Martine BILLARD
Députée de Paris
Simplification du droit
mardi 11 octobre 2011 1ère séance
Discussion générale
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous en sommes à
sept propositions de loi dites de simplification du droit depuis 2002, propositions que j’aurais
tendance à baptiser « Aux cavaliers législatifs réunis » ! Ce texte, derrière une légitime
revendication de « simplification juridique », répond à plusieurs demandes émanant des
lobbies.
Sous prétexte d’être au service de la croissance, il est éloigné des attentes sociales et
environnementales de nos concitoyens.
Je m’exprimerai, en premier lieu, sur les articles touchant aux questions de l’environnement.
Ainsi, à l’article 55, le texte issu du travail des commissions vient affaiblir considérablement
la portée des règlements locaux de publicité en retardant à six ans l’entrée en vigueur de leurs
dispositions, et ce alors que la réforme du code de l’environnement adoptée par la loi Grenelle
II avait trouvé un équilibre en la matière. Ce délai de six ans pour l’entrée en vigueur des
règlements locaux de publicité alors que la loi de 1979 a prévu une mise en conformité des
dispositifs publicitaires, pré-enseignes et enseignes dans un délai de deux ans tue le
dispositif même. Il dissuade les maires et présidents d’EPCI d’instaurer un tel dispositif, qui
pourrait être plus protecteur du cadre de vie que la réglementation nationale si les nouvelles
règles locales réduction du nombre de panneaux ou de leurs tailles n’entrent en vigueur
qu’après les élections municipales suivantes, et ce d’autant plus que la possibilité
d’aménagement du délai de six ans par décret est d’emblée exclue pour les enseignes. Cette
concession aux lobbies des annonceurs est vraiment scandaleuse. Ainsi, les quartiers de
relégation sociale, sont-ils condamnés à n’être que des jungles d’enseignes publicitaires
géantes au service d’une société du consommer toujours plus, alors même que les habitants
modestes de ces quartiers sont exclus de cette consommation, sans que les pouvoirs
municipaux aient les moyens de défendre leur cadre de vie.
De même, l’article 56 bis prévoit que les activités pratiquées selon les engagements
spécifiques d’une charte Natura 2000 sont dispensées d’une évaluation au titre des incidences
Natura 2000, alors qu’il convient de garder une évaluation au cas par cas, ne serait-ce que
pour ne pas exposer la France à des risques de contentieux communautaires, si ce n’est pas la
précaution environnementale qui vous motive.
Par ailleurs, l’obligation faite d’un cinquième essieu pour les camions de quarante-quatre
tonnes, prévue au nouvel article 72 bis, va augmenter l’impact des camions sur la chaussée et
le prix à payer par la collectivité pour l’entretien, tout en encourageant par là même le fret sur
route, dissuadant le développement de transports alternatifs par report modal vers le rail et le
fluvial. Ici encore, le lobby des camions a eu raison des engagements du Grenelle et de
l’impératif de transition vers une économie décarbonée.
Concernant les articles relatifs au code du travail, vous continuez à grignoter les droits des
salariés, votre grande spécialité depuis 2002 ! Heureusement, certains articles les articles 28
et 47, par exemple modifiant discrètement les seuils ont été supprimés en commission.
L’article 48, dans sa nouvelle rédaction, est certes moins inacceptable que le texte d’origine,
mais demeure encore fort discutable.
L’article 39 bis crée un énième dispositif de gociation des minima salariaux de branche. Il
en est des minima de branche comme de l’égalité salariale femmes-hommes : arrêtons avec
les obligations de négociations qui tournent en rond ! Venons-en aux obligations de résultat,
qui ne sont malheureusement pas contenues dans cette proposition !
Sur l’encadrement du létravail, introduit après l’article 40, il est important que le refus
d’accepter un tel poste ne soit pas une cause de rupture du contrat de travail. Relevons tout de
même l’ambiguïté de la notion « de circonstances exceptionnelles, notamment la menace
d’épidémie », en vertu de laquelle la mise en œuvre du télétravail est considérée comme un
simple aménagement du poste de travail, faisant sauter les protections censées être introduites
par l’article même. Cet alinéa, que l’on pourrait appeler « alinéa grippe A », est un
aménagement exigé par un certain nombre d’employeurs au moment de l’épidémie de la
maladie du même nom.
Nous demandons la suppression des articles 33 et 34. Sous couvert d’harmonisation de la
définition des seuils d’effectifs entrant dans la détermination de la majoration de la réduction
de cotisations sociales employeurs, l’article 33 étend le champ des entreprises bénéficiant du
coefficient majoré de la réduction des cotisations sociales « dite Fillon ». Cela va bien au-delà
de la simplification du droit et prive la sécurité sociale de 20 millions de recettes. Quant à
l’article 34, il étend le champ des groupements d’employeurs auquel est appliqué le
coefficient maximal de la réduction de cotisations sociales. encore, l’article va au-delà de
la simplification du droit et prive également la sécurité sociale de recettes.
L’article 40 va à l’encontre de la décision de la Cour de cassation mettant en œuvre les droits
fondamentaux des salariés en matière de vie personnelle et de vie familiale. Nous prenons
acte de la suppression du premier alinéa, mais nous demandons la suppression de l’ensemble
de l’article. En posant le principe selon lequel « la mise en place d’une répartition des horaires
sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord
collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail » alinéa 3 non supprimé en
commission –, l’article 40 va à l’encontre de la jurisprudence. Il ne se contente pas de
simplifier le droit, mais il le modifie dans un sens défavorable au salarié.
Enfin, l’article 46 introduit, contre l’avis même de la direction générale du travail, un nouveau
seuil, celui de onze salariés et affaiblit le dispositif des CHSCT et de la santé au travail.
Nous ne pouvons, en conséquence, accepter que de tels cavaliers législatifs aient été introduits
contre l’intérêt des salariés et contre l’intérêt de l’environnement, sous couvert de
«simplification du droit». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
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