LE STREAMING, TECHNIQUE LEGALE OU ILLEGALE ?
Le streaming, technique qui permet de visionner une oeuvre en continu directement sur un
site internet est au cœur de l’évolution actuelle des sites internet. C’est la technique utilisée
pour diffuser la VOD, on la trouve également sur des sites tels que Dailymotion ou Myspace.
Le streaming se présente à bien des égards comme une alternative au téléchargement puisqu’il
permet de visionner et de partager des contenus sans aucun téléchargement sur l’ordinateur de
l’utilisateur.
La technique pose un problème important au regard du respect du droit d’auteur. En effet, si
le caractère illégal des plateformes d’échange peer to peer d’œuvres protégée est
communément reconnue, qu’en est-il des de celles qui permettent aux utilisateurs de se servir
de la technique du streaming pour diffuser du contenu ? Malheureusement, ce système
révolutionnaire ne se cantonne pas uniquement à l’échange de vidéos d’amateurs. Quelle est
alors la responsabilité des plateformes lorsque le contenu accessible par leur biais est en
réalité un contenu protégé ?
La question qui se pose ici concerne notamment les qualités d’éditeur de contenu ou
d’hébergeur dont les régimes de responsabilités sont différents. Selon la LCEN (loi pour la
confiance dans l’économie numérique) du 21 juin 2004. L’éditeur est personnellement
responsable du contenu, soit parce qu’il en est l’auteur soit parce qu’il en a permit la
diffusion. L’hébergeur au contraire n’est responsable qu’un fois que le caractère illicite d’un
contenu hébergé par lui, lui a été signalé.
Autrement dit, si la plateforme est qualifiée d’éditeur de contenu, la seule présence d’un
contenu illicite est de nature à mettre en jeu la responsabilité de l’éditeur. En revanche, si la
plateforme est qualifiée d’hébergeur, sa responsabilité ne pourra être retenue qu’ à partir du
moment où la présence de contenu illicite aura été signalée à l’hébergeur.
La jurisprudence s’est exprimée à ce sujet par deux fois durant l’été 2007.
La première affaire est dite « affaire Myspace », il s’agit à l’origine d’une plainte déposée par
le célèbre humoriste Lafesse dont certains sketchs étaient diffusés en streaming sur Myspace.
Le juge des référés ayant rendu une ordonnance le 22 juillet 2007 a retenu la responsabilité de
Myspace au titre d’éditeur de contenu. Pour cela, il se fonde sur le fait que même si Myspace
n’est pas l’auteur en tant que tel du contenu, il s’enrichi grâce au publicités qui figurent sur
chaque de son site, ce qui exclu la simple fonction d’hébergeur. Ainsi, le juge a retenu que «
s’il est incontestable que la société défenderesse exerce les fonctions techniques
d’hébergement, elle ne se limite pas à cette fonction technique ; qu’en effet, imposant une
structure de présentation par cadres qu’elle met manifestement à la disposition des hébergés
et diffusant à l’occasion de chaque consultation, des publicités dont elle tire manifestement
profit, elle a le statut d’éditeur et doit en assumer les responsabilités ». La plateforme a donc
été condamnée à plus de 50 000€ de dommage et intérêts, à la fois pour le préjudice moral, le
préjudice matériel et le dommage découlant de l’atteinte aux droits de la personnalité.
Il s’agit d’un jugement qui fait preuve de beaucoup de sévérité car il retient la
responsabilité de plein droit de la plateforme du seul fait qu’elle génère des revenus de la
publicité présente sur son site, ce qui pourtant ne change pas son rapport aux oeuvre
présentes.
Dans la seconde affaire de cet été, « l’affaire Dailymotion », le TGI de Paris prend une
décision contraire et rejette la qualification d’éditeur de la plateforme sur le seul critère de la
publicité. Si le TGI retient également le critère de la publicic’est au contraire pour justifier
l’application du régime d’hébergeur.
Dans l’affaire jugée le 13 juillet 2007 par le TGI de Paris, la plateforme Dailymotion était
poursuivie par les producteurs du film « Joyeux Noël », accessible en streaming sur ladite
plateforme. Pour sa défense, la plateforme invoquait le fait qu’elle avait retiré le film litigieux
de sa plateforme dès que sa présence lui a été notifiée et qu’elle a donc respecté les
dispositions de la LCEN.
De façon assez étonnante, le TGI de Paris considère que les dispositions de la LCEN ne
prévoient pas une exonération de responsabilité au profit de l’hébergeur mais une simple
limitation de responsabilité. Celle-ci aurait vocation à s’appliquer lorsque les hébergeurs n’ont
vraiment pas connaissance du caractère illicite du contenu de leur plateforme. Ainsi il y aurait
deux sortes d’hébergeurs, ceux qui sont conscients de la probabilité que du contenu illicite
soit hébergé de leur fait, ceux la ne bénéficieraient pas de la limitation de responsabilité, et
ceux qui ne peuvent pas se douter qu’un tel contenu soit présent sur leur plateforme et qui
pourraient bénéficier de la limitation.
En l’espèce, le juge a considéré que Dailymotion ne pouvait pas ignoré que sa plateforme était
principalement utilisée pour diffuser du contenu protégé par des droits d’auteur, dans la
mesure où son succès reposait principalement sur la diffusion d’œuvres connues du public qui
permettait l’accroissement de l’audience et donc l’accroissement des recettes publicitaires. La
société ne peut donc, selon le juge, rejeter la responsabilité de la faute sur ses utilisateurs dans
la mesure s’est elle qui fournit les moyens pour la commettre. Le tribunal d’en conclure
que « lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même », la
limitation de responsabilité introduite par la LCEN ne trouve pas à s’appliquer.
Ces deux décisions, qui ont principalement pour but de trouver un responsable solvable de
l’atteinte au droit d’auteur semblent toutefois remettre en cause l’esprit même de la LCEN. En
effet, si la pratique du streaming d’œuvres protégées se trouve justement sanctionnée, les
véritables auteurs qui mettent en ligne le contenu ne sont recherché ni dans un cas ni dans
l’autre. La limite entre éditeur et hébergeur n’est plus claire. Si les véritables hébergeur en
pâtissent puisque pèse sur eux une véritable obligation de surveillance, les grands gagnants de
ces décision, les véritables auteurs du contenu illicite sont pourtant ceux qui semblent être les
plus fautifs...
Janvier 2008
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