Lecture analytique d'un texte
"L’huitre"
1) observez et analysez la structure de ce texte.
2) à quoi correspondent les trois paragraphes qui le composent ?
3) selon quelle thode Ponge aborde-t-il la présentation de l'huitre?
Ce texte se compose de trois parties, marquées par des alinéas à chaque début de paragraphe.
Dans la première partie, Francis Ponge décrit l'aspect extérieur, le physique de cette huitre.
Puis, dans le second paragraphe, il laisse place à l'intérieur de ce petit animal.
Enfin, il conclue de manière élogieuse en parlant de l'aspect général de l'huitre.
Le découpage alinéaire et la brièveté du récit absorbent la présentation de l'huitre et séduisent
ainsi le lecteur qui est plongé dans la description, comme si l'huitre était posée juste en face de
lui.
I. Les étapes d'une découverte.
Le texte est relativement court : sa concision va alors surprendre le lecteur.
Il s'organise autour de trois paragraphes d'inégales longueurs.
Un découpage alinéaire présente alors une organisation en decrescendo :
- Un premier paragraphe (9 lignes)
- Un second paragraphe (6 lignes)
- Un troisième et dernier paragraphe (2 lignes)
Analyse du 1er paragraphe
Il est consacré à la présentation extérieur de l'huitre (taille, forme, apparence, couleur)
Les premiers éléments de présentation sont construits sur un jeu de comparaison "plus
rugueuse, moins unie" (L.2) revient sur l’aspérité extérieur de l’huitre.
Ce rapprochement permet de situer l'huitre par rapport au "galet" (L.1)
Un groupe ternaire : "d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment
blanchâtre" (L.2/3) dote la phrase d'un rythme traduisant la progression de cette découverte.
La suite du paragraphe apporte une objection à un constat pourtant catégorique.
(Oxymore) "Un monde opiniâtrement clôt" (L.3/4) revient sur un espace secret / isolé
- le recours à l'oxymore : "monde clos" (L.3/4)
- le volume de l'adverbe "opiniâtrement" (L.3) insiste sur cette opposition
Apparait la possibilité d'entrée à l'intérieur de cet espace fermé : celle-ci est exprimée sous la
forme d'une recette:
- le recours au verbe défectif : "il faut" (L.4) traduit l’obligation à laquelle doit se soumettre le
consommateur.
- celui-ci est suivi de verbes à l'infinitif "tenir [...] se servir [...] s'y reprendre" (L.4/5/6) révèle
les différentes étapes que doit réaliser le consommateur.
La tentative est présentée comme difficile, peu raffinée, dangereux : l'huitre ne se laisse pas
facilement découvrir.
Analyse du 2eme paragraphe
Analyse de la période:
Elle s'appuiera ici sur la construction, l'organisation syntaxique de la phrase.
C'est une phrase complexe (3 propositions)
- proposition indépendante : "A l'intérieur [...] manger"
- proposition principale : "sous un firmament [...] verdâtre"
- proposition subordonnée relative : "qui [...] bords"
Cette organisation correspond à la structure de la période :
- protase : proposition indépendante. Met en relief une abondance, une richesse du milieu
aquatique.
- Apodose : composé de la proposition principale suivie de la subordonnée relative où Ponge
partage avec son lecteur, la description de l'huitre "à l'intérieur"
- l'acmé : "sous un firmament de nacre" est mis en relief par l'opposition, mettant l'accent
sur un vocabulaire laudatif, le coté précieux de l'animal.
Le début du paragraphe souligne la deuxième étape de la découverte, suite logique des
efforts d'ouverture introduits par le groupe prépositionnel "à l'intérieur" (L.10)
Le terme "monde" (L.10) reprend en écho celui de la ligne 3 et la description s'attache à
rendre la configuration et les constituants de cet univers interne.
Le vocabulaire employé joue sur:
- les connotations mélioratives et esthétiques "firmament [...] nacre [...] cieux", et suggère un
univers magique et précieux.
- réaliste et repoussant vers la fin de phrase
o Verbe pronominal de sens réfléchi "s'affaissent"
o Les adjectifs qualificatifs à connotation péjoratifs "visqueux, verdâtre, noirâtre" mis en
relief par le suffixe -âtre
Ils sous entendent le dégout de ce qui est vu et senti.
Cependant, la frontière entre les deux connotations n'est pas aussi nette.
- l'adjectif "noirâtre" se rattache à un terme précieux "dentelle"
- le verbe "s'affaissent" est rattachés à un nom précieux : "les cieux"
Pour celui qui regarde, cet univers intérieur de l'huitre est alors un double spectacle.
Analyse du 3eme paragraphe :
Il est réduit à deux lignes : alors il attire l'attention sur un phénomène remarquable parce
que rare.
Le caractère exceptionnel et souligné:
- par l'emploi de l'adverbe "parfois".
- par l'apposition antéposée du groupe adjectival « très rare » (L.16).
Le phénomène est exprimé par l'infinitif du verbe "perler" que l'on peut confondre ici avec le
nom homonyme.
Le lexique mélioratif "gosier de nacre" reprend un terme déjà utilisé et une image, qui est
celle de l'intérieur, en relation avec les infinitifs "boire et manger"
La chute, inattendue, fait référence à la perle employée en bijouterie.
La manière dont l'huitre est décrite attire l'attention sur une démarche qui est aussi une
technique de description elle consiste à aller de l'extérieur vers l'intérieur, du plus
visible au plus secret.
Cette manière d'aller au cœur des choses fait de cette description une méthode
d'analyse et de découverte.
II. L'huitre, un microcosme
Le terme "monde" intervient à deux occurrences dans le poème (L.3/10) avec des
connotations différentes.
- dans le premier cas, le vocable "monde" évoque plutôt un univers pris dans sa globalité : et
ce d'autant plus qu'il n'est question que de l'extérieur.
- l'hyperbole "tout un monde" (L.10) est un complément du verbe "trouver" et il connote la
diversité. C’est ce qui est d'ailleurs illustré par le rythme binaire "à boire et à manger".
Si les éléments originaux qui constituent l'huitre peuvent en effet former
métaphoriquement un univers, il faut remarquer que les termes sont ceux qui
correspondent à notre environnement.
Les deux infinitifs "boire" et "manger" connotent:
- le premier, un des éléments fondamentaux du monde : l'eau.
- le second, les productions de la Terre: la nourriture.
Le poète utilise un lexique laudatif "firmament", "cieux", "marre" et des termes du monde
marin "flue et reflue" connotant les marées.
Le rapprochement de ces termes permet de constituer, presque en miniature, un
univers complet (ciel, eau, nature protectrice, marrée, cote, frangée, ...)
le choix des termes est une manière pour Ponge de rendre plus familier cet intérieur
repoussant et d'en faire apparaitre la richesse et l'originalité, celle d'un microcosme,
une réduction du monde qui nous entoure.
III. les jeux de mot
Plusieurs formulations attirent l'attention du lecteur:
- l'expression "tout un monde" appartient au langage familier.
- elle est soutenue pas une expression aussi familière : "à boire et à manger".
- l'emploi du terme "firmament", accompagné de la précision constituée d'un groupe verbal
proprement parler" insiste sur la nécessité de prendre les mots à la lettre et dans le sens
étymologique.
- le terme "formule" rapproche du vocable "perle" attise la curiosité du langage. Ainsi, à
travers ce jeu de mots, le poète révèle sa démarche.
le choix des termes appartenant aux champs lexical du langage assimile la découverte
de l'huitre à la découverte du poème: à l'intérieur, au prix de beaucoup d'efforts, la
découverte d'une merveille.
IV. les caractéristiques du Poème en pose
"Huitre" répond aux exigences du poème en prose:
Une organisation rigoureuse :
3 paragraphes proposant une thématique commune et un fonctionnement, celui d'une
découverte, de l'extérieur vers l'intérieur.
Des variations autour d'un thème:
L’huitre, vue de plusieurs façons différentes, selon un rythme, créé par la structure des
phrases:
- groupe ternaire des deux premières phrases
- reprise du terme "monde, cieux, flue et reflue"
- reprise du son -âtre, -acre, aitre.
L'unité du système de l'énonciation:
La récurrence du pronom indéfini "on".
Conclusion
Le texte est à l'image de la réalité présentée et de la démarche mise en jeu: observation
extérieure, entrée à l'intérieur et découverte.
L’huitre est alors une représentation métaphorique du poème ou de toute œuvre d'art et la
démarche de cette découverte conduit à trouver au plus secret des représentations comme au
plus secret des choses, les sources d'un émerveillement proposé par le poète.
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