Archipel des Dahlak, émission du 15 janvier 2010 Escale en Érythrée Fiche pédagogique 1- Repérage L’expédition Tara s’arrête aujourd’hui en mer Rouge dans l’archipel érythréen des Dahlak, situé à 4 heures de bateau de la ville portuaire de Massawa. Composé de plus de 200 îles, îlots et récifs, cet archipel, peuplé seulement de quelques villages de pêcheurs, est aujourd’hui encore quasiment désert. Bordées par des lagons, les îles des Dahlak sont marquées par un climat extrêmement aride et hostile, mais elles recèlent pourtant une biodiversité d’une grande richesse, notamment du fait de son endémicité. 2- Synopsis de l’extrait L’extrait permet de découvrir la richesse de la biodiversité de l’archipel des Dahlak et les facteurs géopolitiques de la faible mise en valeur touristique de ces îles (guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie). Le reportage est aussi l’occasion d’étudier le projet de l’Érythrée de créer un parc national sur l’archipel. Deux objectifs de ce projet sont mis en évidence. Le premier consiste à « protéger la faune ». Pour ce faire, un chercheur français, principal acteur, recense, avec ses équipes, les différentes espèces animales de l’île. Il s’agit aussi, à travers la mise en place de ce parc, de « favoriser l’écotourisme » dont certaines formes sont suggérées, comme la plongée sous-marine autour d’épaves de bateaux. Les conséquences de la création du parc sur les habitants de l’île apparaissent en filigrane, en particulier lorsque le chercheur français évoque une éventuelle modification de leurs habitudes alimentaires. Par exemple la réduction de leur consommation de tortues ou d’œufs de tortues, afin de préserver une espèce susceptible d’attirer les touristes. 3- Enjeux et contexte : « Parc naturel et écotourisme : le développement durable face aux rapports Nord/Sud » Dès les années 1980, lors des premières conférences internationales sur le développement durable, la protection de la biodiversité est mentionnée comme un enjeu prioritaire. La mise en place d’aires protégées apparaît alors comme l’une des solutions les plus efficaces pour soustraire certains espaces riches en biodiversité à toutes formes de dégradation. Pourtant, ces choix font débat, d’autant plus qu’ils émanent souvent d’acteurs occidentaux, qui semblent imposer leurs visions écologiques à l’ensemble des continents. Comme le rappelle la géographe Y. Veyret, le développement durable s’inscrit dans la continuité de concepts écologiques anciens dénonçant les destructions de la nature par l’homme et la société. Dès la fin du XIXe siècle, ces écologistes proposent ainsi de délimiter des parcs naturels soustraits à toutes formes d’anthropisation. Ainsi, les premiers parcs naturels nationaux apparaissent aux États-Unis puis dans les « pays neufs » anglo-saxons et dans le monde entier. Si les législations de ces parcs nationaux varient d’un État à l’autre, ils restent aujourd’hui au centre des politiques environnementales. La mise en place d’un parc national marin dans l’archipel des Dahlak apparaît donc comme la solution évidente pour assurer la préservation des espèces naturelles endémiques de ces îles. © SCÉRÉN-CNDP, 2010 1 Or, la diffusion de ces zones protégées, notamment sur le continent africain, fait l’objet de débats parfois virulents. La plupart des acteurs impliqués dans la mise en place de ces zones protégées sont des acteurs occidentaux. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le World Wildlife Found (WWF) sont les plus connus. Imprégnées d’idéologies occidentales, ces ONG délimitent des espaces naturels protégés dans les Suds d’après leurs a priori et leurs conceptions environnementalistes. Ces méthodes qui peuvent aboutir à l’éviction des populations autochtones ou à certains changements de leurs modes de vie sont vues comme une véritable « mise sous cloche » d’espaces naturels aux dépens des populations. Dans son ouvrage Une planète disneylandisée, Sylvie Brunel fait le procès des moyens employés par certaines ONG internationales « organisées en oligopoles, travaillant de concert avec les élites nationales et internationales, (…) au nom de la préservation d’une vie sauvage sanctifiée ». Aux Dahlak, le rôle des Occidentaux dans les projets de protection des îles de l’archipel est fondamental. Alors qu’ils sont aujourd’hui quasiment les seuls à pouvoir accéder à ces îles désertes, ils sont également au cœur du projet de « parc naturel marin ». L’accès privilégié à la nature protégée apparaît alors comme le reflet d’une fracture Nord / Sud encore forte aujourd’hui. Ces espaces naturels protégés sont au cœur d’un nouveau tourisme de niche : l’écotourisme. L’écotourisme, ou le tourisme vert, est une des formes du « tourisme durable », qui privilégie le pilier environnemental du développement durable. Ainsi, « l’écotouriste » part à la découverte des écosystèmes. Les parcs naturels sont de fait le lieu idéal pour découvrir des espaces naturels spécifiques. Or, le développement de cette nouvelle forme de tourisme suscite aussi de nombreuses réactions. D’une part, c’est encore un tourisme essentiellement ouvert à une population occidentale privilégiée. En Érythrée, seuls les expatriés italiens peuvent s’offrir les déplacements en bateau depuis Massawa jusqu’aux îles Dahlak, ainsi que l’équipement de plongée et de camping nécessaires, pour profiter des beautés sous-marines de l’archipel. D’autre part, ce tourisme concrétise certains idéaux européens et occidentaux en favorisant l’enracinement de nouvelles pratiques environnementales de sanctuarisation. Ces dernières participent plus largement à la « sanctuarisation » de ce continent : « l’Afrique apprend à vendre à ces touristes internationaux en quête de dépaysement l’image d’un continent préservé, d’un éden tropical où renouer avec une nature vierge » affirme Sylvie Brunel qui s’oppose à cette image de plus en plus figée diffusée par les salons du tourisme. C’est bien cette idée de « paradis naturel à conserver » qui habite le projet du parc naturel marin de l’archipel des Dahlak. Ainsi, la question du développement durable se heurte aux problématiques de la fracture Nord/Sud. Par exemple, en Afrique du Sud, comme le montrent les géographes F. Giraut, S. Guyot et M. Houssay-Holzchuch, si les parcs naturels sont aujourd’hui utilisés pour atténuer les tensions régionales et les anciennes ségrégations sociales, « ils restent représentatifs du passé colonial où “préserver” la nature signifiait la “réserver” à une élite blanche en quête de dépaysement ». 4- Des pistes pour le lycée – En classe de seconde Cet extrait permet de découvrir un espace littoral doté d’une riche biodiversité du fait de son endémicité ainsi que de curiosités culturelles sous-marines. Ces atouts pourraient rendre attractif ce littoral situé dans une zone déjà très touristique : la mer Rouge. Cette étude de cas permet donc de travailler sur les notions d’aménagement et de gestion durable d’un espace littoral en s’interrogeant sur les différentes mises en valeur possibles. On peut envisager l’utilisation de cet extrait dans le cadre du programme de seconde. En effet, l’étude des atouts de cet archipel permet d’étudier la notion d’attractivité et de dynamique d’un © SCÉRÉN-CNDP, 2010 2 espace naturel spécifique. De plus, cet extrait peut permettre une réflexion sur les notions d’aménagement, de mise en valeur et de gestion d’un espace convoité. 1re suggestion : avec cet exemple, les élèves découvrent un milieu littoral à fort potentiel touristique. Objectif : montrer l’attractivité d’un littoral et les impacts de cette attractivité. Notions travaillées : milieu, environnement, attractivité, aménagement. Capacités travaillées : faire un travail de schématisation. Après avoir localisé les îles des Dahlak sur une carte, l’extrait vidéo permettra aux élèves d’identifier les richesses de ce milieu. Dans le cadre du chapitre sur les littoraux invitant à insister sur la notion « d’attractivité » de ces espaces, il serait intéressant, dans un second temps, de montrer en quoi ces richesses naturelles et historiques de l’archipel des Dahlak représentent des potentialités touristiques. Ce travail permettrait alors de s’interroger sur la question de l’aménagement d’un espace et de son développement, de sa mise en valeur et de la place et du rôle des différents acteurs en jeux. On peut envisager l’illustration de ce travail par la réalisation d’un schéma systémique mettant notamment en évidence les confrontations entre les différentes pratiques de ce milieu (pêcheurs, écologistes, touristes érythréens…). 2e suggestion : cet exemple peut également être un point de départ pour réaliser un débat sur les relations entre développement durable et rapports « Nord/Sud ». Objectif : analyser les enjeux de l’aménagement d’un espace littoral. Notions travaillées : développement durable, développement, acteurs, conflits d’acteurs, aménagement. Capacités travaillées : débattre en interrogeant des notions géographiques. À travers cet extrait, les élèves peuvent observer la mise en place d’un projet d’aménagement du littoral des Dahlak à travers la délimitation d’un espace naturel protégé. Ils identifient également les acteurs principaux favorables à l’établissement de cette zone protégée : ce sont en effet des Occidentaux qui sont chargés de la préparation de l’ouverture de ce parc national et qui s’y montrent favorables au développement de l’écotourisme. Ainsi, on peut s’interroger sur la place du développement durable dans les relations Nord / Sud. Ce constat peut servir de point de départ pour réaliser un débat sous forme de « jeu de rôles ». La classe est alors divisée en quatre groupes qui représentent chacun un acteur de l’aménagement des îles des Dahlak. Chaque groupe prépare des arguments pour défendre son projet d’aménagement : ces arguments s’appuient sur un travail de recherche précis. L’objectif d’un tel débat est de concrétiser la notion souvent abstraite de « conflits d’acteurs » et de montrer la difficulté d’appliquer les trois piliers du développement durable. © SCÉRÉN-CNDP, 2010 3 Groupe 1 : les acteurs du Nord Groupe 2 : les habitants de l’île des Dahlak Imprégnés par les idées environnementales des pays Ces du autochtones souhaitent conserver leurs pratiques Nord, ils sont favorables à la mise en place d’un parc naturel habituelles en termes d’exploitation du milieu de l’archipel et au développement de l’écotourisme. des Dahlak et de traditions. Groupe 3 : les touristes érythréens Groupe 4 : l’État érythréen Bien qu’encore peu nombreux dans un PMA, les touristes Encore fragilisé par des conflits récents, l’Érythrée qui se concentrent aujourd’hui sur les plages de Massawa souhaite retrouver une bonne image à l’international et souhaitent un développement touristique des îles atténuer de les tensions régionales. l’archipel. – En classe de terminale Chapitres concernés – Terminale ES/L – 3e partie « Des mondes en quête de développement » – chapitre I « Unité et diversité des Suds ». – Terminale S – 1re partie « Un espace mondialisé » – chapitre I « Les centres d’impulsion et les inégalités de développement ». Notions et mots-clés abordés : développement durable, parc national, développement, acteur, Nord/Sud, PMA. Capacités travaillées : réalisation d’un schéma, réflexion critique sur la notion de développement durable. Objectifs : dans le cadre de la mise en évidence des différents Suds à l’échelle de la planète, l’extrait peut-être utilisé pour interroger le niveau de développement d’un PMA, comme l’Érythrée, à partir de l’exemple du projet de création du parc national des Dahlak. Il permet en outre de s’arrêter sur les rapports Nord/Sud, et ici plus spécifiquement Nord/PMA, étudiés à travers le prisme du développement durable. Démarche : après avoir localisé l’Érythrée et l’archipel des Dahlak, le professeur présente le faible niveau de développement de cet État (IDH en 2007 = 0,472 soit 165e rang sur 182 États classés dans le rapport mondial sur le développement du PNUD de 2009) ainsi que sa situation géopolitique (État indépendant de l’Éthiopie depuis 1993, mais en guerre avec ce dernier de 1998 à 2002, et en relations conflictuelles depuis). Ces deux éléments permettent d’expliquer la faible mise en valeur touristique de l’archipel et de poser la problématique suivante : « la création d’un parc national participe-t-elle d’un développement durable de l’archipel des Dahlak ? ». Les élèves visionnent alors le reportage et relèvent les informations permettant de mettre en évidence les acteurs du projet, ses enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Ces informations sont ensuite représentées sous la forme d’un schéma que les élèves peuvent insérer dans une composition de géographie. © SCÉRÉN-CNDP, 2010 4 Le projet de parc national sur l’archipel des Dahlak, un projet de développement privilégiant le pilier environnemental Acteurs à l’origine du projet – l’État érythréen. – un Français (expert scientifique) et ses équipes qui recensent la faune. – la participation des habitants de l’île n’est pas mentionnée. ENVIRONNEMENT – préserver la faune : tortues, oiseaux) dans un espace où la biodiversité est riche. – protéger l’archipel dans la perspective d’y favoriser un écotourisme reposant sur l’accès à une « nature vierge ». Projet de parc national des Dahlak – un « parc naturel marin » de 25 000 km². Cette étendue le situerait dans les dix plus grands parcs marins du monde. ÉCONOMIE Projet de développer un écotourisme léger en infrastructures : une forme de tourisme de luxe accessible surtout à quelques habitants fortunés des pays du Nord. SOCIAL Projet d’inciter les habitants de l’île à modifier leurs habitudes alimentaires : ne plus manger de tortues pour protéger l’espèce. SOCIAL Cet extrait permet donc de montrer aux élèves que le projet de création du parc régional des Dahlak est à l’origine d’une forme de développement qui n’est pas équilibrée mais centrée sur la sphère environnementale. En effet, plutôt que d’envisager le développement économique du pays ou d’améliorer les conditions de vie des habitants de l’île (qui n’apparaissent d’ailleurs pas dans le reportage), il s’agit pour les acteurs de protéger la nature et en particulier certaines espèces d’animaux comme les tortues. Rejoignant les propos de Sylvie Brunel pour qui « au nom du paradis perdu, l’Afrique devrait figurer dans la mondialisation, cet Éden pré-adamique, immense zoo à ciel ouvert où les riches du monde entier pourraient venir puiser de quoi se régénérer », il est alors possible de montrer que cette nature ainsi sanctuarisée pourra servir de terrain d’exploration aux habitants des pays riches à la recherche, dans le cadre d’un tourisme de luxe, d’espaces qui leur semblent vierges de toute occupation humaine. L’inégalité des rapports Nord/Sud peut ainsi être dégagée. – Des pistes d’exploitation pour le lycée professionnel Classe et chapitre concernés : seconde, sujet d’étude « le développement inégal ». Notions et mots-clés : développement, développement durable, Nord/Sud. Capacités : relever, classer et hiérarchiser des informations contenues dans un document, utiliser le vocabulaire disciplinaire. © SCÉRÉN-CNDP, 2010 5 L’extrait peut être exploité en seconde dans le cadre du sujet d’étude « le développement inégal ». Il est l’occasion de travailler sur l’inégalité des rapports Nord/Sud à travers l’exemple du projet de création du parc national des Dahlak. Les élèves complètent, à partir des informations du reportage, un tableau mettant en évidence les acteurs du projet, ses objectifs et les conséquences supposées de sa mise en place. L’analyse de ce tableau menée avec le professeur permet de dégager à la suite de Sylvie Brunel l’idée d’une « mise sous cloche de l’Afrique » dans la perspective d’y développer un tourisme de luxe pour les habitants des pays Nord à la recherche d’espaces qui leur semblent vierges de toute occupation humaine. Bibliographie / Sitographie Sur les parcs naturels et l’écotourisme Brunel S., Le développement durable, « Que sais-je ? », PUF, 2009. Sous la direction d’A. CIATTONI., La Géographie : pourquoi ? comment ? Hatier, 2005 (chapitre III : « Milieu et environnement »). Granier G. et Veyret Y., « Développement durable. Quels enjeux géographiques ? », La Documentation Photographique, no 8053, La Documentation française, 2006 Héritier S. et Laslaz L., Les Parcs nationaux dans le monde : protection, gestion et développement durable, éd. Ellipses, 2008. Sous la direction d’Y. Veyret, Dictionnaire de l’environnement, A. Colin, 2007. Sur les relations Nord / Sud et la problématique environnementale Brunel S., La Planète disneylandisée : chroniques d’un tour du monde, Sciences humaines éditions, 2006. Brunel S., À qui profite le développement durable ?, Larousse, coll. « À dire vrai », 2008. (chapitre : « L’Afrique, laboratoire du développement durable ! »). Giraut F., Guyot S. et Houssay-Holzschuh M., « Les parcs naturels d’Afrique australe : d’autres territoires de conflits », sur le site « Geoconfluences » (http://geoconfluences.ens-lsh.fr/). Moreau S., « Sauver les forêts, sauver les hommes ou se sauver soi-même ? l’action des ONG environnementales à Madagascar » sur le site du FIG de Saint-Dié (http://fig-stdie.education.fr/actes/actes_2004/moreau/resume.htm). Sous la direction d’Yvette Veyret, « Le développement durable : approches plurielles », Hatier, 2005. (chapitre X : « le développement durable au Sud : l’exemple de Madagascar »). Auteurs de l'accompagnement pédagogique : Natacha Rohaut, Professeur d’histoire-géographie, Lycée Galilée, Combs-la-Ville Raphaële Lombard-Brioult, Professeur d’histoire-géographie, lycée Edmond Michelet, Arpajon, Formatrice IUFM, site Antony Val de Bièvre, Académie de Versailles. Coordination pédagogique : Jean-Max GIRAULT, IA-IPR d’histoire géographie dans l’académie de Créteil. © SCÉRÉN-CNDP, 2010 6