indique que le concessionnaire est également soumis à la directive lorsqu’il est lui-même, un pouvoir adjudicateur au sens de l’article 1 (b). En d’autres termes, le concédant est toujours un pouvoir adjudicateur, et le concessionnaire, soumis aux règles de la directive 93/37/CEE, peut aussi bien être une personne privée qu’un organisme de droit public La Commission renvoie aux formes de publicité communautaire de l’article 3§1. - une phase en aval relative aux marchés passés par le concessionnaire, Sont également seuls concernés les travaux publics de plus de 5 millions d’ECUs. La Commission, si elle estime que tout concessionnaire est tenu de faire connaître au niveau communautaire son intention de passer un marché de travaux avec un tiers, distingue cependant deux situations. Toutes les dispositions de la directive seront applicables si le concessionnaire est un pouvoir adjudicateur, alors que si le concessionnaire est un entrepreneur privé, la directive prévoit l’application de certaines règles de publicité. 22 CJCE, 7 mai 1991, C 340/89, Vlassopoulou. 12 Association d’Avocats GRISAY & Associés 2) la distinction concessions de travaux et de services. La Commission apporte une précision quant au champ d’application de la directive. Elle aborde le problème des contrats mixtes. Comme critère décisif, elle retient que dès qu’il y a la construction d’un ouvrage par le concédant alors la directive 93/37 trouve à s’appliquer même si des services sont annexés au contrat. 4.- LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE. La Cour de Justice a récemment dû se prononcer, à plusieurs reprises, sur le champ d'application de la directive, et en particulier sur la définition à donner à la notion d'organisme de droit public. Dans l'arrêt Mannesmann23, la Cour de justice s’est interrogée en premier lieu sur la nature des entités puis sur la nature du contrat en cause, afin de déterminer si un organisme autrichien devait appliquer la législation communautaire sur les marchés publics. Au regard dudit arrêt, dès qu'un organisme de droit public au sens du droit communautaire, passe un marché de travaux, quel que soit sa nature, il est à considérer comme un marché public de travaux au sens de l’article 1(a) de la directive 93/37/CEE. La Cour rappelle, dans son attendu 62 de l'arrêt précité, qu’en vue de donner plein effet au principe de la libre prestation de services, la notion d'Etat doit recevoir une interprétation fonctionnelle. Seules compte les fonctions attribuées à l’entité considérée, quelle que soit la forme juridique des dispositions créant l’organisme. La Cour reprend également point par point les éléments de l’article 1(b) de la directive afin de définir ce qu'est un organisme de droit public : “Il convient d’observer, qu’aux termes de l’article 1er, point b 2ème alinéa, de la directive 93/37, un organisme de droit public est un organisme créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial, doté de la personnalité juridique, et dépendant étroitement de l’Etat, de collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public”. La Cour de justice déduit de cette disposition que les trois conditions de l’article 1(b) sont cumulatives (attendu 21). 23 CJCE, 15 janvier 1998, aff. C44/96, JO n°C/98, p.4 13 Association d’Avocats GRISAY & Associés A.- Critère de l’organisme créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial. La jurisprudence Mannesmann, attendu 25, précise que la condition selon laquelle l’organisme doit avoir été créé pour satisfaire ‘spécifiquement’ des besoins d’intérêt général autres qu’industriels ou commerciaux n’implique pas qu’il soit uniquement chargé de satisfaire de tels besoins. La Cour de justice dans un arrêt BFI24 ajoute que le fait que la satisfaction des besoins d’intérêt général ne constitue qu’une partie relativement peu importante des activités réellement entreprises par cette entité, est, elle aussi, sans pertinence, dès lors qu’elle continue à se charger des besoins qu’elle est spécifiquement obligée de satisfaire. La Cour souligne que la notion ‘autre qu’industriel ou commercial’ est un critère qui vise à préciser la notion de besoin d’intérêt général au sens de l’article 1 (b). Ainsi, à l’intérieur de la catégorie des besoins d’intérêt général, il existe une sous-catégorie de besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial. L’arrêt BFI précité (attendu 51) indique que l’énumération non exhaustive de l’annexe 1 démontre que les besoins d’intérêt général sont issus de la volonté de l’Etat de satisfaire lui-même certains services sur lesquels il entend conserver une influence déterminante25. B.- L'influence d'une autorité publique Dans un arrêt Commission contre Irlande 26 (attendu 38), la notion de contrôle étatique est développée par la Cour. Il y est précisé que, s’il est vrai qu’aucune disposition ne prévoit explicitement que le contrôle étatique s’étend spécifiquement à la passation des marchés publics, l’Etat peut néanmoins exercer un contrôle sur cet aspect des choses de manière indirecte. Ce contrôle indirect est en l'espèce déduit de la création elle-même de l’entité par l’Etat qui lui confie en outre des missions déterminées. C.- L'existence d'un cadre concurrentiel ? Les arrêts Mannesmann et BFI précisent également que l’article 1(b) peut s’appliquer à un organisme déterminé même si des entreprises privées pouvaient satisfaire le même besoin. 24 CJCE, 10 novembre 1998, affaire C-360/96 (non encore publié) Tender Nieuwsbrief, "Commentaar op de uitspraak Gemeenten Arnhem en Rheden / BFI", januari 1999 26 CJCE, 17 décembre 1998, affaire C-353/96 (non publié) 25 14 Association d’Avocats GRISAY & Associés L’absence de concurrence n’est donc pas une condition nécessaire aux fins de la définition d’un organisme de droit public27. Toutefois, l’existence d’une concurrence développée et en particulier le fait que l’organisme concerné agit en situation de concurrence sur le marché, peut être un indice permettant de soutenir que l'on ne se trouve pas confronté à un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial. La jurisprudence Mannesmann reconnaît par exemple, un cas dans lequel un marché de travaux publics échappera à l'application de la directive : si depuis le début, le dit contrat a été passé avec une entreprise évoluant dans un cadre concurrentiel, ce dernier échappe alors à la législation communautaire. Il s'agissait en l'occurrence d'une hypothèse dans laquelle un organisme de droit public transmettait un contrat à un entrepreneur privé. III.- VALEUR JURIDIQUE DES COMMUNICATIONS INTERPRETATIVES Nous avons décrit, dans les pages qui précèdent, le cadre légal général dans lequel la question de la validité des communications nous a été posée. Il convient, dans une seconde approche théorique, d'aborder les sources du droit communautaire, en soulignant tout particulièrement les sources du droit communautaire non prévues par les textes du Traité. Nous tenterons, dans une troisième partie de l'analyse, de réaliser une première typologie des communications, sur base de la jurisprudence de la Cour de Justice. On notera cependant, dès à présent, qu'une telle typologie n'a, en soi, pas de sens, mais permet plutôt d'indiquer la multiplicité de la nature des textes qui se cachent derrière le terme générique de "communications". 1.- ARTICLE 189 DU TRAITE DE ROME (249 DU TRAITE D'AMSTERDAM) L'article 189 du Traité CE (249 du Traité d'Amsterdam) stipule ce qui suit : "pour l'accomplissement de leurs missions et dans les conditions prévues au présent Traité, le Parlement Européen, conjointement avec le Conseil, le Conseil et la Commission arrêtent des règlements et des Directives, prennent des décisions et formulent des recommandations ou des avis". L'article 189 (245 du Traité d'Amsterdam) est assurément l'une des dispositions les plus importantes des Traités Européens. 27 Mr PIJNACKER HORDIJK & Mr GW. VANDER BEND, AANBESTEDINGSRECHT, Sdv, 1999. 15 Association d’Avocats GRISAY & Associés Cet article définit en effet la portée des actes que le Conseil et la Commission, ainsi que le Parlement Européen conjointement avec le Conseil, arrêtent pour la mise en œuvre du Traité. Il est donc l'expression de l'attribution de compétences normatives et administratives aux Institutions de la Communauté28 L'article 189 est d'ailleurs la disposition qui est invoquée à la base, par la doctrine et par la Cour pour fonder la primauté du droit communautaire29 La systématisation exprimée par l'article 189 qui se traduit, dans l'attribution aux actes, des différents degrés d'effets juridiques, tranche avec l'approche apparemment non doctrinale qu'avait involontairement adopté les Auteurs du Traité. Le doute est cependant permis quant à la clarté que les Auteurs du Traité ont réussi à établir à propos des actes des Autorités Communautaires et de leurs effets juridiques 30. En outre, l'article 189 contient, dans son premier alinéa, des précisions relatives à l'exercice par les Institutions de leur compétence de décision. Ces précisions sont directement empruntées à l'article 14 du Traité CECA, il convient d'en examiner la portée. Il faut en effet voir dans l'alinéa 1, l'expression de la portée externe des actes définis dans l'article 189 vu la négation de l'existence dans le chef des Institutions d'un pouvoir général de décision. Les actes mentionnés à l'article 189 sont des actes fonctionnels ayant une portée externe. 28 La place essentielle de l'article 189 est attestée par les tentatives d'en contester la légitimité constitutionnelle, tout autant que par l'appui qu'ont trouvé la doctrine et la jurisprudence pour l'affirmation des traits fondamentaux du droit communautaire et de sa primauté. En effet, en Allemagne, en Italie, les Juridictions sont soumises au contrôle incident de constitutionnalité, la loi d'approbation du Traité CE, dans la mesure où elle avait permis que soit directement applicables sur le territoire national des règlements dont l'article 189 al 2 définit la portée- cf. Voyez FG Rhénanie -Palatinat, 14 novembre 1993, AWD, 1964, p65 ; ordonnance du Tribunal de Turin du 21 avril 1972, Riv.dir int.1973 p317. Le Bverfg a rejeté pour irrecevabilité la requête du FG de Rhénanie - Palatinat - ordonnance du 5 juillet 1967 - AWD, 1967 p 346 - 366. La Cour Constitutionnelle italienne s'est prononcée en faveur de la constitutionnalité de la loi d'approbation par une décision du 27 décembre 1973, JT 1974, p 412. 29 H.P. IPSEN, Gemeinschaftsrecht rend nationales Recht, Aktuelle Fragen des europaischen Gemeinschaftsreehts, Stuttgart, 1965 ainsi que l'arrêt de principe de la Cour dans l'affaire COSTA / ENEL (arrêt du 15 juillet 1964, Aff 6 / 64, Rec 1964, p 1141 et suivants). 30 Sur la clarté de l'article 189, voyez et comparez J. BOULOUIS, L'application directe des directives. A propos d'un arrêt Cohn Bendit du Conseil d'Etat, RMC, 1979, p 107 : "il (est) difficile d'imaginer acte plus clair que l'article 189" et G. ISAAC, "Le Juge administratif français et les directives communautaires, note dans l'arrêt Cohn - Bendit", Cah. Dr. Europ. 1979 p 276 : 'affirmer la clarté de l'article 189 tient de l'effronterie" 16 Association d’Avocats GRISAY & Associés Cela exclut du champs d'application de l'article à la fois les actes d'ordre interne, tels que les règlements d'organisation, les nominations et les actes fonctionnels préparatoires telles les propositions de la Commission ou les programmes généraux.31 L'exclusion du pouvoir général de décision dans le chef des Institutions est généralement exprimée par l'idée selon laquelle celles-ci ne disposent que d'une compétence d'attribution. L'article 189 alinéa 1 est d'ailleurs traditionnellement rapproché de l'article 3 : "aux fins énoncées à l'article précédent, l'action de la Communauté comporte, dans les conditions et selon les rythmes prévus par le présent Traité : ………..etc" et de l'article 4 §1, alinéa 2, aux termes duquel "chaque Institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le présent Traité". L'ensemble de ces dispositions sont mises en regard de l'article 235 du Traité (308 du Traité d'Amsterdam) dans lequel la doctrine voit un correctif à ce que l'application de cette règle générale pourrait avoir de trop rigoureux. En effet, l'article 235 permet aux Autorités Communautaires de prendre des législations ou d'adopter des législations dans quelques matières que ce soit, pour autant qu'unanimité soit réunie au sein du Conseil des Ministres. Par ailleurs, l'article 3 B, introduit dans le Traité CE par le Traité sur l'Union Européenne, qui est consacré aux principes de subsidiarité, confirme cette analyse en énonçant que "la Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées, des objectifs qui lui sont assignés par le présent Traité". La rédaction des dispositions particulières du Traité confirme, elle aussi, la négation d'une compétence générale des Institutions. Indépendamment de l'existence, dans le Traité, des dispositions que nous venons de rappeler, le soin mis par les Auteurs du Traité, dans plusieurs chapitres, à spécifier le type d'actes que les Institutions peuvent arrêter et cela souvent à l'exclusion de tout autre, n'aurait pas de sens si l'on devait admettre qu'en toute hypothèse, le Conseil voire la Commission pourrait adopter n'importe quel acte dans n'importe quelle matière. Les Institutions n'ont pas des pouvoirs identiques dans tous les domaines couverts par le Traité. Les Autorités Communautaires ne peuvent donc adopter qu'une Directive lorsque seul cet instrument juridique est prévu par la disposition habilitante. En revanche, elles ne peuvent avoir recours à un tel acte lorsque le Traité leur impose de recourir à un règlement. 32 31 Cette simple constatation est importante car elle révèle à elle seule, le caractère non-exhaustif de l'article 189 du Traité. 32 En ce sens, la doctrine dominante qui relève l'absence par le Traité CE d'une disposition analogue à celle de l'article 14 du Traité CECA qui prévoit que : " lorsque la haute Autorité est habilitée à prendre une disposition, elle peut se borner à formuler une recommandation". Voyez contrat JV LOUIS, les règlements de la Communauté Economique Européenne, Bruxelles, 1969, p 53 - 54. 17 Association d’Avocats GRISAY & Associés D'un point de vue général, comme cela a été précisé dans les conclusions du Conseil Européen d'Edimbourg des 11, 12 décembre 1992 : "la forme de l'action doit être aussi légère que le permet la réalisation adéquate de l'objectif, de la mesure et de la nécessité d'une exécution efficace. La Communauté ne doit légiférer que dans la mesure nécessaire. Toutes choses égales, par ailleurs, il convient de donner la préférence aux Directives par rapport aux règlements, et aux Directives cadres par rapport aux mesures plus détaillées. Les mesures non contraignantes telles que les recommandations, doivent être priviligiées lorsqu'elles sont appropriées". On ne peut déduire de cette règle de la compétence d'attribution, l'illégitimité du recours aux principes d'interprétation des Traités constitutifs d'organisations internationales que, l'on doit mettre en œuvre à fortiori dans un Traité d'intégration. Parmi ces principes, figure celui selon lequel il convient de donner un effet utile aux dispositions du Traité. La Cour de Justice s'est référée à différentes reprises à ce principe d'effectivité 33. Il serait en effet incorrect, et cela conduirait à des conséquences absurdes, de confondre compétence d'attribution et habilitation expresse, et de se limiter à une interprétation exégétique des dispositions habilitantes. En ce sens, il convient de souligner que l'article 235 n'est pas un obstacle au recours aux principes de l'effet utile. Cette disposition ne doit être divisée que lorsque les ressources normales de l'interprétation des autres dispositions du Traité ne permettent pas de fonder l'action souhaitée de la part des Institutions. En outre, à la différence des règles d'interprétation auxquelles nous nous référons ci-dessus, l'article 235 permet de déduire directement de l'existence d'un objectif général aux particuliers de celle d'une compétence déterminée. Il s'agit seulement, dans l'interprétation proposée, de donner plein effet à une attribution de compétences. * L'article 189 classe les actes selon un certain ordre, mais cette classification ne répond pas à des critères rigoureux dans la mesure où il n'est pas possible d'établir entre les actes, une stricte hiérarchie. Bien que les actes décrits à l'article 189 ne constituent pas l'objet de notre étude, il est bon d'en résumer quelques caractéristiques de base. * 33 Sur ce principe, voyez WJ GANSHOFVAN DER MERSCH "l'ordre juridique des Communautés Européennes et le droit international" RCABI, volume V, 1975, p 280 et suivantes. 18 Association d’Avocats GRISAY & Associés Le règlement est l'acte le plus complet, le plus efficace de l'arsenal communautaire. Il s'agit en l'occurrence d'un acte général, obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable. La directive est le second type d'actes prévus par l'article 189 du Traité de Rome. Elle précède la décision et cette place peut être discutée. En effet, comme le règlement, la directive est obligatoire dans tous ses éléments alors que la directive, si elle impose à l'Etat membre un résultat à atteindre, elle laisse aux Instances nationales, la compétence quant à la forme et aux moyens. En d'autres termes, si la directive est mentionnée avant la décision, c'est plus en raison de sa fonction dans le Traité que pour des motifs objectifs -de la nature et des effets de cet acte-. La directive est essentiellement l'instrument du rapprochement des législations ; elle l'est restée malgré le choix laissé par le nouvel article 100 a, introduit par l'Acte Unique, en ce qui concerne les mesures que le Conseil peut adopter pour la réalisation du marché intérieur. La directive est également le moyen de mettre en œuvre d'autres chapitres essentiels du Traité, tel en particulier celui à propos duquel la présente analyse est réalisée. Par le lien créé entre la Communauté et l'Etat destinataire, la directive apparaît, à la différence du règlement, comme un acte individuel. Par son objet, c'est, très généralement, un acte de législation. On précise souvent : acte de législation indirect, pour souligner par là le rôle des Etats dans sa mise en œuvre. L'adjectif ne doit pas être pris dans un sens absolu. En effet, la directive n'est pas nécessairement dépourvue d'effets en droit interne avant l'intervention des Instances nationales (nonobstant cette intervention). Les décisions ont une portée individuelle. Elles lient les Etats membres ou tout autre destinataire. Elles sont, comme les règlements, obligatoires dans tous leurs éléments. Les décisions peuvent autant octroyer une autorisation à leur destinataire 34, que lui imposer une obligation35. Les avis et les recommandations ne lient pas. Alors que la recommandation provient normalement de l'initiative de l'Institution et indique au destinataire certains comportements à suivre, l'avis constitue le plus souvent, une prise de position sollicitée par un tiers 36. On retiendra en outre que l'article 155 (article 211 du Traité d'Amsterdam) habilite la Commission à formuler "des recommandations ou des avis sur les matières qui font l'objet du présent Traité, si celui-ci le prévoit expressément ou si elle l'estime nécessaire". L'article 155 qui complète donc l'article 189 autorise la Commission à se prononcer motu proprio pour donner des explications sur les matières qui rentrent dans l'objet du Traité. 34 Telle par exemple, l'autorisation donnée à un Etat de recourir aux mesures de sauvegarde prévues par l'article 108 §3 du Traité (article 109 du Traité d'Amsterdam). 35 Ainsi en va t - il d'une décision adressée à une entreprise pour violation des règles de concurrence lui imposant le paiement d'une amende. 36 Voyez par exemple, l'usage des avis en matière sociale JV LOUIS, commentaire MEGRET Volume 7, 1 ère édition, page 8 n° 2 et la note 3. 19 Association d’Avocats GRISAY & Associés Il n'est donc, en tout état de cause, pas question de recommandations ou d'avis à prendre au delà de ce qui constitue la compétence normale de la Commission. Ceci étant, l'absence de portée obligatoire des avis et recommandations, n'exclut pas que ces textes puissent avoir, dans certains cas, des effets juridiques. Ainsi, le non respect pour un Etat membre d'un avis motivé au sens de l'article 169 du Traité de Rome habilite t il la Commission à agir devant la Cour en constatation de manquement. * En conclusion, on soulignera que sans avoir créé une hiérarchie des sources du droit communautaire, le Traité de Rome, très peu modifié depuis sa création, a instauré un certain nombre d'actes répondant à des objectifs et des caractéristiques bien précis, qui doivent être utilisés par les Autorités Communautaires dans le cadre qui leur a été imposé. Les avis et recommandations, qui constituent les premiers textes auxquels il n'est pas reconnu un pouvoir propre, constituent cependant des bases importantes d'interprétation du droit communautaire dérivé de base. Avec le temps, le vocabulaire européen s'est toutefois enrichi de définitions avec d'autres types d'actes que ceux que nous venons de voir. Nous nous attacherons, dans les lignes qui suivent, à en faire brièvement le tour avant d'aborder la question spécifique des communications et de la valeur qu'il y a lieu d'y attribuer. 2.- LES AUTRES ACTES DES INSTITUTIONS L'article 189 du Traité (article 244 du Traité d'Amsterdam) ne comporte pas d'énoncé limitatif de tous les actes des institutions qu'elles sont susceptibles d'adopter en vertu du traitéIl existe en outre, de nombreux actes de portées diverses qui sont regroupés dans une catégorie pourtant considérée comme celle des inclassables.37 Les actes innommés ne remplissent pas tous la même fonction. On peut tenter de les classer par ordre de caractère obligatoire. A. - Actes obligatoires autres que ceux définit à l'article 189 du Traité (article 249 du Traité d'Amsterdam) 37 C'est d'ailleurs sur cette base qu'est fondée la jurisprudence de la Cour mettant à néant certaines catégories d'actes de la Commission pris "ultra petita". cf infra en ce qui concerne les annulations de Communications et autres avis. 20 Association d’Avocats GRISAY & Associés Il s'agit en l'occurrence de dispositions diverses qui modifient essentiellement certain aspect du traité. On retiendra par exemple : - les actes qui modifient les dispositions institutionnelles du traité (modification du nombre des membres de la Commission, des Juges et des Avocats généraux ; modifications des dispositions relatives aux modalités de cession de la Cour en formation plénière ou en Chambre, etc.) ; - les actes qui modifient une disposition matérielle du traité en vertu d'une habilitation spécifique (38) ; - les actes qui délimitent le champs d'application ratione materiae39 ou ratione loci40 ; - les actes relatifs aux relations extérieures, telle l'approbation donnée par le Conseil à un accord international. B. - Acte préparatoire. On rappellera à titre liminaire que les actes obligatoires doivent nécessairement comporter la référence aux propositions ou avis obligatoirement requis.41 Ces avis aux actes préparatoires sont prévus dans différentes dispositions du Traité. A côté de ces textes, qui voient leur existence et leurs justification reconnues dans le Traité, on peut encore citer une série d'avis de proposition dont la publication n'est pas obligatoire en vertu des règles du Traité, on citera par exemple : - les actes qui sont une étape du processus décisionnel (propositions ou recommandations de la Commission au conseil, avis des comités, directives des négociations données par le Conseil à la Commission, etc.) ; - d'autres actes fonctionnels préparatoires, tels que les problèmes généraux en matière de droit d'établissement de la libre circulation des services qui lient les institutions quant au domaine de l'action prévue et au calendrier pour la réaliser. * Les actes repris ci-dessus trouvent leur place essentiellement dans le cadre du processus décisionnel communautaire, et n'en constituent pas l'aboutissement. 38 Telle une définition du nouveau concours du Front social Européen en vertu de l'article 126 du Traité de Rome. Telle la définition du matériel de guerre selon l'article 233 du Traité de Rome. 40 Telles des conditions d'application de règles du Traité du droit dérivé au Département d'Outre-mer au terme de l'article 227 du Traité de Rome. 41 Tel par exemple l'article 15 du Traité CECA 39 21 Association d’Avocats GRISAY & Associés Il ne serviront dès lors pas de base à l'appréciation d'une situation complète, si ce n'est pour exprimer l'avis d'un des membres du processus législatif. C. - Actes administratifs Il s'agit en l'occurrence des actes qui ne concernent que l'avis interne des institutions (statuts et règlements internes des organes, actes financiers, instructions adressées au personnel, actes de nomination, etc.). En revanche, on rappellera que le statut des fonctionnaires est pris sous la forme d'un règlement et que dès lors il oblige également les états membres? où toute la mesure de leur concours est nécessaire de sa mise en œuvre. Un même raisonnement peut s'appliquer au règlement financier qui, eux aussi, sont pris actuellement sous la forme de règlement. On ne peut cependant pas conclure que tous les actes qualifiés d'internes n'ont pas d'effet juridique au port de la seule constitution. Ainsi a-t-il lieu de remarquer que la Cour a annulé une directive du conseil au violation des règlements intérieurs de cette institution42. La Cour a admit, en sa jurisprudence constante, que les personnes physiques et morales étaient recevables à invoquer la violation du règlement intérieur d'une institution à l'appui de leurs conclusions dirigées contre un acte de cette institution. Le Tribunal de Première Instance, se référant à cette jurisprudence43 distingue entre une disposition qui ne concerne les particuliers car il s'agit de modalité de fonctionnement interne des institutions qui ne sont pas susceptibles d'affecter les situations juridiques, et celles dont la violation peut être invoquée, parce qu'elles sont créatrices de droit et facteur de sécurité juridique pour ces personnes. En ce qui concerne les actes non obligatoires émanant des institutions communautaires. La typologie des actes communautaires, s'est enrichie au fil du temps, d'une série de textes à caractère non obligatoire, ne faisant néanmoins pas l'objet de publication dans le journal officiel. On distinguera en particulier : 42 arrêt du 23 février 1988, affaire n°68/86, Royaume-Uni contre Conseil, rec. p.855 et suivantes TPI arrêt du 27 février 1992, affaire jointe T-79/89, T-84, T-84/89, BASF et autres, rec. p.II-315 et en particulier p.356 et 357 43 22 Association d’Avocats GRISAY & Associés - les "livres" : les livres verts ou blancs sont des documents de base édités par la Commission pour faire valoir son analyse dans un domaine bien spécifique du droit communautaire. (44) La Commission utilise également le mécanisme du "livre" pour demander leur avis à toutes les parties concernées par des projets de législation dont les nouveaux grands principes se trouvent déterminés dans les textes publiés. Les livres s'apparentent donc à des actes préparatoires par lesquels la Commission décrit les orientations futures de son travail et recueille les avis des professionnels et des parties intéressées des différents secteurs concernés. De tels documents, n'ont aucun caractère obligatoire et ne peuvent faire l'objet de recours en annulation devant la Cour de Justice des Communautés Européennes. Il s'agit de simples actes préparatoires, même s'il n'est pas rare de voir la Cour, lorsqu'elle a à connaître d'une affaire relative à une matière ayant fait l'objet d'un "livre", de faire référence au contenu de ce livre pour expliquer la philosophie soutenant certaine mesure communautaire. - les "communications" et autres notes explicativesA l'inverse des livres, les communications de la Commission ont pour objet de déterminer la manière dont la Commission entend appliquer certains textes communautaires.45 La communication est censée aider les utilisateurs de droit communautaire à appliquer avec plus de faciliter des textes adoptés dans le cadre de directives, de règlements adoptés par application de l'article 189 du Traité de Rome (article 249 du Traité d'Amsterdam). En ce sens, la communication a la valeur d'une interprétation administrative des textes adoptés selon les voix législatives communautaires habituelles. En ce sens, la Commission ne fait qu'appliquer les principes figurant dans le traité, qui lui permette de donner aux actes les suites que ceux-ci requièrent. La difficulté, désormais devenu classique, liée aux communications interprétatives se situent dans l'ampleur que la Commission leur donne trop souvent. En réalité, on s'aperçoit que la Cour de Justice en premier lieu - que la Commission utilise trop souvent le pouvoir d'interprétation qui lui est réservé, pour élargir le champ d'application de certaine législation communautaire. 44 Voyez notamment le livre blanc sur le marché intérieur, le livre vert sur les télécommunications, et le livre vert concernant les restrictions verticales etc. 45 Revoyez la communication sur les règles "de minimis" en matière de concurrence, communications en matière d'aides d'Etat ainsi que la proposition de communication qui fait l'objet dela présente note. 23 Association d’Avocats GRISAY & Associés Une telle pratique n'était finalement pas admissible en droit communautaire dès lors que les matières devant faire l'objet d'une législation communautaire qui se trouve strictement définit par le traité et le mode d'adoption des textes les concernant, se trouvent, elles aussi, réglées par les textes communautaires fondamentaux. Comme nous allons le voir dans la dernière partie de cette analyse, la Cour de Justice a clairement tracé la ligne entre l'interprétation - qui est autorisée - et l'extrapolation, qui est interdite. Avant de procéder à l'analyse de la jurisprudence de la Cour de Justice, et de son dernier arrêt de principe dans la matière, il nous a paru utile de tenter une typologie des communications. 3. - ESSAI DE TYPOLOGIE DES COMMUNICATIONS. Monsieur l'Avocat général TESAURO a, dans les conclusions qu'il a prises le 16 janvier 1997 dans l'affaire C57/95 France contre Commission (46) à précisé qu'il y avait lieu d'opérer la distinction suivante : - communication interprétative et informative Ces communications sont celles qui nous intéressent essentiellement. Comme le précise Monsieur l'Avocat général TESAURO, qu'elles sont "destinées à alimenter le dialogue entre Institutions sous des termes et matières pour lesquelles l'adoption d'acte normatif proprement dit est envisagé". * (47) Ceci étant, l'avis de Monsieur l'Avocat général n'est pas insuffisant. En effet, on ne peut considérer, dans des textes tels que ceux que nous avons été amenés à analyser, que l'objectif des communications est uniquement d'alimenter le dialogue entre Institutions. La Commission interprète le texte le plus souvent en respectant les limites des textes législatifs de base, mais parfois, comme l'indique la jurisprudence de la Cour, en outrepassant l'interprétation pure. 46 La dite affaire C57/95, France contre Commission, rec.1997 p.I - 1627 Voyez outre la communication interprétative qui fait l'objet de la présente note, par exemple la communication relative à la législation communautaire sur des produits alimentaires (COM (85) 603 final du 8 novembre 1985). 47 24 Association d’Avocats GRISAY & Associés Il est en tout cas intéressant de noter combien l'Avocat général, dans son avis, reste largement en deçà de la pratique de la Commission. Ceci signifie, en d'autres termes, que le Parquet près de la Cour de Justice a tendance à maintenir la Commission dans les bornes strictes de son rôle constitutionnel. En d'autres termes, toute utilisation inappropriée des textes à grande chance d'être critiquée par l'Avocat général en charge de l'appréciation du dossier ; - les communications dites décisoires. L'Avocat général sépare du texte des communications générales, les communications comportant des décisions, qui sont prises dans des secteurs dans lesquels la Commission dispose d'un réel pouvoir d'appréciation. La Cour de Justice, se prononçant d'une manière générale sur la valeur des communications décisoires a précisé dans un arrêt du 24 février 1987 (48) que lesdites communications contiennent "des règles relatives définissant les lignes de conduite que la Commission entend suivre et qu'elle demande aux Etats membres de respecter". On distinguera deux secteurs essentiels dans lesquels des communications décisoires ont été prises par les Autorités communautaires. En premier lieu, nous retiendrons le secteur de la concurrence, dans le cadre duquel la délégation de pouvoir à l'égard de la Commission est la plus évidente. On citera, à titre d'exemple, les communications successives concernant les accords d'importance mineur qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article 85 § 1 du Traité de Rome (article 81 § 1 du Traité d'Amsterdam). On peut également citer, dans la même matière, la communication de la Commission sur le traitement des entreprises communes à caractère coopératif au regard de l'article 85 du Traité CE (81 du Traité d'Amsterdam)49. En deuxième lieu, on retiendra essentiellement la matière des aides d'Etat. 48 49 L'affaire DEFIL contre LACommission. JOCE n°C43 de 1993, p.2 et suivantes 25 Association d’Avocats GRISAY & Associés Dans ce dernier secteur, on retiendra par exemple la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92 § 3 sous A et C aux aides régionales 50 ainsi que la communication sur l'encadrement communautaire des aides d'Etat dans le secteur de l'automobile51. * On retiendra enfin que c'est à partir des communications décisoires que s'est créée la jurisprudence de la Cour de Justice en matière d'appréciation des communications. Un des arrêts marquant en la matière est certainement l'arrêt du 16 juin 1993 (France / Commission)52. dans le cadre duquel la Cour a annulé une communication en matière d'aides d'Etat dans la mesure où, loin de contenir des règles purement indicatives, elle crée des obligations nouvelles à charge des Etats membres et, de ce fait, des entreprises touchées par son application. IV. - INFLUENCE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE SUR L'APPRECIATION DE LA VALIDITE DE LA COMMUNICATION INTERPRETATIVE D'AVRIL 1999 1. - INTRODUCTION Nous avons eu l'occasion de faire remarquer, dans les chapitres qui précédaient, que la Cour de Justice avait eu l'occasion de sanctionner par la nullité, certaines communications qualifiées de décisoires au motif que la Commission avait outrepassé ses prérogatives. De manière à éclaircir la situation d'un point de vue plus général, nous allons reprendre l'évolution de la jurisprudence de la Cour de Justice à propos des communications, en nous concentrant tout particulièrement sur l'arrêt nous intéressant en la matière (affaire 57 / 95 France contre Commission). L'analyse de la jurisprudence que nous aurons ainsi réalisée sera ensuite appliquée à la communication interprétative à propos de laquelle notre avis a été demandé. Nous tenterons, sans toutefois prétendre avoir dès à présent été exhaustif, de réaliser une première analyse de la situation. 2. - JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE EN MATIERE DE DEMANDES EN ANNULATION DE COMMUNICATIONS : ANALYSE DE L'AFFAIRE C57/9553. 50 51 52 53 JOCE n°C 212 1988, p.2 JOCE n°C123 de 1989, p.3 et suivantes Arrêt du 16 juin 1993, France / Commission (JOCE n° C-325 / 91, rec. PI - 3283 Arrêt de la Cour du 20 mars 1997, affaire C-97/95, rec. 1997, p.I-1627. 26 Association d’Avocats GRISAY & Associés Dès 1971, la Cour de Justice des Communautés européennes a admis dans sa décision AETR54 que les recours en annulation devaient être ouverts à l'égard de "toutes dispositions prises par les Institutions, quelque en soit la nature ou la forme, qui vise à produire des effets de droit". Cette approche générale a été confirmée ultérieurement, notamment dans trois arrêts trouvant tous leurs origines dans des recours de la République Française destinés à obtenir l'annulation d'actes atypiques (55) : il s'agissait en l'occurrence d'instruction interne, d'un code de conduite et enfin d'une communication en matière d'aides. La Cour a jugé ces actes attaquables précisément parce que - en dépit de leur dénomination et de la forme sous laquelle ils se présentaient - il s'agissait d'actes qui introduisaient des obligations nouvelles et étaient donc destinés à produire des effets juridiques à l'égard de leurs destinataires et ce, sans qu'ils aient été respectées, pour leur adoption, les procédures prévues par le Traité à cet effet. Le dernier arrêt en date en la matière est l'arrêt de la Cour de Justice du 20 mars 1997, rendu dans une affaire C-57/95. Il s'agit en l'occurrence d'un recours en annulation introduit par la République Française ayant pour objet l'annulation d'une communication 94 /C360 / 08 de la Commission, relative au marché intérieur pour les fonds de retraite56. Dans son recours, la République Française soutenait en substance que la communication en cause était un acte contraignant puisqu'il ressortait de la précision du front libellé qu'elle imposait des obligations nouvelles aux Etats membres, et dès lors qu'elle aurait dû être fondée sur une base juridique précise afin de permettre le contrôle de sa légalité. Dans son arrêt, la Cour de Justice distingue la question de la recevabilité du recours de celle du fond du litige lui-même. En ce qui concerne la recevabilité du recours "attendu 6", la Cour rappelle que la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité de procédure au motif que la communication ne constituerait pas un acte attaquable au sens de l'article 173 du Traité. La Cour de Justice rappelle à l'attendu 7 que selon sa jurisprudence constante, le recours en annulation est ouvert à l'égard de toutes dispositions prises par les Institutions, quelques en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit. 54 Arrêt du 31 mars 1971, Commission contre Conseil (affaire-22/70), rec n°1970 p.263 Arrêt du 9 octobre 1990, France / Commission (c-366/88, rec. p.I-3571), arrêt du 13 novembre 1991, France / Commission (c-303/90, rec p.I-5315, point 8), arrêt du 16 juin 1993, France / Commission (c-325/91, rec. pI-3283) 56 JOCE 1994 n°c-360 p.7 et suivantes 55 27 Association d’Avocats GRISAY & Associés La Cour renvoie cependant à l'analyse du fond de la communication pour vérifier s'il y a lieu de considérer que telle est bien la situation en l'occurrence. En ce qui concerne le fond de l'affaire, la Cour pose comme principe de base "attendu 13" que "il convient donc d'examiner si la communication se contente d'expliciter les dispositions relatives à la libre prestations des services, à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux applicables aux institutions de retraite, ou si elle établit des obligations spécifiques par rapport à ses dispositions". Dans la première hypothèse, il n'y aurait pas matière à annulation. La Cour constate cependant que les dispositions de la communication se caractérisent par leur formulation en termes impératifs. La Cour relève d'autre part que le contenu lui-même de certaines de ces dispositions de la communication démontrent qu'elles peuvent être considérées comme étant inhérentes aux dispositions du Traité CE relatives à la libre prestation des services, à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux et comme ne visant qu'à clarifier leur application correcte. Dans ces conditions, la Cour considère que la communication constitue bien un acte destiné à produire des effets juridiques propres, distincts de ceux déjà prévus par les dispositions du Traité relatives à la libre prestations des services, à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux, en sorte qu'elle est susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation. La Cour constate enfin que la Commission a outrepassé ses compétences dès lors qu'elle a adopté un acte imposant aux Etats membres des obligations non prévues aux dispositions pertinentes du Traité. La Cour de Justice annule en conséquence la communication de la Commission. * Ces différents jugements cités ci-dessus, ainsi que le dernier jugement pertinent qui vient d'être analysé indique clairement que la Cour de Justice ne se laisse pas abuser par la terminologie utilisée par la Commission dans le cadre des actes qu'elle édicte. Depuis 1971 déjà, la Cour de Justice avait confirmé la possibilité d'annuler des actes indépendamment de la forme qu'ils adoptent. Dans sa jurisprudence plus récente, due aux interventions répétées de la République française, la Cour a réaffirmé qu'elle ne se tenait pas à l'apparence des choses, mais bien au fond des mesures 28 Association d’Avocats GRISAY & Associés prises et qu'elle se donnait toute liberté d'annuler une communication dans le cadre de laquelle la Commission aurait outrepassée ses pouvoirs. Il est important de noter que cette approche de la Cour de Justice est totalement indépendante du contenu même des communications de la Commission. En d'autres termes, la Cour ne se prononce pas sur la justesse des principes énoncés par la Commission, ou leur adéquation à l'idéal général des Communautés européennes. Elle se borne à constater que les décisions de la Commission outrepassent les pouvoirs qui lui sont normalement attribués pour les annuler. Cette situation est évidemment d'une grande importance dans la situation actuelle. 3. EXTRAPOLATION DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE A L'APPRECIATION DE LA VALEUR JURIDIQUE DU PROJET DE COMMUNICATION INTERPRETATIVE DE LA COMMISSION D'AVRIL 1999. Les éléments repris ci-dessus permettent une analyse complète de la situation. Celle-ci se structure au tour de différents axes que nous reprendrons systématiquement. A.Le texte qui est proposé à notre analyse n'est pas une communication adoptée par la Commission, mais bien un projet de communication. On comprend, à l'analyse du texte, la prudence des Autorités Communautaires. Ceci étant, le texte ne constituant qu'un projet au stade actuel des choses, aucune valeur juridique ne peut aujourd'hui lui être donnée. Le projet est parfaitement susceptible d'être modifié avant son adoption. Il ne fait, à l'heure actuelle, qu'office de travaux préparatoires en vue de l'adoption d'un texte communautaire. B.- 29 Association d’Avocats GRISAY & Associés Il convient de se mettre, dans un second temps, dans l'hypothèse où le texte proposé par la Commission serait définitivement adopté par celle-ci. Comme nous avons eu l'occasion de le signaler ci-dessus, les communications adoptées dans les matières où la Commission a un pouvoir de décision délégué et n'outrepasse pas ses compétences, s'impose en vertu de la Jurisprudence de la Cour de Justice, aux Etats membres qui doivent les respecter. (cf arrêt DEFIL cité dans le corps du texte : réf note 48). Cette situation, confirmée par la Cour de Justice, n'enlève évidemment rien au pouvoir d'appréciation de celle-ci, qui constitue en la matière le seul gardien d'une correcte application du droit communautaire. C.La Jurisprudence de la Cour de Justice, telle qu'elle a été rappelée ci-dessus, indique en effet clairement que la Cour se réserve le droit d'annuler tout texte atypique, et en particulier toute communication, qualifiée d'interprétative ou non, dans le cadre de laquelle la Commission outrepasserait ses compétences d'exécution naturelle. A ce niveau, la Jurisprudence de l'affaire C57 / 95 indique clairement que la Commission ne se satisfait pas d'une analyse qui n'irait pas jusqu'au fond des conditions émises. D.- En l'occurrence, l'analyse de la communication interprétative montre que celle-ci est constituée de deux parties nettement distinctes. La première partie peut effectivement être qualifiée d'interprétation des textes existants. Par contre, la Commission se livre également, dans son projet de communication, à une extrapolation des règles applicables à des secteurs qui ne font pas l'objet, actuellement, d'une législation communautaire. Elle étend donc considérablement la portée des Directives déjà applicables dans le secteur général, sans respecter les procédures qui auraient dû être appliquées en l'occurrence, et qui devait, selon nous, inévitablement passer par l'adoption de Directives. En conclusion, l'analyse effectuée indique très clairement qu'une bonne partie au moins du texte du projet de communication apparaît bien avoir été adopté "ultra petita" qui peut dès lors, à ce titre, 30 Association d’Avocats GRISAY & Associés faire l'objet d'une procédure en annulation, soit à titre principal (si le texte de la communication devait être adopté par la Commission), soit à titre d'incident, par exemple dans le cadre d'une procédure en manquement (telle celle qui va vraisemblablement être intentée à l'encontre de la République française). V.- CONCLUSION - PROPOSITION D'ACTION Le processus d'analyse que nous avons entamé nous a mené beaucoup plus loin que la simple appréciation de la validité juridique des communications. Il nous paraît cependant que les conclusions -assez surprenantes- auxquelles nous aboutissons permettent d'envisager et de structurer l'action des Fédérations Européennes d'Habitation Sociale. Au stade actuel des choses, nous sommes confrontés à un projet de texte, qui n'a pas encore fait l'objet d'une adoption par la Commission. Il n'est donc pas possible, à ce stade, d'introduire un recours direct en annulation à l'entremise d'un Etat membre pour obtenir l'annulation du texte proposé. La situation changerait le cas échéant, si la Commission adoptait le texte de son projet de communication. Il conviendrait alors, d'aider un Gouvernement à introduire un recours en annulation visant l'ensemble de la communication. A défaut d'adoption du texte, la question de la validité de la communication mais plus généralement de la prise de position adoptée par la Commission dans les affaires relatives au marché public d'habitation sociale, devra faire l'objet d'une discussion dans le cadre de la procédure en manquement qui sera vraisemblablement introduite à l'encontre de la France dans les mois à venir. Dans le cadre de cette procédure en manquement, la République française, mais également les Fédérations européennes d'HLM, par voie d'intervention volontaire dans le litige, devraient faire valoir l'absence de validité du texte proposé par la Commission, et de l'approche générale prise par la Commission en la matière. Il est en effet frappant de noter que la Commission introduit des procédures en manquement alors même que son interprétation du texte des Directives considérées n'a pas encore fait l'objet de l'adoption d'une communication à ce sujet. Il nous paraît, en tout les cas, à l'analyse, que la situation qui a aujourd'hui été créée par la Commission, est, juridiquement fort critiquable, eu égard aux arguments développés dans le cadre de la présente note. Il convient, à notre avis, de pousser la réflexion de la Fédération, dans les mois qui viennent autour de deux axes. Le premier axe consistera à poursuivre la réflexion sur le fond même de l'extension des compétences communautaires au domaine des logements sociaux. 31 Association d’Avocats GRISAY & Associés Des arguments doivent, à ce niveau, être trouvés pour écarter l'application de certaines des règles du Traité à ce secteur particulier. Un deuxième axe de réflexion, plus défensif, consistera à préparer une défense en annulation dans l'une de deux hypothèses que nous avons énoncées ci-dessus. Nous nous tenons à la disposition de la Fédération pour reprendre, en présence de ses membres, l'analyse qui est faite dans le cadre de la présente note et préparer tout autre travail que celle-ci souhaiterait voir réaliser dans le cadre du problème qui se pose à elle. Bruxelles, le 29 juin 1999 Dominique GRISAY 32