Les enfants nés d'un don de gamètes représentent environ 6 % de l'ensemble de ceux conçus
par AMP. L'un des principes fondamentaux sur lequel repose ce don, l'anonymat, est
aujourd'hui contesté.
Face à cette contestation, il convient, tout d'abord, de constater que toutes les personnes issues
de ce don n'éprouvent pas de difficultés liées aux questionnements sur leur origine. Alors que
certaines souffrent, d'autres vivent parfaitement heureuses, sans que leur mode de conception
ni l'anonymat de leur donneur ne les préoccupent. On peut donc, heureusement, a priori
pleinement s'épanouir sans s'interroger sur les éventuels bienfaits ou méfaits du principe
d'anonymat. De ce constat une première évidence s'impose : on ne peut en aucun cas
généraliser le besoin de lever de l'anonymat des personnes conçues par ce don.
Dans la vie, chacun doit se construire avec ce qui est et qui n'est pas forcément ce qu'il aurait
souhaité. Chacun doit s'adapter aux épreuves de la vie : séparation, deuil, handicap ou
maladie. Il n'en va pas différemment pour ce qui est de la construction de sa filiation. Il me
semble évident que cette filiation appartient à ceux qui ont la responsabilité effective de
l'enfant, de son éducation, de ses relations affectives et que, dans ces conditions, pour
reprendre l'appréciation du pédopsychiatre Lévy-Soussan, toute société, toute loi qui
valoriserait le pilier biologique le ferait toujours au détriment de la certitude de la filiation
psychique.
Comme le dit très justement M. Jean-Marie Kunstmann, vice-président de la Fédération des
CECOS, praticien hospitalier à l'hôpital Cochin : « L'anonymat permet de dépersonnaliser les
gamètes, ce qui facilite leur réinvestissement et leur humanisation par le couple receveur ».
Gardons toujours à l'esprit que la procréation par don de gamètes résulte avant tout et
principalement du désir d'un homme et d'une femme de marquer leur union en se perpétuant
dans une descendance, malgré les problèmes médicaux qui les ont contraints à recourir à un
tiers donneur. L'origine de l'enfant né de ce don, c'est bien la concrétisation de la volonté de
ces deux personnes de devenir parents. Le principe de l'anonymat favorise cette conception du
rôle irremplaçable de la filiation psychique.
L'anonymat a toujours pour corollaire de garantir la gratuité, principes qui ont, dès 1994,
consacré un principe de niveau plus essentiel encore, celui de non-patrimonialité du corps
humain : si mon corps est moi, par contre, il n'est pas à moi.
Les règles de l'anonymat et de la gratuité du don marquent clairement que nous refusons de
faire la moindre concession à ceux qui, d'une façon ou d'une autre, nous presseraient un jour
de nous situer sur le terrain de l'échange calculé quand nous avons délibérément pris le parti
de nous installer sur celui de la solidarité désintéressée. Avec le don anonyme et gratuit, les
éléments et les produits de mon corps ne sont pas hors usage, mais ils doivent être assurément
hors commerce et plus généralement hors contrat.
En écornant si peu que ce soit le principe de l'anonymat, je suis convaincu que, tôt ou tard, et
malgré nous, nous nous retrouverions confrontés à l'échange contractuel et, du même coup, à
la mise à mal du principe de non-patrimonialité du corps humain.
Au-delà de notre attachement aux principes de gratuité et d'anonymat, c'est bien le principe de
non-patrimonialité du corps humain et de primat du psychique, du relationnel, sur le
biologique qui fonde notre rejet de la gestation pour autrui, comme il a, du reste, fondé notre
attachement au droit du sol et non à celui du sang.
Si l'on peut entendre la détresse de certaines femmes, la question est de savoir si l'on est prêt à
prendre les risques importants de dérives inhérents à la GPA pour satisfaire la demande