10 janvier 2007
L'EUROPE SOCIALE : UN BILAN
L'Europe sociale, dès avant même la signature du Traité fondateur de Rome (1957), s'est
retrouvée comme un objectif subsidiaire de la volonté d'intégration européenne. Pendant la
négociation de ce traité, deux camps se sont affrontés : ceux qui voulaient que l'harmonisation
sociale soit une condition nécessaire au passage à la deuxième phase du marché commun et
ceux qui s'y opposaient. L'accord donné le 6 novembre 1956 par Robert Marjolin, vice-
président de la délégation française aux négociations, proche du CNPF (l'organisation
patronale française), consacre la victoire de ces derniers. On se contentera d'affirmer que le
progrès social doit faire partie de l'objectif général et que "c'est un marché fonctionnant
harmonieusement qui favorisera l'harmonisation sociale".
Cet abandon de l'harmonisation sociale comme une contrainte d'accompagnement de la
création d'un marché commun, puis unique, va déterminer durablement la place médiocre
faite à l'Europe sociale dans un processus d'intégration qui se traduit par une remise en cause
de la conception keynésienne du rôle des pouvoirs publics. L'opposition de principe de
l'UNICE à toute harmonisation sociale sera toujours respectée.
Jamais, depuis 1957, on n'a remis en question le fait que le marché soit l'unique socle de la
construction européenne. Le marché est le seul cadre organisationnel de l'Europe, à
l'exclusion de tout autre.
Une étude exhaustive de l'Europe sociale devrait comporter non seulement les apports
positifs, mais également les effets négatifs pour les acquis sociaux nationaux de bon nombre
de décisions dans la réalisation d'un marché intérieur unique (en particulier les décisions
prises en vertu de l’Acte unique, du Traité de Maastricht et de la stratégie de Lisbonne). On
s'en tiendra, ici, à l'énumération des apports positifs.
Il est important de garder à l'esprit que ces apports positifs sont, en général, en deça des
normes en vigueur notamment dans les six Etats fondateurs et en particulier des normes
françaises, à l'exception notable de la question des discriminations hommes-femmes. Par
contre, ils ont permis, dans certains cas, d'améliorer certains aspects de la politique sociale de
pays qui ont rejoint le cadre communautaire à partir du premier élargissement.
Il est apparu impossible d'intégrer, dans une nomenclature des apports sociaux positifs de
l'Union européenne, les propositions relatives à l'emploi tant les présupposés libéraux de
toutes les initiatives en faveur de l'emploi comportent des agressions remettant en cause les
acquis sociaux. La rhétorique européenne sur la "responsabilité sociale des entreprises"
n'ayant donné lieu jusqu'ici - malgré une littérature abondante - à aucun acte juridique, n'a pas
davantage été intégrée dans cet inventaire.
A. LES GRANDS TEXTES
A. 1 Le Traité de Rome (1957) : "Les Etats membres conviennent de la nécessité de